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TORONT&yPlfffi-IC LiBRARY.
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PÔLY BI BLION
REVUE
BIBLIOGRAPHIQUE llNlVEliSELLE
Janvier l'JTi T. CXXIV. 1.
POLYBI BLION
REVUE
BlBIJOGHAPeilillK UNIVERSELLE
PARAISSANT TOUS LES MOIS
PARTIE LITTÉRAIRE
DEUXIÈME ïiÉRIE. — TOME SOIXAIMTE-QIIII^IXIÈME
(cent VlNGT-QUATKIK.Mh; Dli LA COLLECTION)
^-
PARIS (7^)
AUX BUREAUX DU P O LY B I B LI O N
S, RUE SAINT-SIMON, 5
1912
A-'fet^<=c,3
MAY 2 2 1922
POLTBIBLION
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSELLE
DERNIÈRES PUBLICATIONS ILLUSTREES
i. Le Tour du monde. Journal des voyages et des voyageurs. Année 1011. Paris, Ha-
chette, gr. in-4 de 636-xiv-430 p., avec de nombr. illustrations. Brorhé, 25 fr. :
relié, 32 fr. 50. — 2. La Belgique illustrée, par Dumont-Wiluf.n. Paris, Larousse,
8. d. (1912), gr. in-4 de iv-304 à 2 colonnes, illustré de 570 reprod. photogr., 22
cartes et plans en noir, 10 planches hors texte en noir, 6 cartes et 3 planches
hors texte en couleurs. Broché, 20 fr. ; relié, 26 (r. — 3. Tseu-Hi, impératrice
douairière (la Chine de 1835 à 1909, d'après les papiers d'État, les Mémoires
secrets, les Correspondances), par J.-O. Bland et E. Blackhouse. Paris, Hachette,
1912, in-8 illustré de 2 fac-similés en couleurs, 24 planches en ncir et d'un plan
de Péking. Broché, 15 fr. ; cartonné, 20 fr. — 4. Les Merveilles de la science.
Aerostation, aviation, par Max de Nansot;ty. Paris, Boivin, s. d. (1912), gr. in-8
de 759 p. à 2 colonnes, illustré de 582 grav. Broché, 15 fr.: cart. toile, fers spé-
ciaux, 17 fr. 50. — 5. Les Voleurs de foudre, par Paul d'Ivoi. Paris, Boivin, s.
d. (1912), gr. in-8 de 460 p., illustré par L. Bombled. Broché, 10 fr.: relié toile,
plaques spéciales en couleurs, tr. dorées, 12 fr. — 6. L^s Aviateurs des Andes, par
Marc Janin. Paris, Boivin, s. d. (1912), gr. in-8 de 284 p., illustré par Ray-
mond Tournon. Relié, plaque spéciale, tr. dorées, 8 fr. — 7. Jehan, le meneur de
loups, par Jean Floryde. Paris, Delagrave, s. d., gr. in-8 de 240 p., illustré
de M. Raynolt. Broché, 3 fr. 50; relié, 5 fr. — 8. Au pays des Chansons, par G.
MoNTORc-l'EiL. Paris, Boivin, s. d. (1912), album in-4 de 56 p., illustré d'aqua-
relles par .Ion. Relié toile, plaques en couleurs, tr. dorées, 9 fr. — 9. Les Veillées
des chaumières, journal bi-hebdomadaire illustré. 34° année. Paris, Henri Gau-
tier, 1910-1911, in-4 de 836 p., avec de nombr. grav. Broché, 6 fr. ; cart. toile,
7 fr. 50. — 10. La Poupée modèle. Revue des petites filles. 48" année. Paris, 3, rue
du Quatre-Septembre, gr. in-8 de 290 p., avec de nombr. grav. et planches.
Paris, 7 fr. ; Seine, 8 fr. ; départements, 9 fr. ; Union postale, 11 fr. — 11. Xes
JJ'-res roses pour la jeunesse, publiés par la librairie Larousse. 3'^ série de 24 vol.
in-12 de 60 à 64 p. (n" 49 à 72), illustrés d? nomlir. grav. Brochés, réunis dans
un élégant éfui, 3 fr. 90. — 12. Paris, par Philippe Dufour. Paris, Jouve, 1912,
in-8 de xv-184 p., avec 70 illustrations cVapris des eaux-forte-:, des dessins
et des croquis d^ Jean-Jules Dufour. Broché, 5 fr.
Encore douze publications illustrées, dont plusieurs sont de tous les
temps, et d'autres auxquelles nos lecteurs pourront se reporter à la
fin de la présente année, quand ils auront à arrêter leur choix en vue
des étrennes. Ces ouvrages, qui ont été sommairement annoncés
dans notre précédente livraison (p. 54®), nous sont arrivés trop tard
pour être compris dans le compte rendu général.
1. — C'est un vieil et cher ami que le Tour du monde ; jamais on
ne s'ennuie en sa compagnie, et c'est toujours avec un vif sentiment
de curiosité, avec une indicible satisfaction que l'on rouvre un de ses
volumes, alors même qu'on vient seulement de le quitter. Aussi quelle
joie est 'a nôtre, lorsque chaque année, au moment des ('trennes,
nous voyons arriver l'ensemble des livraisons parues au cours des
douze mois précédents ! Quelles bonnes heures nous passoTis à faire
connaissance avec ce nouvel ami !... Il s'est fait un peu attendre cette
— a —
annoo. o\ c'est pourquoi nous n'nvons pas ]iu 1p pivsontor de bonne
heure à nos lecteurs; mais le voici, enfin, avec une remarquable
collection de récits de voyasre dans les différentes parties du monde.
Kn Europe, ce sont des parties admirables de l'Autriche, le S.ilzkam-
merirut. les Alpes de Sal/bourc: et les llohe Tauern, }i!!is les côtes
orientales de la mer Adriatique entre Trieste et Corfou — des pays
peuplés de nationalités rivales — que décrivent MM. .T. Du Plessis
de Grénédan et B. de Jandin; en Asie, nous gravissons le mont
Ararat avec M. T.ouis Seylaz et nous nous arrêtons longuement
dans les parties orientales du continent, en Ri'manie avec le com-
mandant Pilate, en Annam avec M"<= Gabrielle M. ^^assal, le long
du chemin de fer du Yunnan avec le capitaine Am. Aymard, dont
nous connaissons déjà un bon livre sur les Touareg. Passons de là en
Océanie pour y voir, sous la conduite de M. René La Pruyère, ces
trois archipels de la Pohiiésie qui sont les *^amoa, les Iles sous le
Vent et les ^Tarquises : puis regagnons l'Furope par l'Amérique
où M. Emile Desc]iomps veut nous faire monter au sommet du
Tamalpaïs californien, où le comte Maurice de Périgny entend
faire aux lecteurs du Ton?- du monde les honneurs de quelques
villes mortes de l'Amériaue centrale, en particulier de ces ruines
de Nackun, qu'il a découA^ertes.... Géographie, ethnographie,
politique, archéoloerie, tout se trouve représenté dans ces récits vi-
vants, alertes, illustrés de superbes gravures; la colonisation contem-
poraine, avec ses procédés si humains, si intelligents, y apparaît
parfois, — beaucoup moins toutefois aue dans le .Tournai du corps
de débarquement de Casablanca à travers la Chaouia dont le capi-
taine Grasset est l'auteur, beaucoup moins surtout que dans le tra-
vail de M. Eouis Sonolet sur les progrès de l'Afriaue occidentale
française. Enfin, aux chasseurs donneront satisfaction les récits
d'excursions t de chasses en ^bvssinie à^ M. Georges Rémond... —
Quel regret pour nnns d'être obligés de nous en tenir à cette sèche
nomenclature, et de ne pouvoir faire ressortir les aualités particu-
lières de chaaue auteur, les mérites de telle ou telle relation, les
beautés de l'illustration ! Et voici q\^Q, non moins rapidement, il nou«
faut passer «ur « A travers le monde, » sur ses courtes notices, si
précises et si variées, si pleines de renseio-nements de tfuite nature,
véritable mine où peuvent puiser à pleines mains les géographes,
les professeurs, les touristes et les bibliographes. Une table des ma-
tières succincte, mai=^ suffisante, permet de trouver très vite, dans
ce supplément du Tour du monde, les indications que l'on y cherche;
elle fait d' » A travers le monde» un véritable instnmient de travail
non moins instructif et non moins attrayant que les récits nlus déve-
loppés dont nous avons débuté par dire quelques mots.
2. — Non moins que la France, do M. P. Joussct, dont il a été
question dans notre dernier numéro (p.484-4'^5), la Belgique illustrée^
de. M Dumont-Wilden, est un superbe livre d'étrennes. Que de gra-
vures, en effet, et dans le texte et hors texte, et de splendidea
gravures reproduisant les sites les plus pittoresques et les plus admi-
rables monuments de ce véritable musée, plein de contrastes et plein
de souvenirs du passé, qu'est le pays confinant au nord à notre
France ! Des rivages de la mer du Nord jusqu'à la Baraque Michel et à
la frontière allemande, la contrée ne cesse d'aller s'élevant, si bien
que l'on passe graduellement, insensiblement, des polders situés au-
dessous du niveau des hautes marées et défendus par des digues contre
l'invasion des flots jusqu'à une altitude de 400 mètres et plus en -
traversant des plaines basses, puis des pentes douces, des talus molle-
ment inclinés, des plateaux que coupent les fossés des rivières dispa-
raissant parfois dans les calcaires, et que couvrent ailleurs d'épaisses
forêts... Tous ces aspects si variés, M. Dumont-Wilden les a signalés
successivement dans son texte, de manière à expliquer la succes-
sion des illustrations qui l'accompagnent; mais.il a insisté avec plus
de complaisance encore, à très juste titre, sur l'homme. C'est plaisir
de le suivre dans ses développements sur la vie du mineur, sur les
dentellières, les botteresses, de pénétrer avec lui dans les béguinages, -
comme aussi d'évoquer avec lui les souvenirs du passé de la Belgique,
et d'étudier les reliques des temps qui ne sont plus... Deux chapitres
consacrés, l'un au Congo belge, l'autre au Grand-Duché de Luxem-
bourg, terminent ce beau volume dont les illustrations en noir sont
un véritable enchantement pour les yeux, dont les hors texte en cou-
leurs sont très réussis, dont les cartes sont parfaitement lisibles, et
qu'encadrent une brève Introduction de M. Emile Verhaeren et une
étude sur le rôle pacifiste de la Belgique, en qui M. Louis Frank voit
le « district fédéral du monde. »
3. ■ — C'est une bien curieuse figure que celle de cette impératrice
douairière Tseu-Hi qui, pendant plus de quarante années consécu-
tives et durant plusieurs règnes, fut le véritable souverain de la
Chine. Née en novembre 1835 dans une famille appartenant à un des
clans mandchoux les plus anciens, Ye-ho-na-la entra d'abord dès
le 11 juin 1852 dans la Ville interdite en qualité de concubine du 3^
degré, de « Kouei jen, « c'est-à-dire de « personne honorable », et
ne tarda pas à arriver au premier rang en donnant à l'empereur
Hien-Foung un héritier et en commençant à déployer les qualités
d'homme d'État dont elle eut si souvent à faire preuve par la
suite. Que d'événements d'une importance capitale pour l'histoire de
la Chine se sont succédé depuis le moment où Ye-ho-na-la a pu-
jouer un rôle et celui où, le 15 novembre .1908, est morte,- .comblée
d'honnenrs, la « vieille Bouddha '> qui avait reçu, dès 1861, de son
jeune fils, le nouveau nom de Tseu-Hi (maternelle et propice) ! La
révolte des Taï-Pins:, la campacme ansïlo-franraise de 1859-60 et la
fuite de la cour à Djéliol. puis les différentes interventions européennes
en Chine, les « Cent jours de réforme « et le coup d'Etat de 1898, la
révolte des Boxeurs et l'entrée du monde officiel chinois dans la
voie des réformes... Dans ce demi siècle de l'histoire du Céleste Empire,
Tseu-Hi a tenu sa part, et sa très large part, grâce à ses trois ré-
gences et à son influence prépondérante; l'administration, la politi-
que intérieure, la politique extérieure, cette femme remarquablement
intelligente, mais astucieuse, perfide et cruelle, a tout marqué de
son empreinte, si bien qu'on peut dire qu'elle a été, à travers plu-
sieurs règnes successifs, la véritable maîtresse de l'Empire. Par quels
moyens et à travers quelles vicissitudes, MM. J.-O. Bland et E.
Blackhouse l'ont parfaitement indiqué dans leur excellent ouvrage,
plein de renseignements précieux et de documents officiels, relatif à
Tseu-Hi, impératrice (înuairière de Chine. Rien de plus attrayant que
ce livre, bien plus curieux qu'un roman, rempli de~^ révélations
sur les mœurs de la cour de Pékin, les intrigues et les exactions des
eunuques, etc., et illustré de remarquables photographies repré-
sentant les principaux personnages du gouvernement chinois de. la
fin du xix^ siècle, ainsi que les plus beaux aspects de la Ville inter-
dite.
4. — Existe-t-il quelqu'un qui ne s'intéresse pas au double sujet
Aérosiation. Aviation! M. Max de Nansouty, digne continuateur de
Louis Figuier, nous présente, dans un magnifique volume sur les
Merveilles de la science^ l'histoire de la navigation aérienne depuis
l'origine jusqu'à la fin de 1910. Ce volume satisfera aniplemeiitle désir
de savoir qui, légitimement, s'empare du grand public. Tous les
sphériques, dirigeables, aéroplanes sont décrits avec un soin minu-
tieux et les voyages notables qu'ils ont accomplis sont signalés. L'au-
teur nous fait suivre, pas à pas, les progrès accomplis dans la '^onquête
de l'air. Mais son rôle ne se borne point là. Il ne se cont nte pas
d'être historien, il est, en plus, excellent vulg^arisateur de sciences. La
direction des ballons, la construction des aéroplanes, leur stabilisa-
tion, demande la solution des problèmes mécaniques les y lus ardus.
Par des explications précises, accompagnées de schémas 1res clairs,
M. de Nansouty nous fait simplement comprendre ce qui îi^té fait et
ce qu'il reste à faire. Son étude ne porte pas seulement sir la navi-
gation aérienne en France, mais bien dans l'univers entier, et, s'il
nous donne la première place, ce n'est pas par faux patriotisme, mais
parce que nous la mérilons. Son livre le prouve.
•'• — Dans ses Voleurs de foudre. M. Paul d'Ivoi nous -cause l'im-
pression d'un Jules Verne accommodé à la façon de Ponson du Ter-
rail. Un jeune homme, grâce à l'intervention de trois jeunes pickpoc-
kets appartenant au beau sexe, parvient à entrer en possession de
titres et papiers qui lui dévoilent sa qualité de prince — prince de
Valbéryl, — alors qu'il n'est pourvu que d'un simple prénom :
Charles. Parmi ces trois ijetites voleuses, ■ — singulières protectrices
tout de même pour un jeune homme bien élevé! — il en est une,
Régine, qui commande aux deux autres et que la suite des événe-
ments nous révèle comme la fille d'un sultan asiatique dont le
minuscule pays est convoité à la fois par le Siam et par les Anglais,
lequel sultan avait épousé une Française. Les premières scènes du
récit se passent au Havre où l'unique protecteur du prince qui s'ignore
meurt dans d^s conditions mystérieuses, frappé chez Uii par la fou-
dre, sans qu'un oras^e ait éclaté sur la ville.... La suite nous conduit,
nous jette, nous précipite à travers le monde, au Mexique, en Haïti,
dans une île déserte de l'Océanie, et nous ramène, après des aven-
tures toutes plus extraordinaires les unes que les autres, en France, à
Marseille et de là à Saint-Germain près Paris, où Charles, toujours
escorté de ses gardes du corps enjuponnés, d'un dévouement génial,
est reconnu, en dépit des oppositions enragées de la malfaisante
association de 'la Mafia et de son grand chef, comme prince de Val-
béryl et mis en possession d'une fortune colossale. Le prince et
Régine, devenue une jeune fille parfaite, — car au contact de son
ami Charles elle n'a pas tardé à comprendre combien était repréhen-
sible la « profession » aue dos misérables l'avaient contrainte à
excercer, — le prince et Régine, disons-nous, vont donc s'épouser,
quand d'autres événements, qui forment la deuxième partie du
livre, empêchent cette conclusion naturelle. Et, tout de suite, voilà
le lecteur, un peu essoufflé, obligé de courir après les héros et les...
héroïnes de M. d'Ivoi jusqu'en Chine, au Siam, en Cochinchine, où
se déroulent les péripéties d'un drame aussi palpitant, aussi inextri-
cable que le premier, mais qui — Dieu soit loué ! — se termine non
point par un, mais par deux mariages.
6. — Autre roman étonnant, renversant, abracadabrant : Les
Aviateurs des Andes. En un style aussi correct qu'imagé, M. Marc
Janin nous raconté l'histoire d'un brave homme de colonel qui, s'étant
engagé à donner sa fille au fils de son meilleur ami mort en Afrique,
n'arrive pas à savoir, en dépit de soixante lettres et de nombreux
télégrammes non parvenus à leur destinataire, si son gendre en
perspective, qui court le monde comme explorateur, entend épouser
ou s'il ne s'en soucie plus. Entre temps, un autre parti se présente.
Alors le colonel, pour être fixé, décide qu'il se mettra à la poursuite
du fiancé. C'est ainsi qu'accompagné du nouveau prétendant, du
— 10 —
frère et de la sœur de celui-ci, d'une dame de compagnie anglaise
et d'un domestique, ancien zouave, qui n'a pas froid aux yeux, il
quitte Paris et débarque en Amérique où, manquant sans cesse
l'explorateur fantôme qu'il veut atteindre, il devient, avec sa compa-
gnie, tantôt le héros, tantôt la victime d'une invraisemblable série
d'aventures extraordinaires où tous les moyens de locomotion et de
combat sont mis en action par les amis ou par les adversaires, tous
également braves et savants, mais les premiers aussi honnêtes que
les autres gens sont des scélérats, savoir : trains spéciaux, automo-
biles, bateaux, hydroplanes, sous-marin perfectionné, avion mer-
veilleux, torpilles, bombes de grande puissance destructive jetées
dans l'espace depuis l'avion, etc. Ce fantastique roman est bien fait
pour donner aux lecteurs ce que l'on appelle vulgairement « la
chair de poule. » Les amateurs du terrible, de l'ultra dramatique en
auront donc pour plus que leur argent. On vient de voir que le
volume de M. d'Tvoi se clôt par deux mariages; celui-ci se ferme sur
trois! L'un et l'autre, d'ailleurs, sont admirablement reliés et fort
bien illustrés. Et. s'il nous fallait déterminer une préférence, nous
l'accorderions sans hésiter à l'œuvre de M. Janin.
7. — Jehan ^ le meneur de loups, i)'est que le premier des contes et
légendes formant le recueil que, sous ce titT"e, M Jean Floryde vient
de publier pour la plus grande joie des enfants. Il est tout imprégné
du sentiment religieux. Le même esprit anime les Trois Rois de Co-
logne et le Voile de la Vierge. La Légende de Vépée est émouvante :
c'est celle de l'épée de Jeanne d'Arc. Les treize autres récits que l'on
trouve dans ce volume sont surtout des contes de fées, qui raviront
les lecteurs, petits et grands.
8. — Le plus beau des albums de l'année nous est arrivé comme
certain héros : après la bataille, c'est-à-dire postérieurement à la dis-
tribution des étrennes aux enfants. Mais ce qui est différé n'est pas
perdu; et, pour la fin de l'année qui vient de s'ouvrir, il importe dès
à présent d'attirer l'attention bien particulière des parents sur l'al-
bum intitulé : Au Pays des Chansons. Avec l'esprit qui le distingue,
"M. G. Montorgueil a composé un texte comique, richement et très artis-
tiquement illustré de splendides gravures en couleurs par Job. Un
beau jour, ^L Dumollot ayant quitté la ville de Saint-Malo, où il
demeure, pour accomplir un voyage indéterminé, veut se reposer dans
un bois qu'il traverse; le sommeil le saisit aussitôt. Alors il rêve qu'il,
parcourt " le pays des Chansons, » où il voit défiler tour à tour le
souverain dudit pays, le bon roi Dagobert, la mère Michel, qui a
épousé son vieil ennemi Lustucru et garde 'l'un des immeubles de
Cadet-Roussel, puis les Compagnons do la Marjolaino, M. de la Pa-
lisse, Toto Carabo, Jean de Nivelle fi nombre d'autres ejusdem farinae
— 11 —
qae nous ne pouvons nommer. Enfin, M. Diimollet achève brusque-
ment son voyasje, ou, «pour dire mieux, son rêve, par l'intervention
d'un voisin qui le tire d'un sommeil prolongé sur le sol où il n'a que
dos rhumatismes à gagner.
9. — Les Veillées des chaumières diffèrent de l'Ouvrier, que nous
avons prrspntô le mois dernier (t. CXXII, p. 500-501), surtout par la
date à laquelle commence l'abonnement : novembre au lieu de mai.
Les « ^"'ari^''t('S « nombreuses que l'on y trouve offrent aussi quelques
différences, tout en étant également instructives. Pour le surplus,
les Veillées des chaumières ont ceci de commun avec l'Ouvrier qu'elles
donnent, par tranches bi-hebdomadaires (le mercredi et le samedi),
une série de grands romans inédits, illustrés, choisis avec soin et très
intéressants. Le ?>'\^ volume de la collection, dernier paru, en ren-
ferme seize, dont voici les titres, avec les noms de leurs auteurs :
L'Affaire de Neuilh/, par M"^^ Marie Thiéry; Brin de jnimnsa, par
Mi"e la comtesse Clo; Le Château-Rose, par M"^^ M. Maryan; Le
Court- Circuit, par M™^ Jeanne de Coulomb; Les Débuts d'un juge
d'instruction, par M. La Bruyère; Feux-follets, par M. Henry Bister;
Les Fiancés de Scluvarzwald, par M. J. de Lacrouzille; Mariage blanc,
par M. Beudant: Le Mariasse de miniiit, par M^"^ B. de Buxy; Le
Miracle de la Dame-du-Pont, par M. J. Lacaze-Bastard; La Montée,
par M. pierre Besbre; La Patte blanche, par M. L. de Kérany: Le
Roman de Mimose, par M"^^ Florence O'Noll; Le Secret de sœur
Delphine, par M^^e pierre du Château; Sur le sable, par M"^^ Marie
Le Mière. et Yvette Leclerc, par M. Reçrnaud. Relié en toile rouge, ce
volume est aussi recommandable que cehii de l'Ouvrier.
10. — Être âgée de auarante-huit ans révolus et rester fraîche,
sémillante, pimpante, c'est le lot enviable de la Poupée modèle. Le
texte de ce gracieux périodiaue pour fillettes est choisi avec beaucoup
de soin. On v t'ouve en premier lieu des contes, nouvelles, histo-
riettes et com-^dies a"i raviront les petites lectrices. Parmi les vingt
titres que nous pourrions citer ,'^nous en noterons quatre seulement,
car nous devon" nous borner : Les Conquêtes de Mona, par M"^^
Ch. Péronnet: Histoire merveilleuse de deux petits garçons et d'une
petite fille qui ne savaient pas lire, par M. J. David; La Poupée de
Loulou, par M. R. Miguel; Le Five O'Clock, saynète à Quatre person-
nages, par M. J. Preneuse. A signaler aussi des devinettes avec leurs
solutions, des poésies, un peu de musique, des renseignements inti-
tulés sévèrement : Économie domestique, qui relèvent de la simple
friandise, cmelaues conseils (pas trop : les petits préfèrent autre
chose); enfin Hes explications de travaux et surtout des nombreuses
annexes consistant en patvons en papier et en étoffe, planches diverses
en couleurs dont plusieurs sont presque somptueuses. A propos de
I
— 12 —
ces planches de tontes sortes, une aimable rédactrice qui signe «Bonne
Amie >\ s'adressant à ses « chères petites abonnées », leur dit, entre
autres choses alléchantes : « D'habiles architectes ont dressé les plans
d'un château magnifique. Tous les artistes que nous avons trouvés
l'embellissent à qui mieux-mieux et vous allez avoir le'plaisir de rece-
voir tour à tour le mobilier de chacune des pièces de rette demeure
splendide : salon, salle à manger, chambre à coucher, toilette,
cuisine, et quel joli mobilier ! Une maison de fée. où je vous vois
rancreant vos armoires, garnissant vos vases de fleurs, maîtresses
de maison accomplies!... A cette construction si amusante, nous
joindrons encore de jolies robes dessinées sur étoffe et prêtes à être .
cousues, y lesquelles arriveront « pour Pâques fleuries, pour la fête
de la Sainte Vierge, pour Noël... » Puis, la même « Bonne Amie, »
rappelant un~concours de couture, entretient ses jiiignonnes lectrices
du succès obtenu : « Si vous aviez vu, s'écrie-t-elle, toutes ces gen-
tilles robes, ces jupons chauds, ces chemises si bien taillées et cousues,
vous seriez fières d'avoir pris part à cette rouvre de charité qui va
réjouir tant de pauvres mères. Dans ses visites de Nool, le Petit .Tésus
entendra bien souvent parler des petites abeilles de la Poupée
modèle et il sera '^ontent de vous .. « N'est-ce pas que voilà un pé-
riodique enfantin grandement recommandable?
11. — Il y a un peu phis d'un an f Polyhihlion de décembre 1910,
t. CXTX. p. 52.3), nous avons signalé les deux premières séries des
Livres ros^s pour la jeunesse, que publie la librairie T^arousse. Au-
jourd'hui nous donnerons une mention à la troisième série de cette
collection. D'abord deux sujets mythologiques amplement racontés :
Les Travaux d'Herenle et Persée, le vainqueur de la Gorgone. Puis
des histoires de bêtes : Frère Benard et Frère Lapin: Histoire d'une
tortue; ensuite des Contes de Flandres, des Contes de Russie et des
Contes dp Chine; enfin deux comédies: Jeannot Lapin et les Quatre
Prunes. Sur les vingt- quatre volumes de cette série, douze, c'est-à-
dire la moitié, sont précédés d'une revue du mois en images, avec un
texte rapide, qui porte son enseignement, et terminés par des « Ré-
créations, » avec gravures.' Tous sont illustrés à profusion, de très
agréable manière. Leur lecture ne distraiera pas les seuls enfants, pour
qui cependant ils ont été composés.
12. — Ce qui orécède était déjà imprimé lorsque nous est arrivé un
volum? de poésies uniquement consacrées à Paris. Cent cinquante-
deux sonnets sur la grande ville, ses monuments anciens et modernes,
ses rues et ses'coins les idus pittoresques, ses vieux hôtels, ses curio-
sités le^ plus rpmarquables on les moins connues, rortaines célébrités
qui ont vécu à Paris et pour Paris, entre autres : Corneille, Molière,
Racine. Boileau, La Fontaine, André Chénier, Danton, (on aurait pu
le négliger), Bonaparte, Lamartine Victor Hugo, Pasteur
— 13 —
iiomme simple, saviuil plus grand qu un enipeieur,
etc.. etc. : voilà ce que nous oit're M. Philippe Dulour, dans» ce re-
cueil dont le titre n'a qu'un mot, mais combien magique : Paris, et
qu'un véritable artiste, M. Jean- Jules Dufour, fils du poète, a illustré
de la façon la plus charmante, la plus prenante. Pour donner une
idée du trJent de M. Dufour (le père, le poète), nous allons repro-
duire le sonnet intitulé : Sur les quais :
Quais bénis, coin d'ombre el de solitude !...
Calme et, curieux, tout à son plaisir,
Le bibliophile y fouille a loisir
La boite a bouquins, douce à l'habitude.
11 leuilletie, lit, s'attarde à choisir,
Suppute avec joie et sollicitude
L'âge, le renom, la vicissitude
Du volume où s'est posé son désir.
Somptueux encore ou presque minable,
Mauuce, elzévir, princeps, incunable,
Tous le font rêver, hors du temps présent.
Déjà, dans le soir, la Seine se cuivre
Qu'il est toujours là, lisant, relisant :
L'âme et l'œil perdus au [ond d'un vieux livre.
A i'intention des lecteurs du Polybiblion était-il possible de mieux
choisir? — MM. Edmond Haraucourt et Charles Géniaux ont écrit
pour GQjParis peu banal deux élogieuses préfaces qu'il mérite bien.
Quant au second M. Dufour (l'artiste, le fils), disons tout simplement
que ses vingt gravures hors texte, ses dix frontispices et ses quarante
culs-de-lampes nous ont ravis. Tous ceux qui aiment la capitale
française ne manqueront pas de caser en bonne place ce délicieux hvre
dans leur bibliothèque. Visenot.
ROMANS, CONTES ET NOUVELLES
Romans divers. — 1. Isabelle, par André Gide. Paris, Rivière, 1911, in-l8 de 182
p., 3 fr. .50. — 2. La Mare aux gosses, par Jacques des Gâchons. Paris, Fonte-
moing, 191 J, in-12 de 334 p., illustré par Géo Dupuis, André des Gâchons, Hellé,
ûrazi et P.-A. Vibert, 3 fr. 50. — 3. Hugues Capet, par Antoine Baumann. Paris
Perrin, 1912, in-16 de xi-268 p., 3 fr. 50. — 4. L'Homme qui a perdu son moi, par
André Beaunier. Paris, Plon-Nourrit, s. d., in-16 de v-324 p., 3 fr. 50. — 5.
La Bague d'opale, par René de Sainï-Chéron. Paris, Plon-Nourrit, s. d., in-16 de
327 p., 3 fr. 50. — 6. Duels, par Louis Goiffon. Paris, Falque, 1911, in-12 de
xn-294 p., 3 fr. 50. — 7. Les Insoupçonnés, par Henry de Forges. Paris,, Da-
ragon, s. d., in-18 de 152 p., 2 fr. 50. — 8. Une Fille de rien, par Jules Leroux;
Paris, Figuière, 1911, in-16 de 216 p., 3 fr. 50. — 9. La Route de l'Est, par Alexis
Gallies. Paris, Figui^'re, 1911, in-16 de 208 p., 3 fr. 50. — 10. Le JPapillon noir,
par Antoine de Lévis-Mirepoix. Paris, Lemerre, 1911, in-18 de 276 p., 3 fr. 50.
— 11. Nella^ jolie fille, par Roger Lalli. Paris, Figuière, 1911, in-18 de 148 p.,
3 fr. 50. — 12. Les Pauvres d'amour, par Albert Tournaire. Paris, Jouve, 1911,
in-18 de 359 p., 3 fr. — 13. L'Amour dans les ruines, par Max Deauville. Paris,
Librairie générale des sciences, arts et lettres, s. d., in-16 de 185 p., 3 fr. 50. — ■
14. Idées fatales, par Emile Dousset. Paris, Figuière, 1911, in-18 de 203 p.,
— 14 —
3 fr. ôO. — 15. I.rs l m pass^ibles Amours, par P. Yignk n'Or.iroN. Pai'is, Jouve,
1912, in-H> de -(il ])., 3 fr. 50. — lii. La Mère et. rcnjant, i)ur r.iiAP.i.r.s-L'Uus
Philippe. Paris,. Rivire, s. d., in-18 de 142 p., 3 fr. 50. — 17. l.a RrUtHn, (lar
Pavl Hr.vzr.. Paris, llirsch, 1911, in-IS de 334 p., 3 fr. 50. — 18. Tiùur, par
Hubert PiEugriN. Paris, Pion-Nmirril, s. d., in-16 de \i-293 p., 3 fr. 50. —
19. La Rencontre dajis le carrefour, par Pieuhe-Jean Jouve. Paris, Figuiore, 1911,
in-18 de 187 p., 3 tj. 50. — 20. Le Nouveau Docteur, par Jules Phàvieux. Paris.
Ploii-Nourrit, s. d., in-16 de 289 p., 3 fr. 50. — 21. Le Couple. Essai d'entente,
par AuuEL. Paris, Kisïuière, s. d., in-16 de 350 p., 3 fr. 50. — 22. Mimi-Munctle,
par Flambaut pes Bouds. Paris, l'icker, 1911, in-16 de v-275 p., 3 fr. 5C. — 23.
VObsession ( Moi et l'autre), par Jules Clauetie. Paris, Lat'iUe, s. d,, ia-16 de
11-386 p., avec 'j^rav., 3 fr. 50.
Romans de femmes. — 24. La Dame à l'oreille de velours, par Marie-Anne de
BovET. Paris, Lnmerre, 1911, in-18 de 223 p., 3 fr. 50. — 25. De l'un à. l'autre
amour, par Noëlle Roger. Paris, Perrin, 1912, in-16 de 339 p., 3 fr. 50. —
26. L'Aube, par IIenui Ardel. Paris, Plon-Nourrit, s. d., in-16 de 335 p., 3 fr. 50.
— 27. La Première Blessure, par Mauguetute Le.ieune. Paris, Figuière, 1911,
in-18 de 226 p., 3 fr. 50". — 28. La Double Montée, par Berthem-Bontroux. Paris,
Beauchesne, 1911, in-16 de 330 p., 3 fr. 50.- — 29. Le Seul Amour, par Louis
Lefebvre. Paris, Calmann-Lévy, s. d., in-18 de 293 p., 3 fr. 50. — 30. Le Des-
tin nous conduit, par Lucie Gautiiey. Paris, Plon-Nourrit, s. d., in-16 de 276 p.,
3 fr. 50.
Romans étrangers. — 31. Figures du pays, par Hubert Krains. Bruxelles, De-
chenne, 1908, in-16 de 277 p., 3 fr. 50. — .32. L' Ardennaise, par Henri Davi-
GNON. Paris, Pion- Nourrit, s. d., in-16 de 288 p., 3 fr. 50. — 33. Frissons de
vie, par Georges Rencv. Paris, Librairie générale des sciences, arts et lettres,
s. d., in-12 de 2G9 p., 3 fr. 50. — 34. Haute Plaine, par Hubert Stiernet.
Bruxelles, Dechenne, s. d., in-16 de 257 p., 3 fr. 50. — 35. Sir George Trcssadij,
par Mrs. Humphry Ward; trad. de l'anglais par J. de Mestral Combrkmont.
Paris, Perrin, 1912, in-16 de 324 p., 3 fr. 50. — 36. Brugglesmith, par Rudyard
Kipling; trad. de l'anglais par Albert Savine et Georges Michel. Paris, Stock,
1911, in-18 de 307 p., 3 fr. 50. — 37. Terres de silence, par Edward Wuite ;
trad. de l'anglais par J.-G. Delamain. Paris, Stock, 1911, in-18 de 281 p.,
3 fr. 50. — 38. Barnabe Rudge, par Charles Dickens; trad. de l'anglais sous
la direction de P, Louain, par M. Bonnomet. Paris, Hachette, 1911. 2 vol.
in-16 de iii-391 et 38ô p., 2 fr. — 39. La Solitaire, par Mrs. Henry de la Pas-
ture; trad. de l'anglais par Heinecke. Paris, Hacliette, s. d., in-16 de 305 p ,
3 fr. 50. — 40. Le Fou en liberté, par J. Storer Glouston; adapté de l'anglais
par Achille Laurent et L. Martin-Dupont. Paris, Laf'itte, s. d., in-16 de
342 p., 3 fr. 50. — 41. L'Ile au poison, par A. T. Quille r-Gouch; adapté de
l'angiais par Jacques des Gâchons. Paris, Lafitte, s. d., in-16 de 366 p.,
3 fr. 50. — 42. Le Napoléon, par Alfred Bock.; trad. de l'allemand par Ray-
mond Darsiles. Paris, « Les Cahiers du Centre », 1911, in-16 de 103 p., 2 fr. 50.
— 43. Village de femmes, par Clara Viebig; trad. de l'allemand par Agnès
Lebeau. Paris, Gornély, s. d., gr. in-8 de 151 p., 0 fr. 95. — 44. Œuvres com-
plètes du comte Léon Tolstoï. T.XXXVIl. Résurrection, 2^ et 3^ parties;
trad. durasse par J.-W. Bienstock. Paris, Stock, 1911, in-18 de 516 p., 2 fr. 50.
— 45. Pages choisies de Maria Koponicka. Prométhée et Sisyphe, etc.; trad. du
polonais par H. ('. Paris, Lethielleux, s. d., in-12 de xvi-189 p., 1 fr.
Romans divers. — 1. — Quel malheur que la fable à' Isabelle soit
si faible, et compose en somme un fond si peu attachant ! Les acces-
soires en sont parfaits. C'est un vieux domaine de province, où deux
couples achèvent leur vie : les Saint- Auréol et les Floche. Les Saint-
Auréol, prolongement pittoresque et vieillot de noblesse ancienne;
les Floche, reliés au monde d^ U science de Paris à cause des recherches
— .15 —
d'archives que mena Floche, mais depuis longtemps^engourdis par la
province, qu'ils ne quittent pas. Une gouvernante, M ^''^ Olympe Ver-
dun, complète ce tableau de vieilles gens cocasses et bons, au milieu
desquels tombe tout à coup un jeune Parisien, attiré par des recherches
aux archives du château. :\1. André Gide a peint l'elTet produit sur
lui au moyen des traits les plus agréables, les plus littérairement distin-
gués. Dans ce milieu grandit un orphelin, Casimir de Saint- Auréol,
infirme et médiocrement soigné, figure touchante, que rend plus tou-
chante encore l'amitié dont il s'éprend pour le Parisien. Tout cela
est excellent ; le reste est moins bien inventé. Isabelle, fille des Saint-
Auréol, est la mère coupable de cet enfant. Elle mène hors du pays
une vie de galanterie, interrompue de visites qu'elle fait pour deman-
der de l'argent. C'est une mystérieuse histoire, que le Parisien ne
démêle qu'avec peine et par le secours d'une lettre trouvée, qui ne
va pas sans invraisemblance. L'auteur a-t-il craint de nous refaire,
après tant d'autres, l'histoire sentimentale de la pécheresse attendris-
sante ? 11 a privé soigneusement la sienne de cet attrait. Réaction de
volonté chez un protestant? Je le crois. M. André Gide est de la reli-
gion réformée, mais aon à la façon béate et naive de quelques autres de
M. Lichtenberger par exemple. Toute une partie de sa culture échappe
à cette tare d'origine. Tout ce que j'ai loué dans Isabelle est du meil-
leur fonds français; aussi puis- je bien imaginer qu'il a conçu du re-
ment son personnage de fille coupable, exprès, et en contradiction
avec ce que la sentimentalité huguenote eût dicté à d'autres. Un
écrivain de notre éducation eût peut-être eu moins peur de cela. Car
rien n'empêche dans la réalité que ce caractère soit touchant, et celui qui
n'a pas en soi de pente à l'exagérer aurait pu l'essayer dans cette cir-
constance. Donc, Isabelle enfin, connue tout entière, est méprisée. Le
Parisien dit adieu au rêve qu'il avait fait à son sujet. Et il faut, nous,
que nous disions adieu à tout ce que la peinture de ce milieu de vieilles
gens et de choses anciennes nous avait préparés à goûter d'émotions.
L'épisode de Casimir même ne mène à rien; et c'est de quoi le lecteur
a peine à se consoler. Ce qui paraît le plus manqué en cette affaire,
c'est le personnage de l'abbé précepteur : à la fois dur et irréel. On
ne l'imagine bien, ni dans son intérieur, ni dans ses gestes, ni même
dans la part qu'il prend aux événements. Il faudrait citer vingt dé-
tails. Voici une citation trop unique et trop brève, qui donnera une
idée du charme de ce livre : « Tandis que M"^^ de Saint- Auréol nous
invitait à la revanche, le premier jacquet finissait; parfois alors,
M. Floche prenait la place de son beau- frère; ni M. Floche, ni l'abbé
n'annonçaient les coups; on n'entendait de leur côté que le roulement
des dés dans le cornet et sur la table; M. de Saint Auréol dans la
bergère monologuait ou chantonnait à demi-voL\, et parfois tout à
- 16 -
coup flanquait un énorme coup de pincette en travers du feu, si
impertinemmeut qu'il en éclaboussait au loin la braise; M"*^ Olympe
accourait précipitamment et exécutait sur le" tapis ce que M'"*-' de
Saint- Auréol appelait élégamment la danse des étincelles. Le plus
souvent, M. Flociie laissait le baron aux prises avec Tabbé et ne
quittait pas son fauteuil; de ma place je pouvais le voir, non point
dormant, comme il disait, mais hochant la tête dans l'ombre; et, le
premier soir, un sursaut de flamme ayant éclairé brusquement son
visage, je pus distinguer qu'il pleurait. ;>
2. — La Mare aux gosses donne son titre au livre de M. Jacques
des Gâchons : ce n'en est pourtant pas le meilleur conte. 11 a de l'amer-
tume, dans un genre qui fut à la mode il y a quinze ans, et qui semble
aujourd'hui bien passé. Le Miracle d'après-demain est du genre fan-
tastique ; la Récolte du pétrole est mêlée de fantastique et de réalité.
Le détail de tout cela est plein de mérite, et le lecteur voit passer
en des coins de tableaux et en de courtes réflexions toute la monnaie
d'un talent vif et charmant; cependant j'avouerai que rien ne m'a
plu dans ce recueil comme les contes dont le sujet, existant à peine,
laisse tout à faire au style et à l'exécution : les JDeux Myopes^ par
exemple, où un ministre en voyage, ayant perdu son lorgnon, ne
parvient à lire son discours qu'au moyen d'un lorgnon prêté par un
instituteur stagiaire. Le maître d'école, de passage à Paris, va rede-
mander le lorgnon, et le ministre le fait son attaché. On ne peut,
imaginer l'esprit, la vivacité, le naturel, avec lequel cela nous est
conté. Les Oies, la Garçonnière, témoignent d'une imagination pitto-
resque, à la fois comique et délicieuse. Sous un chapeau de glycine
n'est qu'un papotage de deux ou trois femmes chez le pâtissier; rien
cependant n'est si divertissant. Impossible de tirer d'une aventure
commune, de ce qui n'est pas même une aventure, plus d'imprévu et
même de fantastique, que l'auteur ne fait dans le conte de la Car-
casse. Ajoutez, sauf dans les plus longs de ces contes, une bonne hu-
meur tout à fait reposante. Je ne sais s'il y a beaucoup de livres
capables de procurer, avec moins d'effort, le délassement des gens de
goût.
3. — Le roman de Hugues Capet offre un curieux caractère, unique,
je crois, jusqu'ici : c'est la mise en parti d'imagination, des enseigne-
ments, du ton, quelquefois du style même de Fustel de Cou-
langes. Cette utilisation de l'histoire et d'un historien est dans l'ordre.
Elle a eu lieu de tout temps. Mais p(mr qu'elle fût réalisée à l'égard
d'un maître si grave, dont le gros des lettrés même ne fréquente guère
les œuvres, il fallait cette rencontre d'un auteur de romans attaché
d'ailleurs à l'histoire, et s'y adonnant, chose remarquable, dans une
intention de philosophie. M. Antoine Baumann est positiviste. Il a
— 17 —
lu Fustel, l'esprit plein des idées de Comte sur le développement de
l'humanité; il l'a lu avec tout le goût que des idées générales don-
nent pour des faits si méthodiquement exposés, avec tout le profit
qu'elles aident àentirer.M.Baumann est membre de l'Action française,
un de ses amis de la première heure, et converti par elle à la monar-
chie. En écrivant ce roman, il a voulu servir la cause du rétablissement
de celle-ci. H y a donc partout de la politique. Le livre se termine à
l'élection de Hugues comme roi de France. Tous les événements qui
le composent sont représentés en marche vers cet événement. La
guerre contre les Germains, les intrigues de l'Empire, celles de Charles
de Lorraine, la mort de Lothaire, puis de Louis V, la connivence des
comtes, l'iritiative d'Adalbéron en font comme les étapes, mises sous
nos yeux avec toute la vraisemblance qu'un lecteur attentif et un
conteur habile peut extraire d'un historien. Les personnages sont
très attachants. La faiblesse et les défiances du Roi, la jalousie de la
reine Emma, l'ambition sainte de Gerbert, l'esprit public d'Adal-
béron composent autant de tableaux moraux, qui mettent
partout la substance et la vie. Je ne reprendrais quelque chose
qu'au tour même des dialogues, trop moderne, trop plein des échos
de nos propres discours familiers, pour ne pas détonner quelquefois.
Aussi bien, était-ce chose évitable, de la façon que l'auteur le
prend? Je ne crois pas. Le roman met en scène des mœurs ; les
mœurs sont du style familier, et ce style ne peut que ramener
dans l'esprit la triviale image des propos courants. Le seul
remède à cela eût été, je crois, d'éviter le discours direct et de le rem-
placer partout par l'indirect. Car on ne s'étonne pas de trouver le
style ordinaire dans le narrateur : c'est seulement quand les person-
nages parlent qu'il choque. Et qu'on ne dise pas que le système est
impossible. L'un des plus agréables, des plus vifs, des plus légers ou-
vrages de la langue française, les Mémoires du chevalier de Gram-
mont, est ainsi composé. Sauf ce défaut intermittent, le livre plaît
dans toutes ses parties. J'en dirai le plus grand charme pour de cer-
tains esprits : c'est d'y trouver non pas les odieuses peintures de
ma^urs barbares dont l'école romantique a rempli ces époques, mais
celles que la lecture des anciens textes découvre, d'une civilisation
rompue et dégradée, sensible encore dans ses débris. Dans ce qu'elles
ont de plus matérielles, ces peintures nous entretiennent de la der-
nière empreinte laissée par le monde romain ; dans ce qu'elles ont de
moral, de la noble direction imprimée par l'Église aux hommes de ce
temps-là. A cet égard, le mariage de Louis V et de la duchesse de
Gothie, l'office tenu par Adalbéron dans l'antique cathédrale de Reims
sont des tableaux tout à fait nobles et touchants. En fait de scènes
de cour, on goûtera beaucoup celle de l'entrevue de l'empereur Othon
Janvier 1912. T. GXXIV. 2.
— 18 —
et d'Hugues Capet à Rome. La pompe bornée, mais haute, du céré-
monial, les passions vives, mais surveillées, une certaine brusquerie
dans le geste, tempérée par toute une grandeur environnante, apportent
une impression très nette de la rudesse et de l'atrocité germaine, pliée
à l'essentiel des devoirs du vieux monde. Dans la guerre, l'auteur a
renouvelé discrètement le charme des combats singuliers dont abon-
dent nos vieux poèmes. Sous les murs de Paris, un géant de Ger-
manie est défié et tué par un preux chevalier, que son habit fait dès
lors, en souvenir de cet exploit, décorer du nom de Grise Gonnelle. 11
y a aussi des souvenirs littéraires ; un poème latin du siège de Paris,
d'Abbon, lu au fils d'Hugues, Robert, par Gerbcrt, chargé de former ce
jeune prince aux lettres, en même temps qu'à la fierté de sa race.
M. Baumann en tire une description de Paris, qui fait un effet déb-
cieux.
4. — M. André Beaunier nous donne sous ce nom : L'Homme qui a
perdu son moi, une édition nouvelle de la fameuse contradiction qu'il
v a entre la pensée et la vie. Un inventeur, Bedée, est sommé par son
maître, vieux chimiste, fidèle intransigeant de la science, de s'absor-
ber dans son invention, de vivre pour ses recherches et d'oublier le
monde. En contradiction avec cette sommation, l'auteur met en ligne
troischoses : les sollicitations dans l'amour, dans la jeune épouse de l'in-
venteur; les appels de la foi religieuse dans sa mère ; enfin l'exemple
que la jeune femme, entraînée par unmédecin,donned'utiliserla science
pour la guérison, partant de subordonner la pensée à la vie. Bedée a
inventé le sirium-, M"^^ Bedée ouvre un hôpital où le sirium sert à-
traiter le^ malades. Tout cela, la vie, la foi, l'utilité, nous est montré
comme contraire à la science, à la science pure, comme propre à la
chasser d'une vie d'homme, comme nécessairement exclu, si cet
homme veut se donner à la science. Pourquoi? J'avoue que je n'ai
pas compris. En termes très ardents et sincères, l'auteur nous repré-
sente cette pensée dans Renan et chez feu Gaston Paris, comme ayant
fortement agi sur lui et sur les hommes de sa génération. Je crois que
j'en suis : cependant ce sens me manque. Comment le goût et la pas-
sion du vrai imposerait^! le mépris de l'utile? Est-ce que l'un n'est
pas l'attribut de l'autre? Et quant au cœur, il est tout à fait impro-
bable que, chez un homme d'ailleurs normal, l'amour de la science
soit de nature à l'accaparer tout entier. Reste la foi. Ceci se conçoit
mieux. La science a sur ce point ses tentations; pas tout à fait cepen-
dant comme les entend M. Beannier, pas à cause d'une opposition du
préjugé, de l'habitude du train de la vie avec la raison pure. Non.
Si j'avais à définir ces tentations, je dirais plutôt qu'elles tiennent
à un dégoût inspiré par les vérifications discursives, pour tout ce qui
procède des illuminations intérieures. En sorte que le remède aux
— 19 —
tentations de la science doit être la lecture proportionnée des écri-
vains spirituels. Si tant de gens ont failli dans ce chemin (je ne parle
que des tentations de l'esprit), c'est pour n'avoir su mettre en balance
des livres qui les enivraient de matière profane, que les mœurs et la
dévotion. En fait d'application intellectuelle même, l'équilibre exige
d'être gardé. Le devoir des jeunes catholiques qui lisent est de lire,
H proposition des auteurs profanes, les Pères et les Saints Livres, les
mystiques, les sermonnaires. J'ai peur que M. Beaunier se fasse une
fausse idée de l'état philosophique parfait. Il le conçoit comme un
évanouissement de la personnalité dans l'idée pure. Il en prend pour
exemple Spinoza. Mauvais choix. Il n'y a pas un philosophe sérieux
pour adopter le panthéisme mathématique de, Spinoza; et, si l'on cher-
che ailleurs, est-ce que Descartes, est-ce que Leibniz, est-ce que Male-
branche, est-ce que Platon ou Aristote, est-ce que Kant même, con-
duisent à cet anéantissement? Si je pouvais me permettre d'indiquer
des lectures à M. André Beaunier, je le renverrais, dans les Nouveaux
Essais^ au chapitre de la Puissance et de la Liberté (liv. Il, chap. XXI),
comme è un modèle de ce que peut la pensée pure pour éclairer
le concret, l'ordonner, le rendre propre à la vie même. Le roman finit
par un meurtre. Le vieil alchimiste empoisonne Bedée au moyen
d'une injection, pour empêcher qu'il ne soit plus longtemps infidèle à
la science, et se tue lui-même après.
5. — II y a beaucoup de couleur, et sur un mode varié, dans le re-
cueil auquel M. René de Saint-Chéron avait voulu qu'on donnât ce
nom : La Bague d'opale. Ce sont des contes de tous les âges et de
toutes les civilisations, formant autant de nouvelles distinctes. Récits
historiques, légendes de saints, mythes populaires, Rome, la Grèce,
Venise, l'Inde, Byzance, le moyen âge français, les Arabes d'Espagne,
composent une série aussi attachante par les sentiments que par les
mœurs. Le style, orné sans surcharge, est tout à fait propre à la matière
et la rend parfaitement agréable.
6. — M. Louis Goiffon nous peint, dans une suite de nouvelles, les
drames de la vie intérieure. A cause de cela, il appelle son recueil :
Duels. Ces duels sont pour nous les résultats des sentiments fomentés
par M. Paul Bourget dans s :;n fameux livre du Disciple, et l'auteur
lui en fait hommage.
7. — il n'y a dans les Insoupçonnés que les titres qui soient vrai-
ment piquants : Li Marchand d3 marottes, le Raccommodeur de ten-
dresses, l'Archiviste de sentiments. On peut dire que l'auteur a eu les
idéas, mais la réalisation est vulgaire. Elle l'est par l'invention
de détail et par le style. C'est dommage : on a sans cesse l'impression
de quelque chose qui devrait divertir, et qui ennuie.
8. — Une Fille de rien, c'est-à-dire une fille de campagne, mène
à la ville la vie galante. L'auteur, M. Jules Leroux, nous donne là-
dessus nombre de détails peu convenables à la décence. L'intention
en gros est morale ; mais le pardon du mari qui termine l'histoire
montre que'le souci des sanctions n'est pas le fort de cette morale-là.
Il y a bien du talent littéraire dans ce livre.
9. — La Route de l'Est, c'est le chemin de la Revanche. Seuls persis-
tent à la tenir les officiers fidèles au caractère traditionnel de l'armée.
En face de ce caractère, M. Alexis Callies nous montre celui de l'offi-
cier, tel qu'on a essayé de le faire depuis l'affaire Dreyfus, pédagogue,
humanitaire et pacifiste. Tout, dans ce roman, est à l'honneur du
premier. C'est une bonne action en même temps qu'un beau hvre.
10. — Un roman conjugal, troublé par des passions que la rage de
s'analyser sans fin attise, dénoué pour finir dans la médiocrité, tel
est le Papillon noir, pensé avec distinction, écrit d'un style trop tendre,
trop exaspéré, trop plein d'effets. L'auteur, le comte Antoine de Lévis-
Mirepoix, causerait des émotions plus vives, s'il s'exprimait plus sim-
plement et craignait moins la banalité.
11. — Des tableaux, tracés avec verve, du monde des petits théâtres
et de la jeune littérature composent le roman de Nella, jolie fille, de
M. Roger Lalli. 11 faut avouer que le sel y manque parfois, quoiqu'il
y ait partout de la vivacité. Un des personnages crie, nous dit l'au-
teur : Vive le Boy ! Peut-on demander à M. Lalli comment ce person-
nage a pu crier Y y?
12. — L'amour, que M. A. Tournaire nous peint en défaut dans
les Pauvres d'amour, est de diverses sortes, et compose différents cha-
pitres. L'amitié et les amours qui naissent de la famille y ont leur
place. L'épisode le plus dramatique est celui d'une étudiante, que la
déception d'amour fait tomber à la galanterie de métier. Il y a de la
pesanteur parfois, mais beaucoup d'invention et d'intérêt.
13. — L'Amour dans les ruines est celui qui prend son refuge dans
les ruines de l'existence. Ce refuge de l'amour fait le dénouement du
livre de M. Max Deauville, après que nous ont été dépeintes les avances
d'un autre amour, qui semblait propre à faire refleurir la vie. Le
roman est par lettres, et contient nombre de pages d'une fine analyse
morale.
14. — Idées fatales : histoire d'une désillusion double, celle des
idées humanitaires et de régénération sociale; celle d'un amour, dont
l'auteur, M. Emile Dousset, nous donne l'intéressante histoire. Il y a
beaucoup de vérité dans ce récit et un heureux ménagement de nuan-
ces.
15. — M. Vigne d'Octon fut député et est retourné à la littéra-
ture. Sous ce nom : Les Impossibles Amours, il nous donne des ta-
bleaux d'Afrique, dont le plus intéressant offre le spectacle des
— 21 —
obstacles opposés par la race et la religion à l'attrait de l'amour naï-
vement ressenti. Il y a dans ce livre l'agrément anecdotique de tout
ce qui touche à ces contrées.
16. — Voici un autre ouvrage posthume de Charles-Louis Philippe,
plein de choses fortes et touchantes, au milieu de cette littérature
légèrement emphatique et conventionnelle, qui tenait à l'effort même
que l'auteur faisait pour sortir de la convention. La Mère et l'enfant
est une espèce d'autobiographie, ou de souvenirs d'enfance généra-
lisés. Ceux qui voudront connaître l'évolution ressentie dans les cercles
les plus avancés, vers une restauration de l'ordre et de la hiérarchie
dans tous les genres, ne pourront omettre cet ouvrage-là.
17. — Un recueil de quelques nouvelles, dont la Relique est la
plus importante, plaira par l'invention féconde des aventures et
l'éclat agréable des peintures. La Relique est l'histoire d'un moine
d'un couvent de l'île de Murano, près de Venise. L'auteur, M. Paul
Heuzé, s'est rappelé en cette rencontre tous les meilleurs modèles du
genre.
18. — L'histoire de la conquête de Palmyre sur Zénobie par
Aurélien fait le principal sujet du livre auquel M. Hubert Pierquin a
donné le nom de Tibur, en souvenir des auteurs anciens. Il en est digne
par la grâce facile du récit et la beauté de la couleur locale.
19. — Une aventure galante, dénouée par une rupture, c'est le
sujet de la Rencontre dans le carrefour. Titre malheureux, en ce qu'il
risque d'aggraver la présentation d'un tel sujet. J'ajoute que l'au-
teur, M. pierre-Jean Jouve, ne s'y est fait faute d'aucun des détails
que les auteurs décents négligent. Ce genre d'attrait semble destiné
à faire le plus clair des mérites du livre.
20 . — Scènes de province, innocentes, mais molles, tel est le Nouveau
Docteur de M. Jules Pravieux. Dans le tableau général des petites
mœurs bourgeoises, se déroule l'affabulation d'un amour honnête
et couronné.
21. — Le Couple. Entendez ce sujet dans le sens le plus offensant
du mot. Le roman appartient au genre psychophysiologique préten-
tieux, et, comme l'union conjugale er fait le thème, on peut imaginer
le détail. L'indignation se mêle à l'ennui. « Je suis sauvée de l'amour,
donc je suis. » C'est la conclusion. 11 faut aimer et dépasser l'amour :
c'est l'affranchissement pour une femme. Bene, optime, M. Aurel.
22. — Mimi-Musette est le récit d'une liaison galante, que le jeune
homme qui la pratique voudrait terminer par un mariage. Mais l'é-
pouse prétendue refuse, alléguant sa stérilité; la naissance d'un
enfant paraissant à tous deux la condition du relèvement. L'auteur,
M. Flambart des Bords, prétend ainsi moraliser. J'ai peur que son
action soit mince. Le style est long et raisonneur, à la mode de
— 22 —
1830, parfois chargé de tours prétentieux et bizarres. Les sentiments
tiennent fâcheusement du mélodrame sentimental.
23. — M. Jules Claretie a lu dan? les pathologistes que la vie de
certaines personnes se dédoublait, qu'un instant de sommeil leur
faisait oublier leur vie passée et en commencer une nouvelle, laquelle
de nouveau retombait à l'oubli par un nouvel accès de sommeil.
Alors, les souvenirs effacés renaissaient, la première vie renouée ee
poursuivait, jusqu'à ce que, de nouveau effacée, elle fût remplacée
par la seconde, et ainsi de suite. M. Claretie a fait un roman là-dessus :
U Obsession. Tous les gens qui ont quelque idée des lettres jugeront
une telle idée absurde. Si quelque chose répugne à la peinture des
mœurs, au dramatique, à l'intérêt que le lecteur attend d'un récit,
c'est en effet le cas pathologique. M. Claretie n'a vu là-dedans qu'une
manière d'être moderne. Pourtant cela n'est déjà plus neuf depuis
longtemps. Mais les gens que le moderne préoccupe ne sont pas exi-
geants sur la nouveauté, et les choses qui les ont étonnés une fois ne
perdent jamais le prestige du neuf pour eux. M. Claretie est un vieux
primaire. De plus, il écrit comme un feuilletoniste. Rien n'est donc
si froid que ce livre, si ennuyeux, si plat. Détail fameux : il y a une
chose que le sujet pathologique de M. Claretie n'oublie pas, c'est son
nom. Dans sa première vie comme dans la seconde, il s'appelle André
Fortes. Il le sait; et cela est bien plus commode pour établir les qui-
proquos.
Romans de femmes. — 24. — Voici, de M'"*^ Marie- Anne de Rovet,
un recueil de nouvelles. La Dame à l'oreille de velours est .inspirée
de Conan Doyle. C'est l'histoire de la vengeance d'un prince hindou
exercée d'une manière mystérieuse et terrible. Par l'effet d'un fabu-
leux pouvoir,le baiser de cérémonie, déposé sur la bouche d'un gentil-
homme anglais et sur l'oreille de sa fiancée, entraîne le dessèchement
de la langue chez l'un, de l'oreille chez l'autre. Le gentilhomme se tue
de désespoir, la dame vit retirée à la campagne, la plaie dissimulée
sous un pompon de velours, jusqu'au jour où le prince, venu à Lon-
dres pour le couronnement d'Edouard VU, est attiré par elle dans un
guet-apens. La décharge électrique d'un plot, placé sur le seuil du jar-
din, consomme, en foudroyant le prince, la vengeance de la fiancée. L'in-
vention est curieuse et le détail agréable. L'auteur y met avec aisanos
le menu butin de ses promenades à travers la société anglaise (dont
elle sait parfaitement la langue), en mœurs, en caractères, en style.
Les curieux d'analyse préféreront le Sauvetage, histoire dti partage
d'un galant homme entre une fiancée de cœur lent, mais sûr, et une
coquette. L'originalité de l'histoire est que cette fiancée l'a sauvé de
la mer, dans laquelle il était sur le point de se noyer, et que la coquette
a l'art de se faire sauver par lui d'un accident de cheval. L'orgueil
— 2.J —
masculin, vu par les yeux d'une femme et dépeint avec beaucoup de
grâce, tend à déprendre le fiancé et à le rejeter vers la coquette.
C'est, adaptée avec finesse et singulièrement enrichie, la situa-
tion de comédie que Labiche fait à M. Perrichon. De plus, la
froideur sérieuse de la fiancée compose un caractère original, que
M"^^ de Bovet parvient à faire aimer, par tout ce qu'elle y met de ri-
chesse de sentiment, enveloppée et d'autant plus profonde. Il y a
dans ce portrait une belle profession de foi de noble réserve en face de
l'amour, sans refus d'aimer pourtant, sans sécheresse ni grimace.
L'histoire se dénoue à la confusion de la coquette, et à l'avantage de
la fiancée, au moyen de certains trucs de roman, sur lesquels il me
semble qu'on saura gré à l'auteur de n'avoir pas raffiné, l'intérêt
étant tout entier dans la peinture des sentiments. Les autres nouvelles
sont moins fortes et plus artificielles; on ne les en lit pas moins avec
plaisir, à cause des réflexions que l'auteur y ajoute. On y trouve des
choses comme celles-ci : « Son esprit avait en cela été plus vite que
n'aurait voulu son cœur. ïl était encore amoureux de sa femme que
déjà il ne nourrissait plus guère d'illusion sur la valeur de ce senti-
ment. » — « A Paris on ne vieillit pas, tout au plus meurt-on.» M^^
de Bovet me permettra-t-elle une question? Je lis dans un endroit le
mot éçaltonné^ sans parvenir à deviner ce qu'il veut dire.
25. — M™^ NotUe Roger nous donne un livre des plus intéressants, à
titre de document de l'epprit protesta it.i)e l'un à l'autre Amour, tel est
le nom de ce livre. L'un est l'amour simplement charnel et humain, l'au-
tre, l'amour épuré en Dieu. Ce sujet, ressenti et dépeint avec toute la
chaleur et toute la finesse d'une femme, ne laisse pas de toucher,
quoique les . entiments qu'il expose aient leur source dans une fatale
erreur : la confusion instituée depuis Luther entre la fidélité com-
mune à Jésus-Christ, rt la sainteté proprement dite. Annehse, l'hé-
roïne du livre, se pose l'alternative, ou de mourir à toute chose, ou
d'abandonner la foi. Elle ignore le bienfait de l'Église catholique,
qui, malgré les mille liens du monde auxquels l'âme du fidèle se sent
retenue, organise nos bonnes volontés, et tire de nos efforts cette
reprise constante et les éléments de cet équilbre, dont se forme
l'essentiel de la vie chrétienne. Il est vrai qu'une telle vie ne peut
se constituer sans le secours des sacrements, des pratiques, de l'obéis-
sance des hiérarchies. Les protestants méprisent ces choses; ils ne
reconnaissent la conversion qu'aux élans magnifiques de l'âme,
à son abnégation totale, à son absorption dans Jésus-Christ. Tel
est le programme moral que la Réforme impose sans discernement
à tout homme. De là ne peut que s'engendrer chez les âmes géné-
reuses l'effroyable crise morale que dépeint M^^^ Noëlle Roger.
Chez les âmes petites, ou sèches, ou uniquement pratiques, la Ré-
k
— 24 —
formation se cristallise aisément en petites attitudes hypocrites, qui
laissent le fond de l'homme à la dérive avec l'honnêteté commune
pour seul guide. Chez les tempéraments ardents et impatients, elle
aboutit à l'indifférence. Chez les autres, elle soulève des tempêtes.
Car, si rien n'est difficile comme de pratiquer le renoncement, rien
n'est si naturel à certaines âmes, surtout dans la jeunesse, que de
^'imaginer et de l'embrasser dans un élan. Ainsi, d'une part, on sent
pour Dieu des ardeurs vives, de l'autre on éprouve mille obstacles
dans l'effort fait pour les fixer. On croit fonder la vie spirituelle et
l'on tombe dès les premiers pas. Là-dessus, le confesseur
catholique intervient. « La sainteté, dit-il, est œuvre diffi-
cile, œuvre de longue haleine, c'est une habitude, presque une
profession. Commençons par les devoirs vulgaires. Ils n'empê-
chent pas de monter plus haut; et, si l'on y demeure, ils suffisent.»
Mais le protestant n'a de guide que sa propre illumination inté-
rieure. Cette illumination ne connaît que deux termes extrêmes. Ce-
pendant l'auteur veut conclure. Elle est dans le fond pour Anne-
lise, qui ne peut ni ne veut renoncer à la vie. Et, comme il faut que
l'ouvrage sauve la fidélité à la Réforme, elle fait avouer par un pasteur
que certaine école théologique a trop méconnu le sentiment. Quelle
pitié ! Je le dis sans irrespect, mais avec un sentiment profond : quelle
pitié que ce pieux illuminisme, tempéré de romantisme anarchique !
Ce n'est pas le sentiment qu'on méconnaît, mais la vraie loi de l'Église
et de l'Evangile, qui n'est pas seulement essor de l'âme, récompense
mystique, mais remède : ad medelam percipiendom, disent les prières
de la messe catholique à la communion. L'Église sauve les infirmes;
nos frères séparés s'imaginent qu'elle ne fait qu'enregistrer les saints.
26. — Dans l'Aube, qui est l'aube de la vie ou du mariage, nous
apercevons les affections d'une femme, contrariées par l'infidélité
d'un mari, sa foi religieuse ébranlée, puis détruite par le spectacle de
celle d'un estimable ami. Puis le raccommodement se fait grâce à
l'amendement de l'époux, et la foi revient grâce aux conseils d'un
prêtre. Au reste, le lecteur pourra remarquer dans cette jeune femme
bien des dispositions équivoques. L'auteur, Henri Ardel, nous dit que
le « sentiment de la justice était chez elle excessivement puissant »;
dans les infidélités conjugales, elle déteste surtout la feinte : « c'est
si dégradant de tromper; » enfin elle remet la pureté du mariage à
l'intensité de l'amour : « Il faut tant aimer pour être fidèle. » Justice,
sincérité, amour : trois choses louables et excellentes, mais dont la
mise en vedette, à l'exclusion du reste, accuse l'empoisonnement des
meilleurs esprits de ce temps par la morale d'Ibsen et de Tolstoï.
En bonne morale, la justice cède à l'équité, la sincérité n'a pas de
prix sans l'honneur, et le devoir commande avant l'amour.
— 25 -^
27. — Voici un roman légèrement cynique : La Première Blessure.
Les choses de l'amour y sont maniées à pleines mains et sans voiles.
Jusque dans le mariage, on s'applique à en rendre le détail précis.
Une galanterie conduite par une jeune femme dont le mari est en
voyage, galanterie rompue par l'intervention de son père, en fait 'e
sujet. A ce fond parfaitement choquant, la médiocre philosophie de
l'affranchissement des jeunes générations joint son dégoût. Vou-
lant nous dépeindre les hésitations de son héroïne devant l'adul-
tère, M'"^ Marguerite Lejeune écrit: « Collette n'était pas assez in-
dépendante pour s'en moquer comme elle J'eût voulu, et, bien qu'elle
méprisât les médisances du monde, elle restait prisonnière de leurs
sottises. )) La grammaire n'est pas mieux traitée. « Avant qu'elle ait
eu le temps de s'échapper, Michel la retint. » « C'est une hérésie, fit-
il à mi-voix pour que ses voisins n'entendent pas. »
28. — Un roman d'amour dans les montagnes avec de beaux pay-
sages et des sentiments touchants, tel est la Double Montée de M"^*^
Berthem-Bontroux. On reprochera quelques longueurs, avec un ton
de dissertation qui, par endroits, refroidit la peinture.
29. — Le Seul Amour : c'est tout un programme. 11 exclut la haine et
la violence. L'erreur de l'auteur est de ne pas discerner que, s'il dépend
des bons de chasser la haine de leur cœur, il ne dépend pas d'eux
d'ôter la violence du monde. Ainsi la volonté de n'en user pas pour
eux n'aboutit qu'à mettre en liberté celle des méchants. M"^^ Louis
Lefebvre plaide sa cause par le sentiment. Une jeune fille meurt
dans le roman par l'effet des violences dont elle est témoin dans les
luttes politiques, et qui broient son cœur. C'est pathétique; mais le
lecteur ne peut s'empêcher de trouver cette raison des plus faibles
en ce qui concerne la thèse.
30. — Des fortuites et futiles rencontres orientent une vie de jeune fille
dans ce roman : Le Destin nous conduit, de M '^^^ Lucie Gauthey. C'est
uneaventure de carnaval, un poisson d'avril, qui en décident. Leroman
finit par le mariage de l'héroïne, préparé par les plus tendres senti-
ments.
Romans étrangers. — 31. — ?)Ous ce nom: Figures du pays, voici des
contes du Hainaut et du pays de Liège. Cet ouvrage de M. Hubert
Krains est dans un style populaire un peu rude, mais non dépourvu
de saveur. L'invention est amère souvent; mais une tendresse de
sentiment y mêle ordinairement sa douceur. Je recommande surtout
la Planète, où l'on voit un fils de paysan perdre au jeu les
économies de ses parents, et se noyer tragiquement dans une mare.
32. — L'Ardennaise est la première de trois nouvelles, où M. Henri
Davignon nous présente l'agréable tableau des montagnes wallonnes
et des mœurs de ces contrées. Excellents échantillons de la littéra-
ture régionale, telle qu'elle fleurit chez nos voisins de Belgique.
— 26 —
33. — Frissons de vie, pour une bonne part, pourrait s'appeler
frissons de luxure. On ne contestera pas à l'auteur, M. Georges
Rency, une certaine éloquence en ses rencontres, mais c'est unique-
ment celle des sens dépraves. Le reste (car le livre se compose de
nouvelles) a moins de couleur que de vivacité.
34. — Haute Plaine est une réunion de diverses nouvelles. M. Hu-
bert Stiernet y dépeint les mœurs populaires des Ardennes. Le re-
cueil est conçu dans le genre de tableaux durs, auquel une pointe
d'atrocité se mêle. Un style bref et sans éclat ajoute sa tristesse à celle
du sujet.
35. — Voici un remarquable roman de M'"^ Humphry Ward, très
agréablement traduit. Ce mérite n'est pas commun et se fait d'autant
plus apprécier. Le sujet est la question ouvrière, vue du côté des classes
dirigeantes d'Angleterre. Sir George Tressady, de la Chambre des
Communes, élu pour empêcher les lois ouvrières, se voit convertir
par le charme, la beauté, la noblesse d'âme de Lady Maxwell, femme
du ministre socialiste. Tableaux nombreux de l'action publique de
cette dame dans le monde ouvrier d'une part, et de son prosélytisme
chez ses égaux. L'auteur est pour elle. Je ne l'en critique pas; mais
il me semble que le chemin qu'elle prend, pour lui rendre le lecteur
également favorable, aura peu de prise sur un lecteur français. Elle ne
s'appuie que sur la pitié. Mais justement la question est de savoir si
la pitié sur laquelle elle se fonde est une pitié bien adressée. Devons-
nous tout céder à l'impression d'infortune que donne la classe ouvrière
dans ses grands centresPCetteimpressionneTemportequesurnosnerfs;
cela, il y a quinze ans, était définitif ; aujourd'hui, les nerfs fran-
çais se sont repris. Le socialisme d'une part, la démocratie chrétienne
de l'autre sont en déclin. Le syndicalisme qui, de ce côté, concentre
aujourd'hui l'attention, dirige autrement sa propagande. Comme il
a renoncé à la pousser du côté des classes dirigeantes et à triompher
par les bourgeois, la pitié bourgeoise ne compte plus au nombre de
ses moyens d'action. Il se renferme dans les raisons pratiques et descal-
culs, où le premier rôle revient à l'organisation du corps professionnel.
Certainement une action comme celle de Lady Maxwell serait extrême-
ment mal venue chez les syndicalistes français. Il semble qu'elle soit tou-
jours de mise en Angleterre; en tous cas, l'auteur de ce roman la croit
propre à faire naître l'amitié du lecteur. De là pournous un léger dégoîit
sur le fond. Tressady converti, le transfuge de son parti meurt enfin
dans l'éboulement d'une mine. Cette fin tragique s'ajoute à l'impres-
sion peu agréable de mélodrame. Mais la substance morale et pitto-
resque du livre est quelque chose de très précieux. Des réunions du
monde élégant, des discussions politiques, des scènes conjugales,
courent devant nos yeux dans une lumière fine et cordiale. Lady
— 27 —
Allison, Lord Fontenoy, Maxwell lui-même sont autant de person-
nages dont nous apercevons les traits, dont nous écoutons le ton de
voix, dont nous suivons les gestes. La mère de Tressady est une
vieille coquette, sa jeune femme une épouse frivole et ambitieuse. On
le voit se débattre entre elles deux, dans un tableau où triomphent
l'observation anglaise et la malice du coup d'œil d'une femme. Je
ne sais &i M"^^ Humphry Ward a encore paru dans notre langue,
avec autant d'avantages à cet égard. On l'appréciera d'autant
plus qu'elle nous découvre une Angleterre contemporaine assez
mal connue, où les trait» constants de la nation reçoivent de
l'agitation politique des inflexions toutes nouvelles.
36. . — Nouveau recueil de nouvelles de M. Rudyard Kipling :
Brugglesmith. Ce nom est celui d'un ivrogne de Londres, dont l'aven-
ture ouvre la série. Le reste se passe principalement aux Indes. On
ne finit pas de s'ébahir de l'inexactitude de ces traductions. Le titre
d'une de ces nouvelles est une Nursery rime bien connu : Baa baa
black sheep, hâve you any wool. Il faut traduire : « Bè bè, mouton
noir. )) L'auteur transcrit l'anglais haa baa, tout simplement.
37. — Terres de silence, par M. Edward White, roman d'aventures
de la Prairie renouvelées de Fenimore Cooper, fameux pendant aux
hindoustaneries de Kipling. Le lecteur français y prendra, dans
une traduction assez courante, quoique peu méditéo, un divertisse-
ment très agréable.
;;8. — Barnabe Rudge, traduit de Dickens, a paru dane la collec-
tion des romans de la librairie Hachette à un franc.
39. — La Solitaire est un roman d'amour, déroulé tout entier au
sein de l'aristocratie anglaise, terminé par un mariage. M""^ Henry
de la Pasture y a mis mainte scène élégante et intime du plus touchant
effet.
40 . — Le Fou en liberté, de M. Storrer Clouston, est uin roman dans
le genre de Conan Doyle, déchargé de la complication qui dans l'ori-
ginal en contrarie l'effet. On voudrait par instant la traduction plus
ferme et plus piquante.
4L — Un voyage, fantastique dans son plan et non moins étonnant
dans ses aventures, quoique toujours maintenu dans le possible, au
milieu des mœurs et des conjonctures modernes, c'est l'Ile au poiso'i,
traduit et adapté avec beaucoup d'à-propos et de talent par M. Jac-
ques des Gâchons. L'auteur Quiller Couch a fourni une matière exces-
sivement curieuse et abondante.
42. — Je recommande ces petits contes malgré de grosses légèretés.
Le Napoléon, qui est le premier, a fourni le titre à tout le volume.
L'auteur, M. Alfred Bock, est Hessois, et c'est de son pays qu'îl
parle principalement. La traduction est excellente, sans germaiiisme,
— 28 —
sans aucun de ces mots transportés qui font buter un lecteur à chaque
pas; ainsi la lecture en sera aussi facile qu'intéressante.
43. — Le Village de femmes, de M"*^ Clara Viebig, est un tableau de
mœurs ouvrières allemandes poussées au noir et au symbole. îl y a
bien du convenu, et du brutal aussi, avec un sentimentalisme contenu
qui choque et qui fatigue.
44. — La librairie Stock continue la publication des Œuvres com-
plètes de Tolstoï, traduites par M. J.-W. Bienstock. C'est, cette fois,
la 2^ et la 3^ parties de Résurrection qui paraissent.
45. — Voici des Pages choisies de M"^*^ Maria Koponicka : six pièces
seulement : Prométhé et Sisyphe ; Notre vieux Cheval ; A Cappella : la
Fumée -^ Dans la vallée de la Skawa\ le Vieux Zapala. Mise à part la
contrainte à peu près inévitable de la traduction dans ces sortes d'ou-
vrages, ces pages sont belles et on les goûtera. Il y a une biographie de
l'auteur et une préface littéraire de Sienkiéwicz. L. Dimier.
ÉCONOMIE POLITIQUE ET SOCIALE
1. Le Commerce extérieur et les tarifs de douane, par AuG. Arnaunk. Paris, Alcan,
1911, in-8 de iii-534 p., 8 fr. — 2. La Politique douanière de la France, par
Chables Augier et Angel Marvaud. Paris, Alcan, 1911, in-8 de vi-406 p.,
7 fr. — 3. L^s Primes à la sériciculture et à la filature de la soie, par Joseph
Payen. Lyon, Legendre, 1910, gT. in-8 de 502 p. — 4. L'Effort allemand, V Alle-
magne et la France au point de vue économique, par Lucien Hubert. Paris, Al-
can, 1911, in-16 de 236 p., 3 fr. 50. — 5. La Question agraire au'royaume de Pologne,
par B. KosKOwsKi. Paris, Giard et Brière, 1911, gr. in-8 de 239 p., 4 fr. 50. —
6. Le Régime minier, par Marius Richard. Paris, Alcan, 1911, in-16 de 230 p.,
3 fr. 50. — 7. Les Chemins de fer et la grève, par Yves Guyot. Paris, Alcan,
1911, in-16 de xiv-329 p., 3 fr, 50. — 8. Cesare Beccaria. Scriiti e lettere inediti,
raccolti ed illustrati da Eugenio Landry. Milano, Hœpii, 1910, in-8 de 319 p.,
5 fr. 50. — 9. La MutualiV' nouvelle, guide pratique des mutualistes, par M. Prc^it.
Paris, Giard et Brière, 1911, in-18 de 3S9 p., 3 tr. 50. — 10. La Réglementation
du travail des femmes et des enfants auo: États-Unis, par A. Chaboseau. Paris,
Giard et Brière, 19Î1, in-18, de 206 p , 2 fr. 50. — 11. Causeries sociales, par O.
Jean. Paris, Bloud, 1911, in-16 de 93 p., 1 fr. 50. — 12. L'Acheteur, son rôle
économique et social; les ligues sociales d'acheteurs, par Maurice Deslandres.
Paris, Alcan, s. d. '1911', in-8 de vii-nlO p., 8 ir. — 1.3. La Odierna Eooluzione
dello stato democratico moderno, da Raffaele MustO. Napoli, Detken e Rocholl,
1911, petit in-8 de xvi-26G p. — 14. Le Sionisme, par Angel Marvaud. Paris,
Bloud, 1911, in-16 de. 64 p., 0 fr. 60. — 15. Le Modernisme social, décadence ou
régénération, par l'abbé J. Fontaine. Paris, Lethielleux, s. d. :'1911), i.n-8 de
xii-488 p., 6 fr. — 16. La Démocratie chrétienne, parti et école vus du diocèse
de ^ambrai, par Mpr Delassus. Lille, Desclée, de Brouwer, 1911, çr. in-8 de 62 p.,
1 fr. — 17. Histoire du mouvement syndical en France (1789-1910), par Paul Louis.
Paris, Alcan, 1911, in-16 d^ viii-283 p., 3 fr. 50. — 18. V Organisation des forces
ouvrières, par G. Olphe-Galliard. Paris, Giard et Brière, 1911, in-8 de xv-384
p., 8 fr. — 19, jLp Socialisme et l'activité économique, pav Marcel Braisant. Paris,
Aiîiftn, 1911, in-8 de 232 p., 5 fr. — 20. Dictionnaire du sorialLtme, par Charles
Yérecqi:e. Paris, Giard et Brière, 1911, ia-18 de 502 p., 5 fr.
1. — Si nous n'avons pas cette fois de traités historiques ni de
vastes ouvrages de doctrine, au moins les livres de description et
^ 29 —
d'application sont nombreux et excellents. Je mets au premier rang
le Commerce extérieur et les tarifs de douane de M. Arnauné. Il y
avait bien toute une littérature où les formules de la « valeur inter-
nationale » et de la « balance économique )> avaient conquis leur juste
place, mais il manquait une histoire et spécialement une histoire
pour nous Français. M. Arnauné comble cette lacune. Sans remonter
au-delà de Colbert, il expose depuis lors le double mouvement des
idées et des faits, des systèmes et des lois. A signaler surtout deux
excellents chapitres, l'un sur le traité d'Eden de 1786 et le tarif gé-
néral de 1791, l'autre sur le régime douanier de la Révolution et de
l'Empire. La revision douanière de 1910 est étudiée avec un grand
soin; puis des chapitres sur le régime colonial, la marine marchande et
la question des sucres complètent l'ouvrage. M. Arnauné se pose
nettement en libre échangiste. Il nous semble même qu'il expose le
lecteur à confondre le protectionnisme avec le mercantilisme, sans
montrer suffisamment que l'établissement d'une balance éco-
nomique, fort différente de la balance commerciale, est un
problème insoluble. En tout cas, il fallait se garder de croire
qu'Adam Smith, J.-B. Say et Bastiat eussent creusé le sujet avec la
même rigueur et la même pénétration que Cairnes,Patten et Fontana-
Russo. Mais je regrette que M. Arnauné, historien et homme
pratique, se soit interdit de toucher aux questions de principe, en se
proposant d'intéresser les hommes d'affaires sans les rebuter. — Der-
nière remarque : il manque une table alphabétique qui faciliterait
les recherches.
2. — Tout autre est le volume de MM. Charles Augier et Angel
Marvaud : La Politique douanière de la France. Il ne diffère pas moins
du précédent par le plan que par l'esprit. M. Augier est un inspecteur
principal des douanes, et M. Marvaud, à diverses reprises, a été chargé
d'enquêtes par la Fédération des industriels et des commerçants. Ils
ne font pas de l'histoire, mais de l'actualité; ils remontent à peine
jusqu'à 1860 et ils concentrent leur attention sur la double réforme
de 1892 et de 1910. Mais alors ils exposent avec une grande richesse
de détails les négociations poursuivies avec tel ou tel gouvernement
étranger, en mettant en pleine lumière les pourparlers diplomatiques,
leur but, leurs difficultés et leurs résultats. L'ouvrage de M. Arnauné
fournissait beaucoup pour le développement d'un cours qui aurait été
fait à des étudiants; celui-ci est plutôt un ouvrage à consulter par
les praticiens et les hommes d'affaires. Les tarifs de 1892 et de 1910
sont protectionnistes : MM. Augier et Marvaud le sont aussi, et, par
là encore, réapparaît le contraste entre la théorie, qui est si volontiers
libre échangiste avec les livres, et la pratique, que les intérêts immé-
diats et brutalement tangibles de la plupart des producteurs et
— 30 —
commerçants réclament protectiomiiste, en dépit des discours, des
raisonnements et des phrases. — M. Klotz, qui fut et qui est redevenu
ministre des finances, a fait une Préface de quatre petites pages,
sans plus, où il expose froidement la nécessité du protectionnisme
comme conséquence de nos lois dites de solidarité sociale. Toutes ces
lois, dit-il, « imposent à la production nationale des charges nou-
velles, et il est certain que le coefficient de protection qui avait été
accordé à la production nationale en 1892, s'est trouvé dans la suite
légèrement faussé (p. m). » Et M. Klotz en est encore à parler de
régime « compensateur » ! Il ne compense qu'une chose, le bénéfice
des lois de solidarité sociale avec la cherté des produits et des denrées.
Et qu'est-ce que l'ouvrier y gagne? Il y a là de quoi faire hausser les
épaules à M. Amauné et à bien d'autres. En tout cas, M. Klotz est
bien naïf de 'âcher un tel aveu. 11 y avait mieux à dire pour justifier
notre régime douanier actuel, si l'on tenait tant à le justifier.
3. — Puisque nous en' sommes aux douanes et à la protection,
restons-y. A cet égard, le volumineux traité de M. Joseph Payen, les
Primes à la séricultiire et à la filature de la soie, est une de ces mono-
graphies qui épuisent un sujet. On connaît le pourquoi de ces primes :
elles furent en 1892 la rançon de la hbre importation des cocons et
des grèges, que ne voulaient pas accepter le moulinage et la filature
des Cévennes et de la Drôme, menacés de disparaître. De nombreuses
modifications furent ensuite apportées, mais le principe de la loi du
11 janvier 1892 resta intact. Le -volume de M. Payen s'ouvre par une
très intéressante étude sur la sériculture, la filature et la situation
économique de ces deux industries dans la région du sud-est.
4. — Les journaux, à son apparition, se sont empressés de signaler
le livre très instructif de M. Lucien Hubert, député, sur l'Effort alle-
mand, l' Allemagne et la France au point de vue économique. M. Hubert
ne veut pas soutenir une thèse ou optimiste ou pessimiste : tout
simplement il examine, il expose, il compare, et, de ce parallèle entre
le développement économique de la France et celui de l'Allemagne, il
laisse le lecteur tirer telle conclusion qu'il voudra, pourvu que cette
conclusion soit patriotique. On trouvera là une foule de renseigne-
ments sur la population, l'extraction - minérale, les fabrications in-
dustriellec, les importations et exportations, les banques, les caisses
d'épargne, etc. Seulement certains de ces renfeignements demandent
à être contrôlés et surtout à être compris. Par exemple, M. Hubert
donne à la Société générale un capital de 300 millions : c'est 400 qu'il
faut dire, dont 200 non versés. Ailleurs il ne paraît pas suffisamment
affranchi du sophisme de la balance du commerce (p. 145, 152, 153.
etc.) ; ou bien, parlant de l'augmentation du rendement de la tax(^
sur le revenu des valeurs mobilières, il oublie de remarquer que, d'un»^
— 31 —
part, le tarif de perception a passé de 3 % à 4 « /o en 1890 et que, d'autre
part, la matière imposable s'est accrue, soit que des particuliers
missent leurs affaires en quelque genre de société soumise à la taxe,
soit que des types de sociétés de plus en plus nombreux y fussent
astreints par la loi (p. 201). Le sophisme de la richesse prouvée par
l'impôt éclate encore bien mieux à propos de la progression du ren-
dement de l'impôt sur les successions, impôt dont l'assiette et les
tarifs ont été remaniés à plusieurs reprises dans la période dont il
est ici question (ibid) : de ces changements-là, cependant, M. Hubert
ne nous dit rien. Tout cela doit donc rendre un peu sceptique. Est-il
bien exact, par exemple, de dire que « l'agriculture (en France) n'a
jamais été dans une période plus prospère que maintenant? « (p. 126)
La baisse considérable que l'on constate dans le revenu agricole im-
posable et dans la valeur des fonds ruraux donne ici un démenti
brutal, et il n'y a pas moins d'illusion à soutenir que la loi du 12
juillet 1909, instituant le bien de famille insaisissable, ne peut pas
manquer de retenir la population dans les campagnes (ib.). Évidem-
ment cet exode des paysans gênait un peu M. Hubert, mais il a tort
de se tirer d'embarras par une explication qui n'est que puérile (p. 127).
Ce qui reste vrai, c'est que « la France possède une admirable puis-
sance d'épargne, qui en fait le banquier du monde » (p. 172). A quoi
encore il aurait fallu ajouter que l'Allemagne épargne des hommes,
tandis que la France épargne des pièces d'or. Restons-en, si vous
voulez, sur cette boutade : « L'Allemagne donne l'impression d'un
pays colossalement riche qui n'a pas le sou » (p. 16).
5. — La Question agraire au royaume de Pologne, par M. Kokowski,
paraît être une thèse de doctorat : dans les Facultés de droit, en
effet, la thèse est souvent une occasion de faire des recherches très
originales, de mûrir un travail long et sérieux et d'enrichir les biblio-
thèques économiques de quelque bonne et solide publication. Cepen-
dant l'œuvre actuelle nous a semblé bien aride et trop dénuée d'opi-
nions personnelles; il y manque une carte pour suivre l'auteur; il y
manque aussi, au moins pour les profanes comme moi, des rensei-
gnements assez abondants sur le milieu historique, social et juri-
dique où se pose cette « question agraire. » C'est trop du dépouille-
ment de rapports administratifs et de statistiques, mais ce n'est
pas assez un livre et l'on n'y sent pas non plus une âme. A peine
trouvé-je à noter que la Russie, à la différence de l'Autriche, ne
sait pas faire les dépenses nécessaires pour protéger le pays contre
les inondations ou bien pour lui assurer les voies de commimication
dont il a besoin. Les taxes contributives sont bien levées par mil-
lions, mais elles reçoivent d'autres emplois, et le chemin de fer Lublin-
romaszow, par exemple, est refusé depuis quarante ans à des
demandeurs en concession qui ne réclament ni garantie ni sub-
sides, et qui ont toujours accepté toutes les conditions exigées
(p.174-176).
6. — Le Régime minier, de M. Marius Richard, est une étude fort
intéressante et fort instructive sur notre loi de 1810, comme sur les
critiques qui en sont faites et la refonte dont on la menace. Cette loi
est-elle donc si mauvaise? Non certes. En fait, l'inventeur, ou plutôt
rexplorateur,obtient toujours la concession, lors même que ses droits
à l'avoir ne sont pas nettement proclamés. Puis, ici, la « propriété »
proprement dite du concessionnaire est fort bien justifiée et établie :
Napoléon avait été on ne peut plus précis sur cet article-là, et son
raisonnement est reproduit fort à point (p. 2). En face de Napoléon,
quel petit homme donc que M. Zévaès ! Les profanes trouveront encore
dans ce volume une foule de choses intéressantes, notamment le
tableau de la hausse des salaires quotidiens dans les mines en regard
de la diminution du rendement par tête d'ouvrier, si bien que, de 1888
à 1907, les frais de main-d'œuvre, grâce à ce double mouvement en
sens inverse, ont monté de 5 fr. 04 à 7 fr. 05 par chaque tonne
extraite (p. 80). A signaler, au passage, les mauvais résultats de l'ex-
ploitation administrative en Prusse (p. 91), où la propriété de l'État
s'explique tantôt par d'anciennes exploitations seigneuriales et
tantôt par de véritables concessions que l'Etat s'est adjugées à lui-
même, faute de quelqu'un qui les voulût, parce qu'elles étaient jugées
onéreuses : ce n'est donc pas encourageant pour le système des indus-
tries d'État. Cependant M. Richard se défend d'avoir voulu faire un
plaidoyer en faveur des Compagnies. J'avoue même que je serais
plus sévère que lui sur la redevance projetée de 20 "/o à prendre sur
la part du produit net que le concessionnaire pourrait obtenir an-
nuellement en sus du dixième de son capital de premier établisse-
ment (p. 129 et s.). M. Richard; en effet, ne discute pas assez tout ce
qu'il y a d'arbitraire dans le calcul ou plutôt dans la supposition de
ce capital nécessaire moyen. Qu'appelez-vous donc un coût normal
de mise en exploitation, lorsque vous savez qu'en 1908, sur 1.488
concessions données, il y en avait 904 abandonnées et 319 en perte,
avec 34 millions de déficit chez ces dernières contre 90 millions de
bénéfices dans les deux cents et quelques autres qui faisaient des
bénéfices, mais qui, généralement, avaient lutté et perdu de l'argent
pendant un demi-siècle avant de gagner quelque chose? Rien, en
effet, n'est plus singulier, ni moins connu que l'étonnante et persis-
tante misère d'Anzin, d'a\niche et de bien d'autres compagnies avant
leur relèvement et leur prospérité (p. 64 et s.). Conclusion: la pro-
priété des mines a trop de risques de perte pour qu'on doive lui en-
lever ses bonnes chances quand elle en a. « La législation, disait Na-
— 33 —
poléon, doit être toujours en faveur du propriétaire : il faut qu'il
ait du bénéfice dans ses exploitations, parce que, sans cela, il aban-
donnera toutes ses entreprises. » A noter toutefois que M. Richard,
sans doute par tactique, ne nomme pas une fois le socialisme, qui est
pourtant le moteur de tous ces projets de réforme : en ceci donc,
il est incomplet et ne nous semble pas aller jusqu'au fond de la
question.
7. — On connaît le talent d'exposition de M. Yves Guyot, qu'il a
mis si souvent au service de la bonne économie politique libérale.
Son nouveau volume : Les Chemins de fer et la grève, est un exposé
très complet de la question, non seulement au point de vue français,
avec de très nombreuses citations de textes officiels et de débats
parlementaires, mais aussi avec d'utiles renseignements sur l'étranger.
M. Yves Guyot démontre victorieusement que la meilleure défense
contre les grèves de chemins de fer, c'est l'application toute simple
du droit commun, par conséquent la libre faculté pour les compa-
gnies de remplacer et par conséquent d'éloigner définitivement les
cheminots qui rompent le contrat. Alors ministre, il l'avait pro-
clamé très résolument dès 1889 et 1891 (p. 4 et s.). Il avait raison en
principe et les faits ont montré qu'il avait eu raison aussi en prati-
que. Mais, depuis lors, les idées subversives et le syndicalisme socia-
liste ont fait leur chemin, et l'on s'imagine pourtant que l'on
va se tirer d'affaire par des projets de loi dont le dépôt consacre
précisément la victoire effective de la grève (p. 103, 109, etc.) ! Nous
notons tout particulièrement aussi un chapitre sur «la Répartition des
titres de chemins de fer » (p. 245); on y verra ce que c'est que la
prétendue féodalité financière des grandes compagnies, simples
groupements de plusieurs centaines de milliers de petites bourses.
Que d'esprit dans le chapitre de « Monsieur Tout le monde »,ce pauvre
«Tout le monde» pour qui les chemins de fer ont été faits et que pour-
tant l'on oublie si bien (p. 305) ! En tout cas, je recommande instam-
ment la lecture de ce volume aux cœurs sensibles — ou plutôt aux
ambitieux de popularité malsaine — qui réclament la réintégration
complète et sans réserve de tous les cheminots soi-disant révoqués,
c'est-à-dire démissionnaires par la grève.
8. — Nul n'ignore Beccaria, qui fit à Milan, à la fin du xviii^ siècle,
un des premiers cours d'économie politique et qui s'est rendu célèbre
surtout comme criminaliste par son traité Des Délits et des peines.
M. Eugène Landry, professeur de langue et de littérature françaises
à Milan, a recueilli de lui avec une pieuse vénération un certain nom-
bre de lettres et écrits inédits, auxquels il a Joint des lettres pareille-
ment inédites de Voltaire, d'Holbach, Diderot, Condillac, d'Alembert,
Morellet, etc., etc. L'ouvrage comprend trois parties : 1° Écrits et
Janvier 1912. T. GXXIV. 3.
— 34 —
fragments philosophiques; 2'^ Lettres des philosophes français à Bec-
caria; 3° Lettres et documents intimes de Beccaria, le tout expliqué,
annoté et commenté. Beccaria écrivait fréquemment ses lettres en
français, mais quel français ! Au hasard de la plume, je note la théorie
de Beccaria sur la métempsychose. La matière selon lui est éternelle ;
par conséquent, les molécules impérissables qui ont constitué la « tex-
ture nerveuse » de Caton, de César et de Catilina (nous ne nous in-
quiétons pas des molécules du surplus de leurs personnes) peuvent
bien et même doivent bien, par le mélange de leurs combinaisons
fortuites à travers les siècles, se retrouver toutes exactement ensem-
ble. Ce jour^-Ià, Caton, César et Catilina revivront identiquement les
mêmes. « Voilà donc, dit Beccaria, la plus grande extension possible
donnée à la métempsychose pythagoricienne, et, cette fois-ci, elle l'est
dépouillée du manteau imbécile de la superstition et appuyée
sur la plus solide base de la philosophie » (p. 99-101). Beccaria croit
que c'est arrivé. — Mais je n'ai rien trouvé qui intéressât l'économie
pohtique.
9. — De l'économie politique nous ghssons insensiblement à l'éco-
nomie sociale. Les publications sur les sociétés de secours mutuels ne
manquent pas. Cependant la Mutualité nouvelle, de M. Profit, d'après
les lois combinées des 1er ^yril 1898 et 5 avril 1910, mérite une élo-
gieuse mention. C'est très clair et très simple, bien fait pour faire
comprendre et faire pratiquer le système des sociétés de secours mu-
tuels. La documentation y est correcte et solide. Au point de vue
pratique, nous citerons des spécimens de tables de mortalité et sur-
tout des statuts-types dont on pourra s'inspirer utilement. Assuré-
ment la République y est à certains endroits couverte de fleurs qu'elle
ne mérite point; et la solution de la question est présentée comme
« liée à l'avenir même de la Répubhque » (p. 365) ; mais au moins le
procédé du fonds commun inaliénable, pour lequel M. Profit réédite le
mot de M. Lairolle — « la colossale erreur de l'administration et des
pontifes » (p. 363), — est l'objet d'une discussion à la fois serrée et
écrasante.
10. — Quant à la Réglementation du travail des femmes et des en-
fants aux États-Unis, qui fait partie de la Bibliothèque du Musée
social, elle a certainement coûté beaucoup de travail à M. Chaboseau.
Malheureusement, le livre est d'une lecture ennuyeuse ou plutôt
impossible, parce que ce n'est que l'énumération suivie de tout ce
qui se fait à l'égard des femmes et des enfants dans chacun des
Etats, rAlabama,le Wisconsin, l'IUinois, etc. L'âge minimum est ici de
douze ans, là de treize, ou bien ailleurs de quatorze; l'amende contre
le patron est de 5 dollars ou bien de 10, à moins qu'elle ne soit de 6
ou de 7 dollars, et le délit, pour être commis, exige ici telle ou telle
— 35 —
condition qu'il n'exige pas dans l'Etat voisin. Vous comprenez que,
quand on a lu 200 pages de ce goût-là... pardon, on a fermé le livre
à la dixième page au plus tard. Est-ce fait plutôt pour être consulté?
Eh bien, alors, il aurait fallu des tableaux, mieux encore, de grandes
planches susceptibles d'être lues horizontalement et verticalement
tout ensemble, et à ce prix-là les recherches auraient été faciles. Il
n'en aurait pas coûté beaucoup plus de travail à l'auteur, mais plus
d'argent pour l'impression. Cependant ou le livre était utile, et
c'était cette forme-là qu'il fallait lui donner, ou il ne l'était pas.
11. — Le titre : Causeries sociales, que M. O. Jean a donné à son
opuscule, en exprime bien le but et la forme. C'est une série d'entre-
tiens, écrits avec élégance et facilité, sur la justice, la charité, la ma-
nière d'aller au peuple, etc. Très chrétien et même très pieux par
endroits, ce petit travail est conçu tout à fait dans le sens des Semaines
sociales, avec la conviction que « la charité elle-même doit évoluer »
et que « c'est aujourd'hui une science » (p. 19), puis, que « dans ce
double travail de prévoyance et d'amélioration sociale, il faut que la
part d'activité ouvrière soit prépondérante » (p. 23). Toute autre
manière de faire supposerait, en effet, le maintien des vieilles vertus
et des principes désuets du passé, en laissant trop voir une hiérarchie
sociale qui a fait son temps. En n'opérant pas l'émancipation (faut-il
dire économique, intellectuelle et politique?) qui est dans la nécessité
du moment, on ne réaliserait pas « l'éducation sociale de la classe
ouvrière. »
12. — Voici encore une causerie un peu dans ce même esprit-là,
mais plus social et moins ouvertement chrétien : je veux parler du
solide et épais volume de M. Deslandres, professeur à la Faculté de
droit de Dijon, sur l'Acheteur, son rôle économique et social; les ligues
sociales d'acheteurs. Dans ces pages d'une lecture agréable et facile,
il ne manque ni les fines observations, ni les renseignements de fait
sur ce mouvement nouveau. Cependant il me semble que Vidée des
devoirs de ce genre n'est point si neuve que M. Deslandres veut bien
nous le faire croire. Jadis, tout simplement avec leur bon sens et leur
vieux catéchisme d'antan, nos vieilles familles de province avaient
déjà soin de donner leurs commandes en temps utile pour ne pas
exposer les fournisseurs au surmenage ou pour ne pas gêner l'obser-
vation du dimanche, et elles se faisaient un devoir de faire travail-
ler les honnêtes artisans de leur quartier, avec qui, certes, on ne
faisait pas les fiers. On appelait cela de la bonne charité tout court :
mais on ne mettait pas tout à la sauce « sociale » et l'on ne croyait
pas pour si peu avoir découvert l'Amérique. Ici, M. Deslandres, qui
fréquente les Semaines sociales, me paraît voisiner avec le Sillon et
reléguer un peu trop dans l'ombre la charité comme on l'avait tou-
— 36 —
jours comprise. Pour lui, M. Gide, dont la philosophie est si peu
chrétienne et si froidement amorale, est une autorité qu'il cite
avec une particulière sympathie; quant au socialisme, il y voit
« la mise en œuvre du principe de devoir et de sacrifice » (page
444). Voilà qui va de pair avec son admiration pour le mysticisme
esthétique, mais passablement socialiste, de Ruskin, à qui, certes, il
ne faudrait pas faire gloire de « réintégrer le moral dans récono-
mique « (p. 448). Enfin, de ci de là, de petites attaques contre l'éco-
nomie politique, bien que M. Landry, par exemple, avec sa théorie
de la « rente de l'acheteur, » ne suffise guère à représenter la science
à lui tout seul (p. 428). — En finissant, je poserai une question. En
présence de la raréfaction et de renchérissement des produits de
basse-cour, qui n'en coïncidaient pas moins avec la crise ou plutôt
le déclin chronique de notre agriculture, je voudrais bien savoir si
les ligues sociales sont intervenues et si leurs sympathies n'étaient
pas pour les ménagères de villes plutôt que pour les paysans, à qui
l'on pense toujours si peu. C'eût été une bien belle occasion de se
montrer. Gageons qu'elle n'a pas été mise à profit : l'ouvrier de
ville est toujours bien plus intéressant.
13. — Le volume de M. R. Musto : La Odierna Evoluzione dello stato
democratico moderno^ ne sort pas du cadre des banalités rebattues,
un peu comme une grosse et ennuyeuse brochure. La Préface en
allemand, que M. Labrand y a mise, n'ajoute pas non plus beaucoup.
Évidemment la société est autre chose qu'un simple total d'individus;
mais tout cela n'éclaire pas encore sur le problème des droits de
l'individu à l' encontre de la société, ni sur le rôle des pouvoirs so-
ciaux à l'égard de l'individu. Qu'est-ce que l'homme? D'où vient-il?
Où va-t-il? Existe-t-il un droit naturel qu'il n'ait point fait? Qu'est-
ce enfin que l'État? Est-il l'unique et suprême arbitre de tout droit,
comme aussi l'auteur de toute loi? De cela rien : je dirais volontiers
que M. Musto a oublié d'éclairer sa lanterne. On conçoit donc que
son démocratisme soit vague et flou, ne voulant ni faire résolu-
ment du sociahsme, ni barrer la route à celui qui s'est fait tout
seul et qui arrive sur nous à grands pas.
14. — M. Angel Marvaud, ayant été délégué par le Journal des
Débats au congrès sioniste de 1909 à Hambourg, en a profité pour
faire une étude très intéressante sur le Sionisme. Tout le monde
connaît aujourd'hui le sionisme, ce mouvement qui, lancé par Théo-
dore Herzl, a pour but de rendre une patrie politique aux Juifs. Sui-
vant les uns, ce ne pourrait être que la Palestine, mais d'autres se
contenteraient de n'importe quoi, car il a été question non seulement
de la Cyrénaïque et de la Mésopotamie, mais aussi de l'Oubanghi. Le
premier congrès se tint à Bâle, en 1897; celui de Hambourg, en 1909,
— 37 —
était le neuvième. Entre temps, les plus vastes projets avaient été
formés, notamment celui d'une société au capital de 1.250 millions
pour mettre en valeur le pays nouveau suivant les formules d'une
démocratie socialiste fédérativo. 11 y a, en effet, chez les sionistes,
« une fraction socialiste, assez importante, paraît-il, qui adopte le
programme intégral du marxisme » (p. 38). Dans cet opuscule, plus
curieux assurément que bien des volumes, les jugements et les con-
clusions de l'auteur ne sont pas moins intéressants que l'exposé des
discussions du congrès. M. Marvaud pense que le sionisme a surtout
des obstacles devant lui et qu'il n'est pas en passe d'aboutir ; mais le
sionisme est allemand et socialiste avant tout; il sert les intérêts de
l'Allemagne et il constitue un danger pour nos établissements d'Orient
(p. 61 et s.), parce qu'il est « ouvertement contraire à l'idée d'assimi-
lation (de la race juive) qui est au fond de l'esprit français » (p. 48);
il marque la lutte contre « l'Alliance israélite universelle »; il veut
isoler les juifs comme une nation à part, tandis que l'Alliance israé-
lite ne demande qu'à les fortifier partout. Seulement M. Marvaud
ne s'effraye aucunement de cela, car il croit, de très bonne foi, que la
grandeur de la France est liée à cette fusion du juif et du chrétien.
Il se félicite donc de ce que «les pouvoirs publics en France se sont en-
fin rendu compte de l'intérêt vraiment national « qu'il y a à « prêter
une aide vraiment effective à l'Alliance » (p. 50). La grâce juive n'a
pas pénétré moins profondément M. Anatole Lerey-Beaulieu, qui a
écrit la Préface de ce petit volume. A l'Allemagne de s'appuyer sur le
sionisme; à la France, au contraire, de favoriser l'Alliance, à laquelle
« il est juste, dit-il, d'attribuer pour une bonne part la diffusion du
français dans tout le Levant » (p. 9). A coup sûr il y avait autre chose
à dire de ce mouvement actuel du sionisme, qui souligne si puissam-
ment le phénomène inexplicable et providentiel, unique en son
genre, de la survivance indéfectible du peuple juif.
15. — Nous avons fait, ici même, il y a deux ans, un juste éloge du
Modernisme sociologique de M. l'abbé Fontaine : aujourd'hui, ce sera
du Modernisme social\ décadence ou régénération du même auteur,
toujours infatigable et toujours aussi bien inspiré. C'e.=t de la bonno
philosophie, avec une exacte connaissance des erreurs à la mode, soit
qu'elles proviennent du socialisme révolutionnaire, soit qu'elles aient
été lancées par des catholiques sociaux mal éclairés. Il y a là tout à
la fois une critique négative et une œuvre de reconstruction sur les
bases du droit naturel chrétien. Nous signalerons tout particulière-
ment des discussions sérieuses et bien conduites, très actuelles sur-
tout, à propos du contrat collectif de travail, puis à propos du syn-
dicalisme et de sa prétention de remplacer la discipline patronale par
la seule discipline ouvrière. M. Gide y passe à son tour, et nous savons
— 38 —
à M. l'abbé Fontaine un gré infini d'avoir démasqué un bon nombre
des sophismes socialistes qui fourmillent dans les œuvres trop vantées
de l'illustre professeur : c'est lui, en effet, qui forme ou plutôt déforme
l'esprit des étudiants des Facultés de droit, grâce à l'autorité très
usurpée qu'il a conquise et à laquelle beaucoup de catholiques peuvent
se repentir d'avoir contribué. — L'ouvrage se compose de trois par-
ties : 1° Les Doctrines et les faits sociaux et économiques (y compris
« les faux Dogmes du catholicisme social » et leur connexité avec le
syndicalisme); puis 2° l'État et les faits sociaux et économiques;
enfin 3° l'Eglise et les faits sociaux et économiques. Certaines pages
de cette dernière partie sont des plus remarquables. Nous le disons
en particulier de la description de l'avenir humainement probable de
l'humanité (p. 379 et s.), « le sociaUsme ayant, à titre de religion huma-
nitaire, la prétention de s'étendre peu à peu à l'humanité tout entière,
avec ce grand moyen de séduction: apprendre à l'humanité à s'adorer
elle-même «(p. 382). L'Eglise ne peut ni reconnaître le socialisme comme
sorti de son sein, ni pactiser avec lui : « les éléments formateurs (du
socialisme), qu'ils soient d'ordre intellectuel ou d'ordre religieux, »
procèdent ou d'un matérialisme brutal ou d'un subjectivisme incon-
sistant. 11 n'y a pas à savoir si chacune de ses propositions a été direc-
tement taxée d'hérésie; il faut tenir là une « indéfectibilité directrice »
qui n'est dans l'Eglise que « l'aspect pratique de l'infaillibilité doctri-
nale » (p. 388). Le socialisme chrétien ne doit donc pas faire d'adeptes.
A la- fin se trouve un tableau très sûr des instructions que Léon XIII
et pie X ont données aux catholiques, le premier notamment par
ses deux encycliques Longinqua Oceani, de 1895, ignorée en France,
et Graves de commuai, de 1901, laissée à dessein dans l'ombre par les
hommes qu'elle dérangeait.
16. — Après M. l'abbé Fontaine, Mgr Delassus, que ses travaux
antérieurs, notamment sur l'action des sociétés secrètes, ont fait si
avantageusement connaître, nous offre une foule de renseignements
d'un très haut prix, non moins que des thèses sociales indiscutables,
dans sa Démocratie chrétienne, parti et école vus du diocèse de Cambrai.
On y voit, dès 1893, les origines d'une « école sociale nouvelle » et
d'un « parti social nouveau », les démocrates chrétiens (p. 10), quoique
l'opinion fût plus répandue que l'appellation « démocratie chrétienne »,
qui datait seulement du congrès des prêtres tenu à Reims en 1896. On y
est mis aussi au courant des fameux congrès de la démocratie chré-
tienne organisés à Lyon par M. Mouthon et M. l'abbé Lemire à
partir de 1896 (p. 15, 18 et s.). Inutile de faire l'éloge de la fermeté
rigoureuse de la doctrine, constamment appuyée sur les textes de
Léon XIII et de Pie X. Mgr Delassus avait prouvé qu'il connaît à
fond l'œuvre révolutionnaire et les complots sataniques de la franc-
— 39 — '
maçonnerie : il n'est donc pas de ceux à qui Ton peut faire applaudir
au programme de « christianiser la Révolution, » comme le voulait
M. l'abbé Naudet, alors directeur du Monde (p. 27). C'est bien plus
qu'une brochure à répandre : c'est un vrai livre à étudier et à mé-
diter.
17. — M. Paul Louis nous apporte une nouvelle édition de son
Histoire du mouvement syndical en France^ poussée, celle-ci, jusqu'en
1910. C'est l'ancien volume, mais avec des renseignements nouveaux.
En soi, l'ouvrage est fort instructif, non seulement sur la Confédéra-
tion générale du travail (p. 240 et s.) et autres institutions ou faits
quelconques, mais particulièrement sur le véritable esprit du syn-
dicalisme contemporain. On s'y éclaire suri a grève générale et la
campagne menée en sa faveur, sur le sens de l'action directe — « éman-
cipation des travailleurs par les travailleurs eux-mêmes, « par oppo-
sition à l'action parlementaire ou indirecte (p. 271 et s.) — enfin sur
le sens du mot « révolutionnaire » en contraste avec « réformiste »
— • c'est-à-dire la révolution dans le résultat, quoique non nécessai-
rement dans les procédés, etc., etc. Tout cela peut être étudié avec
fruit, et l'on demeurera épouvanté de l'avenir vers lequel on est em-
porté.
18. — Au contraire, puisque M. Olphe-Galliard est un fonction-
naire — un ancien inspecteur du travail, — il y a gros à parier que
son Organisation des forces ouvrières doit être optimiste, tout à l'éloge
du régime actuel qui a fait disparaître les abus du passé, moyen âge,
Restauration ou monarchie de Juillet. L'ouvrage est bien écrit, bien
documenté, riche de faits et de citations. Une première partie, de
beaucoup la plus longue, étudie la « solution naturelle du problème. »
Cette solution, ce n'est pas la suppression du salariat; c'est seulement
sa réforme par la force organisée et consciente d'un personnel ouvrier
qui sera en mesure d'ordonner et de faire rémunérer convenablement
son travail. L'histoire des trade-unions de l'Angleterre et des États-
Unis complète celle de nos syndicats. Le contrat collectif sera l'ins-
trument du progrès; il sera le moyen suffisant et nécessaire de l'édu-
cation des travailleurs, et, une fois ceux-ci convenablement réédu-
qués, il aura une sanction dans son « observation volontaire » (p. 227) ;
car M. Olphe-Galliard veut bien reconnaître que pratiquement il
n'en comporte aucune autre. Quel malheur que les autres contrats ne
soient pas suffisamment sanctionnés, eux aussi, par la volonté des
parties de les exécuter ! Alors, en effet, nous n'aurions plus besoin ni
de tribunaux, ni d'huissiers! Puis viennent les « solutions artificiel-
les. » M. Olphe-Galliard les ramène à trois groupes : 1» la suppres-
sion du salariat par les « associations ouvrières de production » et par
les « associations commerciales de travail. » Le rôle de ces dernières
— 40 —
serait de vendre du travail en bloc à un patron, qui, par conséquent,
n'aurait aucune question à débattre avec les opérateurs eux-mêmes
(p. 320-321); mais M. Olphe-Galliard y est opposé, parce que ce serait
la « désorganisation des syndicats ouvriers » (p. 322); 2° le « pater-
nalisme » (quelle langue, vraiment !), et ce lui est une occasion d'égra-
tigner en passant Le Play, puis les démocrates chrétiens et MM. de
Mun, Harmel, etc; enfin 3° la conciliation et l'arbitrage, qui ne va-
lent guère mieux, car c'est une chimère de poursuivre la « réconci-
liation des adversaires » et de méconnaître les « lois sociales » d'un
antagonisme évident. Apparemment, n'est-ce pas? la guerre sociale
est une loi de nature, avec l'écrasement des patrons au bout. La con-
clusion, c'est que la solution est dans les « vertus sociales des inté-
ressés, » que les syndicats développent si heureusement. Aussi la
paix, à ce que pense de bonne foi M. Olphe-Galliard, revient de plus
en plus. Les révolutionnaires s'effacent et disparaissent derrière les
réformistes; les grèves sont paisibles (n'est-ce pas? demanderai-je;
on ne tue plus ni ne maltraite les renards?), et la. coalition ouvrière
« entraine le progrès général de l'humanité » (p. 376 et 377). M. Olphe-
Galliard n'aborde nulle part les côtés philosophiques ou psycholo-
giques du problème; il ne sonde pas la nature humaine pour voir si,
en elle, lorsque manque un frein moral, il n'y a pas des impulsions
irrésistibles de cupidité et d'envie. Mais n'insistons pas : son siège
est fait et nous ne voulons pas lui redemander de le refaire, quoique
son syndicalisme ne puisse pas ne pas conduire au socialisme intégral.
Bien entendu, il est hostile aux syndicats Jaunes et aux ouvriers indé-
pendants, dont le moins qu'on puisse dire c'est qu'avec ces idées-là
« l'élite de la classe ouvrière et Tavanl-garde des travailleurs organisés
seraient remplacés par les pires représentants de l'armée permanente
des sans- travail » et que « la situation de la classe ouvrière subirait
bientôt un recul épouvantable » (p. 297). J'ai bien trouvé une fois le
mot « droit naturel » ; mais ce n'était pas de morale naturelle qu'il
s'agissait, c'était un droit au sens de revendication, et revendi-
cation du droit de vivre, que personne, je pense, n'a envie de con-
tester (p. 3)
19. — Comme thèse de doctorat, M. Marcel Braibant a fait un livre
intéressant : Le Socialisme et l'activité économique, « étude sur les
mobiles de l'activité économique individuelle dans les diverses con-
ceptions socialistes. « M. Deschanel y a mis une Préface élogieuse.
L'ouv.age comprend deux parties distinctes, le Communisme et le
Collectivisme. Toutefois, au moins sous l'angle que l'auteur veut obser-
ver, la démarcation n'est pas assez tranchée entre ces deux grands
types de socialisme : car le collectivisme, en détruisant la fami le, le
mariage, l'éducation des enfants, etc., paralyserait tout autant les
— 41 —
ressorts de l'activité économique. Dominerait-il par la contrainte,
tandis que le communisme s'adresserait au sens de l'intérêt social, à
l'honneur et au souci de l'opinion publique, voire même tout sim-
plement au besoin psychologique d'activité? Sudre, ii y a plus de
soixante ans déjà, avait soulevé tous ces problèmes, quoique le mot
collectivisme et même la doctrine collectiviste manquassent alors :
pourquoi M. Braibant ne l'a-t-il pas au moins cité? Puis les conclu-
sions, ici, s'arrêtent à mi-chemin. M. Braibant nous apprend lui-
même qu'il avait commencé sa thèse, « prévenu très favorablement
en faveur de la conception économique du socialisme » (p. 14). Il
s'en est bien ramené par la seule impartialité de ses observations,
« en s'éloignant, dit-il, de la plus généreuse des idées sociales « (p. 15) :
mais sa logique n'a pas poussé plus avant; il n'a pas su comprendre
qu'une institution qui est éminemment utile au développement de
l'humanité et qui est même pour elle de nécessité de moyen, je veux
dire la propriété, est par là même conforme à la nature de cette
humanité et qu'elle est par conséquent de droit naturel. Eh bien
non! Admirateur du Discours sur V inégalité des conditions, de J.-J.
Rousseau, qu'il appelle « une explication historique de la plus haute
valeur » (p. 213), M. Braibant répète à satiété que la propriété n'est
qu'une « institution de droit positif, non de droit naturel » (p. 212,
214, etc.), et qu'il faut en refaire la théorie, en partant du point de
vue purement pratique, exclusivement utilitaire (p. 211). Bien plus,
y a-t-il un droit naturel, aux; yeux de M. Braibant? Probablement
non, puisqu'il n'en dit rien, tout au contraire. Alors la propriété et la
société ne reposeront plus que sur la poigne du gendarme, et pour
aussi longtemps seulement que ceux qui voudront du gendaime
seront plus nombreux ou plus forts que ceux qui n'en voudront
pa ■. Le gendarme cesse ainsi d'être un auxiliaire nécessaire il de-
vient à lui tout seul un principe et le droit tout entier. Mais c'est
bien cela qu'on enseigne dans les Facultés de droit de l'État, et nous
ne pouvons pas reprocher à M. Braibant de ne pas y avoir appris
autre chose. Il avait bonne mémoire.
20. — Le Dictionnaire du socialisme, de M. Charles Vérecque, n'a
pas sans doute, au point de vue des doctrines, l'intérêt ou la valeur
du Handbuch des Socialismus de Stegman et Hugo. La partie biogra-
phique et bibliograpljique est seule complète et encore seulement au
point de vue français. Mais, envisagé ainsi, ce dictionnaire est très
précieux par les renseignements qu'il donne sur une foule de petites
notabilités vivantes et disparues, personnages de la Commune,
journalistes, députés, etc., y compris l'auteur en personne. Cepen-
dant M. Vérecque a eu la délicatesse de ne pas y mettre — ou pas y
compromettre — M. Briand. MM. Viviani et Millerand sont à
peine nommés et très imparfaitement biographies. Pour la facilité
des recherches alphabétiques, je regrette l'iatercalation d'un im-
mense article sur le « Parti ouvrier français » qui tient plus de cent
pages (p. 282-384), c'est-à-dire, à lui tout seul, le quart du volume.
Quant aux opinions socialistes, assurément M. Vérecque les a; il
soutient néanmoins que le socialisme, même collectiviste, ne supprime
pas l'hérédité, puisqu'il se borne à supprimer la propriété des biens
que l'héritier aurait prétendu recueilhr ! ! ! (p. 204). Sur le syndicat,
se posant contre la Confédération générale du travail, il professe
que le syndicat ne peut ni ne doit avoir pour but que « d'arracher au
patronat de meilleures conditions de vie et de travail, par la lutte
collective, « alors que la Confédération générale du travail a le tort
de vouloir supprimer le salariat et le patronat (p. 470-471). M. Vérec-
que donne donc la main à M. Olphe-Galhard, que nous analysions
plus haut, et voilà ce dernier indirectement jugé. J. Rambaud.
HISTOIRE COLONIALE ET COLONISATIOiN
1. Colonies portugaises. Les Organismes politiques indigènes, par A.-L. de Al-
MADA Negrei'ros. Paris, Challamel, s. d., in-12 de 320 p., 5 fr.— 2. Politique musul-
mane de la Hollande, par C. Snouck Hurgronje. Paris, Leroux, 1911, in-8 de 133
p. avec planches et vignettes, 4 fr. — 3. Manjland under the Commonwealth
a chronicle of the years 1649-1658, by Berîïard C. Steiner. Baltimore, the .Johns
Hopkins Press, 1911, in-8 de 178 p. — 4. U Exotisme américain dans la littérature
-française au xvi* siècle, d'après Rabelais, Ronsard, Montaigne, et\, par Gilbert
Chinard, Paris, Hachette, 1911, in-16 de xvii-247 p., 3 fr. 50. — 5. Les Ques-
tions actuelles de politique étrangère dans r Amérique du nord, par A. Siegfried,
P. de Rousiers, de Périgw, Firmin Roz, a. Tardieu. Paris, Alcan, 1911.
in-16 de xviii-242 p., avec 5 cartes hors texte, 3 fr. 50. — 6. Autobiographie de
Henry M. 'Stanley, publiée par sa femme Dorothy Stanley; trad. p ir Georges
Feuilloy. Paris, Pion- Nourrit, 1911, 2 vol. in-16 de xii-301 et 415 p., avec trois
portraits et une carte, 7 f r. — 7. Documents diplomatiques pour servir à Vétude de la
question marocaine, par E. Rouard de Gard. Paris, Pedone; Gamber, 1911, in-8
de 159 p., avec 2 cartes, 5 fr. — 8. Situation économique du Maroc, 1908-1909,
par Gh. René-Leclerc. Oran, imp. Fouque, 1910, in-8 de 238-15 p. — 9. La
Pacification de la Mauritanie, par le colonel Gouraud. Paris, Gomitéde l'Afrique
française, 1911, in-8 de 287 p., avec carte, plans, croquis et gravures. — 10.
L'Afrique équatoriale française, par Maurice Rondet-Saint. Paris, Plon-Nourrit,
1911, in-16 de iv-313 p., avec carte, 3 fr. 50. — 11. L'Éducation sociale des rares
noires, par P. Roeckel. Paris,'iGiard et Brière, 1911, in-18 de 296[p., 3 fr. 50.
1. — L'ouvrage que M. A.-L. de Almada Negreiros a consacré en
1910 aux Organismes politiques indigènes des 'colonies portugaises
relève doublement de la rubrique « Histoire coloniale et Colonisa-
tion. » 11 se divise en effet en deux parties, dont la première est pure-
ment historique et indique avec de nombreux détails quel fut, au
point de vue du statut des indigènes, le régime administratif des
colonies portugaises, depuis le moment où le Portugal a eu des pos-
sessions d'outre-mer, depuis le temps de l'infant Don Henri le Naviga-
— 43 -
teur, l'Illustre, jusqu'à l'époque contemporaine, — dont la seconde
est consacrée à l'étude, dans ces mêmes colonies, des organismes
indigènes administratifs et politiques actuels. Nous aimerions insister
avec tout le développement convenable sur chacune des deux parties,
si pleines de faits, de ce livre sur les Organismes politiques indigènes;
nous aimerions aussi en dégager de multiples enseignements; bornons-
nous à dire, puisqu'il nous faut passer rapidement, que l'historique
fait par l'auteur abonde en renseignements précieux et montre quel
respect la colonisation portugaise n'a cessé de témoigner pour les
organismes politiques indigènes jusqu'au moment où la rafale de
l'assimilation outrancière du xviii^ siècle faillit emporter avec nom-
bre d'autres ces curieuses institutions. De ces institutions des peuples
conquis, M. de Almada Negreiros a étudié avec grand soin, dans sa
seconde partie, le peu qui subsiste, et qui est appelé à disparaître
plus ou moins vite. Dans l'Angola, dans le Mozambique, dans l'Inde
portugaise, à Macao, à Timor, il a relevé de très curieux us et cou-
tumes, des institutions qu'il a bien analysées et d'où il a montré le
Portugal éliminant avec raison ce qui se trouve contraire aux lois
humaines naturelles. Hommes d'État, jurisconsultes, historiens con-
sulteront donc avec fruit le nouvel ouvrage de M. A. L. de Almada
Negreiros; c'est une précieuse contribution à l'étude du passé et du
présent de l'empire colonial portugais.
2. — Auprès de tous les islamisants, le D^ C. Snouck Hurgronje
jouit à juste titre d'une très grande autorité, et, lorsqu'il parle de ces
Indes néerlandaises, qu'il connaît si bien, tous ceux qui s'occupent
(îe politique coloniale l'écoutent de la manière la plus attentive.
Aussi comprend-on qu'il convient de faire silence et de prêter l'oreille
quand il traite, devant l'Académie des administrateurs pour les Indes
néerlandaises, de la Politique musulmane de la Hollande et définit ce
qu'elle doit être. Voilà précisément pourquoi M. A. Le Châtelier a
traduit les conférences consacrées au sujet par l'illustre islamisant
néerlandais, et leur a donné place dans la collection de la « Revue
du monde musulman. » Comment s'est propagé l'Islam, en particu-
lier dans l'archipel des Indes orientales, quels sont les caractères
du système de l'Islam, comment ce système est conciliable, si je puis
ainsi parler, avec le gouvernement colonial néerlandais, enfin quels
doivent être les rapports des Pays-Bas avec leurs sujets musulmans,
voilà les questions traitées par M. Snouck Hurgronje dans cette
courte série de conférences, dont l'idée maîtresse, nettement formulée
dans la dernière, est qu'il convient d'associer la société indigène à
la civilisation européenne, et qu'une telle association, vraiment « na-
tionale », enlèvera toute sa force au panislamisme. C'est une politique
que nous connaissons bien, une « politique dé collaboration avec
les indigènes, » — que préconise par conséquent le D^ Snouck Hur-
gronje, et il la préconise avec une force d'argumentation tout à fait
remarquable, dont ne manqueront pas d'être impressionnés les lec-
teurs de ces quatre conférences. Nous en recommandons vivement
la lecture, parce qu'elle leur sera très profitable, non seulement à
ceux qui s'intéressent aux Indes néerlandaises, mais aussi à tous les
administrateurs français de l'Afrique septentrionale ou occidentale
qui sont en contact avec des populations musulmanes.
3. : — C'est du présent que s'occupe M Snouck- H urgronje; c'est
au contraire au passé que nous amène un récent fascicule des excellen-
tes « Johns Hopkins University Studies. » Bien que, depuis plusieurs
années, cette publication ait pris un caractère bien plutôt écono-
mique, il est possible d'y voir encore paraître, de temps en temps,
d'excellentes études d'histoire coloniale. Tel est le cas pour le ré-
cent travail de M. Bernard C. Steiner, intitulé : Marylanû under the
Commonwealth. Pas n'est besoin de rappeler longuement ici
que cet historien a consacré sa vie à l'étude du passé du Maryland, et
que nous lui devons, sur cet Etat de la Confédération américaine,
une véritable série d'excellentes monographies qui, disposées les
unes à la suite des autres dans l'ordre chronologique, constituent une
précieuse histoire du Maryland au xvii*^ siècle; tout récemment, cette
série s'est enrichie du nouveau volume dont nous avons plus haut
transcrit le titre; l'historien des débuts de la colonisation anglaise au
Maryland, du Maryland à l'époque révolutionnaire, de Robert Eden,
etc., y raconte ce qui s'est passé dans le même pays durant l'époque
républicaine, de 1649 à 1658. Comme précédemment, M. Steiner are-
couru à une forme un peu surannée et, groupant méthodiquement dans
l'ordre chronologique tous les faits que lui fournissait l'étude dea
archives du Maryland, des papiers Calvert, etc., a rédigé une
chronique détaillée du Maryland au cours des dix années dont nous
venons d'indiquer les dates extrêmes. Ainsi se trouve constituée,
avec différentes publications antérieures, une précieuse histoire du
Maryland depuis 1631, histoire d'une conscience et d'une documen-
tation remarquables dont nous attendons la suite avec la plus
grande impatience.
4. — Aux études d'histoire coloniale se rattachent celles qui mon-
trent comment les questions coloniales ont été appréciées, à une épo-
que déterminée, par le public du temps; c'est là, en quelque manière,
une science auxiliaire de l'histoire coloniale qui présente un très vif
intérêt et qui éclaire d'une vive lumière l'histoire proprement dite.
En veut-on un exemple? Le récent et curieux ouvrage de M. Gilbert
Chinard, maître de conférences à Brown University, sur l'Exotisme
américain dans la littérature française au xvi" siècle, d'après Rabelais,
— 45 —
Ronsard, Montaigne, etc., est là pour le fournir; reprenant sans le
savoir, — puisqu'il ne le cite nulle part, — le travail naguère es-
quissé par M. Léon Deschamps dans un chapitre de son Histoire de
la question coloniale en France, et le restreignant au Nouveau
Monde, M. Chinard a voulu rechercher quelle influence la décou-
verte de l'Amérique a exercée, en France, sur les imaginations des
contemporains, et il est arrivé, par ses lectures et ses recherches qui lui
ont permis de tirer parti de quelques ouvrages, encore totalement
oubliés — la Sphère des Deux Mondes de Darinel, par exemple, — à
recueillir à ce propos des renseignements très intéressants, ainsi qu'à
faire de curieuses constatations : dès l'origine, déclare-t-il, la litté-
rature américariste a eu pour caractéristique principale d'être une
littérature exclusivement intéressée, dont l'influence s'exerce, dès
le xvi^ siècle, sur les conceptions morales, religieuses et politiques des
contemporains. — Quelque soin, quelque conscience que M. Chinard
ait apportés à la rédaction de son ouvrage, il n'a pas tout connu;
il n'est pas au courant de travaux récents qui lui auraient permis de
renforcer et de préciser ses conclusions. Ce n'est pas ici, faute de
place, que nous pouvons en faire la preuve; aussi comptons-nous y
revenir ailleurs, et pour deux raisons : pour faciliter à l'auteur, s'il
est possible, la suite de sa tâche, puisqu'il compte montrer dans un
autre volume que l'influence de la littérature américaniste n'a cessé
de grandir en France jusqu'au romantisme, • — puis parce que l'Exo-
tisme américain en vaut la peine, et est un ouvrage d'un intérêt,
d'une utilité, et, parfois aussi, d'une nouveauté incontestables.
5. — Nous sommes en droit de parler ici du volume publié dans la
« Bibliothèque d'histoire contemporaine » sur les Questions actuelles
de politique étrangère dans l'Amérique du nord, car plusieurs des sujets
qui y sont traités sont éminemment coloniaux, tout au moins par
certains côtés. Sans doute, les études de M. Firmin Roz sur la crise
des partis aux Etats-Unis et du comte de Périgny sur le développe-
ment économique du Mexique n'ont rien de colonial, mais la doctrine
de Monroë n'a-t-elle pas fini par subir d^ telles modifications et ex-
tensions que les Yankees s'appuient sur elle pour étendre leur in-
fluence non seulement sur d'autres parties du Nouveau Monde, mais
même sur les Hawaï et les Philippines ? Et la zone du canal de Pa-
nama n'est-elle pas une véritable « possession « des États-Unis dans
l'Amérique centrale? Personne enfin ne contestera le caractère colo-
nial d'un travail sur le Canada et l'impérialisme britannique... Voilà
donc, sur les cinq chapitres du volume, trois chapitres considérables,
traités par MM. André Tardieu, Paul de Rousiers et André Sieg-
fried, qui envisagent les questions coloniales au sens le plus large du
mot... Ils le font de la manière la plus simple et la plus claire, er
— 46 — •
même temps que de façon très vivante, car chacun de ces chapitres
a débuté par être une conférence prononcée au cours de l'hiver de
1911, à l'École des sciences politiques, par un des orateurs que nous
venons de nommer. Publiées, aussitôt après avoir été parlées, dans
France- Amérique, ces conférences ont ensuite été revues par leurs
auteurs, remises au point, complétées ou développées s'il y avait
lieu; leur ensemble constitue, comme l'ont fait précédemment les
conférences relatives à l'Europe et à l'Asie, organisées par la Société
des anciens élèves et élèves de l'École libre des sciences politiques,
un précieux exposé des questions essentielles qui se posent aujour-
d'hui dans le Nord-Amérique; on le consultera avec fruit, au triple
point de vue politique, économique et colonial.
6. — Pour passer du Nouveau Monde au Continent noir, il n'est
pas de meilleure transition que V Autobiographie de Henry M. Stanley.
Cet intéressant et attrayant ouvrage constitue un véritable docu-
ment pour l'histoire de la colonisation contemporaine. N'y est-il pas
question, dans le premier volume même, après le récit de ces premières
années dont tous les journaux ont donné un résumé plus ou moins
développé, — n'y est-il pas question du conflit esclavagiste aux
États-Unis et de la guerre de Sécession, c'est-à-dire de questions colo-
niales au premier chef? Mais c'est surtout dans le second volume,
construit de manière très habile et très attrayante par la veuve du
grand explorateur d'après les notes, les journaux et les lettres de
Stanley lui-même, que l'historien de la colonisation trouvera des
pages, des chapitres ou, mieux encore, des séries de chapitres dont il
devra tirer parti. Sur la fondation de l'État indépendant du Congo,
sur l'expédition au secours d'Emir Pacha, sur une foule d'autres
sujets de non moindre importance, l'ouvrage abonde en renseigne-
ments du plus haut prix, et qui contribuent parfois à éclairer d'un
jour très vif certains événements. C'est le cas. par exemple, pour une
conversation avec Gladstone rapportée aux pages 251-254 du tome II,
et aussi pour l'entrevue de Stanley avec le président Kruger au cours
de ce voyage dans l'Afrique du sud que, une fois devenu membre du
Parlement, le vaillant explorateur exécuta à la fin de 1897 (ch. XIII
du même volume). Parfois, par contre, en particulier sur les rapports
avec Emin, nous souhaiterions plus de lumière encore; mais nous
comprenons fort bien que M"^^ Dorothy Stanley se soit trouvée amenée,
dans certains cas, à n'utiliser qu'avec la plus grande réserve les notes
de son mari. Que de documents intéressants et inédits doivent encore
s'y trouver contenus, à en juger par certaines pages, inconnues jus-
qu'ici, relatives à Livingstone, par exemple ! Souhaitons qu'un jour
ou l'autre M^^^ Stanley se décide à en extraire un certain nombre : les
historiens de la colonisation comme ceux de la géographie, trouveront
sans doute beaucoup à y prendre. L'ouvrage, illustré de trois portraits
de Stanley et accompagné d'une carte, a été en général bien traduit
par M. Georges Feuilloy, encore que, parfois, avec une certaine négli-
gence, nous y avons relevé la déplorable expression « me causer » pour
« me parler » (t. 1, p. 139; II, p. 317), le mot « supporter » dans le
sens d'« admettre » (II, p. 253), etc.. Ce sont là des vétilles que, dans
un autre ouvrage, nous ne relèverions pas; mais la traduction de
l'Autobiographie de Henry M. Stanley devrait être absolument irré-
prochable.
7. — Les récentes conventions relatives au Maroc en faisant un
pays soumis à notre protectorat, il est permis de considérer comme rele-
vant de l'histoire coloniale les livres qui montrent les étapes par les-
quelles, peu à peu, le Maghreb el Aksa en est arrivé au point où nous
le voyons aujoiu-d'hui. Tel est le cas des Documents diplomatiques
pour servir à l'étude de la question marocaine que vient de réunir en
volume M. E. Rouard de Gard, à qui nous sommes déjà redevables de
plusieurs études ou brochures sur le Maroc. On y trouvera les textes
essentiels signés conjointement par la France et par le Maroc depuis
1844, celui des accords conclus entre la France et différents États au
sujet du même pays, enfin celui des conventions internationales de
Madrid en 1880 et d'Algésiras en 1906. Ainsi se trouve constitué un
recueil très commode à consulter, qui rendra de réels services, mais
qui n'est déjà plus exact, par suite de la publication de conventions
secrètes au sujet desquelles le public en était, il y a peu de temps
encore, uniquement réduit à des conjecturées. Pourquoi, pour tenir
son recueil au courant, M. Rouard de Gard ne publierait-il pas un mince
fascicule complémentaire, rectifiant et complétant son texte, là
où il est nécessaire? Ge serait le meilleur moyen de maintenir à ces
Documents tout leur intérêt, et d'en faire ce qu'a voulu leur auteur,
le recueil auquel recourront tous ceux qui voudront étudier les vicis-
situdes et les données actuelles de la question marocaine.
8. — Nous n'hésitons pas, encore qu'on puisse nous en blâmer, à
classer parmi les ouvrages ayant trait à la colonisation, celui que
M. Gh. René-Leclerc, délégué général du « Gomité du Maroc » à Tan-
ger, a publié en 1910 à Oran sous ce titre très modeste : Situation
économique du Maroc, 1908-1909. On y trouve en effet, à côté d'ana-
lyses très minutieuses du commerce général du pays, des importa-
tions et des exportations, de la situation économique de la contrée
entre le l^r janvier 1908 et le 1" janvier 1909, à côté aussi des
statistiques du mouvement commercial et maritime du Maroc pour
le même laps de temps d'après les statistiques du Gomité de sdouanes,
— on y trouve deux chapitres d'une importance extrême pour l'ac-
tion européenne dans les différentes parties du Maghreb el Aksa.
- 48 —
Voici d'abord le chapitre V, consacre à des « études et monographies
diverses, » où, entre des notices sur le sel, l'agriculture, la culture des
céréales, l'élevage du mouton au Maroc, nous relevons quelques
pages intéressantes sur «l'agriculture possible dans la Chaouia »
(p. 162-164), une précieuse contribution à ce que nous appellerons
les « possibilités économiques et coloniales » du Maroc. Et que dire
du chap. VI, consacré tout entier aux « moyens de développer la
situation économique et commerciale de la France au Maroc » (p. 197-
221)? Que dire du chapitre VU, où, en manière de conclusion, M. René
Leclerc, avec sa grande compétence, s'attache à déterminer le pro-
gramme que peuvent, que doivent suivre, pour favoriser l'expansion
économique française dans la <y:!ntrée, et l'intervention officielle, et
l'initiative privée? Tout cela, c'est d^^la colonisation au premier chef
— Voilà pourquoi nous signalons ici ce nouveau volume de M. Ch.
René-Leclerc ; il est, comme ceux qui l'ont précédé, très clair, très
précis, très pondéré ; c'est un répertoire de faits des plus précieux,
et en même temps, sans le vouloir, un plaidoyer singulièrement élo-
quent en faveur de l'action française au Maroc. Pour se rendre un
compte exact de la solidité des prétentions allemandes, il convient
aussi de le lire soigneusement et d'en peser tous les termes; tandis
que, durant les 12 mois de l'année 1908, le commerce français crois-
sait de 16.350.000 francs par rapport aux chiffres de Tannée 1907, et
le commerce anglais de près de 16.120.000 francs, le commerce alle-
mand croissait à peine de 864.000 francs, arrivant, avec ses 10.847.000
francs au total, bon troisième, et bien loin derrière l'Angleterre, dont
le chiffre d'affaires était de 41.547.000 francs, plus loin encore de la
France, dont le commerce avec le Maroc atteignait la somme de"*
51.237.000 francs!
9. — Au sud du Maghreb el Aksa, par-delà le Sahara nord-occi-
dental, se développe, au nord du Sénégal, la Mauritanie, rattachée à
notre empire de l'Afrique occidentale, grâce aux efforts du regretté
Coppolani. Ce pays est demeuré pendant longtemps turbulent, insou-
mis en fait, sans cesse en état de demi-révolte à l'égard des adminis-
trateurs envoyés de Dakar pour y asseoir définitivement notre auto-
rité. Il n'en est plus de même aujourd'hui, grâce à l'œuvre de pacifi-
cation menée à bien, du mois de décembre 1909, par le colonel Gou-
raud. Cette œuvre, les membres de la Société de géographie en ont
connu les grandes lignes dès le 13 juin suivant, grâce à l'exposé que
leur en fit celui même qui l'avait accomplie; mais c'est dans le Bul-
letin du Comité de l'Afrique française qu'il faut en aller chercher les
détails. Vue d'ensemble et exposé détaillé se trouvent maintenant, par
les soins du « Comité de l'Afrique française », réunis dans un volume
intitulé la Pacification de la Mauritanie, qu'illustrent un certain nom-
— 49 -
bre de gravures, ainsi que des plans et des croquis dans le texte, enfin
une carte hors texte; ainsi peut être facilement suivi le journal plein de
menus faits, de renseignements précis et d'indications utiles, soigneu-
sement rédigé par le colonel Gouraud, journal qui est, au point de
vue colonial, un véritable document, au sens le meilleur du mot.
10. — Voici notre pauvre Afrique équatoriale, de par la volonté
des Allemands, bien mutilée et coupée en deux tronçons; ainsi se
trouve achetée, non pas tT'op chèrement peut-être, mais en tout cas
à très cher prix, l'extension de l'influence française sur la majeure
partie du Maroc, des rives de la Petite Syrte à celles de l'Atlantique !
On s'en convaincra très vite en lisant le tout récent ouvrage consacré
par M. Maurice Rondet-Sairt, l'auteur de la Grande Boude, à l'Afrique
équatoriale française. 11 ne s'agit point là d'un livre de géographie pure
ni d'études scientifiques désintéressées, mais d'un livre de géographie
économique et positive, d'un livre de réalisations, dirais-je volontiers.
C'est, en effet, avec l'idée de voir et d'apprendre, de recueillir des
observations précises sur le présent et l'avenir de la contrée que
M. Rondet-Saint a parcouru notre chère Afrique équatoriale depuis
les rivages de l'Atlantique jusqu'à l'Oubangui, remontant l'Ogôoué
jusqu'à N'Djolé, la Sangha jusqu'à Ouesso, l'Oubangui jusqu'à
Bangui, visitant le massif du Haut-Djoué, promenant partout sa
curiosité très informée et très éveillée. Le résultat de cette curiosité
c'est l'Afrique équatoriale française, où l'auteur affirme que la colonie
tout récemment visitée par lui est, « dès aujourd'hui, un pays
d'une colossale richesse visible; elle figurera, avant un quart de siècle,
parmi les plus belles et les plus riches possessions de la République
française. » Certes, M. Rondet-Saint formule à juste titre, au cours de
son travail, bien des réserves justifiées; mais la conclusion énoncée
par lui dans les dernières lignes de son livre n'en est pas moins à
retenir. Elle ravivera chez beaucoup des lecteurs, à qui l'auteur per-
met de bien comprendre l'esprit de suite des Allemands (p. 57 et 72,
par exemple), l'amer regret que cause à tout bon Français l'abandon
aux avidités germaniques d'une bonne partie de notre Congo.
11. — Des études de détail sur telle ou telle partie de l'Afrique,
élevons-nous à des vues d'ensemble en même temps qu'à ces problèmes
d'ordre général sur lesquels ne cessent de réfléchir et de méditer
les administrateurs les plus perspicaces et les plus expérimentés. De
semblables questions, il en est peu — si même il en est — de plus im-
portantes que celle de l'éducation sociale des indigènes; depuis le
moment surtout où aux politiques successives que Von pourrait appe-
ler « de domination » et « d'assimilation » est venue se substituer la
politique de « collaboration », il a fallu en définir les différents points
et en déterminer les grandes lignes; un mot est bien vite dit, en effet,
Janvier 1912. . T. CXXIV. 4.
— 50 —
mais ne suffit pas et, derrière une étiquette, il doit y avoir tout un
programme, et, pour appliquer ce programme, des hommes d'initia-
tive, doués à la fois d'intelligence, d'énergie et de bonté. M. le lieu-
tenant d'infanterie coloniale P. Roeckel doit être un de ces hommes,
sans lesquels la politique de collaboration ne serait qu'un vain mot;
il suffit de lire le petit volume qu'il vient de publier sur l'Éducation
sociale des races noires pour s'en convaincre. Cette éducation, déclare
très justement l'auteur, est « possible, mais à la condition que tous les
Européens qui vont en Afrique se conduisent en éducateurs », ce
que, hélas ! ils ne font pas. Elle est possible, et la meilleure preuve
qu'on en puisse donner, c'est le tirailleur sénégalais, qui une fois
soumis, entre les mains des blancs, à une éducation forte s'adres-
sant spécialement à sa volonté, devient tout différent de ce
qu'il était auparavant, et même, une fois rentré dans son foyer, dans
l'atmosphère d'indolence dans laquelle il a été élevé, garde une par-
tie de son ancienne énergie. Elle est possible, et, ajoute le lieutenant
Rœckel, elle est pour nous une nécessité. Il faut donc agir en
conséquence, et, pour ce faire, donner aux coloniaux l'éducation qui
leur convient à eux-mêmes; ainsi l'auteur, après avoir étudié dans
une première partie la psychologie des races noires et constaté dans
une seconde la pauvreté des résultats obtenus jusqu'ici, se trouve
amené à tracer un programme très intéressant d'éducation pour
ceux-là mêmes qui sont destinés à éduquer les noirs, c'est-à-dire,
en réalité, pour tous les coloniaux. Chacun en effet, M. Roeckel le
montre très bien, a sa tâche particulière, et le simple colon, et le
commerçant, et l'instituteur, et le médecin, et l'administrateur, et
surtout l'officier dont M. Rœckel voit le rôle « le plus beau. « Nul
n'y contredirait, si l'auteur avait pris la précaution de faire préala-
blement une réserve, et de mettre à part le missionnaire, en indi-
quant pour quelle raison il n'en parlait pas; mais le supprimer par
simple prétérition, c'est vraiment inexcusable ! Tel est notre gros
grief contre le livre de M. Rœckel, dont nous avons grand plaisir
à louer par ailleurs les idées et l'ordonnance. Mais il convient de re-
tenir que l'Education sociale des races noires est un ouvrage trop
précis pour pouvoir être mis entre toutes les mains, et il faut déplorer
qvie l'auteur n'ait pas davantage soigné son style; à cet égard, pour
une seconde édition, que nous souhaitons proche, — tant les idées du
lieutenant Rœckel tous semblent bonnes, ■ — une sérieuse revision
s'impose, comme aussi au point de vue des épreuves; celles-ci, en
effet, ont été très mal corrigées, si bien que certaines phrases sont
inintelligibles, celle par exemple où il est question des « possibilités
psychologiques de la rue » (lisez de la race) à la page 260, celle où il
est dit (p. 277) que v le niveau moral des Slaves « (lisez des Blancs)
tendait à baisser en Afrique par suita du manque de contrôle.
Henri Froidevaux.
— 51 —
THÉOLOGIE .
Dietieanaire de tliéol»gic catholif|ue, publie sons la direction
de l'abbé Mangenot. Fasc. XXXII {Dims Scot-Élection), coi. 1921 -2240. —
Fasc. XXXlll (Élection-Emser), col. 2241-2500.— Fasc. XXXIV {Enchantement -
Époux), col. 1-384. — Fasc. XXXV {Èpoux-Espru-Saitit), col. 385-704. Paris
Letouzey et Ané, 1911, 4 fasc. gr. in-8. — Prix de chaque fasc. : 5 fr.
Pendant l'année 1911, quatre fascicules du Dictionnaire de théologie
ont paru, formant la fin du tome IV et le commencement du tome V;
le fascicule XXXV s'arrête aux premières pages de l'article Esprit-
Saint.
Le P. Dublanchy donne en 120 colonnes une remarquable syn-
thèse du traité de l'Eglise; le P. Salaville développe en 100 colonnes,
à propos du mot Epiclase, les controverses concernant la forme du
sacrement de l'Eucharistie; le P. Richard consacre un long article
à la question de VEnfer considéré d'après les textes sacrés, l'ensei-
gnement dés Pères et les décisions de l'Éghse
L'ordre alphabétique amenait les mots Ecriture sainte et le mot
Epiires, qui ont fourni à M. Mangenot la matière de deux notices
courtes et solides. Deux prêtres de Nancy ont parlé, l'un, M. Bigot,
de Y Ecclésiaste et de l'Ecclésiastique, l'autre, M. Clamer, d'Esdras
et Néhémie. M. Mangenot s'est réservé la rédaction de l'article sur
VEpitre aiix Ephésiens.
Le Concile d'Elvire est traité par M. Bareille; le P. Salaville con-
sacre 100 colonnes au Conci/e c^'iipAèse. M. Pareille, spécialiste en fait
d'hérésiologie, s'occupe des Ebionites et de quelques autres sectes
de moindre importance.
Les questions de morale sont traitées par le P. /.ntoine, le P. Des-
brus, rédemptoriste, le P. Dutilleul (Esclavage, en 60 colonnes), le
P. Ortolan (Embryologie et Emhryotomie), l'abbé Fonsagrives (De-
voirs des Epoux). M. Valton examine avec ampleur les Empêchements
au mariage et revient sur la question à propos du mot Erreur.
Election donne lieu à quatre articles : Election divine par M. l'abbé
Michel, qui a rédigé également l'article Élus (nombre des); — l'Élec-
tion en tant qvx'acte humain, par le P. Gardeil; — l'Élection des évê-
ques, par M. l'abbé Rolland; — l'Election des Papes par le P. Ortolan.
M. l'abbé Bour a écrit en 60 colonnes un excellent résumé de ce
qu'il faut savoir sur VEpigraphie chrétienne.
Des notices abondantes comme de coutume concernent les Char-
treux (P. Autore), les Jésuites (P. Brucker), les Dominicains (p,
Coulon), les Franciscains (P. Edouard d'Alençon), les Orientaux
(S. B. Mgr Chebli, patriarche des Maronites, l'abbé Nau, les Pères
de l'Assomption). D'autres sont écrites par MM. Clerval, Constantin
Forget, Godet, le P. Heurtebize, bénédictin, MM, H.umbert, Ingold'
— 52 -
Largent, le P. Raymond, capucin, le P. Servais, carme, le P. de la
Sèrvière, qui se cantonne dans l'histoire du protestantisme anglais,
M. Vernet et le P. Verschaffel. Je ne ferai qu'une réserve à propos de
l'article Diipanloup : j'y ai trouvé des lacunes qui ont bien l'air de
réticences intentionnelles : telle n'est pas la note ordinaire des articles
qui paraissent dans le Dictionnaire.
M. l'abbé Logendrc a rédigé une longue notice du plus haut intérêt
sur Y Etat religieux de l'Espagne. Il y a accumulé les indications sta-
tistiques les plus précieuses et en dégage des conclusions générales
qui honorent l'auteur et la publication à laquelle i) veut bien col-
laborer. P. PiSANI.
Retour n la sainte Cgllse. Expériences et croyances d'un converti,
par le û^ Albert von Ku ville; irad. de l'alleaiand par l'abbé G. Lapeyrb,
avec une Inlroduclioa de Georges Goyau. Paris, Beauchesne, 1910, in-16
de XXX-2O0 p. avec portrait. — Prix: 2 fr. 50.
Sans pouvoir escompter peut-être un succès égal à celui qui l'a
accueilli dans les pays protestants (la traduction présente est faite
sur le texte de la 19-28*^ édition allemande), le livre de M. von
Ruville trouvera chez nous, nous le pensons, la diffusion qu'il mérite.
Document de psychologie religieuse, par 'le récit captivant d'un
« retour à la sainte Église >> par la voie de l'étude, mais surtout par le
sentiment très vif de quelques vérités rehgieuses élémentaires, et par
la sincérité absolue — document historique, par ses détails de pre-
mière main sur la vie protestante, l'individualisme de son aristo-
cratie pensante, son intellectualisme orgueilleux et les préjugés qui
l'obsèdent — synthèse théologique remarquable, par un homme qui
du premier coup s'établit en pleine mentalité catholique (mais fût-il
entré chez nous, s'il n'avait été de chez nous, comme dit l'Apôtre?),
venge l'Église de toutes attaques, uniquement parce qu'il restitué sa
pensée véritable 'et, sans voiler des taches inévitables en son corps de
chair, révèle partout l'esprit divin qui l'anime et qui transparaît à
travers ses faiblesses, — cet ouvrage intéresse au plus haut point la
théologie, l'histoire, la piété. Dans la Préface, M. G. Goyau résume
la genèse et les leçons de cette conversion avec la sympathie et la
pénétration que lui assurent la communauté d'études et l'égale viva-
cité de la foi. H. Gisors.
JURISPRUDENCE
Cours d* droit forestier, par Charles Guyot. T. III, fascicule I",
litre VI. Paris, Laveur, 1911, in-8 de 308 p. — Prix : 5 fr.
L'analyse des deux premiers volumes de ce Cours a paru en mars
— 53 —
1908 (t. CXII du Polybiblion p. 223-224 et en septembre 1910 (t.
GXIX, p. 232-233). Après avoir traité du droit pénal, puis du droit
civil en matière forestière publique et privée, l'auteu raborde, dans la
première moitié de son troisième et dernier volume, la législation des
travaux publics appliquée aux travaux et attributions confits au ser-
vice forestier pour la fixation des dunes du littoral de l'ouest, pour la
restauration et reconstitution des terres forestières et pastorales en
montagne, et enfin quant au régime des eaux. La législation de la
pêche, de la chasse et de la destruction des animaux nuisibles fera
l'objet du second fascicule en préparation.
Jusqu'à la mise à exécution des lois de 1860, 1864 et 1882, d'une
part, concernant les travaux de restauration et conservation des ter-
rains en montagne, et, d'autre part, du décret impérial d'avril 1862
transmettant au service forestier l'œuvre de la fixation des dunes
jusqu'alors confiée à l'Administration des ponts et chaussées, les
agents des forêts étaient étrangers aux travaux publics, au sens légal
de ce mot. L'auteur du Cours traite donc en premier lieu de la légis-
lation y relative que les agents ont désormais à appliquer.
Cette préliminaire étude faite, M. Ch. Guyot aborde, dans un se-
cond chapitre, l'exposé historique, technique et juridique des travaux
de fixation des dunes par reboisement et les questions de droit de
propriété qui s'y rattachent, sans oublier de mentionner, en appen-
dice, la mise en valeur par le même procédé des 800.000 hectares des
landes, cette sorte de prolongement des dunes.
La législation des terrains en montagne avant et depuis la loi du 4
avril 1882; les résultats favorables comme les déceptions qui s'en
sont suivis; les lois en projet pour remédier à jce qui a causé ces der-
nières et compléter les premiers, — tout cela, examiné point par
point avec toutes les questions de droit qui s'y rattachent et les dis-
cussions juridiques appropriées, remplit le chapitre III et occupe le
tiers du fascicule.
Le régime des eaux prend une importance inconnue naguère du
service forestier moderne avant l'année 1898 où lui a été restitué
son ancien titre d'administration des Eaux et forêts, et où lui a été
ajoutée une section des améliorations pastorales (ce qui implique
le régime des sources et des cours d'eau de montagne), de la pêehe
et de la pisciculture. Répartie en une infinité de règlements, ordon-
nances, lois, décrets rendus ou édictés depuis près de deux siècles et
demi, la législation des eaux forme un fouillis inextricable que M. Ch
Guyot a su collationner, éclaircir et mettre en ordre en y projetant
les lumières de sa science juridique. C'est l'objet de son quatrième
chapitre.
Un chapitre V et dernier, d'une dizaine de pages à peine, est em-
ployé à indiquer sommairement l'application à l'Algérie et aux colo-
nies des législations étudiées dans les pages antérieures.
G. DE KiRWAN.
SCIENCES ET ARTS
fi'Annéc ioreiitière (19141). Aclualilés delà science des forêts, par
LuciKN Chanckrbl. Pans et Nancy, Berger-Levraull, 19J1, ia-16 de
ix-323 p., avec -li) grav. hors lexle, — Prix : 3 fr. 50.
lia Foret, so» rôle dans la nature et le» sociétés, par A. Jac-
QUOT. Paris et Nancy, Berger-Levrault, 1911, in-8 de xx-324 p. — Prix :
à fr. 50.
Docteur en droit, docteur ès-sciences, docteur en médecine, et,
par-dessus le marché, inspecteur des eaux et forêts, attaché au mi-
nistère de l'instruction publique et des beaux-arts, l'auteur du
premier de ces deux ouvrages est incontestablement qualifié pour
traiter la très complexe question des forêts et tout ce qui s'y rat-
tache, aux multiples points de vue juridique, naturaliste, économique,
hygiénique et même esthétique; et son travail justifie, il faut le
reconnaître, les prétentions qu'impliquent les nombreux grades et
qualités portés à la suite de son nom, sur la couverture de ce livre.
Il n'apparaît pas toutefois que le côté juridique de la question —
ou plutôt des questions, car elles sont nombreuses, — l'ait particu-
lièrement préoccupé. Ce sera sans doute pour une autre année, M.
Chancerel se proposant de nous donner, chaque année, V Année fores-
tière précédente.
Dans ce premier annuaire, l'auteur s'occupe principalement du
régime des eaux dans sa dépendance des forêts, des inondations et
des reboisements. Il traite aussi de la question relativement nou-
velle de l'emploi, en sylviculture, des engrais chimiques; et, à propos
des mesures à prendre pour la conservation des forêts, il apporte une
contribution importante à la lutte soutenue par tous les corps et
organes compétents, contre le fisc qui impose aux forêts un impôt
plus fort qu'à toutes autres propriétés non bâties, lequel ne peut
qu'amener, à la longue, la disparition des forêts elles-mêmes.
Les maladies des arbres, les végétaux et bois exotiques introduits
ou importés où à introduire, les richesses forestières des deux Améri-
ques, de l'Afrique et de l'Asie et de nos colonies. enfin la chasse dans les
bois de l'État sont traités dans ce volume très rempli. Il est même
tellement rempli qu'on est porté à se demander si l'auteur pourra trou-
ver, chaque année, des éléments aussi nombreux à mettre en œuvre.
25 gravures hors texte, très soignées, viennent à l'appui de celui-ci.
— La Forêt, de M. A. Jacquot, envisage la question à un point
de vue plus vaste encore et la traite d'après un plan plus général que
— 55 —
ne le comportait la forme d'annuaire adoptée par M. Chancerel.
Recueil de quatorze conférences se suivant d'après une méthode dé-
terminée, l'ouvrage, présenté par une Préface de M.Marcel Prévost,
comprend trois parties.
Dans la première, économique, laquelle ne comprend que deux
conférences, l'auteur expose les premiers résultats du mouvement de
l'opinion en faveur de la sylviculture, signale les funestes effets de la
« déforestation, » montre les emplois très variés, directs et indirects
des bois, indique les ressources forestières tant de l'Europe, avec ses
déficits, que du monde entier, et fait ressortir l'avantage des plan-
tations, suivant que le propriétaire est l'État, les communes ou autres
personnes morales et les particuliers.
Neuf conférences sort affectées à la deuxième partie (physique et
chimique), où il est question de l'influence des forêts sur les phéno-
mènes physiques et météorologiques de toute nature et réciproque-
ment, de la fluctuation des cours d'eau et des régimes hydrologiques
dans leur relation avec le taux de boisement ou le déboisement des
régions; des funestes effets des abus pastoraux, (notamment de la
transhumance); des eaux de ruissellement, de la houille blanche, de
la navigation, des irrigations ; de l'influence du boisement et du
déboisement sur le climat et la production agricole; de la mise en
valeur des terres incultes ; de la « prépondérance » des forêts en
hygiène, de l'assainissement par la forêt; du « malaise social « résul-
tant de l'excès du déboisement, et de la relation entre le taux du
déboisement et le taux de la dépopulation ; de l'obtention à réaliser
de la repopulation par l'effet du reboisement (sur ces trois points,
il est fait ici une incursion dans le sujet afférent à la troisième
partie) ; enfin des très nombreux bienfaits indirects des forêts.
Le rôle social des forêts, objet des trois dernières conférences,
comprend d'abord le point de vue esthétique, l'historique du culte
idolâtrique dont les arbres furent l'objet dans l'antiquité. Considé-
ration fort contestable contre le droit de propriété, fondée sur une
interprétation inexacte du jus abutendi (lequel n'est pas le droit
d'abuser, au sens français du terme, mais bien de jouir intégrale-
ment), mais pouvant être amendée sans préjudice pour la thèse con-
servatoire de l'auteur. Conciliation, par une équitable répartition, des
industries forestière et pastorale, celle-ci étant améliorée et celle-là
préservée. Exposé des moyens financiers, administratifs et de
législation, pour établir un sage régime sylvo-pastoral et encourager
le reboisement. ^
Finalement l'auteur clôt son savant volume par un résumé — «pou-
vant faire l'objet d'une seule conférence, » — sur le rôle de la forêt
« au triple point de vue physique, économique et social. '■> Il présente
- 56 -
ainsi son livre comme un fond au service des conférenciers qui vou-
draient faire, comme lui, campagne on faveur de la c reforestation »
de la France. C. de Kirwan.
LITTÉRATURE
P«lUe Granimaire allemande, par Emile Otto. 10» édition revue
par Paul Vbrrieb. Ileidelberg, Gross, 1911, in-16 cartonné de vin-228 p.
— Prix : 2 fr. oO,
La maison Jules Gross, de Heidelberg, est fort connue en Europe
par la publication de ses manuels et livres d'enseignement pour l'étude
des langues modernes, d'après la méthode Gaspey-Otto-Sauer. Le
principe de la méthode consiste à faire marcher de front la grammaire
et la pratique, c'est-à-dire ni le vide de la méthode d'Ahn ou de
Berlitz, ni les divagations de la théorie pure. M. Paul Verrier a revu
la 10^ édition de la Petite Grammaire, et il a essayé de l'adapter
jusqu'à un certain point à la méthode intuitive, la coqueluche de
l'Université moderne, en France encore plus qu'en Allemagne. Il a
simplifié l'ancienne grammaire Otto, pas assez cependant à notre
gré, et, puisque l'on s'adresse à des commençants, je voudrais bien
savoir ce que viennent faire ici ces 20 pages de théorie sur la pronon-
ciation, sur les consonnes voisées ou invoisées. Pourquoi farcir les
jeunes têtes de ces termes qu'elles ne comprennent pas? Les mots
consonnes sonores ou consonîies sourdes, pour être compris de tout le
monde, n'en sont pas moins exacts ou moins scientifiques. Par contre,
nous félicitons les auteurs d'avoir ramené à des proportions plus
humaines les chapitres sur la déclinaison et la conjugaison qui étaient
si touffus dans l'ancienne grammaire Otto. L. Mensch.
Observations mur la légende primitive d'Ulysse, par Maukicb
Choisbt. Paris, C. Klincksieck, 1910, in-4 de 46 p. — Prix : 2 fr.
M. M. Croiset, que les suffrages de ses collègues viennent d'élever
au poste éminent d'administrateur du Collège de France, s'est pro-
posé, dans ce mémoire, « de rechercher, d'après les plus anciens témoi-
gnages et les faits les plus probables, comment la légende d'Ulysse
paraît avoir évolué jusqu'au temps où elle a pris dans YOdyssée la
forme sous laquelle elle est restée populaire. » Et des textes, qu'il con-
fronte avec une rare habileté, il conclut qu'avant la fin du second
millénaire avant notre ère, les îles et la région qui entourent Ithaque
étaient déjà habitées par une race conquérante, probablement venue
du continent et dépositaire d'anciennes traditions. Ulysse passe, dans
les plus anciens chants de l'Iliade, pour un héros en possession d'une
réelle renommée, consacrée par certaines épithètes significatives. Il
— 57 —
brille dès ce temps par la maîtrise de soi-même, la connaissance des
hommes et l'art de se tirer des difficultés : autant de traits de carac-
tère qui le rendaient particulièrement apte à soutenir l'intérêt dont
les longs récits d'aventures ne peuvent se passer. Au cours de ses
périlleux voyages, ce favori de Minerve est avant tout un inventeur
de stratagèmes.
Les investigations de M. Croiset s'arrêtent à l'époque de la composi-
tion de VOdyssée, par lui jugée notablement postérieure àr//iarfe, et par
suite il n'a pas eu à s'occuper de l'Ulysse déconsidéré que Sophocle a
mis sur la scène dans son Philoctète. G. Huit.
Reliqiiiae de Mauhigh Faucon. Paris, Plon-Noiirril, 1911, 2 vol. petit
in-8 de Gii-379 et 439 p., avec 2 porlrails. — Prix : 1 fr.
« Un chartiste poète », tel fut Maurice Faucon, d'après M. Michel
Salomon, qui a consacré à la mémoire de son ami une remarquable
étude, publiée d'abord dans le Correspondant du 10 mars dernier,
puis réimprimée en tête du premier des deux volumes annoncés ici;
nous pourrions ajouter que Faucon fut moins un érudit qu'un poète
et un artiste. Né à Ariane, bourg du Puy-de-Dôme, le 12 mai 1858, il
était entré à l'École des chartes à 17 ans, en novembre 1875. Membre
de l'École française de Rome, cinq ans plus tard, vers la fin de 1880,
il se signala promptement par toute une série de publications, et son
nom ne tarda pas à être connu dans le monde de l'érudition. Par
contre, en dehors d'un cercle très restreint, Faucon poète était resté
à peu près ignoré. Pourtant, il avait donné, en 1889, un volume de
vers intitulé : Italie, la Voie étroite, dans lequel il y avait d'incon-
testables beautés; mais l'auteur, obéissant à un scrupule de cons-
cience dont nous ne sommes pas juge, a retiré du commerce tout ce
qu'il a pu de l'édition. Poète encore, et poète des plus déhcats. Fau-
con se révèle dans les quelques poésies inédites recueillies dans les
Reliquiae. Et de combien de pages, vers ou prose, de ces deux vo-
lumes ne peut- on pas dire qu'elles portent la marque d'un vrai poète ?
En outre, nature essentiellement artiste. Faucon se trouvait remar-
quablement bien préparé pour étudier les chefs-d'œuvre qui, au
cours de ses nombreux voyages en Italie, allaient fixer son atten-
tion. L'histoire de l'art, tel devait être son vrai domaine. On s'en con-
vaincra aisément en parcourant ses écrits posthumes.
Ainsi apparaît ou réapparaît, dans ce recueil, un Faucon poète, un
Faucon artiste, que sans doute ne soupçonnaient pas beaucoup de
ceux qui ne le connaissaient que par ses travaux de pure érudition.
— Là pourtant n'est pas pour nous le principal intérêt des Reli-
quiae.
Vers l'époque où Maurice Faucon, en 1881, achevait sa première
— 58 -
année d'École de Rome, la vie pouvait lui paraître pleine de promesses.
Cependant, s'annonçait déjà la douloureuse destinée qui devait
être la sienne. C'est, en effet, vers ce même temps qu'il ressentit
les premières atteintes du mal implacable, qui, bientôt s'aggravant,
devait, à partir de 1882 ou 1883, lui interdire toute, recherche
lointaine, tout voyage d'étude et trop souvent même tout travail
prolongé. 11 s'ensuivit une longue et profonde crise morale et
religieuse, qui, à travers une phase de mysticisme, devait le conduire
de la simple croyance à la foi la plus épurée et la plus sereine. Cette
crise, écrivait-il lui-même, en 1892, à Jean Aicard, •« s'est dénouée
par une conversion totale, non seulement aux idées chrétiennes...,
mais aux pratiques catholiques dans ce qu'elles ont de plus strict. »
Cette lente évolution religieuse, M. Raymond Saleilles, l'intime
confident de Faucon, et M. Michel Salomon l'ont admirablement
décrite, à l'aide soit de leurs propres souvenirs, soit du Journal laissé
par leur ami de sa correspondance et de quelques-unes de ses plus
belles poésies.
Les exécuteurs testamentaires de Faucon ont retrouvé dans ses
papiers de nombreux feuillets de ce Journal que, pendant une quin-
zaine d'années et peut-être davantage, il avait tenu avec plus ou moins
de régularité, de ses impressions d'artiste et de ses réflexions de « grand
liseur. « Les fragments les plus anciens qui en soient reproduits ici,
datent de ses deux premiers voyages en Italie (1879-1880). Particu-
lièrement nombreuses et attachantes sont les notes (notes d'art
pour une grande partie) se rapportant à sa première année d'École
de Rome (1881). A partir de 1883, le Journal, qui ne va pas au-
delà de 1893, ne présente plus tout à fait le même caractère. Désor-
mais, les pensées et réflexions morales, philosophiques, religieuses
surtout, y dominent. Journal d'un Amiel catholique, a-t-on pu dire
avec raison.
Le premier volume se continue et s'achève par divers opuscules :
deux études d'art, deux nouvelles inédites, où Faucon se montre con-
teur de talent, et deux essais sur les mœurs religieuses en province.
Le second volume est presque entièrement occupé par la Correspon-
dance, qui, sur plus d'un point, complète et éclaire le Journal.
250 à 300 lettres de Faucon, s'échelonnant entre les années 1877 et
1906, ont pu trouver place dans ce recueil; elles sont, à quelques
unités près, adressées soit à sa mère, soit à divers amis de France ou
d'Italie. Cette correspondance, où se découvrent un cœur très tendre
et uns âme des plus vaillantes, témoigne d'une rare élévation de sen-
timents. On ne la lira pas sans un réel profit moral.
Par les soins pieux et intelligents qu'ils ont apportés à la publica-
cation, et, pouvons-nous dire, au sauvetage de tant de pages fortes
— 59 —
ou charmantes, les amis de Faucon ont bien servi sa mémoire. Pour
nous, nous leur sommes reconnaissant de nous avoir fait mieux
connaître et apprécier cette belle et noble figure. L. Auvray.
âious les lauriers. Eloges académiques, par le V'° E.-M. db
Vogué. Paris, Blond, lyil, in-16 de 329 p. — Prix : 3 fr. 50.
On lit et on relit toujours avec plaisir la belle prose oratoire et
poétique de M. E.-M. de Vogtié. Ce sont ici les douze morceaux aca-
démiques qu'il a composés depuis le jour où, s'asseyant pour la pre-
mière fois sous la coupole, il prononça l'éloge de Désiré Nisard, jus-
qu'au tout récent discours sur les prix de vertu, que, « après avoir
rusé pendant vingt ans « pour l'éluder, il se vit obligé d' « exécuter »
à son tour. Et cela est brillant, brillante même, suivant la loi du
genre, spirituel et élégant, de ce dilettantisme qui fait mesure d'éloges
sensiblement égale à M. Paul Bourget et à M. Hanotaux, à Ferdirand
de Lesseps et à J. -Maria de Hérédia, à M. Barrés et à M. Rostand,
qui est en grande coquetterie avec l'ombre du maître Renan, mais ne
manque pas d'adresser des politesses au christianisme inspirateur
des grands renoncements d'ici-bas, et à cette lumière « qui doit venir
de très loin, de très haut, puisque rien ne l'explique dans le pauvre
monde qu'elle illumine. » Il y a un bon chapitre sur les Mémoires de
Marbot; et les pages sur Maxime du Camp et Challemel Lacour,
les allocutions sur la tombe d'Henri de Bornier, ou au pied des monu-
ments de Bernardin de Saint- Pierre et de Nicolas Gogol, achèvent de
témoigner de la souplesse de ce gentilhomme de lettres toujours
courtois, mais plus sympathique que chaleureux, et que l'on jugerait
même froid, n'était son éloquence toujours grave même sous le sou-
rire, et la tristesse intime dont on sent bien qu'était chargée sa pensée.
Gabriel Audiat.
HISTOIRE
lies iiégioais de Varus. Latins et Germains au siècle
d'Auguste, par Ch. Gailly de Taurines. Paris, Hachette, i911, in-16
de 31^ p., avec 8 planches et une carte. — Prix : 3 fr. 50.
Beau et dramatique sujet qu'a choisi M. Gailly de Taurines : les
expéditions de Tibère et de Drusus en Germanie, puis celles de Ger-
manicus et de ses successeurs, groupées autour du désastre de Varus.
Forêts pleines de terreur et marécages perfides, mer sauvage,
côtes basses et marais redoutables, c'est le fond du tableau.
Massacre des légions, surprise des Barbares et vengeance de
Rome, marche périlleuse à travers les marécages et naufrage de
mille vaisseaux romains, voilà les grandes scènes. Les fils adoptifs
^ 60 —
d'Auguste, Drusus et Tibère, Arminius le héros légendaire, Cécina
le vieux général dont l'expériwice compte quarante campagnes, le
sympathique Germanicus et son héroïque épouse Agrippine, à laquelle,
comme par un contraste voulu, s'oppose la farouche Germaine Thus-
nelda, épouse d' Arminius, comme à celui-ci s'oppose son frère Fla-
vius, le barbare germanisé, telles sont les figures qui se détachent en
plein relief. Certes la matière historique est assez riche pour se suffire
à elle-même ! Pourquoi l'auteur a-t-il cru devoir l'agrémenter çà et là
par des procédés romanesques et surannés? Et même un tel début
de roman : « par une belle journée d'été, un homme d'aspect rustique,
à la haute taille,» etc., nous ferait plutôt sourire. Sans compter que,
dès le premier mot, le lecteur a compris qu'il s'agit de Virgile, lequel,
entre parenthèses, vient là, on ne sait trop pourquoi. Et de même,
cette manière négligée d'introduire certains personnages connus,
pour, au bout de vingt lignes, laisser éclater leur nom comme une fan-
fare aux oreilles du lecteur ébloui, tel un conte de M. de Bouilly! Et
ces titres à effet de quelques chapitres : L'Orgie des Barbares ! Impe-
rator ! Le Sommeil de Germanicus !
Que l'auteur eût donc mieux fait de laisser là cette défroque de
mélodrame ! D'autant qu'il est parfaitement capable de s'en passer.
Malgré ces enjolivements, son livre, en effet, se ht non seulement
avec facilité, mais avec un intérêt soutenu. 11 est écrit en général
d'un style rapide, vivant, l'enchaînement des faits se déroule avec
une clarté parfaite, et même l'on ne saurait nier que le triomphe de
Germanicus et le retour des cendres du même prince ne soient de
belles pages.
Mais l'auteur sans doute a cru plaire ainsi aux gens du monde et
rendre son livre plus accessible aux dames. Et c'est pourquoi aussi il
y introduit çà et là des notions propres à rafraîchir la mémoire des
lecteurs moins familiers que lui avec le dictionnaire de MM. Darem-
berg et Saglio. Erreur à laquelle l'auteur fera sagement de renoncer,
car il manie fort bien, quand il le veut, le style historique, et en dépit
de son réel mérite il risquerait d'être classé parmi les amateurs. En
toute sincérité, ce serait dommage. André Baudrillart.
Dietionuaire d'histoire et de géogrnphie eccléciiastiques,
publié sons la direction He Mgr Alfred Baudrillart, Albert Vogt et
Urbain Rouziés. Fasc. 111. {Adulis-Agde), col. 641-928. Fasc. IV. {Agde-
Aix-la-Chapelle,, col. 929-1248. Paris, Lelouzey et Ané, 1911, 2fasc.gr. in-8.
— Prix du fasc. : 5 fr.
Les deux fascicules parus en 1911 contiennent environ 600 articles
rédigés par plus de 100 collaborateurs parmi lesquels je relève non
seulement des noms de prêtres et de religieux connus pour leur
— 61 —
compétence spéciale, mais aussi la signature de nombreux laïques
tels que MM. Goyau, de Labriolle, Dufourcq, Zeiler, Régnier, Ras-
toul, AudoUent et Froidevaux.
Les articles sont, pour la plupart, consacrés à des personnages ayant
leur place dans l'histoire de l'Église : saints et saintes, papes et
évêques, théologiens et écrivains orthodoxes et hétérodoxes; ces
notices sont de dimensions fort inégales, depuis quatre lignes jusqu'à
quatorze colonnes; la plus longue, et j'avoue avec confusion que j'en
suis l'auteur, est celle qui est consacrée à Mgr Affre, archevêque de
Paris.
Des monographies de provinces, de diocèses et d'abbayes com-
plètent cette revue historique dont l'importance n'est pas à dé-
montrer.
Le morceau capital, tant par sa longueur que par son intérêt, est
l'étude où, en 160 colonnes, M. Aug. Audollenta réuni toute l'his-
toire de l'Afrique chrétienne depuis les premières prédications évan-
géliques jusqu'à la conquête arabe. M. Froidevaux en a donné le com-
plément en esquissant l'histoire des missions catholiques dans tout
le continent africain; deux excellentes cartes, dont une en couleurs,
facilitent l'intelligence du texte.
Un article important est attribué à chacun des diocèses français :
M. Rastoul s'est chargé d'Agde et d'Aix ; M. le chanoine Degert
d'Aire et M. le chanoine Durengues d'Agen. Les éditeurs ont eu la
pensée très louable de joindre à ces notices des cartes des anciens
diocèses. Cependant, s'il m'était permis de formuler, je ne dis pas une
critique, mais un désir, c'est que l'établissement de ces cartes soit
exécuté à l'avenir d'après une méthode plus uniforme. En laissant de
côté Agde, à cause de l'exiguité de son territoire, je remarque que
pour Aix et Aire des divisions archipresbytérales ou décanales sont
dessinées sur la carte, et que, pour Agen, les chefs-lieux d'archiprêtrés
sont seulement soulignés. Les limites actuelles des diocèses, utiles à
connaître, sont tracées assez clairement pour Agen, elles sont moins
nettes pour Aire et manquent totalement pour Aix, où elles étaient
plus nécessaires qu'ailleurs. Cette dernière carte est certainement la
moins satisfaisante : l'indication des diocèses limitrophes est incom-
plète, puisque sur huit il n'y en a que quatre d'inscrits; ce sont les
limites actuelles qui ont été employées, alors qu'il s'agit de l'ancien
archidiocèse. De plus, je relève la mention stupéfiante : Archidiocèse
de Tarascon... à première vue, on croirait à une tartarinade, mais
il ne s'agit que d'une énorme coquille du dessinateur qui a voulu
mettre archidiaconé, comme il aurait dû écrire aussi : archidiaconé
d'Arles, puisque la carte indique les trois archidiaconés d'aujour-
d'hui; mais Arles était un ancien archevêché; on a mis archevêché
— 62 —
d'Arles, et, par une sorte d'attraction, Tarascon est aussi devenu une
métropole.
Les ôvêques constitutionnels d'Aix figurent dans la liste épiscopale
de M. Rastoul (entre crochets); mais il n'est pas fait mention de ceux
d'Agen et d'Aire. Je ne pense pas que MM. Durengues et Degert igno-
rent Constant et Saurine ; j'ai même de fortes raisons pour croire le con-
traire. Ma remarque a seulement trait au plan adopté et qui me pa-
raît encore un peu flottant. On en viendra, je pense, à donner aux
monographies analogues une uniformité qui servira autant aux au-
teurs à la recherche d'un plan qu'aux lecteurs en quête de ren-
seignements, p. PiSANI.
Uistoijre de France, depuis lus ori^nes jusqu'à la Itève-
lution, par Ernest Lavisse, T. IX, 2. Tables alphabétiques. Paris,
Hachette, s. d., ui-i de 319 p. — Prix: 7 fr. 50.
Voici enfin le volume de tables qui couronne la grande Histoire
entreprise sous la direction de M. Ernest Lavisse et qui fait grand
honneur à l'éminent académicien, aux collaborateurs qui ont pris
part à l'œuvre commune, à la maison Hachette qui a mis tant
de soin à la bonne exécution de ce travail et à la science historique
française.
Les tables des personnes, des lieux et des matières ont été réunies
en un seul index alphabétique, et nous nous en félicitons parce que
ce procédé facilite et simplifie les recherches. On se rendra compte
de la masse de renseignements contenus dans cette table, si nous
disons que chaque page renferme trois colonnes et chaque colonne
56 lignes.
C'est surtout sur les noms de personnages et les noms de lieux que
le rédacteur de la table a fait porter ses efforts. Les articles un peu
gros (Angoulême, Charlemagne, etc.), comportent un nombre plus ou
moins grand de rubriques, classées alphabétiquement (par ex., pour
Charlemagne: Administration, Arts, Assemblées du peuple. Capitu-
laires, Couronnement, etc.). Parfois, quand les articles sont trop con-
sidérables (Bretagne, Paris, etc.) ces rubriques elles-mêmes sont
réparties entre diverses sections que précède un sommaire (par ex.
pour Bretagne : Géographie; Institutions et mœurs; Histoire). Lorsqu'il
y a plusieurs personnages d'un même nom (Charles, Louis, etc.), ils
sont groupés méthodiquement (Charles : A. rois de France; B. Souve-
rains étrangers; C. Ducs; D. Comtes; E. Personnages divers).
L'on pourra regretter que les personnages n'aient pas toujours été
identifiés à la table : c'est ainsi que trois ducs de Bouillon sont
désignés par leurs noms, et un quatrième simplement par son titre.
11 faut avouer d'ailleurs que ces identifications auraient parfois exigé
du rédacteur de la table un travail considérable.
— 63 —
Les rubriques matières sont moins nombreuses qu'on ne le vou-
drait. Les rubriques Arts, Ecoles (ou Enseignement, Instruction),
Colonies, par exemple, font défaut ou sont très incomplètes (Écoles
en 1789, alors que même en parcourant la table on trouve les élé-
ments d'une liste assez longue).
En dépit de ces desiderata, ce volume rendra de précieux services,
et nous ne pouvons que remercier le collaborateur anonyme de M. La-
visse qui n'a pas reculé devant cette besogne lourde, minutieuse et
quelque peu ingrate. E.-G. Ledos.
Jeanne d'Arc, par Gabriel Hanotaux. Paris, Hachette, 1911, gr. iii-8,
de xiir-421 p., illustré d'un grand nombre de gravures, d'après les origi-
naux du temps. — Prix : 7 fr. 50.
La Fleur des liistoîres françaises, par le même. Paris, même
librairie, 1911, m-l6 de iii-.315 p. — Prix : 3 fr. 50.
Jeanne d'Arc «t la France, par Tabbé Stéphen Coubè. Paris,
Lethielleux, s. d., petit in-S de 207 p. — Prix : 2 fr.
^ttskwkne d'Arc, tua foi, son procèis, non martyre, par IIëlènb
DE LÉCHÉ. Paris, Bloud, 1911. in-12 de 57 p. — Prix : 0 fr. ^30.
Vie de Jeanne d'Arc racontée par elle-mèuie, par Léon Le
Grand. Paris, Maison de la Bonne Presse, in-4 de iv- 26 p. à 2 vol., cou-
verture illustrée en couleurs. — Prix : 0 fr. 10.
— Il est une variété de snobisme aujourd'hui assez répandue :
celle qui consiste à s'incliner, voire à se prosterner, pour ainsi dire,
d'office devant l'œuvre d'un écrivain qui a ses entrées à la Revue
des Deux Mondes, à plus forte raison, s'il a occupé une haute si-
tuation officielle et est maintenant membre de l'Académie française.
Nous prenons la liberté de ne pas sacrifier à cette habitude. Nous
avons lu et nous allons apprécier la Jeanne d'Arc de M. Gabriel
Hanotaux en elle-même et pour elle-même. L'ouvrage est divisé
en trois livres: I. Simple Histoire de Jeanne d'Arc (1. La Jeunesse
de Jeanne d'Arc. — Les Voix. 2. La Délivrance d'Orléans. 3. Le
Sacre de Reims. 4. L'Echec de Paris. — Compiègne. — Rouen.)
II. Les Quatre Mystères de la vie de Jeanne d'Arc (1. La Formation.
2. La Mission. 3. L'Abandon. 4. La Condamnation.) III. Vie de
Jeanne d'Arc après sa mort (1. La Légende. La Fausse Jeanne
d'Arc. 2. La Réhabilitation. 3. Jeanne d'Arc devant l'Histoire
et devant l'Opinion.) Le premier et le troisième livre sont des addi-
tions. Le troisième est plus intéressant et, au moins en ^îertaines
pages, plus original que le premier, exposé simple et de pleine
bonne foi, mais un peu fruste. La partie essentielle et le ^œur même
de l'ouvrage est le second livre, étude vraiment neuve et, sur nom-
bre de points, féconde de quatre problèmes capitaux dans la vie de
l'héroïque vierge. Nous disons problèmes plutôt que mystères, car
- 64 —
ce dernier mot, choisi par l'auteur, nous parait une conséquence
de cette recherche de l'effet dont les écrivains de notre temps
font im si continuel abus et dont on regrette de trouver çà et là
d'autres marques sous la plume de M. Hanotaux. L'examen de
ces problèmes, tout en laissant naturellement place à des dissiden-
ces et à des réserves au triple point de vue théologique, philoso-
phique et historique, est une œuvre de sérieuse et forte valeur
et d'une inspiration aussi large qu'élevée. Les qualités de l'ancien
élève de l'École des chartes y servent de sohde appui aux vues
rétrospectives du penseur et de l'homme d'Etat. L'auteur y a pris,
en face du surnaturel, dont l'apparition est ici lumineuse, l'atti-
tude un peu hésitante, mais en somme loyale et sympathique,
d'un esprit et d'un cœur honnêtes, que son patriotisme pousse vers
des sphères plus hautes que celles où un naturalisme d'habitude le
retient encore. 11 a émis sur les rapports de la raison et de la foi,
de la nature et du surnaturel quelques remarques excellentes qui
rachètent amplement d'involontaires inexactitudes. Au point de
vue proprement historique, son sens est dans ce livre généralement
juste et fin et son regard pénétrant, quoique ses idées ne soient
pas toujours exemptes tantôt de quelque illusion, tantôt de quel-
que subtilité. Son style, où l'on sent un peu trop l'influence de
Michelet) est expressif, imagé, vigoureux, plein de sève et plein
d'élan, mais pas toujours d'un goût très pur. Nous ne saurions,
par exemple, approuver des métaphores comme celle-ci : « Res-
serrée sur son étroite bande de terre, surveillée du côté de la mer
par la jalousie anglaise, la fortune des Pays-Bas, avec tout ce qu'elle
charrie d'eaux fécondantes et de limons puissants, s'enlize dans
son propre succès comme le cours du grand fleuve qui les a créés
et s'épuise avant d'atteindre la mer ». (p. 173). La langue aussi
laisse à désirer. M. Hanotaux nous dit quelque part (p. 146) que
le cœur de Jeanne d'Arc, « gonflé et gros d'uaie immense pitié,
au lieu de se résoudre en larmes et en plaintes, explose en courage. »
Voilà une expression qui ne serait pas sortie de la plume de Gaston
Boissier et qui ne sortirait pas de celle de M. Alfred Mézières.
M. Hanotaux n'en est pas moins un écrivain remarquable aussi
bien qu'un historien de grand mérite. Sa Jeanne d'Arc portera
plus haut sa renommée. Sous les réserves indiquées et pour les
esprits un peu mûrs déjà, la lecture en est bonne et fortifiante.
C'est un livre qui fera du bien. L'illustration, empruntée aux
gravures sur bois du xv^ et du xvi^ siècle, est originale. Nous ne
savons si elle répond pleinement à l'objet que s'est proposé l'auteur.
Mais c'est tout au moins une collection ingénieuse et utile par elle-
même et comme une section particulière d'exposition ou de musée.
— 65 —
— Un autre ouvrage de M. Gabriel Hanotaux : La Fleur des
histoires françaises, « écrit, nous dit-il, pour la jeunesse, » se rat-
tache, au moins par l'inspiration patriotique, à sa belle étude sur
Jeanne d'Arc. En voici les points de vue et les données successives:
La Terre de France. — Les Eaux de France. — Le Ciel de France.
— Les Hommes de France. ■ — La Patrie française. — Les Batailles
françaises. — L'Expansion française. — La Propagande française.
— Le Moyen Age et l'Art religieux. — La Renaissance et la Ré-
forme. — Henri IV et la tolérance. — L'Age classique. — L'Age
philosophique. — L'Age politique et juridique. — L'Age héroïque
et l'Age lyrique. — L'Age réaliste et scientifique. — La Richesse
française. — L'Égalité française. — L'Idéal français. — Le talent
d'écrivain de M. Hanotaux s'y montre peut-être sous un jour
encore meilleur que dans l'ouvrage précédent, quoique non exempt
des mêmes défauts. On y trouve des pages charmantes, des tableaux
où l'éclat poétique s'ajoute avec fraîcheur et vivacité à l'éloquence
et au sentiment. L'auteur y déploie d'ailleurs de rares qualités
de vulgarisateur d'histoire. Mais nous devons ajouter que la doc-
trine, non seulement n'y est pas sûre, mais laisse paraître, à côté
de vues excellentes et de nobles élans, nombre de préjugés fâcheux.
On regrette même d'avoir à noter plusieurs assertions contraires à
l'orthodoxie. On souhaiterait aussi une conception plus juste de
telle ou telle époque, de telle ou telle institution, de telle ou telle
crise de l'histoire de France. Sauf en ce qui concerne l'art reli-
gieux, l'influence civilisatrice de la religion chrétienne et de l'Église
catholique est presque complètement passée sous silence. Cela étant,
malgré le très réel mérite de cet ouvrage, il ne semble pas possible
de le recommander purement et simplement à la jeunesse élevée
dans la vraie doctrine. Mais ses maîtres en pourront faire quelque
usage à son profit et, dans d'autres milieux, il pourra contribuer
à élargir les esprits et à élever les âmes, car il est tout plein, du
moins, du culte de l'idéal et de l'amour de la patrie.
■ — Ce même culte et ce même amour se retrouvent, mais soutenus
par une inspiration ardemment et fortement catholique, dans le
recueil de conférences et d'articles publiés par M. le chanoine
Coubé sous ce titre : Jeanne d'Arc et la France, où sont traités
avec beaucoup de verve et de vigueur oratoire les sujets suivants :
Jeanne d'Arc et le patriotisme. — Jeanne d'Arc et l' antipatrio-
tisme. — • Jeanne d'Arc et l'avenir de la France. — Jeanne d'Arc
et les femmes françaises. — Jeanne d'Arc et les devoirs des catho-
liques. — La Fête nationale de Jeanne d'Arc. — Jeanne d'Arc
et la Bretagne. — La Vérité sur Pierronne de Bretagne. — Jeanne
d'Arc, honneur et conscience de la France. — Nous sommes heu-
Janvier 1912. T. CXXIV. 5.
- 66 —
reux de constater tout d'abord que l'éloquence de M. Coubé se
montre dans ce recueil sous un bien meilleur aspect que dans un
autre qui lui fait pendant : L'Ame de Jeanne d'Arc, dont nous
avons précédemment rendu compte. L'exubérance romantique y
est moins fréquente et moins marquée et le style s'y rapproche
davantage de cette clarté ferme et naturelle qui est le génie même
de la langue française. Ce n'est pas que les expressions de mau-
vais goût y manquent. Dire de la bannière de Jeanne d'Arc que
« c'est son âme hissée au sommet d'une hampe pour parler plus
haut et être vue de plus loin » (p. 18), c'est s'abandonner à une
fâcheuse et presque ridicule emphase. Mais ce genre de traits est
relativement rare et, dans l'ensemble, comme orateur et comme
écrivain, les qualités de M. Coubé l'emportent ici de beaucoup sur
ses défauts. \'oilà pour la forme. Le fond, en général, est excellent,
et l'on y regrette seulement çà et là quelques exagérations de
polémiste et de zelante. Nous avons notamment apprécié les con-
naissances historiques de l'orateur, son souci de l'exactitude et
de louable retenue par rapport au penchant d'autres panégyristes
vers les conjectures ou interprétations douteuses ou les broderies
légendaires. Nous aurions pourtant mieux aimé ne pas retrouver
dans un de ses discours des mots certainement inauthentiques,
comme le fameux, mais faux : « Ouvrez, c'est la fortune de la
France!» (p. 16), ou le prétendu cri : « Vive labeur » ! (p. 24),
qui a déjà donné lieu à bien des tirades et dont on s'obstine sans
raison à faire l'une des devises personnelles de Jeanne d'Arc. Le
recueil Jeanne d'Arc et la France mérite d'être recommandé d'une
façon particulière à nos lecteurs et à nos lectrices.
— Il en est de même, pour des qualités un peu différentes, du
remarquable opuscule de W^^ Hélène de Léché : Jeanne d'Arc,
sa foi, son procès, son martyre, publié sous les auspices de la So-
ciété bibliographique, et ainsi divisé : I. Les Révélations. II. L'Or-
thodoxie de Jeanne d'Arc. III. Les Responsabilités. IV. Conclu-
sion. Ce travail se distingue par l'exactitude de l'information, la
justesse du sens historique et de la pensée, la netteté de l'expo-
sition, l'élégante simplicité d'un style de bon exemple et de bonne
compagnie. Ce serait un bon signe, parmi tant d'autres tristes
indices, que le succès de cet excellent écrit dans les milieux auxquels
l'auteur appartient et sa diffusion dans quelques-uns de ceux qui
en dépendent.
— Non moins louable et non moins utile en son genre est la
Vie de Jeanne d'Arc racontée par elle-même, de M. Léon Le Grand.
« Chercher, nous dit l'auteur, à faire revivre la figure de Jeanne
d'Arc en recourant à son seul témoignage, tel est le but de ces
— 67 -
quelques pages. Pour cela, nous avons recueilli dans les textes
contemporains, comme d'autres l'avaient fait avant nous (notam-
ment M"i6 P. Froment dans un très bon livre, dont le Polybihlion
a rendu compte), les principales paroles tombées des lèvres de la
Bienheureuse et les avons simplement disposées dans l'ordre chro-
nologique des faits qu'elles relatent ou des circonstances dans les-
quelles elles ont été prononcées. Nous les avons réparties en un
certain nombre de chapitres dont les titres rappellent les diffé-
rentes phases de sa vie pour rendre plus sensible l'enchaînement
des événements, mais nous nous sommes interdit toute addition
et tout commentaire, nous bornant, quand cela était indispensabh;
pour le sens, à noter entre parenthèses le nom de l'interlocuteur
ou à résumer aussi brièvement que possible les questions qui pro-
voquaient telle ou telle réplique ». Accompli avec le soin qu'on
devait attendre d'un érudit aussi distingué que M. Léon Le Grand,
•e travail est d'une utilité multiple. L'histoire, même savante,
pourra en profiter, selon nous, aussi bien que la propagande po-
pulaire. Les références mises au bas des pages, sans gêner en rien
la lecture courante, en font un précieux répertoire. Le rapproche-
ment des textes y est parfois suggestif. Enfin l'âme de Jeanne
d'Arc y apparaît toute vive et toute céleste. Marius Sepet.
L'Église de Paris et la RéYolutlon. T. IV (1799-1802], par P.
PiSANi. Paris, A. Picard et fils, 1911, in-16 de 461 p. — Prix : 3 fr. 50.
L'important ouvrage de M. le chanoine Pisani est achevé et l'on
peut maintenant se rendre exactement compte de ce qu'a voulu
et accompli son auteur. A première vue, ses développements dé-
passent les promesses de son titre. Nous sommes en présence d'une
histoire des événements intéressant l'Église de France qui se sont
produits à Paris de 1789 à 1802. La politique religieuse de la Cons-
tituante, de la Convention, du Directoire et du Consulat est expo-
sée dans son ensemble, d'après les travaux d'hommes appartenant
aux opinions les plus diverses, de MM. Mathiez et Sagnac comme
de MM. Boulay de la Meurthe et Albert Vandal. De là vient qu'à
chaque instant la perspective qui devait servir de fond au sujet
primitif se trouve ramenée au premier plan. Cet élargissement de
la composition s'explique par les circonstances dans lesquelles l'ou-
vrage a été mené à bonne fin. C'est en somme la rédaction d'un
cours professé pendant quatre ans à l'Institut catholique de Paris.
S'adressant à des étudiants, M. Pisani a été amené à éclairer l'his-
toire du diocèse dont la capitale est le chef-lieu par l'histoire géné-
rale de l'Éghse de France. Ceux-ci et derrière eux beaucoup de lec-
— 08 —
leurs retrouveront dans le livre publié un guide commode et fur
pour arriver à comprendre comment cette Église évolua à travers
la crise causée par la rupture du Concordat de 1516 et terminée
par la conclusion du Concordat de 1802. Sur les questions débat-
tues à cette époque, ils recueilleront des informations nouvelles ou
plus précises, appuyées sur des collections de textes ou des statis-
tiques correspondant aux exigences actuelles de la critique historique.
Dans le tome IV et dernier, les faits concernant l'Église de Paris
paraissent à titre épisodique dans chacun des huit premiers chapi-
tres; ils remplissent le neuvième qui nous fait connaître avec détail,
arrondissement par arrondissement, la nouvelle organisation parois-
siale et les prêtres de diverses origines appelés à former le nouveau
clergé. Le reste du volume constitue une histoire du Concordat
qu'on lira avec intérêt et avec fruit, car on y trouvera un exposé
très sûr et très vivant des vicissitudes par lesquelles passa la négo-
ciation. Les Appendices des chapitres IV et VI oiïrent une réunion
de textes propres à faire saisir sur le vif les difficultés de la paix
à conclure entre le Saint-Siège et le gouvernement français. Les
papiers du cardinal Caprara, conservés par hasard aux Archives
nationales, ont été pour la première fois mis sérieusement à profit.
On lira même au chapitre VI une dissertation intitulée Jansénisme
et Gallicanisme, faite pour l'auditoire spécial de l'auteur, où
M. le chanoine Pisani essaie de déterminer l'opinion qu'un catholique
du xx^ siècle doit se former, d'après lui, sur ses ancêtres des xvii^
et xviii^ siècles. L. P.
lies maître* de l'Heure, Essais d'histoire tnorale contemporaine, par
Victor Giraud. Paris, Hachelte, 1911, in-16 de xii-350 p. — Prix : 3 fr. 50.
Le titre que nous venons de transcrire est joli, comme titre à
effet. 11 est moins clair que frappant. Pour l'entendre, il faut avoir
lu l'Avant- Propos où M. Giraud l'exphque. « Les Maîtres de
l'Heure », ce sont les maîtres intellectuels de la génération à la-
quelle M. Giraud appartient, c'est-à-dire, selon sa propre déclara-
tion, celle qui vient « d'atteindre la quarantaine ». Mais cette géné-
ration a été précédée par d'autres qui ne sont pas encore éteintes, et
elle a été suivie de générations nouvelles et différentes, de sorte
qu'il se pourrait bien que nombre de lecteurs ne reconnussent pas
dans les maîtres dont il s'agit ceux de leur heure. Peu importe
au fond, puisque M. Giraud nous donne sur ceux qu'il considère
comme les maîtres de son heure, un recueil d'études très intéres-
santes, où, comme il le dit, l'histoire intellectuelle et morale s'a-
joute à la critique littéraire. — Le présent volume, qui sera suivi
d'un second, est composé de cinq études, consacrées aux écrivains
— 69 —
dont les noms suivent : Pierre Loti, Ferdinand Brunetière, Emile
Faguet, Eugène-Melchior de Vogué, Paul Bourget. Toutes sont
remarquables et offrent une lecture à la fois agréable et nourris-
sante. Une qualité, en soi secondaire, mais qui doit être louée par-
ticulièrement ici, c'est le sens et l'érudition bibliographique de
M. Giraud et l'excellent usage qu'il ne dédaigne pas de faire des
comparaisons d'éditions et des variantes de textes (cf. notamment
p. 295, 313, 314). Mais il a de plus hauts dons et de plus hauts
mérites. C'est un penseur qui embrasse dans leur entier, et dont la
vue dépasse à l'occasion, en les considérant de haut, les sujets qu'il
traite. C'est aussi un critique littéraire très intelligent et très
pénétrant, surtout très bien informé. Toutefois, dans le culte qu'il
professe pour ses maîtres, il excède quelquefois, même assez sou-
vent la mesure, et pose de temps en temps la plume pour prendre
en main l'encensoir. On sent que la Revue des Deux Mondes et
encore plus l'Académie fcançaise sont pour lui des temples, eu il
en pratique les rites avec conviction. C'est dire que ses études se
tournent facilement en panégyriques. Mais cela ne l'empêche pas
d'exprimer, quand il le faut, les réserves nécessaires. Sa foi chré-
tienne, solide et sincère, le soutient et le préserve; elle sauve et
fortifie son indépendance et son originalité. M. Victor Giraud est
aussi un écrivain remarquable, bien que son goût ne soit pas tou-
jours parfaitement pur et que sa langue parfois s'empâte, quand
il nous parle, par exemple, du « sens concret et de la signirication
convergente de toutes ces affinités électives » (p. 195), ou glisse même
dans l'impropriété, quand il écrit (p. 218) que « en intervenant
généreusement dans les questions sociales, elle (l'Église) risquait,
à très brève échéance, de recouvrer tout son ancien prestige ». Ris-
quer s'applique à un mal, non à un bien éventuel. On risque de
perdre, on a chance de gagner. Ce n'est rien, mais il y faut pren-
dre garde. La défense de la langue et du goût est une partie de
cette défense religieuse, morale, sociale, patriotique, littéraire, à
laquelle sont attachées les destinées et l'existence même de notre
pays, et à laquelle M. Giraud est tout à fait digne de prendre une
part de jour en jour plus considérable. Nous recommandons aux
esprits sérieux et curieux le premier volume et nous n'attendons
pas sans un avant-goût de plaisir et d'instruction le second volume
des et Maîtres de l'Heure »... de M. Giraud. M. S.
— 70 —
Calttl«giie raisonné cle!« premières impresfiionH de
Majenre ( 14'A5-1 1157) par Seymour de Ricci. (VeiofTeiillichungen
' der GulenbergGesellschaft, viii-ix. Mainz, Verlag der Gulenberg-Gesell-
schafl, 1911, in-'i de ix-166 p. et 1 pi. en pholoiypie. — Prix : 2o fr.
Die Baniberger Pfistcrdrueke tiud die «fGzeilige Kibel,
von Prof. D' Gottfrihd Zedler. (Même recueil, x-xi.) Ibid., 1911, in-4 de
ii-li;<p., 22 pi. en pholo-lypie, 1 planclie en aulolypieel fig. dans le texte.
— Prix : 25 fr.
Outenberg-CScaelliiehaft. 10" Jahresbericht erslallet in der ordentlichen
Mitgtiederversammlang su Mainz am 23. Jimi ^9H. Mainz, Buchdruckerei
J. Prickarts, 1911, in-/i, 58 p. et 14 fig. dans le texte.
La fondation à Mayence en 1900 et l'inauguration en 1901 du
Musée Gutenberg destiné à recueillir tout ce qui a trait à l'inven-
tion et aux progrès de l'imprimerie ont eu pour conséquence la
fondation, grâce à l'initiative de M. Karl Dziatzko, d'une Société
Gutenberg dont l'objet est double : favoriser le développement
du musée et promouvoir les études sur Gutenberg et sur l'histoire
de l'imprimerie. La cotisation annuelle . des membres est fixée à
12 fr. 50 et peut être rachetée par une souscription perpétuelle de
375 fr.
Bien que la Société ait un caractère international, c'est jusqu'à
présent en Allemagne surtout et en Autriche qu'elle a recruté ses
440 membres actuels. Elle n'a rencontré que six souscripteurs en
Belgique, cinq en Italie, six en Suède, neuf en France, vingt en
Grande-Bretagne; encore, parmi ces souscripteurs, il faut compter
les Bibliothèques. Et, cependant, par l'utilité de l'objet qu'elle s'est
proposé, par l'intérêt des pubHcations qu'elle a distribuées jusqu'ici
à ses souscripteurs, elle mériterait une plus large diffusion. Nous
nous féliciterions si h PobjbibUon, en îa faisant connaître à ses
lecteurs, aidait à son recrutement. La Société qui aurait pu sembler
en sommeil, puisque, depuis quelques années, elle n'avait pas fait
béaéficier ses membres des publications qu'elle devrait leur donner
te us les ans, se rattrape et fait les bouchées doubles en distribuant
coup sur coup deux volumes dont l'un s'applique aux exercices
1908-1909 et 1909-1910 et l'autre aux exercices 1910-1911 et 1911-
1912; et l'un et l'autre de ces volumes sont d une importance assez
considérable.
Le Catalogue,dressé par M. Seymour de Ricci, suppose de vastes
recherches et rendra de précieux services. Ce n'est pas seule-
ment une liste des anciennes impressions mayençaises ; pour chaque
impression, M. Seymour de Ricci s'est efforcé de dresser un
état de tous les exemplaires connus, des fragments même possédés
par des bibliothèques soit publiques soit privées, et il y a joint
l'indication des exemplaires signalés et dont on a perdu la trace;
il indique même, et cela n'était pas superflu, les exemplaires ima-
— 71 —
ginaires que l'on avaijt cru à tort rencontrer dans un dépôt et
qui, en réalité, n'y existent pas. Les impressions sont divisées
en groupes, d'après les caractères qui y ont été employés, et classées
dans un ordre chronologique approximatif. Les exemplaires sont
énumérés d'après l'ordre du pays où ils sont conservés en commen-
çant, nous ne savons pourquoi, par l'Angleterre, et en continuant
par la France et par l'Allemagne.
Le titre donné à son Catalogue par M. Seymour de Ricci est
trompeur. Il ne s'agit pas des seules impressions mayençaises; les
impressions de Pfister à Bamberg, celles de Bechtermuncze à Elt-
ville y figurent également; de même la date de 1467 n'est pas
celle à laquelle s'arrête le travail de M. de Ricci; les Bechter-
muncze s'étendent jusqu'à 1480; des psautiers ou des missels pu-
bliés jusqu'en 1516 ont été relevés par lui .
Tout en rendant hommage au labeur de M. Seymour de Ricci,
nous ne pouvons nous empêcher de faire quelques réserves sur
ses classements; quand il existe d'un même ouvrage deux ou plu-
sieurs tirages — comme cela a lieu pour la Bible de 42 lignes
ou pour le psautier de 1457, — il y aurait eu intérêt à décrire
ensemble tous les exemplaires d'un même tirage, au lieu de les
disperser comme le fait l'auteur, suivant les pays où ils sont con-
servés.
Peut-être pourrait-on relever de ci de là quelques traces de lé-
gèreté, nous n'en citerons qu'un exemple : à propos de la Bible
de 36 1., M. Seymour de Ricci écrit (p. 16, n° 14) : « Selon M. Léo-
pold Delisle {Journal des savants^ 1893, p. 216), un exemplaire
aurait été offert vers 1890 pour 150,000 fr. par un libraire de
Munich »; dans la phrase visée et que voici, il n'est question ni
de 1890 ni de Munich : « Un libraire n'a pas craint dans ces der-
niers temps de demander 150,000 fr. d'un exemplaire de la Bible
imprimée à Bamberg par Albrecht Pfister ». Quant au doute que
M. de Ricci se permet d'émettre sur cette assertion, tous ceux
qui connaissent le soin scrupuleux de M. Delisle dans tous ses tra-
vaux ne s'y arrêteront pas.
— Les impressions de Pfister qui tiennent naturellement une place
dans le Catalogue de M. Seymour de Ricci font l'objet propre
du mémoire de M. Zedler. L'érudit bibliothécaire de Wiesbaden
est arrivé à des conclusions fort intéressantes et, sur bien des points,
entièrement neuves. 11 est parvenu à établir qu'Albrecht Pfister
était un clerc marié qui, pendant au moins douze ans (1448 au
moins à 1460), fut attaché comme secrétaire à la personne de
Georg de Schaumberg, évêque de Bamberg de 1459 à 1475, que
son activité comme secrétaire cesse brusquement en 1460 et qu'il
— 11 —
était mort avant 1466. L'examen très minutieux auquel s'est livret
M. Zedler de la teclmique typographique des volumes imprimés
par Pfister lui a permis de déterminer d'une manière qui me paraît
fort vraisemblable et à peu près sûre l'ordre dans lequel se sont
succédé les impressions du clerc de Bamberg ; comme on sait,
deux de ces impressions sont datées : une édition de V Edelstein
de Boner, du 14 février 1461, et les Quatre histoires, de peu après
la Sainte-Walburge (l'^'' mai) 1462 . Le Boner serait la 2^ impres-
sion de Pfister, qui aurait d'abord imprimé en 1460 une édition de
VAckermann von Bôhmen (exemplaire sans gravures de Wolfenbut-
tel). Les Quatre histoires forment la 3^ impression que suit vers
la fin de 1462 la 1""^ édition allemande de la Biblia pauperiwi
(la plus courte), puis en 1463 l'édition latine de la Biblia pauperum
et la 2^ édition de VAckermann^ en 1464 la 2^ édition allemande
de la Biblia pauperum, la 2® de VEdelstein de Boner; enfin lei?e-
lial de Jacques de Teramo. Si ce dernier ouvrage n'est pas illustré,
comme les autres impressions de Pfister, la raison doit, selon
M. Zedler, en être cherchée dans l'état de fatigue de l'imprimeur
qui, comme on le sait déjà, ne survécut guère à ce travail. M. Zedler
croit aussi pouvoir affirmer que VAckermann n'est pas seulement la
plus ancienne impression que nous ayons conservée de Pfister,
mais la première à laquelle il ait donné ses soins. Les arguments
techniques qu'il fait valoir rendent la chose, sinon certaine, du
moins assez vraisemblable.
Des raisons philologiques avaient conduit des germanistes à
donner pour les éditions de VA ckermann et pour VEdelstein de Boner
un ordre directement inverse de celui que propose aujourd'hui
M. Zedler. Il s'est donc trouvé amené à étudier de plus près le
texte des éditions de Pfister sous le double rapport de l'ortho-
graphe et du style, et cette nouvelle enquête a abouti aux mêmes
conclusions que. l'enquête typographique.
Comme les livres imprimés par Pfister l'ont tous été avec les
caractères de la Bible de 36 lignes, M. Zedler ne pouvait se sous-
traire au devoir d'examiner la question si débattue de savoir qui a été
l'imprimeur de cet ouvrage. Pfister, à qui quelques-uns en avaient
fait honneur, a été généralement écarté et M. Zedler est de ceux
qui repoussent cette attribution difficilement soutenable. Pour lui,
c'est Gutenberg qui est le créateur des caractères de la Bible de
36 lignes comme de ceux de la Bible de 42 lignes; et c'est lui
aussi qu'il faut regarder comme l'imprimeur de cette œuvre. Les
arguments de M. Zedler, dans le détail desquels il ne nous est pas
possible d'entrer ici, sont d'ordre purement technique. Quant au
lieu d'impression de la Bible, tout semble montrer que c'est Bam-
— 73 —
berg et non Mayence; non seulement on explique plus facilement
ainsi, comment, au lendemain môme de l'impression de la Bible, les
caractères sont tombés aux mains du Bambergois Pfister; mais le
papier utilisé pour l'impression a été employé sûrement à Bam-
berg, tandis qu'on n'en trouve point trace à Mayence; les exem-
plaires connus dont on peut déterminer la provenance proviennent
tous ou de Bamberg ou de monastères des environs; c'est à Bam-
berg seulement que l'on trouve trace d'un registre imprimé de la
Bible de 36 lignes. Il y a là tout un ensemble d'indices concordants
et probants. Ce serait en 1457-1458 que Gutenberg aurait mené
à terme cette impression.
Si, dans l'argumentation de M. Zedler, tout n'est pas également
convainquant, ce beau travail, très clair et très fouillé, n'en a pas
moins une importance considérable et s'impose à l'attention et à
l'étude de tous ceux que préoccupe la question des origines typo-
graphiques.
— Pfister est le premier imprimeur qui ait songé à illustrer ses
éditions par des gravures sur bois. M. ri ans Koegler, dans la lec-
ture qu'il a faite le 25 juin 1911 à l'assemblée de la Société Gu-
tenberg : tïher Bucheriïlustrationen in den ersten Jahrzehnten des
deuischen Biichdruckes^ se borne à étudier les productions des pres-
ses baloises. Le fait qu'il met en lumière, c'est qu'au début l'il-
lustration n'a d'autre objet que d'interpréter le texte aussi fidèle-
ment que possible et de le rendre intelligible à qui ne sait lire.
Le dessinateur se réduit à l'essentiel, négligeant le pittoresque inu-
tile, môme quand le texte lui en fournirait les éléments. Peu à
peu, l'illustrateur en prend plus à son aise avec le texte; ainsi
Diirer, — s'il en est bien le des.-^inateur — avec les figures de la
Nef des fous de S. Brant. Encore M. Koegler exagère-t-il plutôt
ces libertés prises par le dessinateur; ainsi dans sa figure 12, où
rien ne lui semble rappeler la sanctification du dimanche, cette
idée n'est-elle pas au contraire éveillée dans l'esprit du lecteur par
la représentation de l'église ou plutôt des églises?
E.-G. Ledos.
BULLETIN
L'Acte de foi eet-ll raisonnable? par le B. P. SCHWALM. Paris. Bloud,
1911, in-16 de 63 p. (Collection Science et Religion). — Prix : 0 fr. 60.
A propos de la foi, ce petit opuscule touche à beaucoup de questions,
questions relatives à la Trinité, aux vestiges d'elle-même qu'elle imprime
dans les créatures, à l'attrait qui emporte toute nature créée vers le surna-
turel, etc. Signalons un beau chapitre, c. 8, sm' la Trinité, centre de la foi, un
autre aussi, ^, 4, que l'on voudrait plus clair, sur ce qui de Dieu est ou n'est
— 74 —
pas naturellement connaissablo. La page à mon a\is la plus intéressante,
p. 59, eet celle où l'auteur analyse dans ce qu'elle a de psychologique-
ment observable, la grâce prévenante, touche suave de Dieu qui nous incite
à croir.^. J'ai le regret d'ajouter que ce passage, d'une valeur psychologique
incontestable, me paraît dialectiquement faible. D'après le P. Schawlm,
ce contact de la présence de Dieu, cette parole intérieure est « obscure sans
doute, mais expérimentée en toute certitude »; et cette certitude expérimen-
tale serait requise pour qu'un acte de foi souverainement ferme fût raison-
nable. — Que tout acte de foi se fasse à l'aide de la grâce, c'est une vérité
dogmatique. Que, dans des cas exceptionnels, vrais miracles d'ordre psy-
chologique, le témoignage intérieur du Saint-Esprit porte en lui-même la
preuve certaine de sa divine origine, je l'admets également. Mais que tous
les croyants aient cette certitude expérimentale de Dieu sensible au cœur,
je ne le pense pas. Faire dépendre la rationabilité de la foi et sa suprême
fermeté d'une expérience religieuse dont tous les croyants devraient être
expérimentalement certains, ne serait-ce pas donner à cette foi un faux air
d'illuminisme? H. Grs.
L.es Idées (la père Bontcmps, Journal d'un paysan, par Abbl NOËL-
Mons, édition de la « Société nouvelle », s, d. iu-12 de 182 p. — Prix :2 fr.
Les idées du père Bont^emps sont radicalement socialistes, et c'est aux
paysans qu'il les prêche, non sans verve ni sans arguments spécieux, avec
un mélange de dissertations économiques et de littérature pathétique, qui
agirait sur bien des lecteurs. La critique vive, acerbe, de la société actuelle
tient nattirellement la plus grande place dans ces pages. Les remèdes propo-
sés sont la nationalisation du sol et un remaniement des lois sur l'héritage,
grâce auxquels l'État pourrait mettre à la disposition des travailleurs et des
associations de travailleurs le sol, les usines, magasins ou manufactures,
avec l'outillage nécessaire. Baron Angot des Rotours.
Le Gldre, par P. Labounoux et P. Touchard. Paris, Hachette, 1910, in-16
cartonné de 199 p., avec 92 fig. — Prix : 2 fr.
Monographie forcément spéciale par suite de la zone plutôt restreinte tant
de la culture du pommier que de la fabrication et de l'usage de cette bois-
son. Cependant la consulteront avec fruit et suivront ses conseils tous ceux
qui produisent des fruits de vente et de consommation. Toute la partie con-
sacrée aux so'ns à donner aux arbres, aux ennemis surtout à combattre,
intéresse naturellement tous les producteurs. Quant aux fabricants de
cidre, ils consulteront avec profit ce qui concernele matériel de fabrication,
son entretien, sa tenue et sa propreté, le traitement des fruits, la manière
d'obtenir le jus, sa fermentation et ce qui regarde la portée
commerciale de ces produits, comme aussi les industries diverses qui uti-
lisent les sous-produits. Ce petit volume prend une bonne place dans l'Ency-
clopédie des connaissances agricoles dont nous avons déjà parlé plusieurs
fois. G. DK S.
Lapin» et cobaye», par Ch. Caillât. Paris, Librairie de la Maison
rustique, 1910, in-8 de 81 p., avec grav. — Prix : 2 fr.
Petite brochure essentiellement pratique. L'auteur, qui invite d'aiiburs
?es lecteurs à le suivre dans la visite détaillée de son clapier, leur en donne
— Tô-
le goût en décrivant tous les détails de l'installation de ses cabanes, leur
aménagement, l'hygiène à observer, enfin la nourriture à donner aux ani-
maux dont on a choisi et sélectionné les racss. L'ouvrage, complété par
dou7e belles planches gravées représentant des installations d'élevage, cons-
titue un guide attrayant et très pratique. G. de S.
Élémentii <i'ai-li itmétique. Premier cjcle, 6"^ et 5* A et B, par P. Gamman.
Paris, de Gigord, 1911, in-16 cartonné de 270 p. — Prix : 1 fr. 80.
Cours élémentali-e de géométrie pinne, par P. CaMMâN et A. -G.
RÉBOUis. Paris, de Gigord, 1911, in-16 cartonnt^, de 294 p. — Prix : 1 fr. 75.
Aif^èbre.. Classe de 3« B, 2' et i" C et D, par P. Gamman et A. Grignon.
Paris, de Gigord, 1912, in-16 cartonné de vi-279 p. — Prix : 3 fr.
M. Gamman, directeur des études scientifiques au collège Stanislas, a
entrepris, avec le concours de plusieurs^ professeurs au même collège, la
publication d'un cours de mathématiques répondant aux desiderata
fréquemment formulés par de nombreux professeurs de l'enseignement
libre. La motion suivante, à laquelle nous nous rallions de la façon la plus
absolue, a toujours réalisé l'unanimité des voix dans les différents congrès:
à qualités égales, dans l'enseignement libre, on doit, sans hésitation, pré-
férer les oeuvres des professeurs de l'enseignement libre. En ce qui con-
cerne les mathématiques, le moment est venu de passer de la théorie à la
pratique; tout au moins en ce qui concerne les trois volumes actuellement
parus de la collection dont nous parlons.
M. Gamman s'est réservé la tâche ingrate d'écrire les Éléments d'arith-
métique. Il s'est efforcé d'être très simple et très clair. Il s'agit d'être com-
pris par de très jeunes erfants. Mais si, dans l'enseignement primaire,
l'arithmétique est une fin, dans l'enseignement secondaire c'est un début
qui doit préparer aux études ultérieures. Il faut donc des notions précises
qui ne paraissent pas trop arides. M. Gamman a su concilier ces deux exi-
gences si opposées. — Dans le Cours élémentaire de géométrie plane, nous
retrouvons, rajeuni et revivifié, l'esprit de simplicité de l'œuvre, mainte-
nant disparue, de Dufailly. Que de générations ont pu absorber le « quod
justum )) de sciences, grâce à cet ancien professeur de Stanislas ! Ge nouveau
livre présente le même avantage pour les programmes actuels. — Malgré
les qualités que nous reconnaissons aux deux ouvrages précédents, nous
n'hésitons pas à mettre hors de pair V Algèbre doMM. Gamman et Grignon.
Le programme officiel de cette science est très vaste; cependant, sur cer-
tains points, il est incomplet. Les auteurs ont su rester brefs, tout en expo-
sant ce qui, logiquement, doit être enseigné. Nous ne saurions faire com-
prendre, en quelques lignes, avec quel tact, quelle délicatesse, les élèves
sont guidés dans cet ouvrage. LIne longue et sagace observation du déve-
loppement intellectuel des auditeurs, telle que M. Grignon Va toujours
pratiquée, est la cause de la haute valeur de ce cours. E. Ghailan.
Un Crime social. L.'.4ifi9a8slnat «i* Vi-nnçoiS Fcrr-er, par LâON Ll-
GA"'r?,3. Paris, Marcel Rivière, 1309, in-8 de 70 p., avec portrait. — Prix :
'. fr.
assassinat est ici pour exécution. L'auteur admet com-ne un axi5aie,
sans même discuter le dossier, que Ferrer était étranger aux émeutss de
Barcelone et que, s'il a été condamné et fusillé, c'est en haine de « l'école
— 76 —
moderne » dont il s'était fait l'apôtre. Il a été en définitive une victime
de l'Inquisition, de l'Église catholique, et aussi de la société bourgeoise
qui s'appuie sur elle, ouvertement en Espagne et en Belgique, indirecte-
ment et sournoisement en France et en Italie. Ce thème sort de centre à une
série de considérations historiques, philosophiques et religieuses, dont on
pressent la profondeur. Comme conclusion à ces pauvretés, on nous an-
nonce l'ouverture d'une souscription pour élever un monument à Bruxelles,
en souvenir de Ferrer. H. Rubat du Mérac.
CHROJNIQUE
Nécrologie. — M. l'abbé Hippolyte Gayraud, député du Finistère,
qu'une grave maladie retenait depuis longtemps loin du Parlement, est mort
à Bourg-la-Reine (Seine), le 16 décembre, à 55 ans. Né à Lavit (Tarn-et-Ga-
ronne), le 13 août -1856, il était entré dans l'ordre des Frères Prêcheurs en
1877 et se fit recevoir docteur en théologie. En 1884 ses supérieurs lui con-
fièrent la chaire de philosophie et de théologie scolastique à l'Institut catho-
lique de Toulouse, chaire qu'il occupa pendant neuf années. Autorisé par le
Souverain Pontife, en 1893, à quitter l'habit dominicain, il s'adonna à la
prédication et groupa autour de lui de nombreux auditoires. Abordant
enfin la politique, il prit vivement la défense de la démocratie chrétienne
dans les congrès et même dans les réunions publiques, et Mgr d'Hulst étant
mort au moment où quelque bruit se faisait au tour de son nom, il fut choi' i
par les électeurs de la troisième circonscription de Brest pour occuper le
siège laissé vacant par le décès du recteur de l'Institut catholique de Paris.
A la Chambre, M. l'abbé Gayraud, qui appartenait au groupe de l'Action
libérale, intervint dans la plupart des débats d'ordre religieux et sut
presque toujours s'imposer à ses collègues anticléricaux parla vigueur de
sa dialectique. Toutefois au moment de la discussion de la loi de sépara-
tion il ne réu?sit pas à obtenir des modifications qu'il espérait pouvoir
amener une entente avec Rome. M. l'abbé Gayraud laisse divers ouvrages
de philosophie, de théologie et de politique parmi lesquels nous citerons;
Thomisme et Molinisme. Première partie : Critique du. Molinisme. Réponse
au R. P. Th. de Régnon, S. J. (Toulouse, 1890, in-12); — Providence et
libre arbitre selon saint Thomas d^Aquin. Thomisme et Molinisme. Seconde
partie : Exposition du thomisme (Toulouse, 1892, in-12); — Saint Thomas
et le prédéterminisme (Paris, 1895, in-16); — Un Programme à propos du
budget de 1895 (Paris, 1895, in-8); — V Antisémitisme de saint Thomas
d' Aquin (Paris, 1896, in-12); — Questions du jour, politiques, sociales, reli-
gieuses, philosophiques (Paris, 1897, in-12); ■ — La Démocratie chrétienne.
Doctrine et programme (Paris, 1899, in-12).
— L'Alsace-Lorraine a perdu dernièrement, en la personne de Mgr Lan-
delin Winterer, un de ses fils les plus dévoués, un de ses plus saints
prêtres, un de ses plus remarquables orateurs et écrivains. Mgr Winterer,
mort à Mulhouse au commencement de novembre, à 79 ans, était né à
Soppe-le-Haut (Haut-Rhin), le 29 février 1832. Il fut successivement
curé à Bischwiller, à Colmar et à Guebwiller, puis fut nommé curé de Saint-
Étienne de Mulhouse et chanoine honoraire du diocèse de Strasbourg. Elu,
en 1874, député au Parlement allemand pour le cercle de Thann-Altkirch,
il ne tarda pas à se placer au premier rang des orateurs politiques de cette
assemblée et se montra un des plus ardents adversaires du prince de Bis-
marck. Et dès lors, pendant quarante ans environ, il ne cessa d'être un
intrépide défenseur des droits de sa patrie nautilée par la guerre fatale et
de l'Eglise persécutée et attaquée dans ses croyances. Maniant la plum?
aussi bien que la parole, il a combattu de préférence le socialisme qui
avait particulièrement attiré son attention. Voici la liste de ceux de ses
ouvrages qui nous sont connus : La Persécution religieuse en Alsace ven-
dant la grande Révolution; — Histoire de Sainte Odille ou V Alsace chrétienne
au VII® et au viii® siècle (Guebviller, 1870, in-8), plusieurs fois réimprimé;
— Le Socialisme contemporain (1878, in-8); — Trois Années de l'histoire
du socialisme contemporain (1882, in-18); — Le Danger social, ou Deux
Années de socialisme en Europe et en Amérique (1885, gr. in-8) ; — Le Socia-
lisme international (Paris et Mulhouse, 1890, in-8).
— Le monde médical vient de perdre un de ses membres les plus distin-
gués, le docteur Odilon-Marc Lannelongue, sénateur et président de
l'Académie de médecine, qui est mort à Paris le 21 décembre, à l'âge de
72 ans. Né à Castera-Verduzan (Gers), en 1840, il fit sgs études médicale?
à Paris, fut reçu docteur en 1867, puis agrégé en 1869, et fut nommé peu
de temps après chirurgien du bureau central des hôpitaux. Attaché, en
1873, comme chirurgien, à l'hôpital de Bicètre, il passait deux ans plus
tard à l'hôpital Trousseau. Le 17 juillet 1883, il était nommé membre de
l'Académie de médecine, qu'il devait présider plus taro, et la même année
on lui confiait la chaire de pathologie externe à la Faculté de médecine,
qu'il échangea ensuite contre une chaire de clinique chirurgicale. Enfin
en 1895, il était appelé à l'Académie des sciences pour la section de méde-
cine et de chirurgie en remplacement de Verneuil. Le docteur Lanne-
longue fut choisi, le 7 janvier 1906, par ses compatriotes du Gers pour les
représenter au Sénat. Dans cette assemblés il ne tarda pas à occuper une
place importante et prit une part active aux discussions relatives à l'hy-
giène, à l'enseignement supérieur, etc. Les principaux ouvrages que laisse
le docteur Lannelongue sont : Circulation veineuse des parois auriculaires
du cœur (Paris, 1867, in-8), thèse pour le doctorat; — Du Pied bot congé-
nital (Paris, 1869, in-8), thèse d'agrégation; — De VOstéomyélite chro-
nique ou prolongée (Pari?, 1879, in-8); ■ — De VOstéomyélite aiguë pendant
la croissance (Paris, 1880, gr. ia-8); — Abcès froid et tuberculose osseuse
(Paris, 1881, in-8); — Coxotuberculose (Paris, 1886, in-8); — Traité des
kystes congénitaux (Paris, 1886, iii-8); — Leçons de clinique chirurgicale
(Paris, 1887, gr. in-8); — Tuberculose vertébrale (Paris, 1888, gr. in-8); —
De quelques Variétés de tumeurs congénitales de l'ombilic et plus spéciale-
ment des tumeurs adénoïdes diverticulaires (Paris, 1886, in-8), avec le doc-
teur V. Frémont; — Méthode de transformation prompte des produits tuber-
culeux des articulations et de certaines parties du corps (Paris, 1891, in-8);
— Affections congénitales. Tête et cou. Maladies des bourgeons de Vambryon,
des arcs branchiaux et de leurs fentes (Paris, 1891, in-8); — La Tubercu-
lose chirurgicale (Paris, 1903, in-8).
— C'est avec un vif sentiment de regret que nous avons appris ici la
mort de M. Léo Rouan et, survenu cet automne, à Mariette (Seine-et-
Marne). M. Léo Rouanet fut des nôtres. 11 donna au PolybibUon, sur divers
ouvrages espagnols, de courtes mais substantielles études. 11 était né à
Béziers (Hérault), en 1863. Après une enfance tout entière écoulée au sein
d'une de ces anciennes familles françaises dont l'horizon d'action et de
rêve semble se limiter à la maison ancestrale, il quitta le Midi pour venir à
Paris. La beauté de la grande ville, le Louvre, une atmosphère intellec-
tuelle, la sincérité et l'enthousiasme de certaifis cénacles le séduisirent.
— 78 —
Il aimait les lettivs, los arts. Il travailla. Son premier livre, un roman •
Maxime Everault, pf rut dès ce temps-là. Ses relations s'étendirent. Mais,
peu à peu, la vie et l'œuvre de Léo Rouanet prirent une orientation nou-
velle. Quelques voyages en Espagne, quelques lectures captivèrent à ce
point son esprit qu'il en vint à s'adonner presque exclusivement aux
belles-lettres et aux arts anciens d'un pays où les hommes firent Séville
et le ciel Calderon. De cette époque jusqu'à sa mort si prématurée, M. Léo
Rouanet mit son intelligence, très sûre et pénétrante, et sa faculté de tra-
vail au service de quelques auteurs espagnols de son choix. Passé maître
dans la connaissance de la lang'ue, il reconstitua et annota de vieux textes,
en traduisit d'autres en un français d'une pureté rare. Il faut citer ses
Chanso7is populaires de VEspagne, traduites en regard du texte (Paris,
1896, in-12); ^ — Intermèdes espagnols du x\ii^ siècle, {entremesses), traduits
et annotés (Paris, 1897, in-8); — Drames religieux de Calderon, traduits
et annotés (Paris, 1898, in-8); — Le Diable prédicateur, comédie espagnole
du xvii® siècle, traduite et annotée (Toulouse, 1901, in-12); — Biblio-
graphie critique du. théâtre espagnol, en collaboration avec M. A. Morel-
Fatio, de l'Institut (Pari.', 1900, gr. in-8); ■ — Quatre dialogues sur la
peinture, de Francisco de Hollanda, portugais, traduits et annotés (Paris
1911, in-12); — Auto Sacramantal de Las pruebas del linaje umano [160o] ;
— Diego de Negueruela; Coleccion de autos, fârsas y coloquios del siglio xvi,
avec notes, appendices et glussaire (Mâcon, 1891, 4 vol. in-8) ; enfin, ces sa-
voureux Mémoires du capitan Alonso de Contreras (Paris, 1911, in-12) , qu'il
« mit en français « avec la collaboration de Marcel Lami, également dis-
paru. Huit jours à peine avant sa mort, M. Léo Rouanet mettait le mot
fin à un volumineux travail, un texte portugais ancien qu'il avait recons-
titué à force de recherches à Paris, à Londres, à Madrid et à Lisbonne.
Son manuscrit, net, complet, pesait sur sa table ; il en parlait avec la
modestie charmante qui fut l'une des caractéristiques de cet homme
distingué, savant collectionneur et bibliophile, esprit délicat et âme
d'élite.
— M. Jean-Baptiste-Edouard Bornet, le di'^tingué botaniste, membre
de l'Institut, considéré à l'étranger, comme un des représentants les plus
autorisés de la science française, est mort à Paris, à la fin de décembre,
à l'âge de 83 ans. Né à Guérigny (Nièvre), le 2 septembre 1828, il étudia
la médecine et fut reçu docteur; mais poussé par un goût très vif pour
l'histoire naturelle, il s'adonna spécialement à d'importantes recherches
sur les végétaux inférieurs. Il étudia les champignons sous la direction
de Leveillé et de Tulasne, puis se rendit à Antibes où il collabora aux
recherches de Thuret sur les organes reproducteurs des algues. Il fut élu,
le 10 mai 1866, membre de l'Académie des sciences en remplacement de
Tulasne et en mai 1891 il obtint la grande médaille d'or de la Société
linnéenne de Londres pour l'ensemble de ses travaux. M. Bcrnet a publié
le résultat de ses découvertes scientifiques dans les ouvrages suivants :
Études psychologiques (Pans, 1878, m-fol.); — Notes algologiques, recueil
d'observations sur les algues (Paris, 1876-1880, 2 vol. in-4); — Concordance
des Algen Sachsens et Europa's de Rabenhorst avec la revision des Nosta-
cacées de Bornet (Venise, 1888, in-8); — Les Algues de P. A. Schousboe,
récoltées au Maroc et dans la Méditerranée de 1815 à 1829 (Paris, 1892, in-8).
— M. Paul Mariéton, un des plus charmants écrivains de cette généra-
tion, est^mort à Nice, le 24 décembre, à 49 ans. Né à Lyon, le 14 octobre
1862, Jean-René-Benoît-Paul Mariéton fit ses études classiques et son
droit dans cette ville. Passionné pour la littérature, il s'adonna d'abord
— 79 — •
à la poésie sous la direction de Jos^phin Soulary, son compatriote, puis
publia dans la /?e('i<e lyonnaise ei la. Reçue du ?nonde latin de nombreux arti-
cles sur les auteurs provençaux désignés sous le nom de félibres. Il ne tarda
pas à devenir un des chefs du félibrige, dont il dirigea les efîorts à Paris
et en Provence et pour lequel il créa, en 1885, un organe spécial, la Revue
félibréenne. Infiniment épris d'art, il avait entrepris avec succès de rendre
une vie nouvelle à l'antique théâtre d'Orange. On doit à M. Paul Mariéton
une édition des Pensées de Vabbé Roux (Paris, 1885, gr. in-8). Ses œuvres
personnelles sont les suivantes : Souvenance. Poésies (Paris, 1884, in-12);
— Joséphin Soulary et la pléiade lyonnaise (Paris, 1884, in-12); — Les
Flamands ,à propos de la mort de Henri Conscience (Lyon, 1884, gr. in-8);
— La Viole d'amour, poésies (Paris, 1886, in-12) ; — Hellas, Corfou,
Athènes, Rome (Paris, 1888, in-16); — La Terre provençale, journal de
route (Paris, 1890, 'n-12); — Le Voyage des félibres et des cigaliers. Rhône
et Vaucluse. Au théâtre d'Orange (Avignon, 1893, in-8); — Le Livre de
mélancolie, poésies (Paris, 1896, in-16); — Voyage des félibres et des ciga-
liers sur le Rhône et le littoral (Avignon, 1892, in-8) ; — Une Histoire d'amour.
George Sand et A. de Musset. Documents inédits. Lettres de Musset (Paris,
1897, in-12); — /asmm (1798-1862) (Paris, 1898, in-12); — Une Histoire
d'amour. Les Amants de Venise ( George Sand et Musset). Édition défini-
tive, avec des documents inédits (Paris, 1902, in-12); — Hippolyte, poésies
(Paris, 1902, in-12); — Le Théâtre antique d'Orange et ses représentations
(Paris, 1903, gr. in-8).
— M. Edmond Saglio, administrateur et archéologue fort connu dans le
monde des beaux-arts et de l'érudition, membre de l'Institut, est mort à
Paris au commencement de décembre, à 83 ans. Né à Paris en 1828, il
entra dans le service des conservations des musées et devint en 1871, à
celui du Louvre, conservateur du département de la sculpture moderne
et des objets d'art du moyen âge et de la Renaissance. Vingt-deux ans
plus tard, en 1893, il fut nommé directeur du musée de Cluny et con-
serva ce poste jusqu'en 1903, année où il prit sa retraite. Il avait été élu,
en 1887, membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, en rem-
placement de M. Germain. M. Edmond Saglio avait entrepris, avec M.
Charles Daremberg, et dirigé, depuis la mort de ca dernier, la très impor-
tante publication du Dictionnaire des antiquités grecques et romaines d'après
les textes et les monuments, ouvrage qui paraît à Paris par fascicules in-4
depuis 1873. 11 laisse, en outre, de nombreuses études sur l'archéologie
antique, ainsi que de remarquables rapports rédigés à la suite de missions
qui lui avaient été confiées pour étudier à l'étranger l'enseignement indus-
triel et artistique.
— M. François- Anatole Bailly, un de nos plus remarquables hellénistes,
est mort vers le milieu de décembre, à 78 ans. Né à Orléans le 17 décem-
bre 1833, il fit ses études au lycée de cette ville et entra en 1853 à l'École
normale supérieure. Sorti agrégé de grammaire en 1857, il fut nommé pro-
fesseur de quatrième à Orléans et occupa cette chaire jusqu'à l'époque où
il prit sa retraite. Ses excellents travaux lui obtinrent d'être élu membre
correspondant de l'Institut le 27 décembre 1887. Les principaux ouvrages
^publiés par M. Anatole Bailly sont : Manuel pour l'étude des racines grecques
et latines (Paris, 18'63, in-18); — Etymologie et histoire des mots Orléans
et Orléanais (Paris, 1871, in-8); — Grammaire grecque élémentaire d'après
les plus récents travaux de la philologie (Paris, 1872, in-8); — Leçons de mots :
les mots grecs (Paris, 1882, in-18), avec Michel Bréal; — Leçons de jnots :
les mots latins (Paris. 1885, 3 vol. in-8), également avec Michel Bréal; —
— §0 —
Dictionnaire grec-fronçais, rédigé avec le concours de M. Egger, à l'usage
des élèves des lycées et des collèges (Pari.'î, 1894, in-4), très bon ouvrage qui
a obtenu un succès mérité.
— M. John BiGELow, le distingué diplomate et publiciste américain
qui est mort au milieu de décembre, à 94 ans, était né dans l'État de New
York, le 25 novembre l'817. Après avoir été successivement, de 1861 à
1866, consul, puis chargé d'affaires et enfin envoyé extraordinaire
et niinistre plénipotentiaire des États-Unis à Paris, il fut rappf4é dans son
pays sur sa demande et devint pour un certain temps directeur du iYe«'
York Times. De 1874 à 1875, il occupa le poste de secrétaire de l'État de
New York. Pendant son séjour en France, M. Bigelow a publié un volume
très apprécié : Les Etats-Unis d" Amérique en 1863, leur histoire, leurs res-
^ sources miner alogiques, agricoles, industrielles et commerciales (Paris, 1868,
in-8). On lui doit encore : Some Recollections of the late A. P. Berryer (1869);
— France and hereditary Monarchy (1871); ■ — Wit and Wisdom of the
Haitias (1877); — ^Molinos le quiétiste {\^^1]\ — La France et la Marine
confédérée (1888); — Writings and Speeches of S. G. Tilden (1885,
2 vol. in-8). Enfin il a donné une Biographie de Benjamin Franklin d'après
le manuscrit original d'une autobiographie, ainsi qu'une nouvelle édition
des Œuvres complètes de ce célèbre Américain (1887).
— Sir Joseph-Dalton Hooker, célèbre botaniste, le doyen des savants
anglais, est mort au commencement de décembre, à Camp, près de Sun-
ningdale, à 94 ans. Né le 30 juin 1817 à Halesworth (Sufïolk), il fit ses
études médicales, fut reçu docteur, et, bientôt api'ès, accompagna, en qualité
de naturaliste, le capitaine J. Ross dans une expédition au pôle antarc-
tique. Plus tard, il parcourut la Nouvelle-Zélande, l'Asie centrale, les Ind'^s,
le Maroc et fut exposé à de grands dangers dans l'Himalaya où il fut f?it
prisonnier par le rajah de Sikim. De retour en Angleterre, il fut mis en
1865 à la tête du Jardin botanique do Kew, près de Londres, en remplace-
ment de son père qui venait de mourir, et devint examinateur de plu deurs
grands établi;;3ements civile ou militaires. Le 18 juin 1886, il fut élu membre
correspondant de l'Institut de France. M. Hooker a comàgné le résultat
de ses recherches, faites au cours de ses nombreuses explorations, dans
de très importants ouvrages parmi lesquels nous citerons : Flora antarc-
tica (Londres, 1845-1848, 2 vol.); — Flore de la Nouvelle-Zélande (1852);
— Voyages botaniques dans la mer antarctique (Londres, 1847-1860, 6 vol,
in-4) ; — Himalayan Journals (Londres, 1855, 2 vol. in-8) ; — ^' Le Rhododen.
dron de V Himalaya (Londres, 1849-1851); ■ — Flora Tasmanica (Londres-
1855, 2 vol. in-fol.); — Studenfs Flora of the British Isles (Londres,
1870, in-8); — The Flora of British India (Londres, 1872-1897); — Jour-
nal d'une excursion au Maroc et au Grand Atlas (Londres, 1878).
— La ville de Barcelone a fait de solennelles funérailles à son grand
poète Juan Maragall y Gorinna, qui est mort le 20 décembre. Ce maître
en « gay saber « était l'apôtre du « catalanisme » et a exercé une influence
considérable sur le développement du mouvementt littéraire dans sa pro-
vince. Ses principales œuvres en catalan sont une remarquable traduc-
tion d'une des tragédies de Sophocle, Ifigenia, une collection de beaux
chantf lyriques. Visions y cants, puis les Poésies, Enlla, Sequencies, unc
traduction de diverses poésies de Gœthe, sous le titre : Les Dispersés
et eifin quelques autres traductions de poésies grecques. M. Juan Mara-
gall écrivait d'a'lleurs aussi bien fm castillan qu'en catalan^ comme le
prouvent les nombreux et intéres.sants articles qu'il a donnés k\d,Lectura
et au Diario de Barcelona et qui ont été réunis en volume.
— 81 —
— On annonce encore la mort de MM. : Maxime de Beaucorps, qui
laisse de nombreuses études d'histoire et d'archéologie locales publiées dans
les Mémoires de la Société archéologique de T Orléanais et ds.n'r, les Mémoires
de r Académie de Sainte-Croix, mort au château do Latingy (Loiret),
le l^"" décembre dernier, à l'âge de 72 ans; — Charles Boudhors, professeur
honoraire au lycée Louis-le-Grand à Paris, mort dernièrement à 80 ans.
— Charles Canivet, membre de la Société des gens de lettres et de l'Asso-
ciation des journalistes parisiens, lequel avait donné pendant de nom-
breuses années au journal le Soleil, sous le pseudonyme de Jean de Ni-
velles, des chroniques d'actualité fort spirituelles, mort à Paris, le 28 no-
vembre, à 73 ans; — l'abbé Henri Ceillier, chanoine honoraire -^^t supé-
rieur du collège Saint-Vincent de Paul de Renn(.s, mort en cette ville, le
25 novembre; — Louis Donzel, avocat, collaborateur de la revue locale
le Vieux Lons, mort à Lons-le-Saunier, le 18 novembre, à l'âge de 64 ans;
— Georges Dupuy, journaliste de talent, qui a publié d'intéressants récits
de voyage, mort à Paris, au commencement de décembre, à 36 ans; —
Charles Favalelli, conseiller-maître à la Cour des comptes, ancien préfet,
qui avait débuté dans la politique par une ardente campagne dans la
presse républicaine de Bastia contre le mouvement dn 16 mai, mort à
Paris, le l^r décembre, à 69 ans; — Paul Gauckler, l'éminent archéo-
logue, membre correspondant de l'Institut, connu par les fouilles qu'il a
dirigées à Carthage et sur plusieurs autres point' de la Tunisie, et plus
récemment à Rome, où il est mort le 6 décembre; ■ — Gérault-Richard,
journaliste député de la Guadeloupe, directeur de Paris- Journal, tuteur
de nombreuses chantions politiques et l'un des membres les plus ardent';
du parti socialiste dont il soutient les revendications dans diverses feuilles,
telles que la Bataille et la NouveUe Bataille de Lissagaray, la Petite Bépu-
blique, le Chamhard, organe de polémique fantaisiste et tapageuse fondé
par lui en 1893, etc., mort à Paris, au commencement de décembre,
à 53 ans; — Auguste Huzard, pub'iciste normand, mort dernièrement
à Rouen; — le R. P. Jules de Lajudie, S. J., successivement recteur des
collèges de Bordeaux et de Montpellier, supérieur des résidences de Tou-
lou'io et de Bordeaux, mort à Tournai, en décembre, à l'âge de 75 ans; —
Charles Lar'onze, ancien recteur de l'Académie de Rennes, mort au
commencement de décembre; — Emile Laurent, agrégé de rUni\er-
sité de Paris, mort à Paris à la fin de décembre, à 75 ans; — Augustin
Laviéville, inspecteur honoraire de l'Académie de Paris, mort dernière-
ment à 68 ans; — Yves Le Boulbin, qui a publié, dans le Bulletin men-
suel de la Société de géographie commerciale de Paris, une étude remar-
quée sur IcS Mœurs et coutumes ties populations de Bas-Congo (juillet 1909)
mort à Libreville, dans le courant de novembre, à l'âge de 34 ans; — Ernest
Menusier, journaliste et linguiste distingué, membre de l'Académie des
fcien^es philosophiques de Rome, mort au commencement de décembre,
à Epinay-sur-Seine, à 71 ans; — le chanoine Moisset, prêtre de grand
mérite, auteur de deux ouvrages : Catéchisme expliqué aux enfants et
Liturgie expliquée aux fidèles, mort dernièrement à Rodez; — Henri Mo-
NOD, qui a publié un travail sur la Jeunesse d' Agrippa d'Aubigné (1884),
mo-'t à Paris, le 5 novembre, à 67 ans; — M. Maurice Montégut, jour-
naliste et romancier d'une grande fécondité, mort à Paris, le 28 novembre,
à 56 ans, lequel a collaboré au Gil Blas, au Figaro, au Gaulois, etc. et a
publié une interminable série de romans et nouvelles, entre autres : Dé-
jeuners de soleil (Paris, 1891, in-12); Don Juan à Lesbos (1892, in-l2),
Janvier 1912. T. CXXIV. 6.
Madame Tout-le-Monde (Paris, 1893, in-12) et Rue des Martyrs (Paris,
1898, in-12); — Heari Mounory, directour des études et sous- directeur
de l'École centrale, mort à Paris, au milieu de décembre, à 51 an?; —
Émilian Piganeau, artiste peintre et archéologue, ancien président delà
Société des archives historiques de la Gironde, mort dernièrement, à
68 an^^.
— A l'étranger, on annonce la mort de MM. : le Ré.v. Peter Anton,
ministre protestant de Kilsyth (Angleterre), qui fut un des principaux
collaborateurs du Scots Magazine et du Fraser's Magazine, et qui a publié :
Masters in History, The Flywheel, Staying Potrer, etc., mort au commencement
de décembre; — William George Aston, philologue anglais connu par ses
remarquables ouvrages relatifs au Japon, tels que Shinto, the way of the
gods (1906), History of Japanese Literature, et par plusieurs grammaires
de la langue japonaise, mort dernièrement; — Dr. Richard Barth, direc-
teur de l'École Bartsch à Leipzig, mort le 27 novembre, à Vl ans; — l'abbé
BussGHAERT, successivement professeur au collège épiscopal de Thieit
(Belgique), au petit séminaire de Roulers, puis devenu principal "du collège
de Thieit, mort curé doyen de cette ville, le 1^'' décembre ,à l'âge de 65 ans;
— Arthur Cottam, astronome anglais, membre de la Société royale
astronomique de Londres, auteur d'une excellente carte céleste parue
en 1889, mort à Bridgewater, le 23 novembre, à. 75 ans; — Friedrich
Dernburg, écrivain allemand et rédacteur en chef du journal le Berliner
Tagesblatt, mort le 3 décembre à Berlin, à 78 ans, après avoir publié :
Des deutschen Kronprinzen Reise nach Spanien und Rom. Journalistische
Reiseskizzen (Berlin, 1884, in-8); Russische Leute (B'^^rlin, 1885, in-8), etc.;
■ — Walter Graham Easton, écrivain écossais, dont les ouvrages sur les
questicns archéologiques et généalojiiques de l'Écossé faisaient autorité,
mort subitement au commencement de décembre; — le Rév. Rowland
Ellis, évoque anglican d'Aberdeen et des Orcades, auteur d'ouvrages
qui ont eu un grand succès en Angleterre, tels qut, : So?ne Aspects of Wo-
mens Life; The Church in the Wilderness; The Christian Faith, et Christ
and the Gospels, mort au commencenient de décembre; — Hassan Fuad
Pacha, savant turc fort connu dans son pays par ses travaux sur la
pédagogie, mort à Constantinople en décembre; — WilliamGRiGGs, gra-
veur et photograveur angh is de grand mérite, auquel on doit deux ouvrages
très appréciés des artistes : Journal of Indian Art et Spécimens of Illumi-
nated Mss at the British Muséum, mOrt dernièrement à l'âge de 79 ans; — ■
Ernit VON Herzog philologue allemand de réputation, prof esseur d'ar-
chéologie romaine, mort à Stuttgart au milieu de novembre, à 77
ans, auquel on doi t : Die Vermessung des rômischen Grenzwalls in seinem
Lauf durch Wastemberg (Stuttgart, 1880, in-8), fJber die Glaubwiirdigkeit
der aus der rômichen Republik bis zum Ja.hre 387 der Stadt ûberlieferten
Gesei^e (Tubingue, 1881, in-8), etc.; — M"'-^ Marie Hirsch, femme de let-
tres allemande, morte à Hambourg, en novembre, à 64 ans, laquelle a publié,
sous le pseudonyme d'Adalbert Meinhardt, un certain nombre de romans
et nouvelles, entre autres : Reisenovellen (Berlin, 1885, iu-8) et Weshalb'^ Neue
Novellen iBrunswick, 1889, in-8); — >ranz Eugen Hussak, naturaliste
allemand, mort le 5 septembre, à Caldas (Bré;il); — Max Jaenecke,
ancien député au Reichstag, directeur de l'Association des journaux alle-
mands, mort à Berlin, en novembre, à 42 ans; — Wilholm Jenseb, poète
bavarois, mort à Munich, le 24 novembre, à 75 ans; — le P. Knabenbauer,
de la Compagnie de Jésus, un des plus savants théologiens et exégèt s
— 83 —
allemands de notre temps, mort dernièr,,-ment à Maëstricht, lequel a donné
de nombreux articles à d'importantes revues religieuses, principalement
aux Stimmen aus Maria-Laach, a fait paraître un commentaire du pro-
phète Isaïe très estimé et, enfin, a pris une part active, avec Iss PP. Cor-
nely et Hummelauer à la publication du grand recueil Cursus Scripturae
^'acme, qui compte actuellement 39 volumes; — Dr. Klaus Koepecke,
ingénieur allemand, dont les publications sur la construction des ponts et
des voi^s ferrées font autorité, mort à Dresde, en novembre, à 81 ans; —
Louis Levert, fondateur et directeur du journal VÉtoile du centre de
1883 à 1898, mort en décembre à Braquegnies (Belgique); — Dr. Laurenz
MuLLNER, professeur de philosophie à l'Université de Vienne, mort à
Méran, le 28 novembre, à 63 ans; — George Robert Milne Murray, bota-
niste anglais de grande réputation, ancien professeur de botanique à
l'hôpital Saint-George, conservateur du département de la botanique au
British Muséum, mort au milieu de décembre, à Stonehaven, à 53 ans,
lequel avait été le directeur de l'expédition antarctique nationale envoyée
par l'Angleterre en 1901 et auquel on doit les deux ouvrages : Introduction
ta the Study of Seawaeds et Handhook oj Cryptogamic Botany; — Ludwig
PiETSCH, écrivain allemand, auteur de' : Aus Welt und Kunst. Studien
und Bilder (léna, 1867, in-8); Orientfahrten eines Berliner Zeichners. Noch
Athen und Byzanz. Eine Friihlingsausflug (Berlin, 1871, in-8), etc., mort à
Berlin, le 27 novembre, à 87 ans; — Dr. Gustav Portig, écrivain .'11e-
mand, mort en décembre, à Stuttgart, à 73 ans; — Dr. Ludwig Salomon,
journaliste allemand, ancien rédacteur en chef de VEherjeld Zeitung, mort
en novembre, à léna à 67 ans; — William Joshua Smith, l'éditeur anglais
de Brighton bien connu, mort le 21 novembre, à 88 ans; — M™^ Arthur
Stannard,' femme de lettres anglaise, qui a écrit près de 80 romans, dont
les sujets appartiennent ordinairement à la vie militaire, morte au com-
mencement de décembre, à 55 ans; — Dr. Gustav Steinbach, écrivain
et journaliste allemand, rédacteur à la Neue Fret Presse, mort au com-
mencement de décembre, à Méran; — le Rév. Thomas Teignmouth-
Shore, ancien chapelain et prédicateur de la Cour d'Angleterre, auteur
de divers ouvrages plusieurs fois réimprimés, notamment : Some Becol-
lections\ Some Difficulties of Belief et The Life of the World to corne, mort
au commencement de décembre; ■ — Auguste Thierry-Mieg, secrétaire
général de la Société industri 'lie, président du Comité des conférences
littéraires de langue française de Mulhouse (Alsace), mort en décembre;
— Hugo VON TscHUDi, directeur du Musée royal [de peinture de Mu-
nich, après avoir occupé le même poste à Berlin jusqu'en 1909, mort
dernièrement à Munich, à 60 ans, lequel a publié une biographie d'Adolf
Menzel, ainsi que divers autres ouvrages; • — Dr. Johannes Vahlen, pro-
fesseur de philologie classique à l'Université de Berlin, mort en cette
sille, le 30 novembre, à 81 ans, lequel était un des plus distin-
gués philologues de l'Allemagne et avait publié d'excellentes éditions de
divers auteurs grecs et latins, d'Ennius, de Catulle, d'Aristote, etc.,;
Théodore Van de Voorde, poète flamand très apprécié en Belgique, mort
en décembre, à Termonde, à l'âge de 88 ans; — Albert Vierling, journaliste
allemand qui faisait partie de la rédaction de VElsasser depuis 15 ans,
mort au commencement de décembre; — Henry Snowden Ward, écri-
vain américain qui a écrit plusieurs volumes sur les rayons X et sur la
photographie, ainsi que deux ouvrages estimés : The Real Dickens Land et
Shakespeare'' s Town and Times, mort à New York, au commencement
de décembre.
— 84 —
Lectures faites a l'Acapï-imie des inscriptions et belles-lettres.
— Le F"" (ItH^embro, ]\I. Jullian parle de la découverte faite à Périgueux
d'une sculpture gallo-romaine rppré:<entant un pied recouvert d'un soulier
et d'une guêtre qui ^-'ajuste à des braies. — Le 8, M. Omont rend hommage
à la mémoire de MI\I. Edmond Saglio et Paul Gaoïckler, membres correspon-
dants, récemment décédés. — Le 15, M. Jullian lit une lettre de M. Mon-
méja, au sujet de la découverte des murs d'enceinte de l'oppidum des So-
tiates, à Sos, près Mézin en Agenais. — M. Cordier annonce qu'il a reçu
une communication de la mission Legendre. ■ — M. Omont prononce l'éloge
funèbre de M. Bailly, un savant provincial. • — M. HoUeaux explique un
texte de 37 lignes découvert dans les fouilles de Délos. — Divers mem-
bres de l'Académie présentent des observations à ce sujet. — Le 22, M.
Foucart démontre à l'Académie l'authenticité de la 6^ lettre de Démos-
thène. ■ — M. Gagnât fait part de la découverte par le lieutenant Staack
d'une inscription latine trouvée r,ur le parcours du chemin de fer de Tunis
à Sousse. ■ — M. T. Toutain rend compte des fouilles exécutées sur le mont
Auxois par la société des sciences de Semur. — Le 29, M. JuUian revient
sur les découvertes faites à Sof (Lot-et-Garonne) et signale les traces
d'exploitations métallurgiques auxquelles César fait allusion dans les Com-
mentaires.
Lectures faites a l'Académie des sciences morales et politiques.
— Le 9 décembre, M. Paul Robiquet donne à l'Académie la résumé de s )n
étude sur les relations d'Anne d'Autriche avec Mazarin. — M. Lacour-
Gayet ftit ses réserves. — MM. Rocquain, Fagniez et Welschinger s'asso-
cient aux observations de M. Lacour-Gayet. — Le 16, M. Pierre du Ma-
roussemlit un travail sur une association ouvrière de l'ancien régime, la
Comédie franç.àse. — Le 23, M. André Sayous présente son travail sur les
traités de commerce conclus par le Japon avec les pays européens.
Concours. — L'Académie des sciences, lettres et arts de Clermont-Fer-
rand, a décidé de décerner un prix de poésie à l'auteur de la meilleure pièce
en l'honneur de la Très Sainte Vierge Marie.
Prix. — Le 11 décembre 1911, à Stockholm, a eu lieu la: distribution des
prix Nobel. Le prix pour la physique a été décerné au professeur Wilhelm
Wien, de Wurtzbourg, pour sa découverte des lois du rayonnement de la
chaleur. M^^^ Curie a obtenu le prix pour la chimie à cause de la décou-
verte du radium et du polonium. Le professeur Guststrand, d'Upsala, a
reçu le prix pour la médecine, en raison de ses travaux sur la dioptrique
de l'œil. Le prix pour la littérature a été attribué à M. Maurice Maeter-
linck.
Bibliothèque nationale. — • Parmi les dons qui, dans c«s derniers mois,
sont venus grossir les collections de la Bibliothèque nationale, il convient de
signaler, à côté de la riche bibliothèque de M. L. Delisle, des dons qui, pour
être plus modestes, n'en comblent pas moins des lacunes regrettables.
M. Georges Hérelle, à qui le lecteur français doit la connaissance de quel-
ques-uns des meilleurs romans italiens et espagnols, a donné plusieurs cen-
taines de volumes, la plupart en ces deux langues. C'est particulièrement
l'histoire et la littérature roumaine qu'intéresse le millier d'ouvrages que
M. Emile Picot a permis à la Bbliothèque de choisir dans ses collections.
M. de Charencey, qui a honoré le Polybiblion de sa collaboration et qui est
un des vieux amis de la Société bibliographique, a donné plus de 100 ou-
vrages sur la linguistique et notamment sur les langues américaines dont,
— 85 —
comme on sait, il a fait une étude spéciale. On trouvera le catalogue de ces
trois collections à la fin du Bulletin mensuel, pour 1911, des publications
étrangères reçues par le département des imprimés. Vn autre collaborateur
de notre Revue, dont nous déplorons la perte récente et prématurée, M. Léo
Rouanet, a fait également à la Bibliothèque nationale un legs important,
dont elle n'entrera d'ailleurs en jouissance qu'à la mort de M""^ Rouanot.
Parmi les livres légués par M. Rouanet, c'est, comme on pense, surtout la
littérature espagnole, mais aussi la littérature française du xix'^ siècle qui
sont largement représentées. Il y a là des exemples que l'on serait heureux
de voir imiter, pour permettre à notre grand établissement de lutter contre
ceux de l'étranger.
Parïs. ■ — Si vous ne voulez pas être induits en irrésistible tentaition de
voyager, gardez-vous d'ouvrir VAgenda P.-L.-M. pour 1912 : c'est un
séducteur! Mais si, au contraire, vous voulez préparer, en pleine connais-
sance de cause, un itinéraire sur le magnifique réseau de cette compagnie,
n'hésitez pas : procurez- vous cet artistique agenda (Paris, à la gare du
P.-L.-M., bureau de la ptiblicité; bureaux de renseignements et bibliothè-
ques dans les principales gares du réseau, etc., gr. in-8 de 228 p., avec
12 cartes-postale?; détachables, 12 p>lanches hors texte et plus de 300 illus-
trations. — Prix cartonné : 1 f.. 50). La Compagnie n'a rien négligé pour
rendre sa publication particulièrement prenante. D'abord, elle a fait appel
à un certain nombre d'écrivains de marque, tels, par exemple, que MM. R.
Bazin, J. Aicard et M. Donnay, tous trois membres de l'Académie fran-
çaise, pour ne citer que ceux-ci, lesquels ont donné sur divers coins de
pays des notices que des gravures admirablement choisies rendent encore
plus agréables à lire et plus vivantes. Les renseignements généraux et pra-
tiques abondent; les cartes fragmentaires du réseau et celles d'itinéraires
déterminés sont fort nombreuses, et si l'on admJre la quantité des vues et
des sites reproduits ici, on s'égaie fortement avec les 168 dessins d'Henriot,
dont les pages du calendrier sont agrémentées. Il ne nou6 est pas possible
en quelques lignes, de dire tout ce que l'on trouve dans cette belle publi-
cation : elle est à consulter à loisir et à conserver.
— Le Grand AlmaTiach du monde catholique pour 1912 fait vraiment
honneur à la Société Saint- Augustin (Lille, Paris, Lyon, Marseille, Rome,
Bruxelles; etc., Desclée, de Brouwer, in-4 de 188 p., avec 8 planches,
dont 6 en couleurs et 92 grav. — Prix, cartonné : 3 fr.). Parmi les arti-
cles qui le composent, nous citerons : Vieux Almanachs et vieux calendriers,
par Aimé "Wïiz; Sœur Thérèse de V Enfant- Jésus et de la Sainte-Face, par
Mgr R. de Teil; Pompéi, son dernier jour, par l'abbé Ossedat; L'Armée
chinoise, par Léon Goudallier; Domenico Ghirlandajo, peintre florentin,
1449-1494, par Gaston Sortais; Le Père Lacordaire, par H.-D. Noble; La
Patrie de Ruhens, par J.-L. Tellier; Une » Relique « de Jeanne d'Arc:
N.-D. de Bermont, par A. Michel; Egypte. Souvenirs de la Sainte- Famille
en Egypte, par P.-J. Domaine, etc. Ce riche almanach est largement à la
hauteur de ses devanciers, à tous les points de vue.
— D'une importante Histoire des légumes, qu'il a tout dernièrement pu-
bliée et dont le Polybiblion ne tardera pas à rendre compte, M. Georges
Gibault, bibliothécaire de la Société nationale d'horticulture de France, a
extrait presque en entier le chapitre relatif à la pomme de terre, qu'il a
spécialement intitulé : La Légende de Parmentier (Paris, Librairie horti^
cole, 1912, in-8 de 36 p.). Rapprochant et discutant les documents qu'il a
rassemblés, M. Gibault établit nettement que Parmentier n'est en aucune
^ 86 —
'façon rintroductciir en France de la pomme de terre, connue et cultivée
•dans toutes nos provinces ou à peu près et aussi à l'étranger, longtemps
avant la naissance même du célèbre chimiste ! « L'erreur, explique M. Gi-
bault, vient de ce que l'on croit, de nos jours, que Parmentier préconisait
la pomme de terre à titre de légume, tandis qu'il se proposait seulement
d'en extraire la fécule pour faire du pain, et c'était là d'abord son unique
point de vue. Il croyait que 1' midon de la pomme de terre, plus connu sous
le nom de fécule, pouvait être substitué à la farine de blé, ignorant l'im-
portance, dans la nutrition, du gluten, découvert par Beccaria en 1727,
•dans la farine de froment. >, A ec cette étude sérieuse et sévère, solidement
étayée de faits ot de dates, s'écroule la réputation de Parmentier, que l'on
croyait cependant bien établie en tant qu'introducteur et [vulgarisateur de
la culture de la pomme de terre dans notre pays.
— La Notice sur la vie et les travaux de Léopold- Victor Delisle, que M.
Georges Perrot a lue, par fragment?, dans la derrière séance publique an-
nuelle de l'Académie des inscription'"., a pris une ampleur que l'on n'est
pas accoutumé de voir aux lectures de ce genre (Paris, typogr. Firmin-Di-
dot, 1911, in-4 de 101 p., avec portrait) ; et cependant l'œuvre de M. Delisle
est si considérable, les notes et mémoires qu'il a disséminés partout sur les
sujets les plus divers, et dont aucun ne manque d'intérêt, sont si multiples
que M. Perrot n'a pu donner ■ — et il n'a pas prétendu faire autre chose —
qu'un ^erçu des plus im.portants parmi ces travaux.
— Trop de biographies sont froides et ternes; d'autres, moins nombreu-
ses, sont, au contraire, vivantes, parce qu'elles sont écrites sous la dictée
du cœur. On doit ranger parmi ces dernières la luxueuse brochure que
M. René Vallery-Radot vient de consacrer au Docteur Jean Binot, chef de
laboratoire à l'Institut Pasteur (Evreux, imp. Hérissey, s. d., in-8 de 36 p.,
avec 2 portraits et 8 planches). La carrière de Binot a été trop courte : né
le 11 août 1867, il est mort le 25 novembre 1909. Sympathique figure, en
vérité; aussi s'explique- t-on aisément que M. Vallery-Radot ait, pour la
faire revivre, trouvé une phrase simple, colorée cependant et chaude tout
à la fois. Tour à tour, il nous parle du fils modèle, de l'excellent époux, du
travailleur iefatigable, qui, de succès en succès, en était arrivé à être l'un
des collaborateurs les plus estimés du docteur Roux, continuateur du
maître, le grand Pasteur. Il est à remarquer que Binot n'était pas unique-
ment un savant : c'était aussi un artiste dans la plus complète acception du
mot, et plusieurs n'apprendront pas sans quelque surprise que cet esprit
si absorbé dans la technique d'un laboratoire se révélait, le cas échéant,
comme violoniste émérite. N'avait-il pas, de même, acquis une véritable
maîtrise comme photographe, talent dont il sut faire profiter, entre autres,
la science astronomique, à l'occasion d'observations qu'en compagnie de
sa femme, qui fut souvent sa collaboratrice, il alla faire, sur la demande
de Jansen, à l'île d-^ la Réunion, lors de l'éclipsé du soleil du 18 mai 1901.
Le savoir scientifique, le goût et le sens de l'art dans ses diverses manifeste -
tations et aussi, à un très haut degré, les qualités du cœur, Birot possédait
tout cela. Sa mort foudroyante a été un deuil que n'ont pas porté seule?, sa
femme et sa mère, mais tous ceux, ?\ nombreux, qui l'ava'ent approché et
en avaient reçu des services qu'il ne marchandait à personne et ne comptait
jamais. Rien ne pouvait mieux adoucir les regrets cuisants que le défunt a
laissés parmi les siens que cet hommage de M. Vallery-Radot.hommage aussi
cordial que juste.
— De la curieuse, instructive et intéressante revue le Vieux Papier, qui
— 87 —
traite de questions très variées, principalement en matière d'archéologie,
d'histoire et d'art, M^e Laure-Paul Flobert a fait tirer à part, à cent exem-
plaires, une étude aussi humoristique qu'érudite intitulée : La Femme et le
costume masculin (Paris, au siège de la Société du Vieux Papier; Lille, imp.
Lefèvre-DucTocq, 1911, gr. in-8 de 31 p., illustré de 16 reproductions dans
le texte et d'une autre hors texte, sans compter une amusante image popu-
lî^ire en couleurs sur la couverture, qui, représentant le « Grand Combat
à qui portera la culotte, » figure d'ailleurs en noir à la page 8). L'auteur a
rassemblé sur le sujet une quantité considérable de documents dont elle
• a dû nécessairement se borner à ne nous donner qu'un choix; msis l'en-
semble doit être pittoresque. Entre autres choses, elle nous parle de-
femmes-soldats (ou du moins d'un certain nombre d'entre elles) depuis
Jeanne d'Arc jusqu'à nos jours : la galerie, sans être complète, est impor-
tante. L'adoption par la femme du costume masculin, en tout ou en partie,
est aussi traitée à propos des sports, du théâtre et du carnaval ; d'amples
détails nous sont en outre fournis sur les autorisations accordées par la
préfecture de police, pour des motifs divers, à plusieurs femmes très con-
nues ou même célèbres, de s'habiller en homme. Les membres de la Société
du Vieux Papier, qui ont eu la primeur de cette étude peu banale, ont dû
franchement s'égayer, de temps à autre, quand elle leur fut lue par M°^e y\c-
bert dans la séance du 24 mar;i 1911.
Anjou. — Le tome XIII (5^ série, année 1910 ) des Mémoires de la Société
nationale d'agriculture sciences et arts d'Angers (Angers, Grassin, in-8 de
536 pages) contient, entre autres, le? notes et notices suivantes : A. Bour-
deaut : Joachim du Bellay et Olive de Sévigné [VOlive du poète), (p.-55); —
A.-J. Verrier : Deux Monologues angevins du xvi^ siècle : le Pionnier de
Seurdres et le Franc- Archier de Cherré, récités et imprimés à Angers,
vers 1524 (p. 55-107); — L. de Farcy : les Miniatures du mss. de F. de
Rohan (Fleur de vertu) (p. 107-111 ) et Le Pourpoint de Ch. de Blois conservé
jadis aux Carmes d'Angers (p. 155-177); — P. de Farcy : Jean de Fon-
taines vainqueur des Anglais à Baugé en 1421 (p. 213-227); — F. Uzu-
reau : Les Archives anciennes du tribunal d'Angers (p. 227-243); — Joseph
Joubert : Bouquet de la Grye (p. 347-371); — E. Rondeau : Les Ursulines
et la reconstruction du, collège d'Anjou, 1689-1691 (p. 371-389); — F. Uzu-
reau : Les Angevins et la Révolution de 1848 (p. 389-416); — Albert
Bruas : La Caisse d'épargne et de propagande d'Angers (p. 417-450); —
Eusèbe Pavie : Missions diplomatiques du baron Hercules de Charnacé en
AllemagÀe (1629-1632).
— Dans cette dernière étude, tirée à part (Angers, Grassin, in-8 d?
51 p.), M. Pavie, avec une érudition consciencieuse, méticuleuse même,
nous retrace, avec la vie très utile de son compatriote Charnacé, l'impo; -
tance de son rôle près de Richelieu et du Père Joseph, à qui il sembb bien
avoir dévoilé Gustave- Adolphe, —le Charnacé de cett- diplomatie française
de la guerre de Trente Ans que préconisent et recommandent le forcement
du Pas-de-Suze, la délivrance de Casai et le maintien des Nevers à Man-
toue, en vue d'un libre passage des Alpes, l'occupation de Pignerol; enfin
C; lui qui rendit de grands ser\ices à la France, comme le prouve l'auteur
de cette excellsnte étude.
Franche-Comté. — La Société d'émulation du Doubs, dont le Poly-
biblion signale régulièrement les travaux, vient de mettre en distribution
le cinquième volume d?, la 8^ série de ses Mémoires (Besançon, imp. Dodi-
versj 1911, in-8 de xxx-454 p., avec un portrait de P.-J. Proudhon). C'çst
— 88 —
à M. le chanoine Rossignol qu'a été confié le soin de rappeler tout ce qui a
été écrit par ses confrères en 1910 : La Société d'émulation en 1910 (p. 1-
12). — Dans l'impossibilité de résumer son résumé, nous devons nous
borner à citer les études que l'on trouve dans ce volume, savoir : Charles
Nodier, naturaliste, ses œuvres scientifiques publiées et inédites, par M. Ant.
Magnin (p. 19-134). Ces pages forment la suite de cet important travail,
dont la première partie a été insérée dans le tome précédent des Mémoires
de la Société; — De Konakry à Kouroussa. Le Premier Train allant de la
mer au Niger, par M. le lieutenant-colonel Almand (p. 138-150); — Pierre-
Joseph Proudhon. Lettres inédites à Gustave Chaudey et à divers Comtois,
publiées par M. Edouard Droz (p. 159-258, avec portrait). Cette corref.-
pondance est suivie de quelques fragments inédits de Proudhon et d'une
lettre de Gustave Courbet (24 janvier 1865) sur la mort do Proudhon. Iref-
fable document ! En un style et avec une orthographe dont eût rougi un
épicier de l'ancien temps, le maître d'Ornans, futur déboulonneur de la
Colonne, célèbre les talents du grand démolisseur qui eut du moins le
mérite d'être l'un dos plus parfaits écrivains de France. Grand peintre, lepau-
vre Gustave, mais d'une ignorance n'ayant guère d'égale que sa vanité ! —
Le Travail dans les mines et la vie des ouvriers en Franche-Comté sous la do-
mination espagnole, par M. le commandant Allard (p. 259-264), où il est
établi, par la citation d'un édit rendu en 1578 par Philippe II, que la
journée de huit heures n'est pas, comme d'aucuns le croient, une conception
du temps présent; — Jacques de Bourbon (1370-1438, d'après l'ouvrage de
M. Huart, par M. le chanoice Rossignot (p. 265-268); ■ — Un Artiste
oublié. Le Peintre J.-P. Péquignot, de Baume-les-Dames, par M. Maurice
Thuriet (p. 269-288); — Bisontines et Comtoises d'antan. Les Contempo-
raines de Granvelle, par M. Lucien Febvre (p. 289-319); — Un Franc-
Comtois éditeur et marchand d' estampes à Rome au xvi*^ siècle. Antoine Lafery
(1512-1577), par M. le docteur F. Roland (p. 320-378); — Les Morilles
et les helvelles, par M. Frédéric Bataille (p. 381-420). — A signaler enlin
d'agréables poésies signées de MM. Charles Grandmougin, A. Kirchner,
Frédéric Bataille et Albert Mathieu.
— La jeune sœur de la Société d'émulation, du Doubs, la Société gray-
loise d'émulation, nous donne à la même date, ou à peu près, le volume
annuel de son Bulletin, qui en est à son quatorzième numéro (Gray, imp.
Roux, 1911, in-8 de 129 p., avec 5 planche? et une vignette). Tout d'aboi'd,
M. le D'' Bouchet publie, avec deux pages d'Introduction et de nom-
breuses notes, le manuscrit, acheté par lui chez un brocanteur, des souve-
nirs de l'invasion allemande, brièvement rédigés par un hôtelier de Vellexon,
nommé Thézard, mort il-y a quelques années : Épisodes de la guerre de 1870-
1871, à Vellexon (Haute-Saône) (p. 13-32); — Notes pour servir à Vhistoire
de la famille Marchant du M au l g ny, "par M. C. Faitout (p. 33-43, avec une
planche); — Un Livre de raison de la famille Bresson, de Jonvelle, par
M. J, Feuvrier (p. 45-55). Un tirage à part de cette publication nous étant
parvenu, nous en dirons quelques mots dans notre prochaine livraison ; ■ —
Les Sociétés populaires à Gray pendant la Révolution, par M. Ch. Godard
(p. 57-107); — Recherches archéologiques et historiques sur le territoire de
Mantoche (Haute- Saône), par M. A. Gasser (3*= publication, avec 4 plan-
ches et un plan hors texte, p. 109-128).
— Elle est toute poétique et profondément empreinte de l'esprit chré-
tien la légende que M. L. R. (traduisons l'abbé Louis Roy) nous donne
sous le titre bref de Mahaut (Paris, éditions du journal « La Franche-
— 89 —
Comté à Paris )i, 1911, in-12 de 31 p.). L'auteur met en scène la fille d'un
grand seigneur comtois qui, pour accomplir le vœu fait par elle en un péril
extrême, érige un monastère de religieuses bénédictines dont elle devient
la première abbesse. Le sujet est simple, mais les détails sont exquis, k Ce
récit, en marge d'un épisode assez obscur de l'histoire comtoise, déclare
M. Roy, a été composé pour être lu par leur mère à de petits enfants.» Soit.
Mais, à notre avis, il convient à tous les âges, et le style imagé dans lequel
il est écrit, de tournure discrètement archaïque parfois, le fera apprécier
des lettrés eux-mêmes.
S.4V0IE. — La question des origines de la Maison de Savoie a déjà donné
matière à une abondante littérature. Bien des solutions ont été proposées.
M. Camille Rénaux en émet une nouvelle dans un troisième mémoire sur
les Premiers Comtes de Savoie. Le Comté humbertien de Savoie- Belley. Ses ori-
gines et ses variations jusque dans les premières années du xu^ siècle (Belley,
imp. Chaduc, 1911, in-8 de 67 p. Extrait du Bulletin de la Société « Le Bu-
gey ».) M. Rénaux cherche à démontrer par une discussion serrée, mais mal-
heureusement assez difficile à suivre, que les comtes de Savoie sont origi-
naires de Savoie. Le problème délicat n'est peut-être pas encore résolu
à la satisfaction de tous, mais la théorie est intéressante et mérite d'êcre
prise en considération.
Allemagne. — Les nombreuses tentatives de langue internationale dont
on nous assaille de tous les côtés, si elles sont une preuve des aspirations et
des désirs de beaucoup de nos contemporains, nous paraissent aussi un indice
que l'on n'est pas encore près d'aboutir. Les systèmes même qui comptent
le plus d'adhérents ne les satisfont pas complètement, puisqu'il se produit
des scissions dans leurs rangs; et les systèmes nouv eaux qui surgissent sont
un témoignage que les systèmes anciens laissent à désirer. Nous signalons
aux amateun^ de ces sortes de choses le nouvel essai de M. Aloysius Hartl, qui
appelle modestement « perfect « le langage qu'il veut nous faire adopter :
sa Brève grammatica de lingva perfect a l'avantage de tenir en 8 p. (Per-
fect-Literatur. N° 2. Xiinz, Druck der Zentraldruckerei, s. d., in-8 de
8 p.). Ce langage est essentilelement fondé sur la langue latine.
Belgique. — La statistique des imprimés nous paraît avoir un intérêt
bien médiocre si elle se borne à rechercher le nombre des livres, brochures
ou périodiques imprimés soit dans un pays soit dans l'univers, soit pour
une année soit pour tout le temps qui s'est écoulé depuis l'invention de
l'irr>primerie; nous avouons même nous soucier assez peu de connaître le
« nombre total de milliards de mots imprimés répandus dans le monde, «
bien que ce rêve paraisse hanter l'Institut international de bibliographie. La
statistique n'aurait vraiment d'intérêt que si elle pouvait déterminer d'une
manière réelle la circulation des livres et par conséquent le degré d'influence
qu'ils ont pu exercer sur l'humanité; mais une statistique de ce genre est
à peu près impossible, parce que le chiffre du tirage ne répond aucunement
à celui des lecteurs; parfois il le dépasse, souvent aussi il lui est notable-
ment inférieur. Mais, même réduite à la simple constatation du nombre de
livres imprimés, la statistique est peu facile et peu sûre. Les sources qui
peuvent servir à l'établir, comme les registres de dépôt légal des d.ifférents
pays ou comme les revues bibliographiques; sont incomplètes et parfois
inexactes. L'Institut international de bibliographie a cru cependant pou-
voir présenter au Congrès qui s'est tenu à Bruxelles en 1910 des résultats
généraux sur la statistique des livres imprimés depuis l'origine, en même
— î;to —
temps qu'il formulait une méthode pour établir à l'avenir cette statistique :
Institut international de bibliographie, publication n° 109. La Statistique in-
ternationale des imprimés (Bruxelles, rue du Musée, 1911, in-8 de 139 p.).
Malheiireusement le rapport dressé par M. B. Iwinski est fort loin d'inspirer
confiance : Le F iinf jahrskatalo g der im deutschen Buchhandel erschienenen
Bûcher de Hinrichs est cité sous le nom fantastique de HinricKs Funjarns
(p. 3, 10, etc.); de même on nous parle de la Sama Santander (p. 4, n" 1),
d'un ouvrage d'un certain Ester Band, Geschichte des deutschen Buchhan-
dels (p. 5 et n. 2; il s'agit du t. 1 rédigé par M. Fr. Kapp, d'une histoire de*
la librairie allemande), du Publishers'Weekley pour Weekly (p. 10 et
p. 1), de V Arskatalog for Voenska Bokhandeln (p. 10; lire arskatalog,
svenska), etc. Le rapport fait par M. Babelon, en 1878, au Congrès biblio-
graphique international est cité comme datant de 1889 (p. 4), et on, lui
emprunte des données, par exemple, sur la Russie en 1887 (p. 10). Le reste
est à l'avenant.
Espagne. — Les tendances séparatistes, ou plutôt régionalistes, qui s'af-
firment en diverses provinces d'Espagne, ont trouvé d'éloquents et ardents
champions dans les pays basques. Signalons à ce sujet quatre opuscules,
qu'on ne lira pas sans intérêt. Sous le titre de : Muera la mentira y viva la
verdad (Buenos Aires, Obsequio de « Irrentzi», 1907, in-32 de 80 p.), Iber a
voulu démontrer, par questions et par réponses, que la seule nation, la na-
tion intégrale des Basques, c'est Euskadi, c'est-à-dire la région habitée
par la race basque : il n'admet point de solution intermédiaire. — Une
autre brochure : Les Conjirmaciones y el Pose forai, par Kondano (San Sé-
bastian, imp. Altuna, 1909, in-32 de 108 p.) résu.ne l'histoire politique
d'Euskadi, qui a joui de temps immorial d'un pouvoir législatif indépen-
dant et qui le revendique comme un bien inaliénable. — Deux opuscules
plus récents sont consacrés à soutenir la même thèse : c'est d'abord :
La Patria de los Vascos, par Kizkitza (San Sébastian, imp. Altuna, 1910,
in-32 de 71 p.) où l'auteur, analysant l'i lée de patrie, montre que les Bas-
ques ne forment qu'une race, ont leur langue, leurs institutions et leur ter-
ritoire; c'est enfin El Carlismo; vaya una esperanza ! par un catholique
basque (Bilbao, imp. y encuad. Bilbao maritime y comercial, 1910), où il
est dit en propres termes que « le carlisme n'a rien à voir avec la tradition
basque » et que « l'on ne saurait être un bon Basque si l'on est carliste. »
On voit combien sont fougueux et intransigeants les partisans du régiona-
lisme en pays basque !
— 11 n'est pas besoin d'aller très loin pour faire des découvertes géogra-
phiques, non pas sensationnelles, mais fort intéressantes; M. Lucien Briet,
l'explorateur bien connu des Pyrénées espagnivles, vient d'en fournir la
preuve dans ses Barrancos et Cuevas. N'a-t-il pas, en effet, du sommet du
Tozal de San Miguel dans le Haut- Aragon, vu le 22 septembre 1910 une
montagne qu'aucune carte, ni celle de Wallon, ni celle de Schrader, ne
signalait encore? Comme il le dit très justement à la page 35 de son mémoire
(' l'ère d3S découvertes géographiques n'est pas close, même au pied du
Marboré ! » Cette petite découverte, que nous souhaitons de voir M. Briet
compléter et préciser un jour, est loin d'être le seul point digne d'être relevé
dans Barrancos et Cuevas; cette description très étudiée du Barranco de loss
Gloces, du Barranco de la Valle, du Barranco de Viandico, du défilé de la
Cambras, des Barrancos de Labaneres, de San Jaime, du rio Yesa, de la
Cueva de Buerba, tous sites éminemment pittoresques et intéressants du
Haut- Aragon est en effet accompagnée de remarques critiques, d'observa-
-Gî-
tions dignes d'être notées, de triits qui permettent de bien saisir la nature
de ce pays ?i curieux et encore si mal étudié; aussi recommandons-nous
vivement la lecture de Barrancos et Cuevas (Haut- Aragon Espagne) (Spe-
lunca. Bulletin et Mémoires de la Société de spéléologie n° 61, octobre
1910, Paris, au siège de la Société, in-8 de 65 p., avec 20 croquis et fig.).
Italie, — Se préoccupant des étudiants soit^de^séminaires soit d'Univer-
sités qui suivent des cours faits en latin, le R. P. William Tatlock, de la Com-
pagnie de Jésus, vient d'écrire à leur usage un petit Manuale stenographiae
latinae (Romae, in Univer-itate gregoriana; Londinii, l,Amen Corner, E.
C. ; Neo Eboraci, 2-6, West Forty-fifth Street, s. d., in-16 de 56 p. Prix :
3 fr.). Le Manuel du P. Tatlock est basé sur le système sténographique
inventé en 1837 par l'Anglais Isaac Pitman, qui n'est pas seulement le
plus fréquemment usité dans les pays de langue anglaise, mais qui a ren-
contré de nombreux adhérents ailleurs, notamment en Allemagne, en Italie
et en France. C'est un système de transcription phonétique qui s'applique
à la prononciation italienne du latin; peut-être aurait-on pu y apporter
quelques simplifications.
Maroc. — Le nom de M. Ch. René-Leclerc est bien connu de nos lec-
teurs; signalons-leur une preuve nouvelle du savoir et de l'activité du
délégué général du Comité du Maroc à Tanger. C'est une » notice écono-
mique )) sur le Maroc, un petit guide de l'immigrant dans ce pays qui a
récemment paru (Paris, Geuthner, 1911, in-8 de 92 p., avec carte) et con-
tient, distribués de manière très commode, tous les renseignements utiles
sur notre nouvelle possession. Sur les moyens de se rendre au Maroc et
d'y voyager, sur la géographie, l'organisation, le régime économique et
social, le commerce, l'exploitation économique du pays, on trouvera, dans
les sept chapitres de cette plaquette toutes les iridications essentielles.
M. René-Leclerc a parfaitement atteint son but, qui était (comme il le dit
lui-même) de donner un « tableau d'ensemble sur l'existence sociale, ad-
ministrative, économique des Européen?, et surtout des Français au
Maroc. » .
Publications nouvelles. — Petite Année liturgique, ou Paroissien
romain historique et liturgique, par l'abbé J. Verdunoy (in-18, Lethielleux).
— Le Pain évangélique, explication dialoguée des évangiles des dimanches et
fêtes d'obligation, par l'abbé P. Duplessy. T. I. De V Avent au Carême (in-16,
Téqui). — Entretiens eucharistiques, par l'abbé J. Vaudon (in-12, Téqui). —
Exposition de la morale catholique, par le R. -P. M. -A. Janvier. Morale spé-
ciale. I. La Foi, son objet et ses actes (in-8, Lethielleux). — Prêtre et pas-
teur, ou Grandeurs et obligations du prêtre, par le P. Boulay (in-16, Le-
thielleux). — Essai d'apologétique intégrale. La Religion expliquée à un in-
crédule instruit, par A. Detillieux (in-8, Lecoffre, Gabalda). — Peut-on
croire sans être un imbécile?, par H. Desprez (in-12. Librairie des Saints-
Pères). — Le Zélateur de la confession et de la communion fréquente, par l'abbé
S. Febvre (in-18. Maison de la Bonne Presse). ■ — Vous êtes à Jésus-Christ,
par le R. P. Rickaby; trad. et adapté de l'anglais par M. Jary (in-32,
Casterman). — Les Petites Fleurs de saint François d'Assise (Fioretti),
suivies des Considérations des Très Saints Stigmates; trad. d'après les textes
originaux par T. de Wyzewa (in-16, Perrin). • — Exercices spirituels de saint
Ignace de Loyola; trad. de l'espagnol par le P. Debuchy (petit in-16
carré, Lethielleux). ■ — Le Secret admirable du Très Saint Rosaire, par le
bienheureux L.-M. Grignon de Montfort (in-12, Oudin). — Vers la Maison
— 92 —
de lumière, histoire d'une conversion, par B.-A. Baker; trad. de l'anglais
par un Père bénédictin de Solesmes (in-12, Lecoffre, Gabalda). — Par
l'Amour et la douleur l Étude sur la Passion, pgr Léon-Rinabault (in-16,
Pierre Téqui). — L'Éducation de la chasteté, par M. Gatterer et F. Krus ;trad.
de l'allemand par l'abbé T. Dequin (in-16, Bloud) ; — Le Surnaturel dans
les apparitions et dans les guérisons de Lourdes, par A. Castelein (.in-8,
Briixelles, Goemaere). — La Charité à travers la vie, par la comtesso d'Haus-
sonville (in-12, Lecoffre, Gabalda). — The Fairy-Faith in Celtic éountries.
by W.-Y. Evans Wentz (in-8, cartonné, London, Frowde; Oxford Univer-
sity Press). — Le Statut des fonctionnaires. L' Avancement, son organisation,
ses garanties, par C. Georgin (gr., in-8. Librairie générale de droit et de
jurisprudence). — De la commune Renommée dans ses rapports avec la théorie
des preuves, par M. Picard (in-8. Librairie générale de droit et de juris-
prudence). — Différends et procès entre locataires, par G. Courtois (in-'16,
Garnier). — Les Lois commerciales de l'univers, textes originaux et com-
mentaires avec trad. française en regard, par de nombreux collaborateurs
de tous pays, publiés sous la direction de C. Lyon-Caen, P. Carpentier et
F. Daguin.'T. IV (Brésil), VI. (Chili-Paraguay), XXIII (Suède-Norvège),
XXIV (Danemark), XXV (Scandinavie), XXVIIl (Pays-Bas, Colonies
néerlandaises), XXXV (Russie. Pologne), 7 vol. gr. in-8, Librairie générale
de droit et de jurisprudence). — Le Problème religieux dans la philosophie
de l'action. M. Maurice Blondel et le P. Laberthonnière, par T. Cramer (in-
8, Alcan). — La Destinée de l'homme, par C. Piat (in-8, Alcan). — Essais
choisis, par Emerson; trad. de l'anglais par H. Mirabaud-Thorens (in-16,
Alcan). — Essais sur la sensibilité contemporaine, par R. Cor (in-16, Fal-
que). — La Lumière vient de l'Orient. Essais de psychologie japonaise, par
Lafcadio Hearn; trad. de l'anglais par M. Logé (in-r2, Mercure de France).
— La. Morale et l'intérêt dans les rapports individuels et internationaux, par
J. Novicow (in-8, Alcan). — Ce qu'il faudra toujours, par C. Wagner (in-
18, Colin). — Maïmonide, par L.-G. Lévy (in-8, Alcan). ■ — L'Éducation du
caractère, par L. Dugas (jn-8, Alcan). ■ — L'Analyse universelle, par P. de
Coubertin (in-16, Alcan). — La Mémoire verbale et pratique, son développe-
ment naturel et logique par l'audition, la vision, l'idée, par G. Art (in-18,
Pedone). • — Enseignement de Léonce Couture (Toulousa, Privât; Paris,
Champion, in-8). - — Système de politique positive, ou Traité de sociologie
d'Auguste Comte, condensé par C. Cherfils (in-8, Giard et Brière). — //
Fenomeno délia guerra e l'idea délia pace, da G. del Vecchio (gr. in-8, To-
rino, Bocca). — La Synthèse économique. Étude sur les lois du revenu, par
A. Loria (in-8, Giard et Brière). — De la Nature du capital et du revenu, par I.
Fisher; trad. de l'anglais par S. Bouyssy (in-8, Giard et Brière). — Les
Classes rurales en Savoie au xviii*^ siècle, paï" F. Vermale (in-8, Leroux). —
La Sociologie de Proudhon, par C. Bougie (in-18. Colin). — Œuvres de
Michel Bakounine. T. V. (in-18, Stock). — Les Socialistes antidémocrates,
par J. Rivain (in-18, Nouvelle Librairie nationale). — Les Problèmes so-
ciaux du temps présent, par M. Drouilly (in-12, Henry Paulin). — Des-
truction des insectes et autres animaux nuisibles, par A.-L. Clément (petit
in-8, Larousse). ■ — Portez-vous bien ! Notions élémentaires d'hygiène popu-
laire et rationnelle, par le D"^ Terwagne (petit in-8, Giard et Brière). • — La
Fatigue et le repos, par F. Lagrange; publié avec le concours du D'' F. de
GrandmaiSon (in-8, Alcan). — Le Génie littéraire, par A. Rémondet P .Voi-
venel (in-8, Alcan). — L'Alcoolisme dans les armées, par Corn* J.-A. Or-
dioni (in-18, H. P^aulin). — Les Opiomanes, mangeurs, buveurs et fumeurs
— 93 —
d'opium, par R. Dupouy (in.-8, Alcan). — Le Marquis du Planty, médecin
de la Faculté de Paris, maire de Saint-Ouen-sfur-Seine (1808-1876), par le
D"^ H. Perraudeau (in-16, Jouve). — Traité de chimie générale, par W.
Nernst; trad. de î'allemand par A. Corvisy. 2^ partie (gr. in-8, Herraann).
— Science et Philosophie, par J. Tannery (in-16, Alcan). — L'Électricité à
la maison, par H. de Grailigny (in-8, Larousse). — L'Équation de Fred-
holm et ses applications à la physique mathématique, par H.-B. Heywood
et M. Fréchet (gr. in-8, Hermann). — La Connaissance du bétail, par J.
Ginieis (in-12, Amat . — Premières Connaissances agricoles. Notions de
botanique, d'agriculture, d'horticulture, de zootechnie, par J. Leday, (in-8,
de Gigord). — Les Sols humides, par R. Dumont (in-8, Larousse). — La
Culture profonde et les améliorations foncières, par R. Dumont (petit in-8,
Larousse). — Rotations et assolements, par F. Parisot (in-8, Larousse). —
Les Arbres légendaires, par E. Van Bruyssel (in-16, Hetzel). • — Bible et
Science. Terre et Ciel, par C. de Kirwan (in-16, Bloud). — La Sistnologie
moderne (les Tremblements de terre, par le comte de Montessus de Ballore
(in-8, Colin). — L'Infanterie à la guerre, exercices pour l'étude des règlements,
par le cap**® Balédent (in-8. Chapelet). — Cavalerie. Procédés techniques;
la cavalerie dans l'ensemble de l'armée; la cavalerie dans la bataille, par le
cap"^* Loir (in-8, Chapelot). — La Marine marchande et son personnel,
par G; Morael (in-16, Guilmoto). — Les Artistes, par L. Bénédite (petit in-8,
Colin). — Les Musiciens célèbres. Beethoven, par V. d'Indy (petit in-8, Lau-
rens). — Les Musiciens célèbres. Verdi, par C. Bellaigue (petit in-8, Lau-
rens. — Les Musiciens célèbres. Bizet, par Gauthier-Villars (petit in-8,
Laurerts). — Emmanuel Chabrier, 1841-1894, par G. Servières (in-18, Al-
can). — La Condamnation de Mignon, essai de critique musicale, par A.
Nortal (in>-16, Falque). ■ — Les Sciences de la nature en France, au XYiii® siè-
cle, par D. M-Ornet (in-18, Colin). — Grammaire du grec du Nouveau Testa-
ment, par À.-T. Robertson; trad. par E. Montet (in-8, Geuthner). — La
Prononciation du latin, par A. Macé (petit in-12 cartonné, C. Klincksieck). —
La Diction expliquée en 15 leçons, par P. Cosseret (in-16, Paclot). — Par-
lons ainsi de la voix et du geste, étude théorique et pratique du mécanisme de
la parole, par I.-L. Gondal (in-8, de Gigord). ■ — La Crise du français et
la Réforme de l'Université, par A. Faure (in-18, Stock). — Discours politi-
ques, allocutions diverses (1903-1912), par G. Vidal de Saint-Urbain (in-
16, Plon-Nourrit). — Les Chants du cygne, par 1. R.-G. (in-18, Lemerre).
— Les Visions du chemin, par H. Rouger (in-18, Lemerre). —Le Temple
du rêve, par la b^^^^ de Baye (in-16, Perrin). — Dernières Veillées, par
A. Vermenouze (petit in-8, Jouve). — Pour retrouver l'enfant, par G.
Zidler (petit in-8, Jouve). — Paysages de l'âme, par F. Saisset (in-18, Jouve).
— Les Autels et les tombes, par L. Lahovary (in-18, Jouve). — Le Charme
quotidien, par M. Silver (in-16, Messein). — Les Voix de la montagne, par
A. de Bary, (in-18. Stock). — Dans le Jardin de notre amour, par A. Clerc
(in-12, Falque). — Le Miroir enchanté, par R, Lestrange (in-18, Figuière).
— Clartés au crépuscule. Les Châsses d'or, par A. Ramette (in-16. Édition
du Beffroi). — La Passion de Notre- Seigneur Jésus-Christ, drame-mystère,
par l'abbé J. Oger (in-8, Haton). — Les Chrétiens aux lions, drame, par J.
Grech (in-16, Haton). — Vindex, drame social en vers, par E. Bellot (in-12,
Figuière). — L'Envers du décor, par P. Bourget (in-16, Plon-Nourrit). —
La Maltournée, par T. Combe (in-16, Perrin). — La Dette de Jettehen
Gebert, par G. Hermann (in-16. Hachette). — Catherine Aubier, par
ï. Prost (in-18, Colin). — Contes, transcrits par M. Bouchor, d'après
— 9i —
la tradition française (in-32, Colin). — Ombres et lumières, par A.
Blech (in- 18, Publications théosophiques).— Les Neveux de tante Delphine,
par A. de Pitteurs (in- 12, Lethielleux). — L'Histoire d'un jour, par P. Per-
rault (in-12, H. Gautier). — Les Chemins tortueux, par P. Mimande (in-12, H.
Gautier). — Une Dette, par O. Lavalette ('n-12, H. Gautier). —La Violoniste,
par M. Lachèse(in-12, H. Gautier). — Double Conquête, par F. Dupin de
Saint-André (in-16, Hetzel). — La Princesse Maritza, par P.-J. Brebner;
trad. de l'anglais par P. Nozan (in-18, Hennuyer). — Pendant la Terreur,
par L. d'Oberny (in-8, Haton). — Les Aubépines, par M. Auvray (in-8,
Haton). — Le Mystère de Rochebrune, par M™'' Chéron de la Bruyère (in-
18. Haton). — Le Galon d'or, par L. des Ages (in-i8, Haton). — Latiniste,
par L. Villarceau (m-18, Œuvre d'Auteuil). — Correspondance (l'830-1855),
de Gérard de Nerval, avec Introduction et notes par J. Marsan (in-16, Mer-
cure de France). — Lyrisme, épopée, drame. Une Loi de Vhistoire littéraire
expliquée par l'évolution générale, par E. Bovet (in-18, Colin). — LaPoétie
à travers les âges, son rôle dans Véducation populaire, par J.-M. Lentillon
(in-8, Anat). — Voiture et les Origines de Vhôtel de Rambouillet, per E.
Magne (in-18, Mercure de France). — Les Hommes de lettres au xYin^ siècle,
par M. Pellisson (in-18, Colin). — Les Contemporains étrangers, par M. Mu-
ret. I. (in-16, Fontemoing). — Nuovi Studii su Dante, par L. F. Guelfi
(gr. in-8, Città di Castello, Lapi). — Les Principaux Aspects du globe. La
France, par M. Allain et H. Hauser (in-18 cartonné, Alcan). — Diction-
naire topographique du département de V Ain comprenant les noms de lieu
anciens et modernes, par E. Philipon (in-4 à 2 col., Leroux). — La Basse
Normandie, par L. Dimier et R. Gobillot (in'-16, Delagrave). — Du Kho-
rassan au pays des Backhtiaris. Trois mois de voyage en Perse., par H.-R.
d'Allemagne (4 vol. gr. in-4, Hachette). — Les Royaumes des neiges (Etats
hymalayens), par C.-E. Bonin (in-18, Colin). — Mizraïm, souvenirs d'Egypte,
par G. Kurth (in-18, Bruxelles, Dcwit). — L'Afrique occidentale française,
par L. Sonolût (in-16, Hachette). — Les États-Unis du Mexique, par le c*^
M. de Périgny (in-18, Guilmoto). — Les Légions de Varus. Latins et Ger-
mains au siècle d'Auguste, par C. Gailly de Taurines (in-16, Hachette). —
The Celtic Inscriptions of Gaul. Additions and corrections, by J. Rhys (in-
8, London, Frowde). — Histoire de France, par A. Baudrillart et J. Martin.
Cours moyen, certificat d'études (in-16, cartonné, Bloud). — Les plus beaux
Récits des Chroniques de Froissart, transcrits pour les lecteurs d'aujourd'hui
(in-16, Fontemoing). — Luther et le luthéranisme, par H. Denifle; trad. de
l'allemand par J. Paquier. T. II. (in-16, A. Picard et fils). — Récits du
temps des troubles, xvi<^ siècle. De quelques assassins, par P. de Vaissière
(in-8, Émile-Paul). — A la Cour du grand Roi (Saint-Simon).Nouvelle Col-
lection historique pour la jeunesse publiée par la comtesse C. d'Arjuzon (in-
16, Émile-PauI). — Mémoires du président Hénault. Nouvelle éd. complé-
tée, corrigée et annotée par F. Rousseau (in-8 Hachette). — Mémoires de
Saint-Hilaire, publiés pour la Société de l'histoire de France, par L. Lecestre.
T. IV, 1704-1706 (in-8, Laurens). — La Fin d'une dynastie, d'après les
Mémoires et la Correspondance d'une reine de Suède, H edvig- Elisabeth-Char-
lotte (1774-1818), par O.-G. de Heidenstam (in-8, Plon-Nourrit). — Journal
d'émigration du comte d'Espinchal, par E. d'Hauterive (in-8, PenùnK —
Recueil des actes du comité de salut public, avec la. correspondance officielle
des représentants en mission et le Registre du conseil exécutif provisoire, pxihVié
par F -A. Aulard. T. XXI (in-8, Leroux). — Le Conventionnel J -B. Le
Carpentier (1759-1829), d'après de nouveaux documents, pa'i* le
— 95 —
vicomte de Brachet (petit in-8, Perrin). — L'Église de Paris et la
Révolution, par P. Pisani. T. IV. et dernier (1799-1802) (in-12, A. Picard
"t fils). — L'Industrie de la boucherie à Paris pendant la Révolution,
par H. Bourrin (gr. in-8, Leroux). — Liste des victimes du tribunal
révolutionnaire de Paris (Auguste Picard). — Journal d'un prêtre lorrain
pendant la Révolution (1791-1799), publié avec une Introduction, une notice
et des notes, par H. Thédenat (in-16, Hachette). — Les Noyades de Nantes,
par G. Lenotre (in-8, Parrin). — La Révolution à Poitiers et dans la Vienne,
par le M'a de Roux (gr. in-8, Nouvelle Librairie nationale). — Le
Directoire et la paix de VEurope, des traités de Bâle à la deuxième coalition
(1795-1799), par R. Guyot, (in-8, Alcaa). — Zurich. Masséna en Suisse, mes-
sidor an Vll-bruniaire an VIII (juillet-octobre 1799J, par le capitaine L.
Hennequin (in-8, Berg r-Levrault). — Expédition du Portugal (1807), par
le colonel L. Picard (in-8, Jouve). — Correspondance du comte de la Forest,
ambassadeur de France en Espagne, 1808-1813, publié par la Société d'his-
toire contemporaine, par Geoffroy de Grandmaison. T. V. Avril- décembre
1811 (in-8, A. Picard et fils). — Madame de Genlis et la Grande-Duchesse
Élisa (1811-181.S), par P. Mormottan (in-18, Émile-Paul). — De Mu-
nich à Vilnaà V état-major du corps bavarois de la Grande Armée en 1812,
par le lieutt-col^i Sauzey (gr. in-8, Chapelot). — La Vie militaire du
maréchal Ney, duc d'Elchingen, prince de la Moskowa, par le général H.
Bonnal. T. II (in-8, Chapelot). — Vn Héros de la Grande- Armée. Jean- Gas-
pard H ulot de Collart, officier supérieur d'artillerie (1780-1854), par le V®
du Motey (iii-8, A. Picard et fils). — Clausewiiz, par le colonel Camon (in-8,
Chapelot). — Itinéraire général de Napoléon I^^ (gr. in-8, Jouve), par A. Schuer-
mans. (gr. in-8, Jouve). — Napoléon et les Invalides, par le g^i Niox (gr.
in-4, Delagrave). — La Vie parisienne sons Louis-Philippe, pavlH. d'Alméras
(petit in-8, A. Michel). - — Ferdinand- Philippe d'Orléans duc d'Alençon,
par Y. d'Isné (in-12, Lethielleux). — Lacordaire, par A. Albalat (in-12,
Vitte). — Ma Vie, par Richard Wagner. II, 1842-1850; trad. de N. Valen-
tin et A. Schenk (in-8, Plon-Nourrit). — Louis-Napoléon Bonaparte et le
ministère Odilon Barrot (1849), par A. Lebey (gr. in-8, Cornély). — Le Ma-
réchal Pélissier, duc de Malakoff, par le général Derrécagaix (in-8, Chape-
lot). — Souvenirs (1848-1878), par C. de Freycinet (in-8, Delagrave). —
Dom. Guéranger et Madame Durand, par le Rme P.-D.-A Guépin (in-8,
Oudin). — Femme et poète. Elizabeth Browning, par Mn^^ W. Nicati (in-16,
Perrin). — La Séparation des Églises et de l'État. Origines, étapes, bilan, par
J. de Narfon (in-8, cartonné, Alcan). — L'Orientation religieuse de la France
actuelle, par P. Sabatier (in-18. Colin). — Le Gouvernement de Pie X. Con-
centration et défense catholiques, par Aventino (in-18, Nouvelle Librairie
nationale). — Lettres de combat, par F. Brunetière (in-16, Perrin). — La
Marche montante d'une génération, 1890-1910, par J. Ageorges (in-18, Fi-
guière). — Campagne de 1908-09 en Chaouia, par le général d'Amade (in-8,
Chapelot). — Documents diplomatiques pour servir à l'étude de la question
marocaine, par E. Rouard do Card (gr. in-8, Pedone; Gamber). ■ — Après
le traité franco- allemand et maintenant? ... Le Désarmement ou la guerre ! par
le capï^® Félix (in-8, Grasset). — Allemands et Polonais, par V. Nicaise (in-8,
« Marches de l'Est» ). — La Crise constitutionnelle anglaise, par Lewis Gaffié
(in-16, Falque).- — La Turquie et ses voisins, par C. Woods; trad. de l'anglais
par J. Duroy (petit in-8, Guilmoto). — La Tripolitaine d'hier et de demain,
par H.-M. de Mathuisieulx (in-16, Hachette). ■ — Recherches sur les musul-
mans chinois, par le com* d'Ollone (gr. in-8, Leroux). — La Repu-
— 96 —
blique américai7ie, par J. Bryce. 2*^ éd. française complétée par l'auteur. T.I.
Le Gouvernetnent national (in-8, Giard et Brière). — Ce que racontent mon-
naies et médailles, par J. Benderly (petit in-8, Colin). — Dans les Sentiers de
Vhistoire, par R. Fage (in-18, A. Picard et fils). — Bibliographie fran-
çaise, par H. Le Soudier. 2^ série. T.II. 1905-1909 (2. vol. in-8, Le Soudier).
— Bibliographie du temps de Napoléon, comprenant l^ histoire des États-Unis,
par F. M. Kircheisen. T. IL, l""® partie (Paris, Champion; Genève,
Kircheisen; London, Low, Marston, in-8). — La Bibliothèque publique de
Carcassonne, par J. Amiel (in-8, Le Soudier). Visenot.
Le Gérant : CHAPUIS.
Irnpriaieiie poljglulte P'k; Simo.n. Rennes.
POLYBIBLION
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSELLE
OUVRAGES D'ENSEIGNEMENT CHRETIEN ET DE PIETE
Enseignement. — 1. Coins d'i?istructions dominicales, par le chaa. i le R. Turcav.
2« édit. Pi.ris, Téqui, 1911, 3 vol. in-12 de xv-423, 360 et 391 p., 10 !r. 50. — 2.
La Religion chrétienne, simples notes, par l'abbé René Petiteau. 6' édit. Paris,
Ainrit, 1909, in-16 cartonné de vfii-886 p., 3 fr. 75. — 3. Dictionnaire d'exemples
à Vusa<ie des prédicateurs et des cztéchistes, classés pii" le R. P. Sckf.her. É lition
revue p:^r le R. P. J.-P. Lampert ; trad. de l'allemand par l'abbé Jules De-
BREYNE. T. I. Paris et Tournai, Casterm ui, s. d., in-8 de vui-800 p., 10 fr. — 4.
Le Purgatoire, ou Pouvoir, motifs et moyens que nous avons de secourir les âmes du
Purgatoire, par ra])bé Josi;i>n Terrisse. Paris, Aniat, 1912, in-12 de 333 p.,
3 fr. 50.
MoR\LE. — 5. Le Chemin de la vérité, par le comte de Champagny. Nouv. édit. Pa-
ris, Téqui, 1911, in-12 de xxiii-264 p., 2 fr. — • 6. La Force morale, par Georges
Legrand. Paris, Letbielleux, s. d., in-16 carré de vn-151 p., 2 fr. — 7. Le Pro-
blème religieux et moral, par le chanoine Wilhelm Meyer; adapté de l'r.llemand
.par l'abbé L. Djuadicq. Avignon, Aubanel, s. d., in-16 de vin-140 p., 3 fr. —
8. V É lucation de la charité, par l'abbé E. Debize. Paris, de Gigord, 1911, in-16
de vui-127 p., 1 Ir. 25. — 9. Ix « Notre Père » de l'heure présente, par J. Santo.
2« édit. Paris, l'autenr, rue de Vaugirard, 131, in-16 de 192 p., 1 fr.
Jésus-Marie. — 10. Le Prophète de Galilée. Lectures évang'diques pour le temps après
la Pentecôte, par l'abbé A. D \rd. Paris, Lecoffre, Gabalda, s. d., 2 vol. in-12 de
277 et 285 p., 4 tr. — 11. Vie de la Sainte Vierge, d'après les Méditations d'Anne-
Catherim Emmerch, par l'abbé de Cvzalès. U^ édit. Paris, Téqui, 1911,
.in-12 de 415 p., 2 fr. 50.
Jeunesse chrétienne. — 12.. Les Enfants. Questiotis du temps présent; par Mgr J.-
A. Ghollet. Paris, Lethielleux, s. d. , in-12 de viu-215 p., 2 fr. — 13. Catecismo
de la infancia, preparac'éri dogmotica y moral para la primera communion c ins-
trucciones eatequisticai al alcrince de los nin>s, po" el abats Cii. Mali.n.ioud. Bar-
celona, Subirana,,1911, in-16 de xvi-407 p.,. 3 fr. 50. — 14. Conférences à la jeu-
nesse des écoles, par Cn. Van'1)epitt;e. l"'^ série. Grandes Vérités du salut et devoirs
d'état. 2® série. Devoirs envers Dieu et envers le prochain. 3® séri(|. Devoirs en-
vers nous-mêmes. Paris, Téqui) 1911, 3 vol. in-12 de vni-234, 212 et 246 p., 6 fr.
Spiritualité. — 15. Bernardi Ouvierii. Excitatorium mentis ad Deum nunc pri-
mum ad fidem codicis Escurialensis edi'dit P. Benignus Fernande?.. M itriti,
typ. llellenici, 1911, in-32 relié de xxxii-232 p., 2 fr. .50. — 16. Miroir de là
pe>f;ction du B. François d'Assise, par le Frère Léon; version française de Paul
Budry. Paris, Plon-Nonrrit, 1911„ in-16 de xxii-303 p., 3 fr. 50. — 17. Lé R.
P. Pierre Olivaint. S. J. Journal de ses retraites annuelhs. T. L de 1860 à 1865.
T. II. de 1866 à 1870. S^ édit. Paris, Téqui, 1911, 2vol. in-12 de iv-283 et 363 p.,
5 fr. — l?-. Vers In ferveur, par P. Lejeune. Paris, T.stbielleuy, s. d., in-12 de 269
p., 2 fr. — 19. La Communion fréquente dans les Œuvres populaires; raison, métho-
des, expériences, parle R. P. Lintelo. Tournai et Paris. Castei'man, 1911, in-8 de
49 p., 0 fr. 40.
Piété. — Dévotions. — 20. Manuel eucharistique, adspté de l'espagnol par le
R. P. Joseph Thermes. Paris et Tournai, Casterman. !911, petit in-16 de vii-
152 p., 1 fr. 25. -^.21. Un Mois du rosaire chez soi. Sujets de méditation, lectures,
traits, légendes et histoires pour chaque jour du moi^ d'ocîobre, par l'a.bbé A. Saul-
MER. Paris, Beauchesne, 19 ;2, in-16 de vii-316 p., 2 fr. 75. •^- 22. Le Règne de
VÉ-angile dans la bité chrétienne. Pieuses Considérations et règles de conduite, par
l'abbé Prosper Baudot. Paris et Lille, Deslée, de Brouvver, s. d., in-18 le 247
p., 1 fr. — 23. Petit Catéchisme de la srâre, pir Cii. Vandepitte. T't ris, Téqui,
1911, in-32 de ix-68 p. et grav., 0 fr. 2". — : . Le'^Guide de la jevn.-^-e, j.n; l'abbé
' FÉVRIER 1912, ' T. CXXIV. 7.
DE Lamennais, précédé de la Religion dcinontrée i la jeunesse, par Jacques Bal-
MÈs ei ûeV Abrégé de V histoire ««(Vu*;, p. r Bossuf.t. 15'= édit. Paris, Téqui, 1911,
in- 18 de vi-315 p., 1 fr. — 25. V Ami des malades, par le chanoine Oiraud. Paris,
Maison de la Bonne Presse, s. d., in-18 de x-192 p., 0 fr. 5(j. ^.^^ V^ M--1Wl.M
Enseignement. — là 4. — Le Cours (V instructions dominicales d^
M. le chanoine R. Tuican en est à sa deuxième édition. C'est un suc-
cès, surtout pour un ouvrage assez considérable, consacré à l'ensei-
gnement catéchistique. Évidemment ce sont nos confrères, curés ou
catéchistes, qui l'ont apprécié et goûté, mais n'est-ce pas le meilleur
éloge et le plus compétent en faveur d'une œuvre de ce genre ? L'au-
teur ne l'a-t-il pas écrit à dessein pour eux ? « 11 m'a semblé, dit-il,
que je ferais une œuvre utile en offrant à ces pasteurs pleins de zèle
im ouvrage où ils trouveraient, toute préparée, la nourriture spiri-
tuelle qui convient à leur cher troupeau. » Ces pasteurs ont pris cette
œuvre, l'ont jugée bonne, excellente pour leur ministère, l'ont expéri-
mentée et puis l'ont recommandée autour d'eux. Ainsi a été atteint
le but que se proposait M. Turcan. 11 ne s'est pas borné à nous en
prévenir, il nous a aussi indiqué, dans sa Préface, le plan qu'il a suivi
et les principes cjui l'ont guidé. Pour rendre son travail encore plus
utile, il a exposé les moyens de rendre ses instructions fructueuses et
révélé quelques pieuses industries pour attirer- et captiver l'attention
des fidèles, pour graver dans leur mémoire l'enseignement qui leur
est donné. Il énumère enfin les sources où il a puisé, les auteurs dont
il s'est servi, en premier lieu le Catéchisme du concile de Trente. Nous
aurions aimé qu'il y ajoutât le nihil obstat du censeur et l'Imprima-
tur de l'ordinaire; c'est la garantie la plus sûre — et très obligatoire
— de la saine doctrine d'im livre d'enseignement religieux. 11 doit en
être muni, certainement, mais il est nécessaire que le livre en porte
l'indication. L'ouvrage se compose de trois volumes parce que l'au-
teur divise son enseignement en trois ans; ce temps est en effet néces-
saire pour le développement de toutes les questions de dogme, de
morale et de culte sur lesquelles les fidèles doivent être assez perti-
nemment instruits. Chaque instruction d'ailleurs n'est ni trop longue,
ni trop courte; eUe est méthodiquement divisée, et le sujet claire-
ment exposé et développé.
— Le joli volume de M. l'abbé René Petiteau : La Religion chré-
tienne nous donne aussi un enseignement complet de la doctrine. L'au-
teur veut que ce soient de simples notes; c'est un sous-titre trop mo-
deste. Des « notes », il y en a beaucoup, selon le besoin de chaque
question, mais il y a aussi et surtout une exposition claire, méthodi-
que, raisonnée. 11 n'y a pas l'interrogation qui fait d'un livre un caté-
chisme, mais le développement divisé en alinéas numérotés tient lieu,
très avantageusement, d'interrogations qui, d'ailleurs, viennent comme
— 99 —
d'elles-mêmes s'offrir à l'esprit du catéchiste. L'ouvrage se divise
en quatre parties : 1 ° Examen raisonné des fondements de la religion
catholique; 2° Exposition du dogme (Symbole des apôtres); 3° Expli-
cation de la morale (commandements de Dieu et de l'Éghse); A^ Du
Culte (de la grâce, des sacrements et de la prière). Le livre se clôt sur
quelques pages consacrées à la liturgie et aux cérémonies rehgieuses.
Signalons, en particulier, l'étude si complète et si opportune sur l'É-
glise; l'auteur y consacre plus de 200 pages et il la traite à fond, l'en-
visageant sous tous ses aspects, son institution, ses marques ou ses
caractères-, sa constitution, ses rapports avec le monde, ses ennemis;
c'est un résumé bien suffisant pour convaincre tout esprit sincère
de la divinité de l'Église et pour faire connaître l'action, les bienfaits
et les triomphes de cette institution. Dans la partie liturgique se trou-
vent réunies tovites les indications qui peuvent intéresser la piété des
fidèles et leur permettre de suivre avec profit les diverses cérémonies
du culte. Faut-il s'étonner que ce livre soit recommandé par un si
grand nombre d'évêques?
— L'exposition de la doctrine ne saurait que gagner beaucoup à
se mettre mieux encore à la portée du plus grand nombre en appuyant
son enseignement sur des faits : la morale en action confirmerait la
morale en théorie. Ment alors s'offrir très opportunément le Diction-
naire d'exemples à l'usage des prédicateurs et des catélhistes. C'est un
important ouvrage, formé de plusieurs volumes, dont le 1^>" sort des
presses de la maison Casterman; il ne date pas d'hier; il a fait ses
preuves et ce sont les services déjà rendus qui ont engage M. l'abbé
Debreyne à le traduire de l'allemand pour permettre au clerg;é fran-
çais d'en tirer avantage. L'auteur, le R. P. Schérer, et le nouvel édi-
teur, le R. P. Lampert, de l'ordre de Saint-Benoît, ont, par cet ou-
vrage, accompli une œuvre véritable de bénédictin; œuvre d'érudi-
tion, de discernement, de patience, de méthode; ils ont puisé dans la
sainte Écriture, dans la Vie des saints, dans l'histoire de l'Église,
dans toutes les autres sources autorisées. Et, si les exemples et les
faits rapportés sont nombreux, ils ne sont pas éparpillés au hasard;
ils sont coordonnés et rangés sous près de cinq cents titres différents,
accompagnés de divisions logiques, de sorte qu'il est toujours facile
de trouver sur un sujet quelconque les exemples qui conviennent le
mieux. Plus que cela. N'importe quel article du Dictionnaire d'exem-
ples fournirait facilement la matière et le plan d'une ou de plusieurs
instructions excellentes. Sans doute l'auteur et l'éditeur ne préten-
dent pas avoir rigoureusement établi l'authenticité de tous les faits
qu'ils rapportent, mais ils ont le droit de demander d'abord pleine
confiance pour les exemples tirés des Livres saints et ensuite pour les
autres le crédit que méritent les auteurs auxquels ils sont empruntés.
— 100 —
— Le livre de M. labbé Joseph Terrisse est un traitn sur le Purga-
toire; il établit par des preuves théologiques le pouvoir que nous avons
de soulager les âmes captives dans cette prison de feu; il expose les
motifs qui doivent nous engager à secourir ces âmes malheureuses;
il énumère les moyens que l'Église met à notre disposition pour prati-
quer cette charité. C'est le culte des morts que l'auteur s'est proposé
de développer; cette pensée lui est venue « d'une visite au cime-
tière »; il vit beaucoup de monde, le 2 novembre, parcourant les tom-
bes, encombrant même les allées; il y avait très peu de personnes à
genoux et priant. Son cœur de prêtre en fut vivement attristé et il
résolut de se faire l'apôtre du culte des morts. Il a tenu parole et
Dieu a béni son apostolat. Mgr l'évêque de Saint-Flour se plaît à lui
rendre ce témoignage que « son livre contribuera à développer cette
dévotion et ce culte dans l'âme de ceux qui le liront. «
Morale. — 5 à 9.— Le Chemin de la vérité^ par M. le comte de Cham-
pagny, est plus et mieux encore qu'un bon et beau livre, c'est une
bonne et belle action. C'est ainsi que l'a jugé un maître dans l'art
d'écrire, qui fut aussi un grand évêque, Mgr Dupanloup. Louant « ce
bon et beau travail », l'évêque d'Orléans écrivait à Téminent auteur,
membre de l'Académie française : « C'est ici plus qu'une œuvre litté-
raire, c'est une œuvre de zèle, et de premier ordre, puisque le but
que vous vous' y êtes proposé, et qui sera atteint, c'est d'aider au
retour vers la foi les âmes qui ont le malheur d'en être 'éloignées. »
L'homme s' interrogeant sur les besoins de son âme reconnaît qu'il ne
pouvait recevoir satisfaction que d'une puissance supérieure, qui est
Dieu même. Et Dieu, en effet, y a pourvu par la révélation de certaines
vérités si évidentes que, si" elles étaient méconnues, c'en serait fait de
l'âme humaine et du genre humain. Les vérités. Dieu les a confiées
à une société qu'il a formée et à laquelle il a donné tous les caractères
destinés à la faire reconnaître comme son œuvre, c'est la religion chré-
tienne, et, parmi les sociétés qui prétendent être cette religion, c'est
l'Église catholique. Les objections se présentent ici, scientifiques,
historiques et philosophiques; elles sont résolues victorieusement.
En forme d'appendice, le livre se ferme sur quelques notices faisant
connaître d'abord « la folie de certains chefs de secte »; ensuite la
sagesse de quelques savants théistes ou chrétiens; enfin les théories
de certains écrivains antichrétiens.
— Pour son livre : La Force morale, M. G. Legrand s'inspire de la
doctrine thomiste. L'Ange de l'école est son maître; il le suit. dans ses
ouvrages; mieux encore, il le retrouve et le reconnaît dans maints
livres où beaucoup de lecteurs, moins bien imprégnés du caractère
de son génie, ne le soupçonnent peut-être même pas. S, E. le cardinal
Mercier, dans sa Lettre- Préface, félicite l'auteur de son étude sur
— 101 —
« la fortitiido de l'École qui aidera à dissiper la prévention de ceux qui
s'imaginaient encore que les doctrines scolastiques appartiennent
exclusivement au passé. » Il lui souhaite des lecteurs nombreux et il
demandera à l'Esprit-Saint que, « par son don de force, il supplée à la
faiblesse native de leur bonne volonté. » Le traité comprend quatre
chapitres : 1° Notion de la vertu de force; sa place parmi les vertus;
ses modalités essentielles; sa forme parfaite; 2° vertus accessoires de
la force; magnanimité et la magnificence; 3° la patience et la persé-
vérance; 4° le don de force.
— On dirait des pages écrites au jour le jour, celles que nous
doime à lire M. le chanoine Meyer dans son livre : Le Problème
religieux et moral\ ces sujets sont inspirés par les événements ou les
circonstances, comme le sont les sujets pour articles de jour-
naux; il y a le charme et aussi l'utilité de l'à-propos; ils ne révèlent
pas au premier abord leur secret, mais ils excitent la curiosité; le
lecteur s'y laisse prendre; il les lit et il ne tarde pas à reconnaître
qu'il a bien fait. En voici quelques- mis : du train express sur la va-
peur; Ange protecteur ou exterminateur; ce qui demeure; parole de
grand poète; une seule question; unis ou séparés, etc. Et ici, comme
là, dans ces lectures qui semblent si disjointes et si éparpillées, il y a
une vivante unité de pensée, de vue, d'enseignement. M. le chanoine
Meyer n'oublie jamais son but et ne néglige rien pour l'atteindre:
dans le flot toujours montant des objections nouvelles, aider le jeune
homme à marcher droit, malgré l'encombrement de la route et l'iné-
vitable poussée, en lui montrant des jalons bien visibles plantés de
distance en distance. Remercions M. l'abbé Douadicq de l'adapta-
tion qu'il a faite de ce livre écrit en allemand; nous le recomman-
dons volontiers à tous nos étudiants.
— Six conférences composent le livre de M. l'abbé Debize : L'Édu-
eation de la charité. L'auteur tient à nous prévenir qu'il n'a pas voulu
faire un traité sur cette vertu; il a simplement réuni les conférences
qu'il a données en faveur d'oeuvres particulières et qui, naturelle-
ment, devaient se borner à donner quelques conseils adaptés spéciale-
ment à ces œuvres. Alors ce serait presque mieux qu'un traité, ce
serait la praticpe de la charité. Lisez plutôt : 1° Éducation person-
nelle (éducation charitable); 2° Le pauvre: 3° Nos pauvres; 4° Le
pauvre dans sa famille; 5° Le pauvre et la société; 6° Jésus dans le
pauvre. Ces titres, n'indiquent- ils pas assez manifestement l'ensei-
gnement de M. l'abbé Debize, aussi bien que l'utilité et l'opportunité
de ses conseils? Jésus-Christ nous a annoncé qu'il y aurait toujours
des pauvres parmi nous. Mais il nous a enseigné comment nous de-
vions considérer, aimer et servir les pauvres; c'est surtout la 6^ con-
férence que le lecteur doit bien méditer; la question sociale serait
— i02 —
bientôt résolue si cette doctrine était bien comprise, surtout bien mise
en pratique.
— 11 y a du bon, même du très bon, dans le « Notre Père » de l'heure
présente, par J. Santo. C'est le cri de l'âme vers le Ciel d'où viendra le
secours, c'est-à-dire la consolation et la fin de l'épreuve. Il ne faudrait
pas chercher ici la forme didactique : ce sont des élans, des aspira-
tions, comme des jets de flamme. «Ce livre ravit et transporte, écrit
M. Ducrocq à l'auteur, c'est une prière, dans la véritable acception
du mot. La prière se définit : une élévation de l'âme vers Dieu. Votre
livre donne des ailes à l'âme; il la fait s'envoler bien au-dessus des
ténèbres, des boues, des tristesses de cette terre. » Ces pages seront
très utiles aux âmes fortement éprouvées et qui ont peine à se rési-
gner, car celui qui les a écrites « a enduré les souffrances humaines
dans ce qu'elles ont de plus rude, de plus tenaillant.» Nous regrettons
seulement que l'approbation d'un évêque ne soit pas venu consacrer
de son autorité le jugement si flatteur de M. l'abbé Ducrocq-
JÉsus. — Marie. — • 10 et 11. — Le Prophète de Galilée, par M. l'abbé
Dard, en est à ses troisième et quatrième tomes que nous présentons
aujourd'hui à nos lecteurs. L'auteur est fidèle à sa méthode : pour-
4juoi en changerait-il? Il rapporte maintenant les faits et les paroles
du divin Maître : pour le 1^^ volume, depuis la journée de Cana jus-
qu'à celle de Naïm. Là sont compris le miracle de la guérison du fils
du centurion, la pêche miraculeuse, la première mission en Galilée,'
la guérison de l'infirme à la piscine probatique, les témoignages mes-
sianiques sur la divinité du Christ, le sabbatisme, le sermon sur la
montagne. « C'est ici, disons-nous avec l'auteur, que Jésus commence
vraiment à agir et à enseigner.. C'est là que l'action sert de cadre
merveilleux à la doctrine... Et les foules comprennent : Un grand pro-
phète, disent-elles, a surgi parmi nous. » Et M. l'abbé Dard d'ajouter
avec l'accent de l'apôtre qui veut toucher les âmes : « Oui, sur le bord
du lac de Tibériade a surgi un grand prophète : le prophète de Gali-
lée, celui que nous présentons aujourd'hui à la piété de ceux qui enten-
dent sa voix et le suivent, à l'attention de ceux auxquels il manque
plus qu'ils ne croient. » Le sec"dlid volume comprend les messages de
Jean-Baptiste, la pécheresse de Magdala, les imprécations, les para-
boles sur le royaume et leur explication, les miracles de Pérée, de
Capharnaiim, Jean-Baptiste et Hérode, Bethsaïde, le pain vivant de
l'Eucharistie et jusqu'à la Passion. Ces lectures évangéliques feront
l'objet de nos pieuses méditations pendant tout le temps qui sépare
la Pentecôte du temps de l'Avent : il y a là bien des leçons dont nous
devrons tirer les plus précieux avantages pour notre sanctification.
— M. l'abbJ de Cazalès nous donne une Vie de la Sainte Vierge,
d'après les révélations d'Anne-Catherine Emmerich, qui en est à la
— 103 —
onzième édition. Il nous avertit d'abord du caractère de ces révéla-
tions « qui n'ont aucune prétention à un caractère de vérité histo-
rique » et auxquelles « la sœur Emmerich elle-même n'a jamais donné
qu'une valeur purement humaine. » Il en est de ces révélations comme
de celles qui ont été publiées, attribuées à sainte Gertrude, à sainte
Françoise, à sainte Brigitte : elles sont simplement considérées'" comme
pouvant servir à édifier les lecteurs chrétiens et à raviver leur piété;
on ne leur donne ordinairement, dit Benoît XIV, qu'une approbation
permisdve, mais non positive, parce qu'une approbation permissive ou
négative, constatant qu'elles ne contiennent rien de contraire à la
foi ou à la morale catholique, est suffisante. » L'auteur ne s'est ainsi
proposé que de procurer aux âmes pieuses une lecture intéressante et
édifiante. Et c'est bien 1 effet que parait produire le livre de M. l'abbé
de Cazalès, avec les récits à la fois si simples et si animés de la reli-
gieuse de Dûlmen, ses tableaux si saisissants, ses descriptions si pré-
cises, ses personnages si vivants et si vraisemblables, avec le senti-
ment de foi naïve et de dévotion affectueuse qui respire dans toutes
ses pages. Voilà qui est bien entendu, et maintenant le lecteur peut
sans aucun risque parcourir les récits qui lui sont offerts : il sait quel
caractère il convient de leur reconnaître.
Jeunesse CHFftsTiENNE. — 12 à 14. — La principale des questions
du temps présent est bien celle de l'enfance et de la jeunesse; elle est
la grande préoccupation de tous les esprits sérieux, de l'épiscopat
surtout. Mgr Chollet, évêque de Verdun, si connu et si goûté pour ses
excellents ouvrages, publie à la librairie LethieUeux un nouveau
livre qui a précisément pour titre : Les Enfants. « C'est un petit livre,
dit trop modestement Mgr l'évêque de Verdun, un petit livre que
nous envoyons cqmme un missionnaire dans les régions si malheu-
reuses troublées par la lutte scolaire. » Et c[ue leur apporte-t-il à ces
régions qu'il doit rassurer? .Une étude sur les droits des parents, de
l'Eglise et de l'État à l'égard des enfants et une autre étude sur la
responsabilité morale des enfants; ensuite deux lettres pastorales,
relatives au décret Quam singulari dans lesquelles sont envisagés les
devoirs des parents et des enfants en face de l'Église et de l'école.
Faut-il ajouter que toutes les considérations sur ces points si impor-
tants sont d'une précision, d'une opportunité et d'une rectitude qui
entraînent la conviction. Cette œuvre d'évêque dépasse les limites
trop étroites d'un diocèse; elle s'étendra à tous les diocèses de France,
où elle trouvera le plus fidèle écho : les plus graves intérêts du présent
et de l'avenir du pays sont en jeu.
£ — Avant tout, évidemment, il faut que nos enfants soient bien
instruits de la vraie doctrine. L'aumônier des servantes du T.-S. Sa-
crement à Paris veut y travailler par son Catecismo de la infancia.
— 104 —
Un catéchisme en lajigi:e espagnole n'est pas pour nous effrayer; il
sera bientôt traduit et nos établissements pourront en tirer profit.
C'est la préparation dogmatique et morale à la première communion.
M. l'abbé Malinjoud accomplit cette pieuse tâche par des instructions
catéchistiques qu'il donne aux jeunes filles de son établissement. Après
des préliminaires assez développés, c'est la première partie du livre,
comprenant les vérités que nous devons croire, ou les articles du sym-
bole. La 2^ partie est consacrée aux devoirs que nous avons à pra-
tiquer ou le Décalogue,les préceptes de 1 Église, et, par voie de logique
conséquence, il est question du péché en général, des péchés capitaux
et des vertus opposées. Dans la 3^ partie, l'auteur traite des sacre-
ments et des moyens de sanctification. Douze instructions morales
sur la prière pour les morts, sur la grandeur de notre âme, qvielques
fêtes, la dévotion à l'Eucharistie et à la T. S. Vierge remplissent la
4^ partie et complètent l'enseignement religieux qui convient à l'en-
fance. Il faut bien que l'auteur ait consciencieusement rempli la tâche
qu'il s'était imposée, puisque S. E. le cardinal Merry del Val et un
grand nombre d'évêques français et espagnols lui ont écrit des let-
tres si élogieuses.
• — M. le doyen ^'andepitte donne à son enseignement catéchistique
une forme plus élevée. Ses Conjérences à la jeunesse des écoles sont .
divisées en trois séries. La 1^*^ traite des grandes vérités du salut et des
devoirs d'état; quatorze conférences ontpour objet Dieu, Jésus-Christ,
le Saint-Esprit, l'Église, les fins dernières ; quinze s'occupent des
actions de la journée, de la messe, de la communion, des œuvres, de
la vocation : les unes et les autres très courtes — on n'aurait pas le
temps d'y dormir — terminées chacune par quelques réflexions et
pratiques « modestes Heurs a,ux couleurs et aux" parfums variés,
laissées à la disposition de chacun, suivant ses attraits particuliers. »
Les conférences de la 2^ série sont au nombre de dix-neuf sur les de-
voirs envers Dieu et envers le prochain : la foi, l'espérance, la charité,
l'instruction religieuse, la fuite du péché et des occasions, l'accepta-
tion des souffrances de la vie, la prière, la piété; l'amour du prochain^
le support mutuel, les parents et les maîtres, les amis, le prêtre, les
âmes du Purgatoire. Les devoirs envois nous-mcmes. — 3® série —
sont rappelés dar.s vingt et une confâences sous des titres nom-
breux, entre autres les suivants : sanctification de l'âme, emploi du
temps, la conscience, les passions, les péchés de la lajigue, le scandale,
les tentations, poignée de défauts, poignée de vertus, apostolat, per-
éévérance. Et M. le vicaire général de Cambrai nous permet d'appré-
cier l'œuvre de M. le doyen en lui écrivant la lettre qui lui apporte
ses félicitations : « L'expérience qu'en fera la jeunesse de nos écoles,
ajoute-t-il, prouvera que vous avez fait couvre utile en lui procurant
— 105 —
une ample matière à s'instruire dans la connaissance de la religion
et à se perfectionner dans la pratique de la vertu. »
Spiritualité. — 15 à 19. — Bernard Olivier, de l'ordre des Ermites
de saint Augustin et évêque, appartient au xiii^ siècle; il fut un des
plus grands théologiens mystiques de son temps et pajmi ses nom-
breux ouvrages, tous estimés pour leur profonde et sûre doctrine, se
distingue celui que le P. Bénigne Fernandez, du même ordre, vient
d'éditer : Excitatoriiim mentis ad Deiim. On dirait un autre livre de
V Imitation. La 1^® partie nous invite à avoir la plus grande confiance
en la miséricorde do Dieu; la 2^ nous rappelle les principales vertus
du divin Maître, sa passion et sa mort; dans la troisième se trouvent
cinq prières pour solliciter de Dieu le pardon de nos péchés ^.1 toutes
les grâces qui nous sont nécessaires. L'action de grâces et la louange
divine forment la 4® partie. Ce sont des méditations, des prières, des
élévations qui éclairent, fortifient, encouragent l'âme en l'attachant
de plus en plus à Dieu qu'elle veut aimer et servir.
— Qui ne connaît la vie séraphique de saint François d'As-
sise? Et cependant on éprouve une vraie satisfaction spirituelle à la
voir reparaître dans le Miroir de la perfection du bienheureux par le
Frère Léon. M. Paul Budry vient de nous donner une version fran-
çaise de cette œuvre et nous ne saurions trop l'en remercier. Sans
nous attarder à la savante « note historique » sur cet ouvrage, note qui
intéresse surtout les érudits, ouvrons aussitôt le livre à la page où
« commence le miroir de perfection de l'état de frère mineur. » Nous
voilà en plein dans l'action; François d'Assise nous saisit et nous
pénètre par son amour pour la règle, et^ sans nous détourner im seul
instant de l'objet de son livre, l'auteur nous fait suivre son héros à
travers toute sa vie si parfaitement religieuse; pratique rigoureuse et
aussi affectueuse de la pauvreté; sa charité, sa compassion et sa con-
descendance pour le prochain; sa perfection dans l'obéissance et
l'humilité, son zèle pour la perfection de la règle, de ses frères et de
l'ordre tout entier, de son amour pour la passion du Christ, pour
l'oraison, sa victoire sur les tentations, son esprit de prophétie, enfin
sa préparation à la mort. Sans doute, le lecteur se rend bien compte
qu'il ne peut prétendre à cette pratique de la perfection, mais il prend
intérêt à admirer l'œuvre de Dieu dans ses saints et si, pour l'imita-
tion de leurs vertus, il ne peut les égaler, il sait que, comme les saints,
il peut compter sur la grâce pour s'l lever du moins à c[uel que. degré.
— Le R. P. Olivaint disait avec raison : « 11 faut moins de temps
que de courage po.ur faire un saint. » Ayons le courage d'abord d'ou-
vrir le Journal de ses retraites annuelles; parcourons-le attentivement,
surtout avec l'intention bien arrêtée d'en profiter, et puis, la grâce
aidant, mettons bien en pratique les excellents conseils qu'il nous
— 106 —
donne. Ses six retra'tes de 1860 à 1865 ont pour objet la vie terrestre
de Jésus-Christ, l'union à Jésus-Christ, le Sacré-Cœur de Jésus, l'hu-
milité, le courage et la ferveur, ici et là revenant sur les principaux
actes de la vie du divin Maître pour nous pénétrer davantage du sou-
venir do ses exemples et de son enseignement. C'est la même méthode
qu'il suit dans ses autres retraites de 1866 à 1870 : volonté et dévoue-
ment, la fin de l'homme, la préparation à la mort, la vie surnaturelle,
le règne du Saint-Esprit dans la pureté du cœur. C'est p^r cette vie
de prière, de mortification, d'humilité, de zèle, que le saint religieux
sepréparait à rendreunbon témoignage à son Dieu et méritait
la grâce du martyre. Ne semble-t-il pas nous dire avec Notre- Seigneur:
« Hoc fac et vives. Faites tout ce que nous a enseigné le Maître et vous
vivrez»? Puissent de nombreux lecteurs goûter les méditations duR.P.
Olivaint. Il semble que de chacune de ces pages, écrites pour ainsi dire
avec le sang d'un saint confesseur, s'échappe un parfum
divin qui embaume l'âme et q,ui la fortifie. 11 faut du courage, oui,
mais Dieu le donne à qui le demande, bien disposé à en faire usage.
• — Nous aurons alors tout ce qui convient pour prendre, à la suite
de M. le chanoine Lejeune, notre élan Vers la ferveur. Le pieux au-
teur a eu déjà de nombreux disciples — ■ son livre est à son 2® mille — ;
il en mérite davantage et il les aura. Il a dédié son œuvre à ses onze
cents mères chrétiennes de Charleville, sa paroisse; c'est à toutes
les mères chrétiennes que devra peu à peu parvenir son appel. « La
ferveur, au dire de saint François de Sales, est l'amour de Dieu par-
venu à ce point de perfection qui nous fait agir pour Dieu soigneuse-
ment, fréquemment et promptement. » Mais Dieu commande ^^ar
ordres formels — tels les préceptes du Décalogue — ou bien il nous
fait connaître sa volonté, sans nous y contraindre, mais désirant notre
assentiment à ce qui est simplement son bon plaisir. Là est le devoir
de tout fidèle; ici, c'est la générosité d'un cœur aimant Dieu par-dessus
tout, c'est la ferveur. Voilà le but à atteindre; suivons notre excellent
guide : le don de soi-même à Dieu, la pureté d'intention, même dans
les moindres actions, vie intérieure, recueillement, l'humilité, la mor-
tification, l'apostolat, tels sont les degrés par lesquels nous attein-
drons cette ferveur que nous cherchons. 11 faut avouer qu'il n'est pas
de voie plus sûre, mais elle peut paraître un peu rude à parcourir.
L'auteur a prévu cette frayeur et en route il renverse les obstacles,
résout les objections, de telle sorte que le sentier ardu devient aplani
et facile. Vous y réussissez si bien que vous voulez communiquer à
autrui votre satisfaction : à votre tour vous vous faites apôtres de la
ferveur.
— Et, pour entretenir en vous cette divine flamme, vous avez la
divine Eucharistie où réside Celui qui est venu porter le feu sur
— 107 —
la terre et qui n'a qu'un désir, celui de le voir brûler dans toutes les
âmes. Écoutez donc les raisons, les méthodes et les expériences que
vous expose le R. P. Lintelo dans sa brochure : La Communion fré-
quente. Ces quelques pages ont eu la bonne fortune d'être louées par
S. E. le cardinal Gennari; elles ont été présentées au Pape qui en
désire la plus large diffusion.
Piété. — 'Dévotions. — 20 à 25. — Le livre du P. Joseph Thermes
continue et développe l'œuvre du P. Lintelo : son Manuel eucharis-
tique est bien de nature à faire mieux connaître et mieux pratiquer le
sacrement de nos autels. Voici d'abord les figures et les promesses
de l'Eucharistie dans les deux Testaments. Aussitôt après, l'institu-
tion elle-même, au soir de la dernière cène, et alors démonstration
de la présence réelle de Notre-Seigneur sous les espèces du pain et du
vin. Les chapitres suivants sont consacrés aux miracles dans l'Eucha-
ristie, à la matière, au ministère et au sujet de ce sacrement, aux fruits
qu'il doit produire en nous, aux dispositions pour communier, à la
préparation, à l'action de grâces; en un mot,ce livre est un petit traité
complet pour la doctrine et la pratique, relativement à l'Eucharistie;
il se termine par des visites au Saint Sacrement. Rien de plus efficace
pour satisfaire la piété.
— Le Fils appelle la Mère : ils sont inséparables; la piété pour Jésus
ne peut pas aller sans la piété pour Marie. Celle-ci se développera de
plus en plus par le livre où M. l'abbé Saulnier nous offre sous le titre :
Un )nois du rosaire chez soi, une série de sujets de méditations, de lec-
tures,de traits, de légendes et d'histoires pourle mois d'octobre, comme
aussi pour le mois de mai. Ce livre peut être utile à tous les fidèles; il
sera surtout apprécié des infirmes ou des malades, condamnés à ne
pouvoir aller à l'église et qui seront heureux d'y trouver un moyen si
facile de s'associer, de loin, aux pieux exercices de la paroisse en
l'honneur de Marie. Les méditations portent sur les invocations
accoutumées des litanies; mais l'auteur a mis aussi à profit le remar-
quable ouvrage du R. P. Esser sur le Saint Rosaire qui est bien le
monument le plus complet en l'honneur de l'auguste Mère de Dieu.
Des notes préliminaires renseignent le lecteur sur les diverses formes
du saint rosaire et lui offrent un exercice très ingénieux pour les
mystères à énoncer à chaque dizaine, avec quelques mots de médita^
tion ou une strophe d'un cantique qui y est adapté. Les lectures, les
traits, les histoires sont bien choisis, très intéressants et de la plus
sérieuse édification.
— La piété trouvera aussi un précieux aliment dans les Pieuses
Considérations et règles de conduite que M. l'abbé Baudot nous ap-
porte avec son nouveau livre sur le Règne de V Evangile dans la cité
chrétienm. Hélas ! m^m? les chrétiens sont si loin de la doctrine et de
— 108 —
Tesprit de l'Evangile ! Ils ont grand besoin d'y être ramenés afin que
Jésus-Christ vienne régner parmi nous. Cet opuscule est divisé en
deux parties; la 1^^ est foimée de quatre livres où l'auteur traite
tour à tour, avec autant de brièveté que de précision, de tout ce qui
doit convenir aux besoins spirituels de nos contemporains : vie et
avenir de nos âmes, connaissance et service de Dieu, immortalité,
liberté de l'homme, honnêteté chrétienne, charité, bonté, justice,^
douceur, humilité, force, prudence, piété, douleur, mission et apos-
tolat du prêtre; dans la 2^ partie, l'auteur rappelle nos devoirs envers^
Dieu, envers Jésus-Christ, envers le prochain, envers soi-même.
Telles sont les obligations et les règles de la vie chrétienne; en nous
y conformant, nous contribuerons, chacun pour notre part, à res-
taurer parmi nous le règne de l' Évangile.
— Sans doute, de nous-même et tout seul, nou-- ne pourrions pas
accomplir ce grand œuvre, mais le Petit Catéchisme de la grâce nous
apprend que Dieu est là pour nous faciliter cette tâche en nous prê-
tant son secours. Il n'est pas facile de faire bien comprendre à tous les
esprits la vraie notion théologique de la grâce. M. le chanoine Van-
depitte, que nous sommes heureux de retrouver ici, a, ce nous semble,
bien réussi à rendre cette notion assez intelligible; il nous dit simple-
ment et clairement ce qu'est la grâce, ce qu'elle fait en nous et de
nous; et il nous indique les principaux moyens d'entretenir et de dé-
velopper en nous la grâce : les sacrements, surtout la pénitence et
l'Eucharistie, la sainte messe, la parole de Dieu, la prière, les bonnes
oeuvres, la méditation au pied du crucifix, la pensée de la présence de
Dieu, le souvenir des fins dernières.
— Le Guide de la jeunesse, par l'abbé de Lamennais, a fait ses preu-
ves; il en est à sa 15^ édition. Et quel bien il a produit dans les âmes !
Il sait toujours poursuivre son œuvre, car les besoins des âmes sont
toujours grands, même aujourd'hui plus grands que jamais. Com-
posé par le Lamennais croyant et orthodoxe, cet ouvrage est nourri
de la substance des saintes Écritures, surtout de la doctrine
des Évangiles. Avec un art admirable, l'auteur a su fondre, pour ainsi
dire, son style dans le texte sacré, en y mettant le meilleur de son
talent sans rival et de son âme d'apôtre. Hélas ! depuis... Mais son
lœuvre continue à opérer le même bien, à préserver cette jeunesse
qui goûte ses exhortations et suit ses conseils. — Le Guide de la jeu-
nesse est précédé fort à propos de l'ouvrage du D^ Jacques Balniès :
La Religion démontrée à la jeunesse et d'un abrégé de l'histoire sainte
par Bossuet. Cette trilogie se complète; trois grands esprits asso-
ciés à l'œuvre la plus importante et la plus chère à l'Église.
— M. le chanoine Girard a une prédilection pour ceux qui souffrent;
il est VAmi des malades.lh sont si à plaindre ! Ils ont si peu de consola-
— 100 —
lions ! Toujours torturés par le mal et presque toujours seuls !... avec
leur douleur ! Ce petit livre nous apprend d'abord quel est le rôle pro-
videntiel Je la maladie et comment nous devons la sanctifier par notre
résignation à la volonté de Dieu, notre obéissance et notre patience.
Il nous indique les secours divins qui nous sont offerts : le prêtre , les
sacrements, les autres secours de la sainte Église. 11 termine par
un abrégé des vérités de la foi, certaines maximes bonnes à méditer,
quelques prières indulgenciées, surtout par les prières spéciales aux
malades. « C'est bien le Manuel des malades, écrit à l'auteur M.
le vicaire général de Rennes; rien n'y est oublié... Le succès ne saurait
faire doute, la diffusion sera large, le bien produit immense. »
F. Chapot.
POÉSIE — THÉÂTRE
I. PoKsiE. — 1. Lr S'ibla d'or, p:\T Henry D'krieux. Lyon, L'Art libre, s. d., petit
in-8 de 39 p., 2 fr. — 2. Essais poétiques, par L.-A. Morel. Paris, Plon-Nourrit,
s. d., in- 16 de 9t p..' 2 fr. — 3. Une Promenade, par Auguste Barbier. Paris,
Savante, s. d., in-16 de 136 p., t fr. 50. — 4. Sornettes et sonnets, rimes païennes.
par Jean- LivelT. Paris, Éditions des nscholiers, s. d., in-16 de 136 p., 2 fr. — 5.
Les Victoires,pciV Léon Guillot. Paris, Beauchesne, i9 0, in-4 de 50 p., 4 fr. — 6.
UA'lieu à Vadoloscence, par François Mauriac. Paris, Stock, 1911, in-18 de 216
p., 3 fr. 50. — 7. Le Beau Pays, par Pierre Lestringuez. Paris, Fignière, 1911,
in-12 de 165 p., 3 fr. 50. — 8 Chants et poèmes solognots. En Blouse et en sabots,
par PaulBesnard. Paris, Figuière, 191 !, in-18 de 128 p., 2 fr. — 9. Le Cantique
de la Seine, par André Mary. Paris, Éiuile-Paul, 1911, in-16 de 212 p., 3 fr. 50.
— 10. La Chanson des mendiants, par J.-F. Louis Merlet. Paris, l'édition libre
1911, petit in-8 de 121 p., 3 fr. 50.— 11. Les Chanf. du.cygne. par î. R.-G. Paris,
Ijemerre, 1911, in-18 de 232 p., 3 fr. — • 12. Le Chant des sources, par Pierre
d'Arcancues. Paris, Perrin, 1911, in-16 de 219 p., 3 fr. 50. — 13. Le Crépuscule
de Dioûysos, par Paul-Louis Aubert. Paris, Ficker, 1911, in-12 de 152 p.,
3 fr. 50, — 14. Dernières Veillées., par Arsène Vermenouze. Paris, Jouve, 1911,
petit-in-8 de x-204 p. et portrait, 3 fr. 50. — 15. Edelu'eiss et goémons, par Jean
Plémeur. Paris, Figuière, 1911, in-18 de 164 p., 3 fr. 50. -^ 16. Les Foyers
perdu9, par Antoine Nicol\ï. Paris, Éilitioas du Beffroi, 1911, in-16 de 127 n.,
3 fr. 50. — 1 ;. Sous les h'Hres de l'Est, par Gabriel dç Pimodan. Paris, Messein,
1911, petit in-8 de 358 p., 3 fr. 50. — -18. L'Horizon, par Claude Couturier.
Paris, Lemerre, 1911, in-18 de 143 p;, 3 fr. — 19. La Légende du' Mont Saint-
Michel, par Louis Foisil. Paris, Jouve, 1911, petit-in-8 de 132 p., 3 fr. 50. —
20. En Marche vers les ct'n?f, par É ïlf Pignot. Paris, Bloud, 1911, in-16 de 118
p., 3 fr, — 21. Le Miroir enchante, par Robert Lestrange. Paris, Figui're,
1911, in-12 de 240 p., 3 fr. 50. — 22. L'Ombre du templ-, par R. de HANciîf.-^SAU-
MANE. Paris. Falque, 1911, in-16 carré de 117 p., 3 fr. 50. — 23. Le Paradis
retrouvé, p"'..' Joachim Gasquet. Paris, Grasset, 1911, in-16 de 238 p., 3 fr. 50. —
24. Pour retrouver l'enfant, par Gustave Zidler. Paris, Jouve, 191!, petit in-8
de 133 p., 3 fr. 50. — 25. Les Rêves exaltés, par Lucien Boudet. Paris, Éditions
du Beffroi, 1911, in-16 de 103 p , 3 fr. 50. — 26. Tout mon camr par tous les
chemin'!, par Paul Sentenac. Paris' Grasset, 1911, in-16 de 190 p., 3 fr. 50. — 27.
La Veillée so/iVa/re, par Jean-Paul Tort. Pftris, Figuière, 1911, in-18 de 191 p.,
3 fr. 50. — 28. La Vie qui s'oui>re, par Jacques Boyer. Paris, Figuicre, 1911,
in-12 de 110 p., 3 fr. 50. — 29. Les Visions du chemin, p'^X Ht^^k^ Rovger. Pari-;,
Lemjrre, 1911, in-18 de Î62 p., 3 fr. — 30. Les Autels et les tomh s, par Léon
Lahovary. Paris, Jouve, 1912, in-18 de ix-183 p., 3 fr. — 31. Passages de l'ûme,
par Frédéric Saisset. Paris, Jouve, 1912, in-16 de- 121 p., 3 fr.
- 110 —
Poésie ricviMNE. — 32. Dans le Jardin de notre amour, par Alice Clerc. Paris,
Falqiie, 191K in-12 de 157 p., 3 fr. 50. — 33. Les Souvenez-vous, par Claire
ViRENQUE. Paris, Falque, 1911, in-16 de 154 p , 3 fr. 50. — 34. Les Voix de la
montaf;ne, par A. de Bary. Paris, Stock, 1911, in-18 de 256 p., 3 ir. 50.
Anthologies. Recueils. — 35. Aniologia provenzale, par E. Portal. Milan, Hoepli,
191 1, petit, in-16 relit^, de viii-674 p., 4 fr. 50. — 36. Œuvres inconnues de Racine.
Poèmes sacrés, découverts à la Bililiothèque impériale de Saint-P6ters])ourg, par
l'abbé Joseph Boînnet. Auch, bureaux de l'archevêché, 1911, gv. in-8 de xvi-
316 p., avec planches et fac-similé, 10 fr.
Poèmes en prose. — 37. La Chanson: du poète errant, par Gabriel Sarrazin. Paris,
Perrin, 1911, in-16 de xii-261 p., 3 fr. 50. — 38. Ballades françaises. Un de France,
par Paul Fort. Paris, Figuière, 1911. in-18 de 210 p., 3 fr. 50. — 39. Ballades
françaises. L'Aventure éternelle (livre I'''), par Paul Fort. Paris, Figi-ière, 1911,
in-18 de 147 p., 3 fr. 50.
Critique. — 40. Étude sur les Ballades françaises de Paul Fort, par Louis Mandin.
Paris, Figuière, 1911, gr. ip.-8 de 67 p., 1 fr. — 41. Nouvel Essai sur V intensisme
en poésie, par Charles de Saint-C.yb. Paris, Marcel Rivière, s. d., in-18.de 73 p.,
3 fr. — 42. Mélanges de linguistique provençale, par F.-N. NicoLLET.Aix-en-Pro-
s'ence, Tmp. ouvrière, 1910, g?. in-S de 73 p.
II. Théâtre. — 1. U An Mille, drame en cinq actes en vers, par Victor Kinon.
Paris, Librairie générale des sciences, arts et lettres; Bruxelles, Yv^ Larcier,
1911, in-16 de 221 p., 3 fr. 50. — 2. Le Théâtre chrétien. Au Clocher, par Paul
Janot. Paris, Bloud, 1911, in-16 de xii-271 p., 3 fr. 50. — Z. Études dramatiques, i>a.r
Adolphe Môny. T. V. Babel. Paris, Plon-Nourrit, 1911, in-16 de 141 p., 3 fr. 50.
— 4. Les Erreurs sociales. La Peine de vivre. Châtiment, drames modernes, par
Emile Pierret. Paris, Lemerre, 1911, in-8 de iv-247 p., 3 fr. 50. — 5. L'Otage,
drame, par Paul Claudel. Paris, Marcel Rivière, 1911, in-18 de 205 p., 3 fr. 50.
— 6. Pendant la croisade, conte en un acte en vers, par Martin-Valdour et Char-
les Gallo. Paris, H. Paulin, 1912, in-12 de 64 p., 2 fr. 50. — 7. Poèmes de France
et d'Algérie, pa'' Maurice Olivaint. Paris, Lemerre, 1911, in-18 de -242 p., 3 fr.
— 8. Le Béveil, comédie dramatique en trois actes et en vers, par Henri Guer-
LiN. Paris, Jouve, 1911, in-18 de 149 p., 2 fr.
La marce poétique continuant à enfler ck' mesure ment, nous avens
tâché d'apporter dans notre examen un essai de classement indispen-
sable, suivant la logique, le temps... ou l'alphabet.
1. Poésie. — 1. — Le Sable d'or est un mince cahier où M. Henry
Dérieux a voulu apporter « un hommage, un simple hommage aux
maîtres dont la parole un temps l'éblouit, au point qu'il put se mé-
prendre entièrement sur la nature de son tempérament vrai. » Ces
maîtres sont Henri de Régnier, Vielé-Griffin, Mallarmé, Charles
Guérin. Lorsque M. Dérieux aura retrouvé « son tempérament vrai, »
nous reviendrons à lui avec plaisir.
2. — M. L.-A. Morel, lui aussi, publie des Essais poétiques. A quoi
bon publier des essais?
3. — L'Auguste Barbier qui a écrit les fables d'Une Promenade
n'a rien de commun avec le fougueux auteur des ïambes. Jadis atta-
ché au pèlerinage de N.-D. de Lies?e, il a été, comme religieux, exilé
de France, et il console ses quatre-vingts ans en offrant aux enfants
des apologues souvent imités du P. Desbillons, le jésuite fabuliste
latin du xyiii^ siècle. On le voit, nous sommes loin do la Curée ou de
l'Idole.
— 111 —
4. — Les Sorneiies et sonnets de M. Jean Lively sont simplement
des polissonneries, dont bien pou sent spirituelles. M. Octave Pradels,
dans une Préface en vers... libres, naturellement, déclare que ces
poésies n'ont jamais rêvé de faire la conquête
D'un lotus d'ijr aux Jeux-Floraux.
Elles ont bien fait.
5. — Avec les Victoires, de M. Léon Gui]lct,nous rencontrons enfin
un livre. Il est écrit en un beau style classique, • — un peu trop conti-
nûment lyrique et hautain à la façoii de Moréas. Heureusement, vers
la fin, le poète s'humanise un peu plus; il descend de son trépied sy-
billin pour décrire d'agréables et touchants paysages de France :
Les bois sont embaumés par une odeur de miel.
Entre les troncs moussus, comme des pans de ciel,
D"iiïimobiles étangs rêvent, mélancoliques,
Et, par delà les flots rutilants de blé mûr,
Par delà les maïs aux feuilles métallioues,
Le Jura violet bar.'e le clair azur.
6. — M. François Mauriac, lui,n'a rien de cette gravité hautaine. Très
jeune encore, il a été mis aux premiers rangs par les Mains jointes,
dont Maurice Barrés salua si noblement la sincérité, l'émotion, le fré
missement contenu. Nous retrouvons ces mêmes qualités, très pre-
nantes, dans l'Adieu à l'adolescence. M. Mauriac, qui aime à la fois, et
on ne saurait l'en blâmer,
Lts vers de Jean Racine et ceux de Baudelaire,
sait à merveille se replier sur lui-même, et, comme Charles Guérin,
il nous donne une sorte de « journal poétique » du crépuscule de S( n
adolescence et de l'aube de sa jeunesse. Malgré la fatigue qu'engendre
en général la poésie subjective, ce journal est très attachant, car au-
tant les banales expériences amoureuses fournissent des thèmes qui
écœurent, autant l'éveil progressif d'une jeune âme à la vie est un su-
jet délicat et charmant. M. Mauriac l'a traité de la façon abandonnée
qui est la sienne, avec quelques souvenirs de Francis Jammes; il n'a
pas la dextérité minutieuse et un peu affectée de M. Edmond Gojon
dans ce beau livre qui s'intitule : Le Visage penché et où revivent
aussi des scènes d'enfance. Il écrit un peu vite, comme son cœur bat.
Il ne s'inquiète pas de savoir si « passionné » compte trois ou quatre
syllabes; pour le plaisir de faire un vers bien balancé, il nous dira
que les jansénistes ont goûté
L'austère volupté des belles hérésies,
ce qui transformerait ces vieux fanatiques, hypnotisés par l'enfer,
— 112 —
en dilettantes, précurseurs de son ami Baudelaire... Mais le mérite
de M. Mauriac est ailleurs : il est dans sa jeunesse extrêmement sen-
sible, prompte à s'analyser, dans la culture des « états d'âme » aux-
quels il a le loisir et le goût de se livrer, — et dans tout ce qu'il
révèle d'impressions gâchées ou ensevelies à ceux-là qui ont juste le
temps de vivre.
7. — Avec M. pierre Lestringuez, nous demeurons encore sous
l'influence dominatrice de Baudelaire (nous retrouvons dans le Beau
Pays certaines de ses expressions); mais, de plus, Verlaine est passé
par là, apportant ses impropriétés de termes, ses bavures, ses ryth-
mes déconcertants et surtout son inspiration sans élan et sans éner-
gie. M. Lestringuez dédie certains de ces vers,qui racontent en général
de bien pauvres histoires, à Maurice Magre et à Edmond Gojon;
mais il est loin d'avoir le souffle lyrique du premier et l'écriture artiste
du second.
8. — On éprouve une grande déception à lire les Chants et poèmes
solognots de M. Paul Besnard; dès l'abord, on est séduit par le bon
accent de terroir de ce livre, par sa verve paysanne et son allure de
santé... Puis, tout à coup, on tombe sur des grivoiseries, des saletés,
des niaiseries anticléricales : par exemple, dans Tu t'en trouvras ben,
l'auteur cherche à établir que le meilleur moyen d' « arriver « aujour-
d'hui, en France, c'est d'avoir été élevé dans une école catholique et
d'être patronné par les royalistes ! Quant à Rêve de Curé et à Jeanne
d'Arc, ce sont de pures ignominies, de la littérature pour Homais.
Ce n'est pas avec cela que l'on rénovera nos patois provinciaux.
9. — Nous arrivons vite, pour nous cojisoler un peu, au Cantique de
la Seine, où M. André Mary s'est affirmé un de nos meilleurs poètes :
... Je veux honorer le ))eau fleuve gaulois
La douce et claire Seine
Qui, seule, s:nt parler à mon cœur d'une voix
Divinement humaine,
Que ce soit au printemps, aux portes de Paris,
Où la Marne tirdive
Te rejoint au milieu des cent vergers fleuris
Qui parfument ta rive,
Que ce soit sur ces quais vénérés, Ou je peux,
Quand le soir me délivre,
F'àner loin des tracas, près des palyis pompeux,
Le front sur quelque li re,
Ou monter sur le poat de tas Ijgers bateiux,
Quand l'air se rassérène
Et qu'il fait bon, de loin, contempler les coteaux
De Sèvre et de Suresne...
Autour de ces clairs paysages séquanais, tracés avec tant d'exacte
— 113 —
mesure, le jeune poète a su évoquer, peut-on dire, rossence de notre
patrie et de son génie. Peu d'écrivains, certainement, l'ont pénétrée
autant que lui, et pour aimer la France, il l'a étudiée profondément.
Faut-il s'étonner dès lors que Ton sente parfois transparaître chez lui
le souvenir de ses immenses lectures, depuis les conteurs de notre
moyen âge jusqu'à Banville, depuis Ronsard jusqu'au bon Coppée
lui-même? Non; il n'y a là en tout cas qu'un abus de richesse, d'éru-
dition, de ressources littéraires; ne nous plaignons pas que la mariée
soit trop belle, et souhaitons à M. André Mary de continuer son œu-
vre, qui sera certainement, chose rare en ce temps-ci, une œuvre
vraiment française.
10. — Du Cantique de la Seine à la Chanson des mendiants, le saut
est brusque; dans ce livre curieusement édité, avec portrait^ hors-
texte et croquis de M. Max-Pierre Jouret, M. J.-F. -Louis Merlet a'
repris, en vers le plus souvent libres, des thèmes bien usés, que M. Mau-
rice Magre a galvanisés pour la dernière fois dans la Chanson des
hommes. Quoique le fougueux Emile Verhaeren déclare, dans la pré-
face, que voici un « poème ardent, tumultueux, enflammé, brûlant de
pitié, tour à tour violent et doux, clair et sombre, rageur et clément »,
il nous est impossible de suivre M. Merlet nous présentant un Christ
anarchiste qui lève la torche « pour brûler et purifier dans les cités
les foyers d'injustice et de cruauté. » Sommes-nous en 1848 ou en
1912?'
11. — Très loin de ces divagations révolutionnaires, un mystérieux*
I. R.-G., et à qui l'on doit déjà de nombreux recueils de vers, publie
sous le titre : Les Chants du cygne, un volume de rondels, de dizains,
de distiques et de sonnets, où une foule de pièces fugitives enferment
des pensées délicates. *
12. — Le Chant des sources, par M. Pierre d'Arcangues, rontre un
peu dans la même catégorie de livres de salon. On ne peut apporter
rien de bien neuf en littérature, quand on se contente de célébrer les
Feuilles mortes, le Vieux Cimetière, le Clair de lune, Noël, la Mer,
l'Avril et autres choses inattendues. Et l'auteur, cependant, écrit en
pays basque, au milieu des plus fraîches sources d'inspiration ! Il ne
s'en est guère souvenu que dans son titre, et par ci pa'r là...
13. — Quand j'ai ouvert le Crépuscule de Dionysos, de M. Paul-
Louis Aubert, j'ai été frappé au contraire de la personnalité et de la
vigueur de ce recueil. La première partie, malgré son pessimisme
romantique, renferme des poèmes vraiment admirables, tels que le
Sphinx. Malheureusement, cela ne dure pas. Dès les Sonnets, la ma-
tière se gâte, et les Flymnes et les stances, qui suivent, semblent avoir
été hâtivement entassés pour donner au volume la Jongueur néces-
FÉVRiER 1912. T. CXXVI. 8.
_ 114 — .
saire. M. AubeiU, en un poème limii.aire, exalte l'Ait, et dit au
poète :
Sois probe et sérieux quand tu le servira*?,
Ce n'"est qu'aux patients qu'il o:;lr'otivre ses bra=.
Or, tout son livre, par les succès de sa } umièie partie et les échecs de
la seconde, est une illustration de ce d'stique.
14. — Ce n'est pas le défaut de patience, par contre, que l'on pourra
reprocher à Arsène ^^ermenouze ni à son exécuteur testamentaire.
Le regretté poète d'Auvergne attendit jusqu'après la quarantaine
pour publier ses premiers vers et, dans sa courte carrière, se montra
toujours le plus scrupuleux et le plus probe des écrivains. Après sa
mort, son ami, je pourrais dire son directeur de conscience, M. Ga-
briel Aubray, au lieu de se hâter d'entasser les Reliquiae et de nous
donner pêle-mêle tous les vieux papiers du défunt, a su faire un
triage courageux, bien plus digne de la mémoire de \'ermenouze, et
nous offrir ainsi, avec les Dernières Veillées, wn livre à peu près par-
fait. Avec une grande émotion, je feuillette ce livre, ouvert par l'ef-
figie anguleuse, vigoureuse, caractéristique, à la fois espagnole et
celtique, de cet Auvergnat qui ressemblait un peu à Don Quichotte,
et je relis tant de ces poèmes, dont j'ai eu les manuscrits en mains,
dont j'ai souvent corrigé les épreuves sur les indications toujours
insatisfaites de ce pur artiste trop ignoré. On parle de Francis Jam-
nies et de nos jeunes poétesses naturistes; on parle de François Fabié
et des écrivains les plus fidèles à leur terroir : pourquoi oublie-t-on
trop souvent Arsène Vermenouze, grande âme chrétienne, peintre
inégalé de sa province, aussi bien en langue d'oïl qu'en langue d'oc?
Les Dernières Veillées, dans leurs fragments mutilés, sont encore
plus belles c^'En plein Vent ou que Mon Auvergne; les prosaïsmes du
début ont presque tous disparu; le vers est plus souple, plus affiné :
il a fréquenté les jeunes maîtres symbohstes; le sentiment chrétien
s'y pare des images plus riches que réclame notre poésie. Par exemple.
cette communion de Noël :
Et quand le prêtre prit l'hostie en ses mains p'des,
Ils s'ai)prc'chèrent tous, émus et recueillis,
Et ce fut comme si quelque céleste lis
Eût, d'en haut, sur leur lèvre effeuillé ses pétales...
Voyez encore cette page d'anthologie, la Ruche : •
Décortiqué par l'homme, ébranché par le vent,
Le tronc fendu, ce chpne-li''ge vénérable,
Df ns sa nudité rouge et tragique, est semblable
A quelque grand martyr, écorché tout vivant.
Mais de ses larges flancs aux béantes crevasses
S'exhale, aromatique, une senteur de miel,
Et, pcintiliant d'or clair l'azur riant dv ciel,
Un vol d'abeillci sort du Titil arbre vivace. ' '
^ 115 —
Car ce sont les s'urirants, les saignants, les meurtris,
Ceux (jue la vie a déchirés de ses épines,
Qui conservent, dans leurs douloureuses poitrines,
Le plus de pitié douce et d'amour attendri.
Non, Vermenouze n'est pas seulement le plus grand poète de sa
province — ce qui est déjà beau ; — l'une des gloires du félibrige, car
s^on œuvre en langue d'oc en fait un des premiers qui marchent dans
les traces de Mistral : à force de se développer en profondeur, comme
son illustre maître de Maillane, il atteint l'humanité en général, et il
mérite d'attirer l'admiration d'autres gens que des folkloristes, des
curieux des particularités locales ou des partisans indécouragés de
nos régions françaises. Il s'adresse à tous, et il faut remercier M. G.
Aubray de savoir si bien prolonger l'écho de cette bonne et grande
voix. On se souvient encore en Auvergne de la magnifique conférence
que Jean Richepin lui consacra. Rien d'étonnant à cet enthousiasme;
car on peut sans paradoxe comparer l'art de Vermenouze à celui de
l'auteur des Blasphèmes. C'est la même maîtrise prosodique, les
mêmes rimes inattendues, la même audace d'expression et de mé-
trique, la même sonorité, la même richesse d'images... Mais ici, au-
dessus du tumulte ordonné des mots et de la musique savante des
rythmes, il y a toujours l'ombre dominatrice de la Croix.
15. — Si les intentions de M. Jean Plémeur sont aussi louables —
et nous n'en saurions douter en voyant mêlés à son œuvre les noms
de MM. Henry Bordeaux et Louis Tiercelin — il s'en faut que leur
réalisation soit aussi brillante. En chantant la Bretagne et les Alpes
dans Edelweiss et goémons, l'auteur ne s'est guère élevé au-dessus du
niveau de la mer, et ses étonnements devant les montagnes semblent
en faire foi :
Quel Yitan façonna leurs flancs mystérieux
Et quels i'eux inconnus rougissent leurs carcasses... (p. 80).
16. — M. Antoine Nicolaï est plus moderne; ses Foyers perdus ap-
partiennent à l'école, un peu calmée, un peu assagie, de Baudelaire.
Dans ce recueil, il y a surtout à signaler quelques notations sur la
Corse, que l'on aurait voulues plus précises, et un sonnet pittoresque
sur les fameuses « vocératrices » des funérailles, annonçant les ven-
dettas :
Prophétesses du deuil aux larges manteaux noir,,
L'âme de Colombe rugit dans leurs cantiques.
17. — Une autre région nous apparaît avec les Hêtres de l'Est de
M. Gabriel de Pimodan, la région dévastée et arrachée par la guerre.
C'est vraiment l'œuvre d'un fils pieux de la douce France que de
rappeler nos yeux et notre cœur vers tout ce que l'Alsace et la Lor-
raine ont apporté à l'âme nationale. Aussi lira-t-on avec intérêt ce
— 116 —
livre distingué, jamais banal, où passent les vieilles et poétiques
légendes des Vosges et du Rhin, présentées de façon très adroite,avec
un riche vocabulaire. Sur ces thème'' où passent et repassent les châ-
telaines, les abbesses, les croisés, les sultanes, on aurait pu tomber
dans le poncif romantique, dans une réplique des Odes et Ballades :
il n'en est rien. M. de Pimodan s'en est sauvé grâce à des rythmes très
modernes, grâce à un soin du détail qui conserve à toutes ses « pièces
à dire » une haute tenue poétique. Et ce livre touchant du souvenir
et de l'espérance se termine par la superbe ballade mélancolique
« Au soir du jour et de la vie », adressée à la Dame à la faulx,
comme dirait Saint- Pol- Roux :
Vous seulf nous venez en aide au soir du jour...
^ Nous n'en sommes pas là, et M. de Piniodan nous donnera encore
beaucoup de beaux vers. '•
18. — L'Horizon, de M. Claude Couturier, se rattache à peu près
à la même école poétique. Ce recueil contient de jolies ballades, no-
tamment celle des « Fleurs qui veulent être cueillies » : <^
Que l'on nous cueille, disent-elles.
Mais les sujets, que ne relève aucun intérêt particulier, laissent traî-
ner le volume dans la banalité : c'est, tour à tour, du Banville, du
Coppée, du Sully- Prudhomme... On voudrait du Couturier. '^^
19. — La Légende du Mont Saint- Michel, par M. Louis Foisil, vient
nous prouver à temps, une fois de plus, les immenses ressources ap-
portées à la poésie par l'histoire de nos terroirs. A notre époque où
les livres de vers ressassent misérablement les lieux communs les
plus usés de la sentimentalité, il est séduisant de voir un jeune poète
se consacrer à chanter une des merveilles de son pays, qui est en même
temps un des plus purs joyaux de France. M. Louis Foisil a donc écrit
patiemment une chronique rimée du Mont Saint-Michel : et vous
pensez bien qu'elle ne manque pas de quelques prosaïsmes; elle au-
rait pu aussi, ce me semble, être plus nourrie, plus complète — un
poème sur l'Archange fait défaut, au début — et elle aurait pu de
cette façon se passer des sonnets normands qui complètent le volume;
mais enfin, c'est une œuvre qui révèle une volonté, une pensée élevée,
un culte sincère de l'art. Je n'en veux pour preuve que cette invec-
tive contre la fameuse digue; elle indigne M. Foisil à juste titre, et
par une invention poétique qui aurait ravi Huysmans, il y voit une
revanche de Lucifer : ?
Et Id Digue allonge;'it sn courî)e de couleuvre.
— Lui, Satan, contemplait, en ricanant, son œuvre :
Ce per'ide chemin à tous venants ouvert
Di^couronnait le Sî-int du Péril-de-la- Mer,
— 117 —
Y versait le venin de la Bête vaincue 1 ': 3
20. — Nous nous délasserons un instant avec En Marche vers les
cîmes, de M. Emile Pignot, qui continue bravement à faire des vers
qui datent à peu près d'un demi-siècle. II l'avoue d'ailleurs sans am-
bages en exaltant Victor Hugo, « interprète do la République » et
« sauveur de la patrie » : . := ,
Et voilà que, du fond des horizons inamenses,
Monte le pur s/leil Lai^nant d'or les semences.
Il monte, rouge et vaste, et son ascension
Est une formidable bénédiction.
Mctrr Hugo, je voi? dans son orbite rouge,
Qui monte et s'^ilargit sur le monde qui bouge
Et semble le dossier d'un immense fauteuil.
Je vois, maître, ton buî^te énorme, ô saint aïevl !
Espérons que M. Pignot a tout vu.
21. — M. Robert Lestrange a, lui aussi, le culte de Victor Hugo; il
y joint celui d'Edgar Quinet et de Richepin. Il doit également aimer
Banville, car il refait sans trouble la fameuse Ballade des pendus.
]\/[me Lucie Delarue-Mardrus, dans la préface qu'elle a écrite pour le
Miroir enchanté, déclare que « c'est un plaisir de parler d'un poète
dont la sincérité va parfois jusqu'à l'ingénuité. « Cette ingénuité
n'empêche pas M. Lestrange d'insulter l'Église et ses «gras cardinaux»
et de refaire à sa façon le discours de l'abbé Daniel, du Duel, à la
duchesse de Chailles :
O femme, au cœur de qui bout l'ardente chimère...
On préférera probablement s'en tenir à la prose de M. Lavedan. v
22. — L'Ombre du temple, de M. R. de Manoël-Saumane, n'a rien
de commun avec ces pauvretés. C'est un livre païen très bien écrit.
Lisez, par exemple, V Inscription sur une fontaine :
riumnie, pnsse sans bruit. Tu ne sais rien des choses.
Le doute est ta science, et c'est ta vanité;
Profita des effets, ne cherche pas les causes" :
Respecte le secret de la divinité.
Qu'es-tu donc? Un esprit qiù se count ît à peine,
Porté fa tellement vers son destin obscur;
Tu ne reflètes rien, et vois cette fontaine :
Dans la candeur de l'eau se mire tout l'azur.
— Homme, suis ton chemin sans fatuité vaine.
Sois modeste devant le mystère éternel,
Toi qui n'as que tes yeux pour regr.rder le ciel.
Malheureusement, tout ceci après Hérédia, Samain, Henri de Ré-
gnier, c'est pur exercice d'école; aujourd'hui, les vers antiques ne
doivent servir qu'à enfermer des allégories modernes et des « pen-
sers nouveaux. »
— 118 —
23. — Dans tous ses livres, le lyrique qu'est M. Joachim Gasquet a
appliqué ce principe; sa muse, à la fois impétueuse et hiératique, ne
s'est jamais diisintéressée des problèmes contemporains. Après avoir
beaucoup évolué à travers tous les systèmes politiques et sociaux,
il en est arrivé à l'optimisme gratuit qui fut le lot de Victor Hugo.
Aujourd'hui, dans son Paradis retrouvé, il fait siennes toutes les idées
d'un Enjolras, il paraphrase V Internationale et salue déjà les États-
Unis d'Europe :
L'arc triomphcJ est là. La Paix t'ouvre son arcl.e.
Venez, de tous pays, passez, ntétiers en m-xrche
Sous l'hymne de la Tour Eirfel.
Quelque estime que l'on professe pour le talent éprouvé de M. Joa-
chim Gasquet, quelque souvenir inaltérable que l'on garde de sa
belle campagne des Pays de France, il est bien difficile de le suivre
dans cette voie. D'ailleftrs, il semble que Victor Hugo n'ait pas seu-
lement troublé ses pensées, mais aussi boursouflé un peu sa forme,
si respectueuse jadis des disciplines classiques. On est un peu
étonné par
Les sanglotantes mains du Scnge universel;
et, dans un superbe poème, d'ailleurs, consacré à « la Gloire de Mar-
seille », on est un peu gêné de voir Puget, qui venait sur le quai,
Et de ses yeux nerveux pétrissant l'air en flamme
Sculptait sur l'horizon les galères du soir.
Ah !M. Gasquet, ce ne sont pas les oliviers de votre divine Provence
qui vous ont chuchoté ces inspirations-là !
24. — M. Gustave Zidler, par un chemin mélancolique, nous ramène
à la vérité. Encore un bon poète qui n'est pas à son rang ! Cette fois,
il s'inscrit dans la phalange de ceux qui, depuis le drame de Ville-
quier, ont exhalé leurs plaintes paternelles. Sans égaler le livre admi-
rable que M. Charles de Pomairols consacre à la mémoire de la petite
Lili, Pour retrouver l'.enfant, de M. Gustave Zidler, est un recueil fort
touchant, plein de sentiments sincères et de pensées ingénieuses.
Dans la suite d'élégies où il évoque la mémoire de son fils, il fait par-
fois penser à M. Louis Tiercelin, qui déplora fort harmonieusement la
perte de sa petite-fille; mais il trouve aussi des accents fort person-
nels, qui tireront les larmes des yeux. Je sais bien que certains s'éton-
neront de voir un chrétien comme M. Zidler ne demander à Dieu pour
son paradis
Que l'éternel trésor de l'Enfant retrouvé;
ce n'est peut-être pas d'une mystique très orthodoxe : mais comn e
c'est tendrement humain !
~ 119 — ^ ';
Quelques prosaïsmes, bien difficiles à éviter en un sujet aussi in-
fime, mais qui ressortent davantage sur la trame rigoureusement
parnassienne du style. Coppée n'y a pas échappé.
25. — • Après ce son si clair d'une belle âme, les Rê^>es exaltés, de
M. Lucien Boudet, sonnent quelque peu faux. Toute l'originalité de
ce livre baudelairien réside dans sa conclusion : un appel au néant et
un blasphème. 11 vaut mieux ne pas insister.
26. — Le livre de M. Paul Sentenac — un débutant — : Tout mon
cœur par tous les chemins, est plus personnel. Il y a là du sentiment
(et aussi de la sensualité) et un goût assez vif de la beauté. Mais que
le style en est donc parfois lâché î j ,£ ^^
... J'ai sorti de leur oTjscur recoin .'
Mes premiers vers, laissés pour que je les oublie,
Et maintenant j'ai peur de les aim3r biea m>ins, \
Commo un enfant devant des choses dém')lies...
On n'a pas le droit d'écrire ainsi quand on porte en soi une âme
de poète, et en d'autres pages M. Sentenac nous le laisse fermement
•espérer.
27. — Mêmes incorrections dans le livre de M. Jean- Paul Tort -.La
Veillée solitaire, qui semble bien être d'un disciple de Samain; mais
l'âme qui s'étale en ce livre inquiétant et prenant quand même, appa-
raît singulièrement pessimiste, dégoûtée, amère, antichrétienne, sans
idéal; elle n'a vu dans le xvii*^ siècle que « courtisans débauchés,
marquises hypocrites...», et pourtant, au milieu même de cette boue,
il y a des fleurs de vraie poésie. Quel dommage qu'il soit si difficile
d'aller les cueillir !
28. — Nous n'aurons pas les mêmes regrets devant la Vie qui
s'ouvre, où M. Jacques Boyer dédie à son père, à sa mère, ses « pre-
miers essais de la seizième à la vingt-unième année. » Peut-être, à la
place des parents de ce jeune homme, lui conseillerions-nous de nous
offrir des aspirations plus saines, d'apprendre la prosodie et la ponc-
tuation. Mais il annonce dans sa dédicace que « les soucis de l'exis-
tence l'éloigneront du recueillement de la poésie. » Tout va bien.
29. — Parlons sérieusement de M. Henri Bouger, dont les Visions
du chemin sont un livre sérieux, d'une perfection formelle très rare à
notre ^ poque, bien que je n'aime guère :
J'aurai tissu bientôt tmite ma destinée (p. 17). '
M. Bouger est un solide h.-ritier des romantiques et des parnas-
siens. Son œuvre est un peu froide; le marbre l'est aussi. Mais il est
peu de poètes contemporains capables d'écrire avec cette richesse et
cette suret) de longs poèmes symboliques comme l'Etrangère, ou le
Pèlerin, qui par-dessus le marché est disposé en terza rima.
— 120 —
Certes, nous ne suivons pas M. Rouger dans ses exposés philoso-
phiques, qui vont droit au matérialisme le plus noir ou à l'utopie
révolutionnaire. Nous ne nous occupons ici que du poète, et son atti-
tude méditative et hautaine, son respect de la forme et de l'art doi-
vent être soulignés. Nous ne pouvons citer longuement; contentons-
nous de cette fin de sonnet sur Tliraséas mourant :
Ft tandis que, la voix presque éteinte, les mains
D jà froides, le fils des grands aïeux romriins
Parle, en montrant du doigt les taches élargies,^
L'envoyé «le Néron, pâle, le front baissé,
Respire malgré lui, sur les dalles rougies.
L'acre libation faite du sang \ersé.
Nous souhaitons à beaucoup de jeunes poètes de travailler dans ce
goût.
30. — C'est ce que fera certainement M. Léon Lahovary, quand
il se sera dépouillé d'une trop grande exubérance. Déjà son second
recueil, les Autels et les Tombes,esi notablement supérieur au premier.
On y trouve une âme vibrante, trop vibrante, trop prompte à exté-
rioriser tous ses sentiments, et qui ne sait pas encore suffisamment
séparer ce qui doit appartenir à la pure intimité de ce qui peut être
publié et intéresser l'ensemble des lecteurs. Mais il y a de l'âme, et
c'est beaucoup.
31. — Justement, voici les Paysages de l'âme, de M. Frédéric Sais-
set. Ici, nous avons affaire à un poète qui a atteint la maîtrise. Sur
des thèmes moins forts que dans son précédent ouvrage, les Mois-
sous de la solitude, avec une fluidité qui rappelle son premier volume,
Au fil des rêves, dont Rodenbdch écrivit jadis la préface, M. Saisset
nous donne une série de poèmes psychologiques des plus délicats,
parmi lesquels nous citerons Connaître, Toi qui n'eus pas d'amour,
V Impénétrable... Le recueil manque toutefois d'unité, car nous sor-
tons ensuite des « paysages de l'âme », pour entrer en des te poèmes du
RoussiUon « qui n'ont rien d'abstrait. Là, notre auteur révèle une face
nouvelle de son talent ;il s'y affirme méridional épris des couleurs, des
ligTies, des traditions pittoresques de son pays natal; et sans égaler le
coloris éblouissant de son compatriote Henry Muchart, il célèbre, en
une série de vives aquarelles,
Le parler catalan, si ruile et savoureux,
Et les danses au vol rythmique et gracieiix.
Les feux de la "Saint- Jean qui dans la nuit s'allument...
... tous ces chants du terroir .
La Repa, lo Pardal, Montanyes régalades,
Le vin qui coule en cascadantes « xirritados »
Dii haut du bras levé, le vin, fils du pressoir;
.. Les jeux du carnaval effervescents et fous...
— 121 —
et enfin, surtout,
... le long de rom!)re des platanes,
Flirtant leur cruche en grès, les fines Catalanes
Avec leur coiffe ronde et leur f> ulard pointu.
Il n'y a pas à regretter que I\I. Frédéric Saisset ait abandonné un
instant les « paysages de l'âme, » puisqu'il sait si bien regarder le
monde extérieur.
Poésie féminine. — 32. — Nous voici arrivés aux dames avec
Dans le jardin de noire amour. M^^e Alice Clerc a aimé; elle avaitun
cœur, nous dit-elle, « qui ne demandait qu'à souvrir et s'étendre ».
Après avoir rêvé qu'elle possédait tout ce qu'elle désirait : « la beauté,
la richesse, une villa normande, » eUe a vu enfin arriver l'ami tant
attendu. Jour triomphant !
... Les fleurs
Nous ten/'ent leur cou mince et leur ronde cordlle.
Mais l'ami montre déjà quelque scepticisme; elle soupire :
.Ma sensibilité florale est si-.ns échos.
Et l'aventure, d'une banalité affreuse, se termine :
De loin vous prépariez la rupture avec moi,
Et vous l'avez effectuée.
Mon âme est morte, et c'est vous qui P.ivez tn& !
Cependant, fidèle à l'ordinaire logique féminine, cette âme,' défini-
tivement assassinée, goûte une éternelle joie. Ne nous frappons pas.
33. — Laissons la plaisanterie pour signaler les Souvenez- voit s de
M™^ Claire Virenque, qui sont un des livres féminins les plus remar-
quables de ces dernières années. C'est une série de poèmes d'amour,
mais d'amour dominé par la piété, par la raison, par une forte disci-
pline chrétienne, et exprimé dans un langage tellement sincère, tel-
lement spontané qu'il ne porte presque plus de parure, ni de
date. La partie la plus remarquable de ce volume me semble
le dialogue qui en occupe à peu près le centre et s'intitule :
L' Impossible Tendresse. 11 nous fournit une note tout à fait person-
nelle, en traitant la vieille question de savoir si l'amitié, la pure ami-
tié, est possible et durable entre un homme et une femme :
T'.st-il une tendresse à côté de l'amour
Aussi grande que lui, m is de forme idéale,
Où l'âme, qui cherchait s^, sœur et son égnle,
Trouve un bonheur prefoad et pur cunime le jour?
Dans le cas particulier dont elle nous décrit toutes les phases, et avec
quelle souple délicatesse, M"^® Virenque répond négativement.
L'homme n'a pas su s'égaler à celle qui lui disait si bien :
Artisan d'ici-b.-is, travallie pour le ciel.
— 122 —
et qui lui offrait stoïquement
Qu'une autre soit l'aimée, et ni'U l'ancre gardien.
Alors, ils se sont éloignés, comme elle l'a voulu,
Sans m'-me se tourner sur leur geste hér(iï]U'^,
et, après les renoncements nécessaires, si vaillamment acceptés, il ne
reste plus aux cœurs déchirés que les consolations divines : mais c'est
l'abime insondable de l'amour ! ,
Qu'importe que ton rêve m3ure,
— Pleure, si tu veux, pleure un peu —
Mais pense à Celui qui demeure :
Plus haut que ton amour, vois Dieu.
• Qu'importe que ton r.m"»ur passe,
— Pleure, si tu veux, pleure un peu — •
Mais regarde à travers l'espace :
Plus haut que ton amour, vois Dieu.
Qu'importe ton mU ou ta peine,
— Pleure, si tu veux, pleure un peu —
Mais qi''est-ce que la vie humaine?
Ai'-dessï s de ton mal, vois Dieu.
Nous n'avons pas la place d'en citer davantage. Mais ceci suffit à
montrer que M"^^ Virenque, qui a fondé le prix de Littérature spiri-
tiialiste et a donné un si vif essor au renouveau chrétien de la jeune
poésie, peut aussi offrir des modèles de noble inspiration. Dans le
chœur des voix féminines d'aujourd'hui, elle est la muse de la pure
tendresse. ,j
34. — M"i^ A. de Bary n'a pas d'aussi hautes ambitions; dans ses
Voix de la montagne, elle se contente de noter des paysages, des lé-
gendes alpestres, beaucoup d'inutilités et un certain nombre de
chansons qui doivent être charmantes en musique.
Anthologies. Recueils. — 35. — L' Antologia procenzale^de M. E.
Portai, est une preuve éclatante et nouvelle de l'attention apportée,
au-delà de nos frontières, à notre littérature félibréenne. 11 y a peut-
être trop de choses dans ce recueil; mais c'est un vaste répertoire qui
fournit bien des morceaux oubliés et introuvables et qui rendra,
même aux Français, de notables services. Ajoutons que l'auteur s'est
documenté auprès d'autorités sérieuses : Paul Roman, Esticu, Per-
bosc. On regrette seulement que les biographies des auteurs cités
soient séparées de cet excellent volume.
36. — Nous n'avons pas à revenir ici sur la discussion élevée au-
tour des Œuvres inconnues de Racine, découvertes par M. l'abbc Bon-
net à Saint-Pétersbourg. Ces paraphrases des Psaumes, attribuées
jusqu'ici à Eustache Lo Noble, sont-eUes de Racine? M. Bonnet
— 123 —
semble l'établir par la qualité du papier, par l'écriture des corrections,
par d'intéressants rapprochements de style. Quelquefois même, il
veut trop prouver. De ce que Racine a écrit dans Briiannicus :
Dans le fond de ton cœur, je sais que tu me h;iis,
il ne s'ensuit pas que lui seul pouvait écrire dans le psaume XIII :
Le fou, dans le fond de son cœur (p, 155) ;
et de ce que nous trouvons dans Phèdre :
Minos juge aux enfers tous les pâles humain<5,
il n'y a pas à inférer qu'il soit l'auteur de ce vers du même psaume :
Ils traînent le malheur et la pâle tristesse (p. 1561.
Quoi qu'il ensoit, il faut remercier M. l'abbéBonnet de nous avoir
rappelé une œuvre qui aura désormais sa place dans notre grande
poésie religieuse. Certains sonnets — on les a cités déjà un peu par-
tout — sont fort beaux. D'autres sont ordinaires. Par exemple, pour
traduire : Quoniam contiirbata siint ossa /nea, je n'aime pas beau-
coup :
... C''lmez le trouble qui me tue
Et de mes os perclus rassurez les ressorts (p. 5);
Ni, en regard de : Et non est sanitas in carne meâ,
Quand tout mon pauvre corps n'a pas une paT*tie
Où je plisse trouver une ombre de santé (p. 38).
Mais arrêtons-nous; en critiquant Eustache Le Noble, nous pour-
rions avoir l'air de manquer de respect à Racine.
Poèmes en prose. — 37. — Il est difficile de définir les lois des
poèmes en prose : ceux que M. Gabriel Sarrazin a réunis dans la Chan-
son du poète errant ne nous y aideront pas, car leur rythme est presque
insaisissable. Toutefois ce sont de délicates notations poétiques, un
peu brèves, tantôt sur des états psychologiques, tantôt sur des voya-
ges. Remarqué principalement les Châteaux du Roi de Bavière, et
Arles, « fleur de Provence, /ries des Arlésiennes, cité de la beauté
vivante... »
38. — La manière de M. Paul Fort est plus facile à saisir, puisque,
avec force licences, il se contente de rythmes connus, simplement
disposés à la queue leuleu. Nous avons déjà signalé le charme de cette
poésie fantaisiste. Mais pourquoi paraît-elle avec un semblable désor-
dre? La 3® édition d'Ile de France, qui vient de nous arriver est ex-
quise avec ses promenades à Coucy-le-Château, Senlis, Saint-Jean,
aux-Bois, Roissy-en-France, Jouy-en-Josas, etc. Mais pourquoi, tout
à coup, les ballades, quelquefois un peu lestes, de Margot mon page,
viennent-elles rompre l'unité du volume?
— 12'i —
39. — Dans l'Aventure éternelle, c'est encore plus d( ccnceitant : le
recueil comprend le premier livre d'une histoire d'amour, puis des
pages délicieuses consacrées au Gâtinais, pleines de poésie et à,e drô-
lerie, sur Château-Landon, Nargis, le canal du Loing, et les deux
villages inattendus de Mont-cochon et des Pieds-Chauffés : « A qui ne
le sait pas faites-en confidence; j'aime les Pieds-Chauffés; j'aime
aussi Montcochon. « Il faudrait bien classer un peu toute cette pro-
duction luxuriante : mais M. Paul Fort le voudra-t-il jamais?
Critique. ■ — 40. — M. Louis Mandin peut-être pourra nous répon-
dre, lui qui, mieux que personne, connaît les Ballades jrancaises et
leur auteur. Son étude est fort utile à consulter.
41. — Il est difficile d'en dire autant du Nouvel Essai sur Vinten-
sisme en poésie, où M. Charles de Saint- Cyr emploie bien des pages
et un mot nouveau pour remuer de vieilles idées. Il a raison de ne
pas se laisser éblouir par M. Rostand ni par M. Fernand Gregh; mais
Leconte de Lisle a écrit le Manchy et non le Manchez (p. 49) et l' Al-
batros, de Baudelaire, n'est pas un sonnet.
42. — Les Mélanges de linguistique provençale, de M. F -N. Nicol-
let, renferment sur « le provençal d'Arles au xiii^ siècle » des rensei-
gnements intéressants pour la littérature félibréenne et l'œuvre de
Mistral
IL Théâtre. — 1. — H y a des sujets dans l'air que plusieurs au-
teurs traitent simultanément. L'An Mille est de ce nombre. Le drame
que M. Victor Kinon a composé sur ce thème ne ressemble guère,
d'ailleurs, à celui que M. Maurice Magre fit exécuter, l'été dernier,
à Albi et à Toulouse. C'est une sorte de formidable mélodrame, qui
oscille entre les Burgraves et la Princesse Maleine de Maeterlinck :
cinq actes épouvantables de fureur, d'orgie et de démence. Le grand
défaut de cette pièce, c'est de s'achever comme la réelle fin du monde;
à ce point de vue, le dénouement de M. Maurice Magre, qui nous mon-
tre les hommes sortant de leur terreur et reprenant goût à la vie, est
bien plus exact et saisissant. Mais, malgré tout, malgré des situations
d'une invraisemblance exaspérée et un style emphatique et boursouflé,
cet An Mille de M. Kinon a de la puissance, de la grandeur, et produi-
rait certainement un effet impressionnant sur la scène.
2. — Dans une note plus mesurée, le Théâtre chrétien de M. Paul
Janot se recommande tout spécialement à notre attention. Il ne
s'agit pas du tout des habituelles pièces de patronage, mais de véri-
tables drames, mystères, comédies, employant les vrais moyens du
théâtre à la diffusion des idées patriotiques et religieuses. Nous
applaudissons au succès à' Au Clocher qui fut représenté à Paris, en
juin dernier; mais le volume contient d'autres œuvres au moins aussi
remarquables : Magnificat, émouvant épisode de l'expulsion des con-
— 125 —
grégations; CAec Pilate, excellente satire dans la manière de Courte-
line, et qui ne comprend que des rôles d'hommes; enfin l'Ange de
Noël, une sorte de délicieux « miracle, » moderne et archaïque à la
fois, qui est un vrai petit chef-d'œuvre et au sujet duquel M. Maurice
Barrés a écrit à l'auteur : « Votre affabulation est d'une imagination
rare, poétique, qui m'a rappelé certaines fables religieuses du moyen
âge, ces charmants contes de la Vierge, où l'on voit des personnages
de la plus noble qualité se dévouer au service de Notre-Dame. »
3. — La Babel, de M. Adolphe Môny, fait aussi partie d'une série;
mais elle appartient au genre tout différent des énormes tragédies
dont les théâtres de plein air ont donné le goût. Ingénieur des mines,
médecin, oculiste, sculpteur, alpiniste, M. Môny a beaucoup travaillé,
jusqu'à l'âge de quatre-vingts ans. Il est douteux cependant que ses
pièces de théâtre, injouées, conservent sa mémoire.
4. — Encore du théâtre imprimé, après de vaines attentes chez les
directeurs, que : La Peine de vivre et Châtiment. M. Êrnile Pierret, leur
auteur, qui se lamente avec raison sur la décadence de notre art dra-
matique, semble croire que M. Paul Bourget n'a dii qu'à son grand
nom d'imposer sur le Boulevard des œuvres comme la Barricade. Il y
a là une petite exagération. La Barricade' peut offrir des tendances
discutables : elle n'en est pas moins, surtout dans ses trois premiers
actes, un drame supérieurement agencé et dialogué, alors que les
pièces de M. Pierret se font remarquer soit par leur décousu, soit par
leur inexpérience. On a rendu service à leur auteur, qui peut être un
probe écrivain et un excellent moraliste, en ne les exposant pas aux
feux de la rampe.
5. — Serait-il prudent de tenter cette épreuve avec VOtage, de M.
Paul Claudel? On me pardonnera d'en douter. Je ne méconnais point
le grand talent de Paul Claudel et je crois que, de tous ses drames
symboliques, VOtage est le plus compréhensible. Toutefois, cette
pièce philosophique, politique et religieuse, qui se déroule entre
l'ancien régime, la société nouvelle, la France, l'Église et la foi,
sous les personnages du Pape Pie VII, du curé Badilon, de Sygne de
Coûfontaine, de son oncle le vicomte Ulysse -Agénor- Georges de Coû-
fontaine et Dormant, et du baron puis comte Toussaint Turelure,
préfet de la Marne puis de la Seine, agite de trop formidables pro-
blèmes, sous son style tout en versets comme l'Apocalypse, pour
qu'un public, même très éclairé, puisse, au vol, en pénétrer le sens.
Contentons-nous donc de lire l'Otage dans sa superbe édition ; tâchons
d'en goûter toutes les beautés — quelquefois en nous prenant la tête
à deux mains — et ne regrettons pas que M.Claudel ne dispute aucun
brin de laurier à MM. de Fiers et de Caillavet.
6. — MM. Martin- Valdour et Charles Gallo, eux, ont été joués, et
— 126 —
si ce n'était un dialogue beaucoup trop haché, à l'imitation de Ros-
tand, leur conte en vers : Pendant la croisade, ne ferait pas trop d©
concessions à la triste mode du jour. La place nous manque pour ana-
lyser cet acte très bien agencé, tout à la gloire de la femme française et
à l'exaltation des plus nobles sentiments. Oserai-je noter, en marge^
que l'adjectif pieux compte deux syllabes? C'est le substantif pieu
qui n'en a qu'une.
7. — M. Maurice Obvaint, lui aussi, nous envoie trois petits actes^
représentés à la Comédie -Française et à l'Odéon, s'il vous plaît : La
Champmeslé au camp, la Ballade à Bérengère, l'Apothéose de Musset.
Je ne suis pas très sûr que M. Olivaint ait un sens très profond du
théâtre, de l'intérêt dramatique, mais, en tout cas, c'est un écrivain
maître de sa plume. Il le prouve dansles nombreux poèmes qui accom-
pagnent ses petites pièces et qu'il a groupés sous le titre général de :-
Poèmes de France et d'Algérie. Il y célèbre tout à tour la Normandie,
l'Algérie, ses émotions personnelles et d'aimables fêtes officielles..
Toutefois, ses imitations des poèmes arabes nous laissent un peu rê-
veur :
Ses dents sont un collier de perle? qui repose
Au fond d'un riche, écrin sur de l'ouate rose...
— ... Je ris des yatagans aux hunes bien trempées,
Mais j'ai peur de tes cils, ces mignonnes épées.
Je n'aime pas M. Maurice Olivaint en mamamouchi.
8. — Terminons par le théâtre en plein air, pour nous consoler des
rigueurs de la saison : Le Réveil, de M. Henri Guerlin, a été créé, le
13 août dernier, sur le Théâtre de verdure de Courçay-sur-Indre.
C'est l'histoire, un peu longue, de nos paysans de Touraine, maltraités
et rançonnés par les Anglais, mais peu à peu reprenant courage et
relevant la tête au bruit de l'arrivée de Jeanne d'Arc.Au dernier acte,
on entend les trompettes de la sainte Libératrice et le chant du
Vexilla Piegis, qui annonce sa marche triomphale. C'est un beau mo-
ment, mais bien longtemps désiré. îà Armand Praviel.
HISTOIRE, ART ET SCIENCES MILITAIRES
Mémoires du capitaine Bertrand (Grande Jrm'e 1805-1815J, recueillis et pu liés
par le colo.;el Chaland de la Guillanche, son petit-fils, Angers, Siraudcr^.u,
1911, in-8 de 312 p., 5 fr. — 2. Un Héros de la Grande Armée. Jean Gaspard Hulot
de Collart (1780-1854), par le vicomte du Motey. Paris, A. Picard et fils, 1911,
in-8 de xiv-585 p., avec pi. et cartes, 7 fr. 50. — 3. Quatre g/'néraux de la Révo-
lution. 2*^ série. Hoche et Desaix. Kléber et Marceau, par Arthur Chuquet. Paris,
Fontemoing, 1911, in-8 de 47'i p., 7 fr. 50. — 4. Les Levées départementales dans
V Allier sous la Révolution (1791-1796), par le lieut'-co!''' Dulac. T. II. Paris, ,
Plon-Nourrit, 1911, in-8 de 520 p., 7 fr. 50. — 5. ZUich. Masséna en Suisse, par
le capitaine L. Hennequin. Paris et Nancy, Berger- Le vrjiult, 1911, in-8 de xxii-
559 p., 12 fr. — 6. Guerres d'Espagne, Le Prologue. Expédition iu Portugal (1807),
— 127 —
par le licut'-cnb' L. Picaro. Paris, Jouve, 1912, ^r. in-8 de viii-354 p., 5 fr. — v.
De Munich à Vilna, à Vétat-major du corps bavaroi'i de la Grande Armée, en 1812
d'après les papiers du général d' Albignac, par le lieut'-col''' Sauzey. Paris, Cha-
pelot, 1911, gr. in-8 de xxiv-239 p., avec 9 grav. et 9 planches, 7 fr. 50. — 8.
Soldats suisses au service étranger. Aventures de guerre du capitaine C. Gattlen.
Vie et aventures d'un pauvre homme du Toggenbourg (U. Braecker). Correspon-
dance et Journal de A. Massé. Genève, A. Jullien, 1912, in-lG de iv-343 p., 3 fr. 50.
— 9. Les Gardes d'honneur de la Marne, 1813, pr.r François Sagoi. Pari?, Cham'
pion, 1911, in-8 de 167 p., 2 fr. 50. — 10. Lettres de 1793, l^e série. Lettres de 1812,
{re série. lettres de 1815, 1'''= série, par Arthur Chuquet. Paris, Champion, 1911,
3 vol. petit in-8, de 311, 368, et 413 p., chp.(,ue vol., 3 fr. 50.— 11. 1809. Carn.
pagne de Pologne. Vol. T. Documents et matériaux français, par Wladyslaw de
Fedorowic?-. Paris, Plon-Nourrit, 19; 1, in-8 de iv-447 p., 7 fr. 50. — 12. La Vie
militaire du maréchal Ney, duc d'Elchingen, prince de la Moskcwi, par le général
H. Bonn AL. T. II. Paris, Chapelot, 19 il. g. in-8 de 508 p., avec portrait et 18
cartes, 14 fr. — 13. Gands Artilleurs. Le Maréchal Valée, 1773-1846, par Maurice
GiROD, de l'Ain. Paris et Nancy, Berger-Levrault, 1911, ge. in-8 de 495p.,p.vec un
portrait, 2 reprod. de talOeaux et 2 cartons, 12 f. — 14. Clauseivitz, par le colo-
nel Camon. Paris, Chapelot, 1911, in-8 de x-269 p., avec 17 cartes, 4 fr. — 15. Le
Maréchal Pélissier, duc de Malakoff, par le général D :rrécagaix. Paris, Chapelot,
1911, in-8 de viii-635 p., avec 3 pi. et 2 cartes, 10 fr. — 16. Voyage d'hi'iloire
militaire de Mgr le duc d'Orléans en Bohême [août 1910), par le générel Bonnal.
Paris. Nouvelle Li'irairie nationale, 1911, g*., in-8 de 97 p., avec portrait et fac-
similé de lettre autogrp.phe, 3 fr. 50. — 17. La G lene de 1870-71 et le Traité de
Francfort, d'apr." s les derniers documents, par le général Bourelly. Pgris, Penin,
1912, in-16, vii-221 p., 2 fr. 50. — 18. La Bataille de Frceschwlller. Les Préliminaires,
les incertitudes, l'événement, par A. de Metz-Norlat. Pa.is et Nancy, Berger-
Levrault, 1911, in-8 de 124 p., a^vec 2 cartes et un itinéraire du champ de bataille,
2 fr. 50. — 19. Les Surprises de Baalon et de Stenei/ en 1870, par le capitaine Le-
clère. Paris, Charles Lavauzelle, s. d., in-8 de 44 p., 1 fr. — 20. Les Japonais
en Mandckourie, p r le colonel Cordonnier. Paris, Charles Lavauzelle, s. d., in-8
de 286 p., 6 fr. — 21. L' Armée russe au feu pendant la guerre de 1904-1905, par le,,
lieutenant de landwehr Richard ULLRicH;trad. par Raoul deMarsollet. Paiis,
Chapelot, 1911, in-8 de vin-316 p., 6 fr. — 22. Guerre -russo-japonaise, 1904-
1905. Historique rédigé à rétat-mijor général russe; trp,d. sous la direction du
2*' bureau de l'état-m'ijor de l'armée française. T. II", 1'^ et 2« parties. Paris,
Chapelot, 1911, 2 vol. ensemble ix-932 p., avec atlas, 45 fr. — 23. La Guerre avec-
le Japon. Drclaralions nécessaires. Réponse à l'ouvrage du général Kouropat-kine,
par le comte Witte; trad. de E. Duchesne. Paris et Nancy, Berger-Levrault,
19; 1, ia-8 de vii-77 p., 2 fr. 50. — 24. Campagne de 1908-1909 en Chaouïa, par le
général d'Amade. Paris, Chp,pelot, 1912, in-8 de vi-393 p., avec 44 cartes et cro-
quis dont 33 hors texte et 20 photos hors texte, 7 fr. 50. — 25. Documentas ine-
ditos para la historia de Mexico. J Mémoriat del rorone/ Manuel Maria GiménEZ,
ayiidante de campo del gênerai Santa Anna (179o-1878). II. La Cooperacion de
Mexico en la independencia de Centra America, por el gênerai Vicente Filisola.
1. I et IJ, publicados por Geina ;o Garcia. Mexico, Vda. Bouret, 1911, 3 vol. petit
in-8 de 286, 327 et 340 p., 15 fr. — 26. L.es Grandes Marches d'année, par le gé-
néral H. BoNNAL. Paris, Chapelot, 1911, in-8 de 65 p., 1 fr. 50. — 21. L'Économie des
forces à la bataille de Ligny, par le commandant Bourguet. Paris, Charles- Lavau-
zelle, s. d., in-8 de 32 {)., 0 fr. 75. — 28. L?s Grands Espions. J^ur histoire, par
Paul et Suzanne Lanoir. T. I. Paris, FicKer, 1911, in-16 de 335 p., 3 fr. 50. —
29. Paroles d'un soldat, par le général Bruneau. Paris, Charles-Lavauzelle, s. d.,
in-16 de 304 p., 3 fr. 50. — 30. Le Devoir militaire, par le com* J.-A. Ordioni.
Pi-ris, H. Paulin, 1911, in-18 de 56 p., 1 fr. 25. — 31. Syndicats d'officiers, par
PoBERT DE Boiseleury, Paris, Nouvelle Liîjrairie nationale, s d., in-18 de 71 p.,
0 fr. 75. — 32. Ca-.'alerie Procédés techniques: la cavalerie dans l'ensemble de l'ar-
mée, la cavrlerie dans la bmaillc, ^îw le C^\>iU\'me Loir. Pari?, Chapelot, 1912, in-S
de x-'iOl p., aA'ec nom')r. croquis et 12 certes, 9 fr. — 33. L'Infanterie -i la guerre.
par le capitaine A. Balédent. Paris, Chapelot, 1911, in-8 de xxiv-202 p.. avec
_ 12>^ —
3 cartes, 5 fr. — 3'i. La Tyrannie de Varm^. à feu, par le capitaine Ltnarès. P; -
ris, Ch-îpelot, J91 1, in-8 de ix-'l p., 1 fr. 50. — 35. Le Combai sous bois H les com-
pagnies foresii'Tes, par Lucien Chancerel. Paris, Charles-Lavauzelle, s. d.,
in-8 de 104 p., 2 fr. 50. — 36. Combinaison des efforts de r infanterie et de l'artillerie
dans le combat, par le commandant Niessel. 2<; éd. Paris, Charles-Lavauzelle,
s. d., in-8 de 68 p., 1 fr. 25. — 37. Une Conférence anglaise sur la liaison des
armes, p?r le brigadier gôn'^ral R.-C.-B. Haki^c; trad. de l'anglais par le colonel
d'artillerie Dubois. Pnris, Charles-Lavauzelle, s. d., in-8 de. 6C p., 1 fr. 25. —
38. Infanterie et artillerie en liaison, par le lieutenant-colonel Thomas de C.olli-
GNY. Paris, Charles-Lavauzelle, s. d., in-8 de 126 p., 2 fr. 50. — 39. Dans quelle
mesure l'infanterie peut-elle compter sur l'artillerie pour appuyer son attaque? par
le colonel Lalubin. Paris, Charles-Lavauzelle, s. d., in-8 de 168 p., 3 ''r, rj(». — 40,
Infanterie française et artillerie allemande, par le commandant Gascouin, Paris,
Charles-Lavauzelle, s. d., in-8 de 152 p., 3 fr. — 41. yl i? C tactique, par le
génc;ral Crémer. Paris, Charles-Lavauzelle, 1911, in-16 de 72 p., 1 fr. 50, — 42.
Emplois civils et militaires réservés aux engagés et rengagés. Paris, Charles-Lavau-
zelle, 1911, in-8 de 326 p., 2 fr. 50. — 43. La Menace prussienne. La Riposte,
par le lieutenant Hayem. Paris, r.hnrles-Lavauzelle, s. d., gr. in-8 de 48 p.,
1 fr. g;ï?/- - r • ^"^ "~ ■
1. — Nous l'avons dit à différentes reprises ici même : on n'aurait
jamais cru, il y a encore un demi-siècle, que ces soldats du premier
Empire, qu'on entrevoyait, à cette époque, seulement comme des
traîneurs de sabre assez frustes, eussent compté un aussi grand nom-
bre d'esprits délicats, primesautiers même, quelques-uns fins lettrés,
qui aimaient à noter, dans leurs soirées de bivouac, les détails delà
vie aventureuse qu'ils avaient vécue dans la journée. C'est une réfle-
xion qui nous venait encore une fois à la pensée, en lisant les Mémoires
du capitaine Bertrand, que vient de faire paraître son petit-fils, le
colonel Chaland de la Guillanche. Ces Mémoires, par leur intérêt, la va-
leur des détails sont appelés à prendre un place honorable à côté
des Souvenirs de Marbot, de Thiébault, Noël, Gonneville, Saint-Cha-
mans, etc., etc. Bertrand, entré dans l'armée quinze jours avant
Austerlitz, y demeure jusqu'à la fin de l'Empire et met ces dix années
à conquérir ses épaulettes de sous-lieutenant. Mais, comme il n'est
nommé que quinze jours après la bataille de Waterloo par le géné-
ral Rapp, et au nom de Bonaparte, le gouvernement royal n'a guère
la possibilité de le confirmer dans ce grade. Licencié le 1^^ novembre
1815, Bertrand, qui a la passion de son métier, tient à rentrer de n'im-
porte quelle façon, dans l'armée, et c'est ainsi que nous le voyons en
mars 1816, contracter un engagement comme simple fusilier au 1^'
régiment d'infanterie de la garde royale. Sous-lieutenant en 1825,
lieutenant en 1830, capitaine en 1836, il prit sa retraite trois ans
après et mourut en 1864 ayant, pendant 70 ans, mené une vie d'hon-
neur et de loyauté. Le colonel de la Guillanche a bien fait de remettre
en lumière la figure de ce vieux soldat, dont les souvenirs consti-
tuent une contribution intéressante à l'histoire du premier Empire.
2. — Le nom de Hulot n'est pas inconnu à quiconque s'occupe de
— 12L> —
l'histoire du premier Empire, les Mémoires du général Hulot, parus
jadis, dans le Spectateur militaire, autant qu'il nous en souvient,
constituent sur la période impériale un document de valeur. Le
Hulot dont nous parle aujourd'hui le vicomte du Motey n'est pas
l'auteur des Mémoires, mais son frère dit Hulot de Collart, personnage
de moindre envergure que le précédent, néanmoins aussi intéressant,
peut-être même plus intéressant à d'autres points de vue. Élève de
l'École polytechnique en 1796, capitaine d'artillerie à 27 ans, chef
de bataillon à 33 (1813), Hulot de Collart eût pu atteindre aux^plus
hauts grades de la hiérarchie militaire si l'Empire avait duré. Mais les
événements de 1814 vinrent mettre à néant les espérances du jeune
officier et ce fut ainsi qu'il fut amené à prendre sa retraite en 1830,
comme lieutenant-colonel, s'étant trouvé, par la force inéluctable des
événements, cristallisé dans ce grade pendant un peu plus de seize
années. C'est à l'aide des lettres éci-ites par Hulot de Collart et en les
donnant la plupart du temps in-extenso, que M. du Motey a recons-
titué cette existence mouvementée du vaillant soldat qui fut à la fois
un chrétien et un royaliste convaincu. On lira avec intérêt ce
livre rempli de détails, de renseignements inédits sur les campagnes
du premier Empire. A ce dernier point de vue, le travail de M. du
Motey : Un Héros de la Grande Armée, Jean Gaspard Hulot de Collart
dépasse le cadre d'une simple biographie; c'est en somme une étude
d'intérêt général qu'on devra nécessairement consulter pour l'his-
toire des campagnes napoléoniennes.
3. — Dans son livre : Quatre généraux de la Ré^^ohition : Hoche et
Desaix, Kléber et Marceau, M. Chuquet a réuni environ six cents
lettres ou documents divers concernant les généraux dont les noms
sont inscrits au frontispice du volume. Certaines de ces lettres étaient
déjà connues mais les chercheurs seront bien aisés de les trouver
groupées ici. Recueil intéressant et qui pourra rendre service aux
écrivains s'occupant de la période révolutionnaire.
4. — Les Levées départementales dans V Allier sous la Révolution
de M. le colonel Dulac, constituent un très utile document
pour l'histoire militaire de la période révolutionnaire, à ses débuts
surtout. Sans doute on pourrait penser tout d'abord que ce travail
qui apparaît seulement comme une série de pièces détachées
comme un répertoire de noms, de lettres, de fragments, de Mémoires
ou de Souvenirs divers, n'a d'intérêt qu'au point de vue de l'histoire
locale. En réalité, une étude plus attentive de cette étude témoigne
qu'il y a là autre chose qu'une histoire de clocher. Quantité de faits
mis au jour par M. Dulac jettent une lumière très vive et très nette
sur certains points controversés de la question des volontaires sous
la Révolution. A ce point de vue, la valeur de cette publication
FÉVRIER 1912 T. CXXIV. 9.
— 130 —
s'affirme comme mie de celles dont les historiens devront désorinai»
tenir compte.
5. — Si Masséna fut, au point de vue moral, le personnage sujet à
caution que l'on sait, le « déprédateur intrépide » dont parlait Napo-
léon à Sainte- Hélène, il fut, tout de même, le soldat audacieux et
heureux qui a inscrit dans les fastes militairesdenotrearméequelques
journées glorieuses. Parmi ces dernières, celles des 24 et25 septembre
1799, les grandes journées de Zurich, demeurent parmi les mémora-
bles, puisque, du même coup, le futur duc de Rivoli non seulement
'nfligeait à Korsakov une sanglante défaite, contraignait Souvorov
à une désastreuse retraite sur les Grisons, mais forçait encore la
Russie à se retirer de la deuxième coalition. En dépit de l'intérêt que
présentent de tels événements, il ne paraît pas, à l'examen de la
bibliographie d'origine et de langue françaises, que cette campagne
eût éveillé im très vif sentiment de curiosité dans notre pays et c'pst
pour combler cette lacune que M. le capitaine L. Hennequin vient de
reprendre le sujet. Son travail Zurich. Masséna en Suisse (juillet-
octobre 1799) est l'étude la plus complète que nous ayons encore lue
sur la matière.
6. — M. le colonel L. Picard commence, chez Jouve, une histoire
des Guerres d'Espagne sous le premier Empire et nous donne aujour-
d'hui le Prologue de cette désastreuse équipée, V Expédition du Portu-
gcd. (Pourquoi du Portugal et non de Portugal. Est-ce que Ton dit
l'Expédition de /a Russie, l'Expédition (Ze /a Chine?). Nous signalons
ce travail comme ime étude intéressante, mais qui devra être examinée
de près par la critique. Surtout après les jugements sévères publiés
par l'écrivain dans sa préface sur la valeur des historiens en général,
sur ceux qui l'ont précédé, on serait en droit d'espérer qu'il fera
beaucoup mieux. Or, nous avons été surpris de voir qu'à diverses
reprises M. le colonel Picard se départ du calme, de la sérénité indis-
pensables à l'historien. Quand il nous parle, par exemple (p. 105), du
'( nombre incalculable de victimes sacrifiées par Torquemada », on
se demande si cette assertion, à propos d'une légende dont la critique
historique a laissé fort peu de chose debout, est bien à sa place dans
une histoire de V Expédition de Portugal en 1807. Quoiqu'il en soit, le
travail de M. L. Picard est, nous le répétons, une œuvre consciencieuse
et d'une valeur certaine; nous attendrons l'apparition des volumes
suivants pour l'étudier plus en détail.
7. — De Munich à Vilna, en 1812, de M. le lieutenant-colonel Sau-
zey, est l'histoire du corps bavarois de la Grande Armée pendant la
campagne de Russie. Cette étude, écrite presque entièrement avec les
papiers du général d'Albignac, chef d'état-major au 6"^ corps, sera
sans doute suivie d'une seconde partie, puisque le présent volume ne
— I>31' —
nous conduit pas au-delà du 15 juillet. — M. Sauzey ne peut laisser
son œuvre inachevée et nous aimerions à le voir nous dire ce que
firent les Bavarois dkns la deuxièhie partie de 1^' campagne, notam^
ment à Polotzk. Comme le dit l'auteur avec justesse, le soldat' bava-
rois du premier Empire est tellement français de cœur qu'il nous
intéresse plus qu'aucun de nos alliés de cette époque : l'infamie d'un
de Wrède ne doit pas nous faire oublier cette vérité.
8. — La collection des Soldats suisses au service étranger, commencée
il y a trois ans par l'éditeur .JuUien, de Genève, vient de s'enrichir
d'un nouveau volume consacré aux Aventures de guerre du capitaine C.
Gattlen, à la Vie et aventures d'un pauvre homme du Toggenbourg
(U. Braeker), enfin à la Correspondance et journal de A. Massé. Les
souvenirs de Gattlen et ceux de U. Bfaeker, « le pauvre homme du
Toggenbourg, » ont paru jadis en allemand, et c'est la première fois;
croyons-nous, qu'on en donne une version française. Des Mémoires
de Gattlen nous dirons peu de chose, sinon, que sans avoir une
valeur historique notable et quoique on puisse même, à propos de
Marengo par exemple, y signaler quelques erreurs, ils demeurent
cependant intéressants à lire et pleins d'aperçus curieux sur la vie
militaire dans les armées dé cette époque. Mais le récit capital de ce
volume, c'est la narration de Braeker, que son charme, sa couleur,
son pittoresque désignent comme un vrai bijou littéraire. Ce « pauvre
homme du Toggenbourg » est réellement un pauvre diable qu'un offi-
cier recruteur prussien, peu scrupuleux, enrôle, sans qu'il s'en doute,
au compte de son maître, le vieux Frédéric, qu'il conduit faUacieuse-
ment à Berlin, et qu'il enrégimente de force malgré toutes les protes-
tations du malheureux « volontaire ». Les misères de la vie militaire
dans les troupes du grand Frédéric sont décrites là, avec une intensité
de couleur et de sentiment véritablement frappante. Le départ de
l'armée pour la campagne de 1756, les réflexions des soldats à ce su-
jet, les détails sur l'existence en marche, sur les bivouacs, lanarration
de la bataille de Lowositz, etc., constituent autant de tableaux déli-
cieusement rendus. La troisième partie du nouveau volume de Sol-
dats suisses comprend la Correspondance et le journal, de A. Massé,
documents que M. F. B. a intitulés: Journal et lettres d'un garde d'hon-
neur. M. F. B. est l'écrivain auquel M. JuUien a confié la tâche de
nous présenter, dans une Introduction sommaire, la personnalité de
l'auteur du Journal, et nous voyons danfe cette notice qu'Amédée
Massé était né en 1785, ce à quoi nous ne contredisons pas. Là où
nous nous insurgeons, c'est quand le même biographe ajoute qu'en
<f 1811, le jeune homme fut désigné pour être incorporé daiisle 4® ré-
giment de Gardes d'honneur, cette cohorte de recrues nobles
que Napoléon levait alors dans ses États-. » — Il y a là une erreur
— 132 — :
certaine, les 4 régiments de gardes d'honneur ayant étt cif.s seule-
ment par senatus-consulte du 3 ûvtjV 1813. Ces régiments, quine
furent jamais complètement organisés, ne parurent aux armées que
par fractions détachées,tout à fait à la fin de la campagne et quelques-
uns seulement en 1814. Au 3 avril 1813, Amédée Massé, qui était
accrédité comme secrétaire civil près du général Bertrand en lUj-rie,
depuis le mois de f écrier 1812, avait suivi son général en Allemagne
et passa là tout le reste de la campagne. On ne voit donc pas com-
ment le préfet du Léman aurait pu l'inscrire parmi les gardes d'hon-
neur de son département. S'il y eut im Massé sur les listes du préfet,
c'aura vraisemblablement été son frère, ce frère dont il dit dans une
lettre à son père, datée de Laybach, 15 avril 1813 : « M. de
Chabrol m'a parlé des nouvelles demandes et levées que l'on fait en
France des fils des familles les plus imposées.... je suis fort inquiet
pour mon frère (p. 226). >' Ces réflexions au sujet de la situation d' Amé-
dée Massé, en 1813, n'enlèvent rien à la valeur de sa correspondance
et de son Journal qui nous fournissent de précieux détails sur les dix
demières années de TEmpire, en particulier sur la situation des pro-
vinces illyrieimes, à cette époque. En somme, ce quatrième volume de
Soldats suisses au service étranger a tout lintérèt de ses aînés; il
est à souhaiter que l'éditeur continue cette excellente collection.
9. — Nous venons de voir que Amédée Massé ne put jamais comp-
ter parmi les gardes d'honneur. C'est précisément de cette troupe
d't lite, spécialement du 2^ régiment, que nous parle M. François Sa-
got dans son attachante étude : Les Gardes d'honneur de la Marne
en 1813. Il y a dans cette brochure de très curieux détails sur les dif-
ficultés qu'eurent à vaincre les préfets pom* amver à remplir les
cadres des nouveaux corps dont l'Empereur confiait tout spéciale-
ment la constitution à leur solhcitude. Mais tous les préfets n'avaient
pas l'habileté de M. de Jessaint, et certains, sentant craquer
l'édifice impérial, n'apportèrent pas à l'œuvre à laquelle on les con-
viait tout le zèle désirable. C'est ce qui explique comment cette
conception n'aboutit jamais. Eùt-eUe abouti, d'ailleurs, elle n'était
plus à même de sauver l'Empire.
10. — Nous avons parlé mi peu phis haut de lettres de Kleber, de
Marceau, etc., publiées par M. Arthur Chuquet. Le laborieux et infa-
tigable historien pubhe trois autres volumes de correspondances, ayant
trait à des sujets divers, dues à des écrivains très différents et se
Jéférant aux années 1792, 1812, 1815. On trouvera dans ce répertoire
(qui sera continué) d'intéressantes pages, dont beaucoup sont iné-
dites ou tout au moins peu connues. Les Lettres de 1815 nous ont paru
spécialement curieuses.
11. — La campagne de 1809, quand on en parle en France et même
oo
ailleurs, Autriche comprise, c'est Essling et Wagram. Peu de gens
savent qu'il y eut, cette même année, en Pologne, une campagne
qui, pour avoir été moins brillante que celle menée sur les bords du
Danube, présenta cependant un* vif intérêt, et c'est pour combler cette
lacune historique que M. le sénateur autrichien Wladyslaw de Fedo-
rowicz publie aujourd'hui le volume : 1809. Campagne de Pologne.
L'écrivain a réuni dans ce premier volume uniquement des docu-
ments de langue française; nous aurons les documents allemands
dans mi second volume et, dans un tome troisième, nous trouverons
lee textes en autres langues avec un résumé historique en français.
Nous avons lu avec intérêt ces documents et le sujet traité nous a
paru bien réellement neuf. C'est à désespérer de connaître jamais à
fond cette période napoléonienne, dans laquelle, chaque jour, les
chercheurs rencontrent quelque dessous inexploré.
12. — Nous avons présenté naguère à nos lecteurs le tome I^^ de
la Fz'e militaire du maréchal .Vf//, par M. le général II. Bonnal. Signa-
lons-^eur, sans tarder, l'apparition du deuxième volume de cette
étude, qui va de mars 1802 (c'est-à-dire de la signature de la paix
d'Amiens) au 18 juillet 1807. Comme nous le remarquions à propos
du précédent volume, l'étude du général Bonnal va très au-delà
de ce que nous annonce le titre, et cette Vie militaire du maréchal Ney
est presque une histoire complète des guerres du premier Empire. Les
lecteurs no s'en plaindront pas.
13. — AL Maurice Girod de l'Ain vient de consacrer au Marcchal
Volée, qui fut comme Ney un soldat du premier Empire, vne notice
très complète, peut être im peu touffue pour la taille du sujet. Effecti-
vement, la partie du travail consacrée au Valée de la période impé-
riale est relativement écourtée; celle qui parle de la Restauration tient
en dix pages, et tout le reste du volume est relatif à la carrière du
maréchal en Algérie. Ce travail considérable est bi?a plutôt une his-
toire de la conquête nord-africaine que l'histoire d'un homme, mais,
tel qu'il est, il offre un très grand intérêt. Toutefois, l'ouvrage aurait
gagné à être élagué de quelques paqes de correspondances qui eussent
figuré plus avantageusement dans des annexe . Nous estimons qu'une
telle modification faciliterait singulièrement la lecture de cette étude
consciencieuse. \ .- tL'^r.^'^^
14. — Le Clausewitz de M. le col niel Camon n'est pas, comme on
pourrait le supposer, un':" étud> biogî'aphique C'est moins l'homme
que l'écrivain militaire o\, le penseur dont -'occupe, dans ces pages,
M. Cimon, et la thèse qu'il développe ne sera pas tout d'abord sans
urprendre, c'est à savoir que « Cl lusewitz n'a pas saisi l'essence même
du système de guerre de Napoléon, pas plu? que c 11 > de son système
de bataille.» L'accusati -n est formelle, comm^ on voit. Il ne nous
— 134 —
scnitle |")cS que M. CeniQH en ait ('tabli entièitment le bien fondée
pourtai t, nous pn levons qu'en ce sujet délicat nos lecteurs exami-
nent par eux-mi mes le litige et nous les .rej. voyons au Clansewitz .en
questi n. «
15. — De Clausewitz au maréclial Pélissier la distance parait con-
sidérable. Elle l'est moins cependaait qu'elle le semble à première vue.
Pélissier né en 1794 — quatorze ans seulement après Clau-
sewitz — eut dû être compris dans la levée anticipée de 1813 et prendre
part aux deux dernières campagnes de l'Empire; c'est un premier lieu
qui l'eût rapproché du grand écrivain allemand, lin autre trait de res-
semblance, c'est que,n"ayant très probablement jamais lu les théories
de Clausewitz, il les appliquait d'instinct avec un tact et une énergie
qu'aucun chef d'armée n'a sans doute possédés depuis Bonaparte. Son
nouveau biographe, M. le général Derrécagaix, qui le connut bien,
ayant été longtemps attaché à sa personne en qualité d'aide de camp,
nous le peint tel qu'il fut, tel qiie nous l'avons connu nous-même : en
apparence, un ours mal léché, ayant, au point de vue militaire, des
qualités géniales, avant tout, une volonté de fer, un entêtement irré-
ductible. Pélissier, en dehors du monde militaire, où il se croyait
obligé d'être rude, souvent grossier, montrait dans les relations de
la vie civile et dans les rapports de société des formes beaucoi^p
plus adoucies. Le général Derrécagaix nous retrace la carrière
entière du général Pélissier, de sa naissance (1794) à sa mort
(1864); mais le Pélissier de l'histoire n'a pas vécu d'aussi
longues années, et c'est son commandement en Orient,
au siège de Sébastopol, qui donnera à sa mémoire l'auréole
du véritable capitaine et du grand chef d'armée. Les
événements de Crimée ont été trop souvent racontés, sont
trop connus, pour qu'au point de vue de la relation môme
des événements, le nouveau biographe ait trouvé de l'inédit à
mettre sous nos yeux. 11 n'en est pas de même sous le rapport
des relations particulières qu'entretint Pélissier avec les Tuile-
ries pendant son séjour devant Sébastopol et on lira, à ce
Bujet, dans le nouyeau volume dont nous parlons, quelques révé-
lations d'un'^ véritable intérêt. Cette nouvelle biographie du Maréchal
Pélissier, par son côté anecdotique aussi bien qu'historique, apparaît
comme un travail à la fois attachant et instructif, qu'il y a lieu de
vulgariser. Sans doute, il ressort de cette lecture une pensée qui
vous suit longtemps encore après qu'on a fermé le livre: comment
un homme aussi bien doué au point de vue de l'esprit et du caractère
a-t-il été aussi sec au point de vue du cœur? Et l'on arrive à constater
qu'en dépit de toutes leurs qualités intellectuelles, de tels êtres sont
pbitôt antipathiques. On ne saurait les ha'i'r, mais il n'est pas pos-
— 135 —
Bible de les aimer. II est vrai qu'un tel regret se manifeste en nous à
propos de bien d'autres personnalités célèbres et notamment des
plus grands hommes de guerre connus. Qu'ont été César, Frédéric,
Napoléon, sinon des violents, des irascibles, deségoïstes? Ces « grands
hommes » honorent-ils davantage l'humanité que « l'honnête homme »
tout court ? il est permis d'en douter.
16. — On a dit souvent que si Pélissier avait vécu en 1870, les évé-
nements de l'Année terrible eussent suivi un autre cours. C'est une
façon de parler; car, à cette date, le duc de Malakoff, déjà fort affaibli
physiquement et moralement en 1864 (l'année desamort), n'eût plus
été capable de nous aider même de ses conseils. Peut-être, cependant,
s'il eût vécu en 1866, eût- il réussi à ouvrir les yeux des conseillers de
Napoléon III et, peut-être aussi,. sa perspicacité eût-elle signalé les
dangers qui, dès cette époque, s'amoncelaient autour de notre pays.M.
le général Donnai, appelé récemment par le duc d'Orléans, à l'accom-
pagner dans sa visite aux champs de bataille de Bohême en 1866, a-t-il
parlé au prince de cette éventualité ? Nous l'ignorons ; mais ill' eût fait sans
doute s'il avait eu l'occasion de lire l'ouvrage du général Derréca-
gaLx. Quoi qu'il en s^oit, la brochure écrite par M. Donnai, à la suite
de ce voyage avec Monseigneur, nous donne le récit des huit journées
qu'a exigées cette excursion. A Podol, Gitchin, Trautenau, Nachod,
Sadowa, le général a eu à exphquer à l'héritier de Henri IV les péri-
péties de cette lutte rapide où sombra l'hégémonie autrichienne en
Allemagne. Cette brochure est intéressante à lire, et il suffira
d'en signaler l'apparition à nos lecteurs.
17 et 18. — De Sadowa à Frœschviller, la transition est facile, car
l'un est le prologue de l'autre, le dernier nom est la conséquence du
premier. Nous signalerons donc, ici ensemble, deux intéressantes étu-
des sur la guerre de 1870-71, Tune de M. le général BoureUy sur la
Guerre de 1870-1871 et le Traité de Francfort,!' axitre consacrée par
M. de Metz-Noblat à laBataillede i^rcesrAw'iZfe/'. Encore que l'on puisse
croire quetout a été dit sur les événements delà guerre franco- allemande,
il est bien certain que nombre de points sont encore à élucider et, pour
s'en convaincre, on n'a qu'à lire les deux travaux de MM. Dourelly et
Metz-Noblat. De telles contributions historiques ne redresseraient- elles
qu'un petit nombre d'erreurs, elles demeurent utiles et doivent être
encouragées. C'est dans cet esprit qu'elles seront accueillies favora-
blement par le public, . ^
19. — Nous parlerons en mêmes termes du travail de M. le capi-
taine Leclère sur les Surprimes de Bojalon et de Stenay en 1870. Nous
avons nous-même raconté jadis ces deux coups de main, qui réussi-
rent davantage grâce à l'entrain des jeunes officiers qui y prirent part
que par '.uitede l'habileté des dispositions prises. Quoi qu'il en soit.
— 136 --
ils réussirent et, sans avoir eu do grandes conséquences, on peut avec
quelque raison les rappeler au souvenir des générations présentes.
Elles verront dans ce petit livre la preuve qu'à la guerre l'audace
est presque toujours couronnée par le succès. Ce n'est pas une vé-
rité nouvelle, mais elle est de celles qu'il convient de rappeler.
20, 21, 22 et 23. — Nous parlerons ici, en même temps, de quatre
ouvrages qui, en des modes variés, sur des tons divers, mais avec
ime valeur à peu près égale, traitent du même sujet : l'étude de M. le
colonel Cordonnier sur les Japonais en Mandchoiirie, celle du lieute-
nant de landwehr allemand R. Ullrich : L'Armée russe au feu pendant
la guerre de 1904-1905, la relation officielle de cette même
guerre par l' état-major russe : Guerre russo-japonaise dont
la traduction paraît chez Chapelot au fur et à mesure qu'on
l"imprime à Saint-Pétersbourg, enfin une brochure à sensa-
tion: La Guerre avec le Japon, écrite par le comte Witte, ancien
ministre des finances de Russie, en réponse à la relation
des événements militaires rédigée et publiée par le général
Kouropatkine. M. Cordonnier, dans les Japonais en Mand-
chourie, laisse de côté les détails pour aborder les conditions
politiques dans lesquelles éclatala guerre del904, pour déter-
miner de quelle façon furent arrêtés, des deux côtés, les plans
de campagne, pour envisager avec quelles chances de succès s'abor-
daient, à priori , les adversaires. Point de vue élevé, traité par
l'écrivain avec compétence et connaissance de son sujet.
— Au contraire du colonel Cordonnier, M. le lieutenant Ullrich
s'en tient surtout au détail, au détail des choses qu'il a vues,
des engagements auxquels il a assisté, car cet officier allemand
prit part, en amateur, à la guerre de Mandchourie, notamment à la
bataille de Sandepu, à celle de Moukden, à celle d'Ingoa, etc. Ces
remarques sur la tactique de l'infanterie russe ont donc l'éminent
avantage 'd'avoir été notées sur place, d'avoir été vues et pour ainsi
dire vécues. C'est un document de première main. — ^Très intéressante
également, « quoique » ou peut-être « parce que » ayant la tournure
d'un pamphlet, la brochure du comte Witte. Cette brochure, où le gé-
néral Kouropatkine est fort malmené, avait d'abord été interdite en
Russie, mais l'interdiction a, paraît-il, été récemment levée. Elle
nous signale des faiblesses de commandement, d'organisation,
d'administration que nous connaissions déjà. Puissent nos amis et
alliés profiter de tels conseils, de pareilles révélations ! —
Il nous reste à dire quelques mots de la relation de la guerre de
Mandchourie rédigée par l'état-major russe. Nous avons examiné, en
son temps, la valeur du premier volume ; les tomes récemment parus
nous ont semblé avoir le même mérite que leur aîné. Ces
— 137 -^
nouveaux venus nous parlent des opérations dans la région
de Lyaoyang, c'est-à-dire de la situation au milieu de juillet 1904,
des combats de ce môme mois de juillet, de la suspension des
opérations pendant la saison des pluies, de la reprise des hostilités
(10-23 août) jusqu'à la concentration de l'armée sous Lyaoyang (16-
29 août), enfin de la bataille elle-même. Toute la série des mouve-
ments des troupes est traitée, dans ces deux volumes, avec les minu-
tieux détails qui seuls permettent de tirer de tels événements les
leçons pratiques qu'ils comportent. Quiconque veut apprendre, veut
comprendre l'immensité, l'infini des combinaisons, des opérations,
des détails qu'exige la conduite des armées modernes aura une idée
d'ensemble assez juste de ce gigantesque problème en lisant l'ouvi'age
dont nous parlons. Et en voyant nos généraux modernes placés du
jour au lendemain et presque sans préparation à la tête de masses
d'un demi-million d'hommes, l'on songe, pensif et peu rassuré, au
mot de Napoléon : « Il n'y a que moi et Davout qui puissions conduire
une armée de cent mille hommes » 1
24. — La Campagne de 1908-1909 en Chaoaïa, publiée chez Chape-
lot, est le titre du gros rapport publié par le général d'Amade sur ses
opérations au Maroc. La première partie de ce travail contient, outre
de nombreux détails sur la topographie du pays, sur les mœurs des
habitants, un exposé des opérations militaires de janvier 1908 à l'af-
faire d'Azemmour en juillet 1909. On lira avec intérêt le récit détaiUé
des engagements de Dar-Kseibat et Zaouïet-el-Mekki qui donnent
une idée exacte du genre de combats que nous eûmes à soutenir con-
tre les tribus hostiles. On trouvera dans la deuxième partie un résumé
des précautions prises en Chaouïa pendant l'expédition d'Abd-el-
Aziz vers Marrakech; enfin, encore à la troisième partie, l'auteur du
rapport passe en revue les particularités relatives aux combattants
en présence, Marocains et troupes françaises, et il développe les en-
seignements tactiques que doivent tirer les différents armes de notre
expédition. A signaler les nombreux croquis, cartes, gravures, repro-
ductions de photographies prisesau cours des opérations, illustration
qui donne à l'œuvre un cachet pittoresque et artistique très sen-
sible.
25. — Nous finirons ces notes d'histoire militaire par quelques
mots consacrés à trois nouveaux volumes qui continuent la collec-
tion des Documentos ineditos o muy raros para la historia de Mexico
dont M. Genaro Garcia, l'érudit directeur du Museo nacional de
Mexico, a entrepris la publication. Le premier, qui porte dans la collec-
tion le no 34, nous fait connaître les Mémoires du colonel Manuel Ma-
ria Giménez; les deux suivants (n^^ 35 et 36) sont consacrés à la corres-
pondance et aux souvenirs du général Vicente Filisola, sous le titre :
— 138 —
t
La Cooperaciôn de Mexico en la independencia de Mexico. Nous avons
dit déjà le mérite littéraire et historique de cette collection et com-
bien s'honorait le gouvernement mexicain en accordant son appui,
tout au moins moral, à cette entreprise. C'est donc avec une surprise
pénible que nous avons appris que, par suite des troubles politiques
qui bouleversent depuis quelques mois le Mexique, l'œuvre d'érudition
des Docamentos était obligée de suspendre ses publications. Espérons
que cette interruption sera de peu de durée : les érudits de tous le&
pays, en particulier ceux de France, le souhaitent de tout cœur; il
serait désastreux pour la réputation intellectuelle du Mexique
qu'une œu^Te de ce genre, à la fois patriotique etnationale, sombrât
pour de misérables raisons de coterie ou de pobtique.
26 et 27. — Avec V Économie des forces à la bataille de Ligny, de M.
le commandant Bourguet, et surtout avec Us Grandes Marches
d'armée, de M. le général H. Bonnal, nous quittons l' histoire pour
entrer dans la stratégie. M. le commandant Bourguet, qui ne redoute
pas les barbarismes comme « retraiter » pour « battre en retraite »,
estuneque Napoléon donna à Lignydes signes d'égarement intellec-
tuel dénotés par sa conception erronée du plan de Blûcher et celle
peut-être aussi fausse de l'effet que produirait sur la droite prussienne
l'intervention de Ney (corps d'Erlon), quand celui-ci pourrait inter-
venir. Tous les esprits habitués à penser sont d'accord pour dire avec
M. Bourguet que Ligny a été une victoire maigrelet graves défauts
du plan de bataille. Quant à charger Ney de la faute commise par
l'Empereur en le détachant avec des ordres très positifs sur les Qua-
tre-Bras, il semble qu'il y ait là une partialité regrettable. « Exécu-
tez ponctuellement mes ordres, avait jadis écrit Napoléon à Berthier :
«Moi seul sais ce que je veux faire.» Avec de telles instructions et une
telle façon de commander chez Napoléon, on est mal venu à exiger
de ses lieutenants une initiative qu'il était le premier à leur inter-
dire, La responsabilité de Ligny, notamment celle des marches et
contre -marches de d'Erlon, incombe entièrement à l'Empereur,
tout de même que l'inaction de Grouchy le 18 ; l'histoire impartiale
doit le proclamer. — Nous ne dirons qu'un mot des Grandes Marches
d'armée, de ■M. le général Bonnal, qui y réclame la paternité de certains
principes logistiques, notamment le rapport entre rétablissement
des cantrmnemcnts et la capacité de marche des armées. Sujet
compréhensible surtout pour un officier d'état-major.
28- — Les Grands Espions, de MM. Paul et Suzanne Lanoir, nous
retracent l'existence mouvementée de quelques espions plus ou moins
célèbres et classent dans cette catégorie, on ne sait vraiment pour-
quoi, des patriotes comme Apfel et Stabs. Une grande partie dia vo-
lume est consacrée à l'histoire des agents secrets ciui opérèrent autour
— 139 -
de Metz en 1870, surtout au fameux Régnier. En ne suivant pas
l'ordre chronologique, les auteurs ont rendu difficile la lecture
d'une étude qui pourrait être aisée et intéressante. Ce serait un amen-
dement utile pour une deuxième édition ou un second volume.
29. — Les Paroles d'un soldat, de M. le général Bruneau, ont été
inspirées à l'éminent écrivain par la nécessité de montrer aux géné-
rations actuelles la vanité, l'inanité et tout à la fois le danger des théo-
ries antimilitaristes. De telles paroles ont déjà été dites, de telles
maximes ont été déjà prônées, mais il est utile, il est bon qu'un
officier du mérite de M. Bruneau les fasse siennes, leur donne
l'autorité qui s'attache à sa situation militaire. L'honorable général
commence par nous dire la façon dont il comprend l'idée de patrie,
ce qu'est la guerre, ce qu'est l'armée. Puis il s'adresse aux détracteurs
de ces trois pri ne i paux facteurs delà grandeur française, aux Hervé, aux
Jaurès, aux capitaines Moch et Bleibtreu, et montre victorieusement
combien le système des milices, peut-être excellent en des pays comme
la Suisse, serait, en France, tout à fait insuffisant. Un souffle ardent
de patriotisme anime ces pages qu'il serait urgent de répandre et
de vulgariser : une édition populaire à très bas prix rendrait, sous ce
rapport, de grands services. •
30. — Du même genre que le livre du général Bruneau apparaît la
brochure de M. le commandant Ordioni : Le Devoir militaire, conférence
faite aux élèves de l'École normale d'Auxerre le l^^ mai de l'année
dernière. La tâche de l'orateur n'était pas aisée, car, en dépit des
fleurs de rhétorique dont il entourait son discours, il ne pouvait
être sans ignorer combien les théories de l' antimilitarisme ont fait de
progrès parmi les instituteurs de France; il devait donc craindre que
ses auditeurs ne fussent pas toujours en parfaite communion d'idées
avec lui. M. Ordioni n'a eu que plus de mérite à affirmer devant ce
public incertain la grandeur de l'idée de patrie, la nécessité d'une
organisation militaire solide et forte, le danger de l' antimilitarisme,
l'urgence pour les instituteurs de donner aux enfants confiés à leurs
soins une éducation morale les préparant à l'accomplissement du
devoir militaire. Cette petite brochure, imprimée dans un format
commode, est à recommander et à faire lire à la jeunesse.
31. — Syndicats d'officiers ! Tel est le titre d'une brochure dans
laquelle M. Robert de Boisfleury examine si de tels groupements
sont possibles dans l'armée, s'ils sont désirables, s'ils ne se produiront
pas fatalement dans un corps d'officiers désorienté comme le nôtre.
Il conclut par l'affirmative et, acceptant le fait accompli, ou près de
s'accomplir, il recherche la façon dont l'institution nouvelle pourra
être utilisée pour le salut du pays. Tout cela est bien pensé, bien dit,
rempli d'idées justes, nouvelles, qui ne peuvent manquer de fruc-
tifier,
.- 140 -
32. — Avec le livre de M. le capitaine Loir : Cavalerie, nous entrons
définitivement dans la tactique. L'écrivain affirme que l'utilité des
armes à cheval est plus démontrée que jamais, en dépit de la puis-
sance sans cesse croissante du fusil et du canon. Et cette vérité qu'a-
vait entrevue dès 1869 Ardant du Pic, que confirmaient, moins loin
de nous, des écrivains comme les généraux Maillard et Négrier, il
l'établit par de nouveaux arguments, de nouvelles preuves indénia-
bles. Le livre, très étudié, embrasse l'ensemble de toutes les opéra-
tions qui constituent le service de la cavalerie : découverte, marches,
stationnement, la cavalerie dans l'ensemble de l'armée, la cavalerie
avant, pondant, après la bataille. Travail très complet, d'une lec-
ture facile.
33. — Tout différent du précédent volume nous apparaît le travail
de M. le capitaine Balédent : L' Infanterie à la guerre, répertoire d'exer-
cices pour petites unités, avec étude de la carte. L'écrivain s'attache
plus au sens qu'à la lettre même des règlements et sa méthode est
certainement la bonne. Cet ouvrage, plutôt pratique que théorique
en dépit de ses allures didactiques, rendra certainement des services
à nos jeunes officiers.
34. — Bien que tous les officiers «d'infanterie soient aujourd'hui
imbus de l'esprit offensif, M. le capitaine Linarès est persuadé que
le mode d'emploi actuel du feu de mousqueterie paralysera, à leur
insu même, le mouvement en avant. Il l'affirme dans sa brochure :
La Tyrannie de l'arme à feu, et il cherche un moyen de nous soustraire
à cette tyrannie en prônant ce qu'il appelle le « feu défensif ». Beau-
coup d'idées nouvelles, neuves, émanant évidemment d'un esprit
perspicace, que certains traiteront peut-être de paradoxal, mais
dont les audaces nous paraissent fondées.
35. — M. Chancerel, inspecteur des eaux et forêts, vient de publier,
sous le titre : Le Combat sous bois et les compagnies forestières, une
étude dans laquelle il examine la méthode suivant laquelle les mas-
sifs boisés peuvent être utilisés à la guerre soit pour le cheminement
en avant et l'attaque, soit pour le combat défensif et la retraite. Il
nous dit, en outre, de quelle façon les corps actuels de soldats forestiers
pourraient être employés pour de s missions tenant à la spécialité. Nous
voyons là que la question posée par M. Chancerel a été étudiée déjà
par plusieurs de ses confrères, notamment par M. l'inspecteur Por-
tier: elle ne manquera pas d'aboutir, espérons-le tout du moinis, pour
le bien de notre armée. Le livre de M. Chancerel complète heureuse-
ment l'excellente étude du lieutenant Barthélémy : La Manœuvre
en terrain boisé que nous avons étudiée ici l'armée dernière. Il
appelle une fois de plus l'attention des pouvoirs publics sur une
question plus importante que jamais à la guerre, aujourd'hui que le
- 141 —
défilement des troupes pour la marche d'approche est une con-
dition essentielle du succès.
36, 37, 38 et 39. — La liaison des armes sur le champ de bataille,
c'est-à-dire le mutuel soutien, le judicieux appui qu'elles doivent se
prêter l'une à l'autre pour arriver plus rapidement, plus sûrement
au succès, est une des questions qui préoccupe le plus, de nos jours,
les esprits qu'attirent les problèmes de haute tactique. Nous avons
la preuve de cette attraction dans la publication simultanée de qua-
tre études qui, sous des titres différents, avec des arguments divers,
d'après des méthodes varices, traitent de la même question : i° Com-
binaUon des efforts de l'infanterie et de l' artillerie dans le combat, par
le commandant Niessel ; 2° une conférence faite en Angleterre par le
brigadier-général R. C. B. Haking sur la Liaison des armes\ 3° In-
fanterie el artillerie en liaison^ par le lieutenant-colonel Thomas de
Colligny; enfin et 4° une brochure du colonel Lalubin : Dans quelle
mesure l'infanterie peut-elle compter sur l'artillerie pour appuyer son
attaque? Ces quatre travaux méritent à divers points de vue d'être
sérieusement médités, en particulier la conférence du général anglais
qui, par sa hauteur de vues et tout à la fois le côté pratique de son
argumentation, nous a paru. apte à frapper particulièrement le lec-
teur. M. le colonel Dubois, en traduisant ces pages, a rendu un
véritable service à notre armée.
40. — Nous aurions pu rattacher aux quatre brochures dont nous
venons de parler celle du commandant Gascouin: Infanterie française et
ariillerie allemande, car, tn réalité, c'est encore de la liaisondes armes
qu'elle nous entretient. Toutefois, l'écrivain envisage spécialement
le problème au point de vue de la diminution maxima des pertes, et
cette spécialité dans l'objectif nous a amené à traiter son étude à
] art. L'honorable officier cherche de quelle manière une infanterie
assaillante pourra effectuer son attaque, sous le feu d'une artillerie
nombreuse et bien servie, comme le sera sans doute l'artillerie alle-
mande, cela en subissant le minimum de pertes. Et il conclut en assu-
rant que le succès de la bataille dépendra du degré, de l'intensité de
la liaison entre l'infanterie et l'artillerie. Pour arriver au but sou-
haitéàcet égard, M. Gascouin propose que, dans le règlement sur. le
service en campagne, le chapitre du combat ne soit pas traité d'une
façon différente pour les deux armes principales (infanterie et artille-
rie), comme la chose a lieu actuellement, mais au contraire qu'il soit
fondu, pour ces deux armes, en un texte unique. Il y a là une idée
qui paraît très judicieuse et pour la défense de laquelle on trou-
verait plus d'un argument dans la brochure du général Haking dont
nous parlions tout à l'heure. Ce serait une raison de plus pour l'esti-
mer acceptable.
— 142 ^
4J. — U A B C tactique de M. le général Crémer est un petit
répertoire de définitions et de principes militaires capitaux, qui
pouiTa servir de mémento aux chefs des petites unités pour lesquels
il paraît avoir été écrit. C'est à eux surtout qu'on doit le recom-
mander.
42 et 43. — N-ous terminons cet article d'ensemble en signalant tout
d'abord à ceux de nos lecteurs qu'elle peut intéresser la brochure :
Emplois civils et militaires réservés aux engagés et rengagés : l'ouvrage
a été mis au courant jusqu'à aujourd'hui; il a donc le mérite de l'ao-
tualité et de l'exactitude. — Enfin nous citerons la brochure de M. le
lieutenant Hayem : La Menace prussienne. La Riposte, qui nous ar-
rive au dernier moment. M. Hayem, après avoir examiné la forme que
prendrait une nouvelle guerre avec l'Allemagne, la zone probable
des combats futurs, convie la France à se ressaisir devant im danger
toujours menaçant, à se tenir prête au point' de vue matériel, mais
surtout de fortifier son âme et de se dérober aux intrigues politiques
qui nous divisent. Comte de Sérig.nan.
THÉOLOGIE
jVouveaoBX I?IéB«nges os>»t»ires, par M. dMIijlst. IX. Paris,
de Gigord, 1911, in-3 de 534 p. — l'rix : /j fr.
Ce nouveau volume des Œuvres posthumes de Mgr d'Hulst embrasse,
on peut le dire, toute sa carrière sacerdotale, puisqu'il s'étend de
l'année 18.67, presque son époque de début, à l'année 1896, l'année
même de sa mort. Il s'y trouve, surtout pour les années de début, un
grand nombre de discours achevés et complets, et aussi, surtout pour
les dernières années, de simples canevas ou résumés, brefs de mots,
mais pleins de choses. Les uns et les autres sont très dignes d'être
lus et médités, pour le plus grand profit de l'esprit et de l'âme. Ne
pouvant analyser tant d'oeuvres différentes, il suffit d'en indiquer les
sujets généraux. Une première série a trait aux œuvres eucharisti-
ques. Ce sont des triduums d'adoration perpétuelle, des octaves de
réparation, des instructions aux associés de l'adoration ou de la com-
munion réparatrice ou de l'œuvre des tabernacles, toutes œuvres
particulièrement chères au cœur de l'éminent prélat. La deuxième
série comprend les sermons pour les fêtes de la sainte Vierge et tout
particulièrement le Mois de Marie. La troisième série enfin, ce sont les
sermons donnés aux réunions des Mères chrétiennes de Notre-Dame
de Sion, complétés et achevés par un beau sermon de charité prcèhé
à Sainte-Gudule de Bruxelles, en faveur de l'œuvre du Calvaire.
Tel est en résumé ce nouveau volume, tout à fait digne de ses
aînés, et auquel le public chrétien fera le même bon accueil.
E. PONTAL.
- 143 -
lie Boitddhism® primitif, par Alfbbo Roussbl. Paris, Téquik 1911,
iti-12 (le ix-^31 p. - Prix : 4 fr.
Chaque année, depuis quelque temps, les travaux français consa-
crés au bouddhisme se succèdent presque sans interruption. Après le
livre récent de M. de la Vallée- Poussin, celui du P. Roussel sera le
bienvenu. Devant des auditoires choisis, à Fribourg d'abord, puis- à
Paris, l'éminent oratorien a étudié les problèmes principaux de cette
doctrine si difficilement accessible aux intelligences européennes. Là
Bouddhisme primitif se divise en trois parties : la Vie et l'œuvre du
Bouddha, d'après l'histoire et la légende, le Dhamma, c'est-à-dire
l'onsoignement dogmatique et moral du Bouddha, le Sangha ou mona-
chisnre bouddhique. La compétence du P. Roussel est universelle-
ment reconnue des indianistes, et l'on ne peut que se féliciter que,
par une vulgarisation savante, il se soit appliqué à en faire bénéficier
les profanes. L'exposition est aisée, claire et agréable, non toutefois
sans quelques longueurs. L'auteur s'est attaché à discuter abondam-
ment les comparaisons qu'il est de mode, en certains milieux incro-
yants, d'instituer entre le bouddhisme et le christianisme, spéciale-
ment le christianisme catholique. 11 a bien montré l'originalité irré-
ductible et l'incontestable transcendance de notre religion. Son ou^
vrage joint donc, à ses autres mérites, celui d'apporter à l'apologé-
tique de précieuses contributions. Il est de nature à dissiper les ma-
lentendus et les méprises. On peut donc en conseiller vivement la
lecture et l'étude àtous ceux que préoccupent les questions soulevées
à propos de l'histoire comparée des religions. Puisque le P. Roussel a
cru devoir joindre à son livre un « Chapitre supplémentaire » où il
décrit l'état présent du bouddhisme dans l'Inde, particulièrement à
Ceylan et au Népal, nous formerons le vœu qu'il étende quelque jour
son enquête aux immenses régions situées au nord de l'Himalay.
J. L.
SCIENCES ET ARTS
Esquisse d'une pliiieso|ilile des sciences, par W. OsTWiLD
trad. de l'allemand par M. Dorollh. Paris, Alcan, lyli, iri-16 de iv-184 p.
— Prix : 2 fr. oO.
L'auteur de l'Esquisse d'une philosophie des sciences professe une
philosophie positiviste et subjective. Il ne combat pas précisément
toute métaphysique, si ce n'est par prêter ition; il n'en parle jamais,
il l'ignore. On peut se représenter par là ce que doit être sa « théorie
générale de la connaissance, » sujet de son livre P^. C'est d'une con-
naissance purement sensible, exclusivement fondée sur le témoi-
gnage des sens, qu'il fait la base de sa philosophie des sciences. Si,
dans le raisonnement, il admet la déduction, ce n'est qu'en tant que
— Wi —
Bubordonnce à l'induction et s'appuyant exclusivement sur des prin-
cipes ou vérités mis en lumière en premier lieu par l'induction expé-
rimentale.
Il arrive ainsi à repartir toutes les sciences en trois grandes divi-
sions. Dans la première, il range la logique avec les sciences du cal-
cul, la géométrie et la « phoronomie « (lisez : la cinématique); la
seconde comprend les sciences physiques proprement dites, mécani-
que, physique et chimie; et, dans la troisième, celle des sciences biolo-
giques : la physiologie, la psychologie (sic) et la sociologie. .,;,;
On sera moins surpris de voir la psychologie placée après la physio-
logie, lorsqu'on saura que, pour l'auteur, l'âme humaine n'est point
considérée comme substantielle, mais bien comme une sorte de per-
manence évolutive du souvenir. L'âme humaine rabaissée à la faculté
purement sensitive de la mémoire, voilà à quoi aboutit une philoso-
phie des sciences qui, en rejetant toute une classe, et la plus relevée,
de^facultéshumaines,ne veut voir dans celles-ci, dans les opérations
defesprit, qu'un effet du jeu des sens et des phénomènes sensoriels.
Sur cette base essentiellement incomplète et, partant, nécessai-
rement fausse, l'auteur a écrit un livre d'ailleurs très savant, rendu
par le traducteur en un style austère et sobre qu'on eût aimé voir
au service d'une philosophie plus élevée et plus vraie.
C. DE KlRW^AN.
lia Charité à travers la vie, par la comtesse d'Haussonville.
Pari?, Lecoffre, Gabalda, 1912, in-8 de 320 p. — Prix .- 3 fr. 5ii.
Ce bon et charmant livre est un recueil de passages choisis extraits
des meilleurs écrivains et orateurs sur la charité et s'appliquant aux
différentes circonstances de la vie : enfance, âge mûr, vieillesse, ri-
chesse, pauvreté, etc. On y trouvera les noms les plus divers depuis
l'abbé Perreyve jusqu'à Bossuet et depuis Madame Craven jusqu'à
saint Grégoire de Nazianze. Mais les pages inédites ne le cèdent
en rien aux autres. On y reconnaît l'auteur de l'Introduction si
simple et si chrétienne, dans laquelle, en 25 lignes. Madame la
comtesse d'Hausson ville a écrit une des plus touchantes exhorta-
tions à la charité. Il n'est personne à qui ce livre ne puisse faire du
bien et on comprend à merveille les hautes approbations épiscopales
dont il a été l'objet et l'élogieuse Préface de M. le chanoine de Giber
gués. La charité, c'est le résumé de toute la doctrine chrétienne, mais,
pour le comprendre, il faut avoir soin d'être fidèle au sens exact du
mot et de l'identifier avec l'amour du prochain tel qu'il est prescrit
par l'Évangile. C'est cette vérité que ce livre rend lumineuse. Il n'en
est pas de plus utile à répandre, au moment où certains chrétiens,
d'inspiration contestable, prétendent trouver ailleurs que dans la
charité' le moyen de restaurer le règne du Christ. E. G.
^ 145 ~
nisforfa «le la educarîoEt y la pcdagogia, por el P. RAMô^f
Ruiz Amado. Barcelone), Gili, 1911, ia-16 de /<26 p. — Prix: -i fr.
L'auteur de ce livre s'est proposé de passer en revue les différents
systèmes ou concepts de l'éducation et de la pédagogie à travers
les siècles. Il distingue quatre époques principales : 1^ l'époque tradi-
tionaliste (qui comprend un traditionalisme philologique, dans l'Inde;
scientifique, en Egypte; religieux, chez les Hébreux; politique, en
Chine); 2° l'époque humaniste (qu'il subdivise en humanisme grec, et
en humanisme grec-romain); 3° l'cpoque néo-latine (pédagogie patris-
tique, monastique, scholastique, humanistique; formation de l'en-
seignement secondaire et de l'enseignement primaire); 4° l'époque
rationaliste (pédagogie réaliste, philanthropique, humanitariste,
moraliste, politique, et nettement catholique-réactionnaire). La pre-
mière l'poque remonte aux temps les plus reculés de l'histoire; l'au-
teur fait preuve, dans cette partie, d'une érudition peu commune
puisqu'il s'agit de sjTithétiser les connaissances que nous avons pu
recueillir à grand' peine dans les livres sacrés de l'Inde et dans les
textes hiéroglyphiques de l'Egypte. Deux appendices intéressants
concernent la pédagogie chez le peuple hébreu et dans la Chine, A
partir de la seconde époque, le P. Rujz Amado a divisé en numéros
distincts chacune de ses monographies, et nous en comptons 142 jus-
qu'à la fin du volume. C'est assez dire que le travail de l'auteur est
une étude consciencieuse et aussi complète que possible de la question.
Nous nous plaisons à signaler tout particuhèrement la partie qui con-
cerne le moyen âge. On sait combien cette époque a été dédaignée
parce qu'elle a été trop longtemps méconnue; une réaction s'est
produite au xix^ siècle, par suite d'efforts et de découvertes (!) de la
part d'hommes sérieux, ou plutôt d'hommes de goût. Le moyon âo-e
a reconquis de nos jours la gloire qu'il n'aurait jamais dû voir s'obs-
curcir. Et le P. Ruiz Amado le met en bonne place dans son excel-
lent ouvrage. Il était aussi tout naturel qu'il fît une mention parti-
cuHère des efforts déployés par les jésuites pour l'éducation des jeunes
gens : est-ce modestie? Est-ce quelque autre motif qui l'a empêché
de développer davantage ce point si intéressant? Toujours est- il que
nous avons trouvé un peu écourtées les pages qu'il a consacrées à ce
sujet. Trop concises aussi nous ont paru les sections de la fin, où il
traite des congrégations religieuses de femmes dédiées à l'enseigne-
ment : 8 pages seulement, c'est peu, trop peu, quand il s'agit de montrer
tout ce qu'ont fait ou qu'ont voulu faire les ursulines, les visitan-
dines, et tant d'autres ordres qui ne sont même pas nommés, dont la
mission a cependant laissé un sillon lumineux et marqué d'une
empreinte profonde la société contemporaine. G. Bernard.
Flvpier 1912. T. CXXIV. 10.
— 146 —
Histoire «les léi;uines. par Georges Gibault. P^ris, Lfljrairie hisni^.
coïc, l'.MJ, gv. iu-s do viii-404 p., avec grav. — Prix : 5 fr.
S'occupaat de la vie matérielle des hommes, ce "voîiime retraee tout
ce qui concerne la partie de l'alimentation que l'on demande aux
produits herbacés du sol, aux légumes, etnon pas seulement ce qui se
fait de nos jours, où les habitudes se sont établies en faveur de tels
ou tels végétaux, ont subi les effets de la mode et permis à cer-
tains préjugés de prendre faveur soit pour soit contre certaines na-
tures de plantes ou de légumes, mais encore ce qui s'est fait jadis,
chez les peuples de Rome, de l'Asie et même en Egypte.
Comme l'auteur le dit au début de son livre, notre curiosité sera
excitée par ce que nous trouvons, mais elle ne sera jamais entière-
ment satisfaite. Des documents archéologiques font défaut, ou sont
incomplets; maisle peu qui en subsiste,et à côté, les graines, les débris
végétaux qu'on a trouvés dans les fouilles opérées, notamment' dans
les tombeaux Égyptiens, identifiés avec les représentations
figurées sur les monuments, tous ces spécimens d'autres temps, plus
récemmentencore les miniatures des manuscrits, ont été utiliséspar
l'auteur qui nous a vraiment donné un recueil curieux, plein de science
et du plus grand intérêt.
La division du livre n'est pas rigoureusement scientifique, comme
M. Gibault le dit tout de suite, lui-même. Il débute par l'asperge^
continue par les légumes proprement dits, herbages légumiers, salade,
légUmes racines, donne un développement considérable aux plantes
tuberculeuses apparues ou propagées dans les temps modernes. Ce
sont les heliantis, lescrosnes.les patates et, entre toutes,la pomme de
terre.L' usage de celle-ci est déjà bien ancien, sinon fort répandu. On
suit dans ces pages l'histoire de son développement dans notre Eu-
rope comme aussi dans notre France, pour arriver au point moderne
où, chez le pauvre comme chez le riche, on ne saurait se passer de ce
tubercale. Après un chapitre consacré aux fruits légumiers, dont la
fraise est le plus intéressant spécimen, quelques pages rappellent quel-
les sont les plantes potagères qui ont eu leur temps de vogue, qui
n'ont pu maintenir cette faveur, mais, depuis, sont tombées en dis-
crédit. G. DE Senneville.
LITTÉRATURE
llippolyte de la lUorvoniiaiiîi, «a Yie, ses œuvres, SC8 idées.
Elude sur le rom'inlhmi; en Bretagne, diaprés des documents inédits, par
l'abbé E. Flrury. Paris, Champion", 1911, gr. in-8 <Je 588 p. — Prix : 7fr. 50.
Hippolyte de la Mervonnait». lEuvreH elioi»ies. Poésie
et prose, avec des notes explicatives, par le même. Paris, Champion,
1011, gr. iu-B de 150 p. Prix : 2 fr. 50.
De loin, cet Hippolyte de la Morvonnais fait quelque figure. Il fut
-^ 147 —
l'ami ou le correspondant de Chateaubriand, dô Lamennais, de La-
martine, de Sainte-Beuve, de iVlaùrice de tjùéfin, l'hôte Complaisant
en son manoir du Val de FArguenon d'una quantité d'écrivains célè-
bres de 1830 à 1850. On ne touche guère aux grands romantiques
sans rencontrer son nom dans quelque coin, en tête^ou au bas de
quelque lettre. Et, comme on' sait qu'il a écrit en vers et en prose, on
a fait à l'auteur de la Thébaïde des grèves, des Larmes de Madeleine,
du Manoir des dunes, la grâce de croire qu'il eut, lui aussi, du talent
et peut-être, à cause de sa vie retirée au fond de la Bretagne, un talent
méconnu.
A cause de cela même, il était bon qu'un travailleur allât y voir de
près et remuer le fatras d'inédit qu'a raison de garder son petit- fils,
que n'eut pas tout à fait tort de brûler et d'abandonner dédaigneu-
sement aux rats sa fille Marie. Or, si M. l'abbé Fleury n'a pas eu l'hé-
roïsme de voir que son « héros » était de bois creux, s'il lui conserve
une admiration qui tend à justifier son labeur et ses deux volumes,
l'évidence est là; et c'est la famille du pauvre Hippoiyte qui eut raison
en le considérant toute sa vie comme un fou, un demi-fou tout au
moins, à qui le romantisme et le mal littéraire avaient tourné la tête.
Son portrait en tête du volume donne déjà l'impression d'un
halluciné. Ce qu'on nous dit, trop discrètement, de sa façon de vivre,
ses promenades solitaires en pleins champs, en pleines grèves, avec
une majestueuse redingote et un chapeau à haute forme éternel,
confirment cette inquiétude. Et il transparaît que, quoiqu'il fût tout
le contraire d'un méchant homme, il fit par les bizarreries de son hu-
meur et son indocilité à suivre la voie commune le tourment de sa
mère; qu'il rendit pendant dix ans sa charmante femme très malheu-
reuse, en la rabrouant durement parce qu'elle essayait, l'étroite et
sotte bourgeoise, de ramener doucement le malade à la réalité et de
l'incliner à s'occuper un peu de ses affaires; qu'il s'écarta avec
aigreur de presque toute sa famille, s'isolant dans sa hauteur de génie
incompris et même persécuté. Mais il apparaît en toute évidence que
compilant, compilant, écrivant, écrivant, en vers, en prose, et sur
tous sujets, reconstituant le monde, refaisant même le catholicisme,
donnant dans toutes les utopies du fond de son trou qu'il appelait
noblement sa thébaïde, adressant à tout propos des lettres apoca-
lyptiques et démesurées à tout le monde, à Lamartine, à George
Sand, à Enile da Girardin, voire au nonce du Pape, et à la Nation
française, et réussissant tout juste, malgré l'appétit de gloire qui le
dévorait, à imprimer à ses iVais li-ois ou quatre méchants volumes,
et à ghsser dans quelques journaux ot revaos d3 333 amis quelques
« tartines, » il fut liitérairemeat, et au sans pariait da mot, un raté.
— Les pages choisies qui; M. l'abbé Fieui'y a données parallèle-
148 —
ment à sa grosse thèse justifient, hélas! ce jugement plutôt dur. Et
il est vrai que son goût n'est pas du tout le mien, qu'il admire comme
pittoresque et original ce que je trouve fade et plat, et voit dans la
lune qui se mire sur l'étang ou dans l'épi doré que ramasse le glaneur
des « images neuves et charmantes... « Mais enfin il n'a pas pu se
tromper tout le temps dans son choix. Or, d'un bout à l'autre, les vers
sont mous, puérils, d'une vraie misère. Quant à la prose, à toutes
les divagations philosophiques, sociales et rehgieuses, par lesquelles
La Morvonnais fait écho dans son pauvre cerveau fêlé d'abord aux
thèmes romantiques de la hberté de l'art et de la sainteté de la
poésie, ensuite à toutes les utopies fouriéristes qu'il épousa pour les
rendre plus troubles encore, annonçant l'égalité et l'harmonie univer-
selle ;Vétablissant un parallèle entre Jésus-Christ notre « initiateur
précédent religieux « et Fourier « notre initiateur postérieur scienti-
fique »; cherchant à être un « harmonien catholique », défendant le
« système sociétaire » et la « doctrine harmonienne » contre Lamartine
et contre l'archevêque de Cambrai, le divorce et le « mariage sé-
riaire «; voulant qu'on « libère pleinement les instincts, car toute
nature en soi est bonne »; et cherchant à donner la formule nou-
velle'"d'un catholicisme élargi et plus humain : tout cela est si incohé-
rent et si niais sous sa forme grandiloquente et verbeuse, que c'eût
été une charité de jeter dessus le voile, et de nous conserver seulement
en médaillon la silhouette du doux songe-creux qui fit connaître à
Maurice de Guérin la mer, qui s'occupa de faire avoir à Chateaubriand
l'îlot du Grand-Bé pour tombeau, et qui finit pieusement ses jours,
quoique républicain, démocrate, et ivre de 48, en bâtissant une
église et en devenant marguillier de sa paroisse... *
Mais la vérité a ses droits et le doctorat ses exigences. L'intérêt du
travail, consciencieux et naïf, de M. Fleury est, avec celui de nous
ôter l'illusion que La Morvonnais fut quelqu'un, de nous faire voir
les'ravages qu'opéra dans la jeunesse du xix^ siècle, après les folles
lectures du xviii®, la contagion de toutes les maladies romantiques.
Car le pauvre La Morvonnais les prit toutes : mal du doute, dégoût de
vivre et orgueil de la solitude à la René, mal d'écrire et tourment de
la gloire à la Chateaubriand (d'où les épopées en 39 chants, comme
Pharamond, et les traductions, et les essais dans tous les sens...); puis,
de'Lamennais à Fourier, les utopies sociales et religieuses les plus
extravagantes... Là où il n'y a plus le prestige de l'art, — et c'est
ici le cas, — l'œuvre apparaît un chaos sans le moindre éclair, la vie
un gâchis stérile et lamentable. Gabriel Audiat.
— 149 —
Haute Magyarorszïigoii {Dante en Hongrie), ina Kaposi Jôzssf.
Budapest, Rêvai, 1911, gr. in-8 de 373 p.
Innombrables sont les auteurs qui ont traduit, coram.enté, analysé
l'œuvre de Dante, et cependant l'ouvrage de Joseph Kaposi comble
une lacune. Non seulement il résume ave:, autant d'impartialité que
d'exactitude tout ce qui a été publié en Hongrie sur l'auteur de la
Divine Comédie, mais encore il étudie les rapports de l'auteur avec
le royaume d'André III. Il établit que le poète n'accompagne ni
Charles Martel ni Charles Robert, et, commentant les vers :
; • "' 0 beata Uogaria, se non si lascia|
Più malmenare !
il montre que beaucoup de traducteurs se sont mépris sur leur signi-
fication, parce que, pour en saisir le sens, il faut connaître l'histoire de
la Hongrie, fort compliquée à cette époque où le trône de Saint-
Ètienno fut occupé par des membres de la maison d'Anjou.
La Divine Comédie a commencé à être connue en Hongrie vers 1417 •
par une traduction latine de Giovanni da Serravale, dont un exem-
plaire se trouve à la bibliothèque épiscopale d'Eger; d'autres tra-
vaux suivirent, on en retrouve la trace dans la Corvina\ le mouvement
8' accentua à l'époque de la Réforme et se développa jusqu'à nos
jours. Joseph Kaposi étudie toutes les traductions hongroises qui en
furent faites et dont la première est due à François Csâszâr; celle de
Charles Szâsz, publiée en 1882, est une des plus importantes. Les
principaux chapitres de l'ouvrage de Joseph Kaposi sont : La Fortuna
di Dante; Dante et la Hongrie; Les Premiers Travaux sur Dante en
Hongrie; Les Codex hongrois de Dante; Dante en Hongrie du xvi® au
xviii^ siècle; Les Prêtres hongrois et la littérature dantesque; L'His-
toire de la littérature italienne en hongrois; les Femmes dans la littéra-
ture hongroise de Dante ; Nouvelles Traductions; Dante dans l'art hon-
grois. Une bibliographie hongroise de Dante accompagne l'ouvrage
que termine un index alphabétique des jioms. Dante en Hongrie,'j\\x\
résume tout ce qui a été publié en Hongrie sur le poète florentin, est
un travail complet, bien écrit, facile à consulter, qui rendra service
à]ceux qui voudront étudier l'auteur de la Divine Comédie. :
fj HORN.
HISTOIRE
te» CltrétÈciités celticittcs,'' par Dom Louis Gouga.ud. Pari
Lecoffre, Gabalda, 1911, iQ-1-2 de xxxv-.410 p., avec 3 cartes. — Prix: 3 fr.50.
Ce volume prend place dans l'histoire ecclésiastique de l'Angle-
terre avant celui de Dom Cabrol sur l'Angleterre chrétienne avant les
Normands. A eux deux, ils forment pour ce pays un tout complet. Le
— 1^0 -
dernier paru se recomfl:ande par les mcmes qualilds que le premier^.
Énidilion sûre, analyse sobre des détails, synthèse claire et. ferme
des grandes lignes, exposition simple et nette,, tout contribue à en
faire un excellent ouvrage de vulgarisation à l'usage des gens ins-
truits.
Après une Introduction riche et ordonm e sur les sources et les ins-
truments de travail, Dom Gougaud étudie d'abord les cultes païens
chez les Celtes, puis les origines et l'épanouissement du christianisme
dans les pays insulaires et en Armorique, et enfin les expansions de
ce christianisme surtout par les apôtres irlandais dans les îles du nord
et sur le continent. Il caractérise le rôle tout particulier du mona-
chisme dans les Églises celtiques en ce qui concerne leur organisation
et leur développement. Il raconte ensuite les controverses discipli-
naires, les institutions ecclésiastiques, la culture littéraire et théolo-
gique, la liturgie, la dévotion, les arts chez ces chrétiens, séparés
depuis si longtemps du monde romain, remphs de tradition? très
particuïaristes, doués d'une foi, d^une crédulité toutes spéciales. 11
termine en montrant comment ils s'accordent peu à peu, mais con-
traints et tardivement, avec leurs voisins les Anglo-Saxons et les au-
tres chrétientés. Cette liistoire descend jusqu'au xi*^ siècle, sans
avoir la prétention d'éclaircir tous les problèmes, mais en jetant une
lumière discrète sur presque tous, du moins autant que la science mo-
derne le permet. Elle fera bonne figure dans la Bibhothèque de l'en-
seignement' de l'histoire ecclésiastique. A. Clerval.
lie Roi et mes uiinieJres peiedaut lesti'ois derniers siècIi'H
de la JMoiiiireliîe, par Paul Viollet. Paris, Larose et Teniu, 1912,
^m-8 de x-6t6 p. — Prix : 10 fr.
11 n'est personne parmi les amis des antiquités nationales qui ne
connaisse et n'apprécie les beaux travaux de M. Paul Viollet sur l'his-
toire du droit français, privé ou public, et qui ne les considère comme
une source abondante (ie renseignements à recueillir et de réflexions
à faire. Son Histoire des institutions politiques et achninisiratif^es de la
France (i890-1903, o vol. in-8) s'arrêtait au xvi^ siècle. Le volume
que nous signalons aujourd'hui : Le Boi et ses ministres pendant les
trois derniers siècles de la Monarchie en est une continuation partielle
jusqu'à la Révolution. Le sujet est développé en neuf chapitres : I.
Le Royaume (1. Les Accroissements du royaume. 2. Les Accroisse-
ments du domaine). IL Le Roi (1. Le Droit divin. 2. La Papauté et
la. Couronne de France. 3. L'Empereur et le Roi de France). IIL Le
Rôle de la Royauté. — Le Chancelier et les secrétaires du Roi (1. Le
Roi et le pouvoir central. Vues générales. 2. Le Chancelier. 3. Les
Notaires et secrétaires du Roi). IV. Le Surintendant, le contrôleur
— 151 —
général des i'inances (1. La Surintendance' des finances jusqu'à Col-
bert. 2. Colbert et le- Contrôle général). V, Les Secrétaires d'État
(1. Les Secrétaires d'État avant 1661. 2. Les Secrétaires d'État de-
puis 1661). VI. L'Armée. — Préliminaires. — Première section :
Éléments anciens. — Les Officiers supérieurs. (1. Suppression du
connétable. Le Maréchal général des camps et armées du Roi. 2. Les
Maréchaux de France. 3. Les Gouverneurs). Deuxième section : Élé-
ments actifs. — Les Officiers supérieurs. — Les Troupes (1. Vues gé-
nérales. 2. L'Infanterie et la cavalerie. 3. L'Artillerie et le génie. 4.
Les Commandants. 5. La Vénalité et la noblesse dans l'armée. 6. Les
Troupes. 7. Les Trésoriers et les commissaires des guerres. — Les
Inspecteurs.) VIL La Marine. VIII. Quelques grands Services publics.
(1. Les Mines. — Les Eaux et forêts. 2. La Voirie. 3. Les Postes et
les messageries. 4. La Surintendance, puis Direction des bâtiments du
Roi). IX. Les Intendants de province (1. Les Intendants d'après l'in-
tendant d'Aube et d'après Law. 2. Historique jusqu'à la Fronde in-
clusivement. 3. Historique après la Fronde. 4. La Fin des intendants.)
— Une Table alphabétique générale complète \& volume et en facilite
l'usage. — Fruit d'un travail énorme, qu'ont éclairé les rayons d'une
inteiligenoe remarquablement vigoureuse, claire et subtile, ce volume
s^&ppuie sur une bibliographie si riche qu'elle en est presque effrayante,
et dont, soit par les listes placées à la fin de chaque chapitre, soit par
les indications mises au bas des pages, l'auteur a fait avec une libé-
ralité surabondante profiter le lecteur, auquel il ouvre ainsi toutes
sortes de voies. Cette extraordinaire érudition n'a rien enlevé à la
netteté vive et précise, ni, ce qui est plus fort, à l'agrément aimable
et original, parfois piquant de l'exposé, par où la rare valeur scienti-
fique du livre se rehausse d'un beau mérite littéraire. M. Viollet a le
don singulier de pratiquer à la fois la plus minutieuse analyse et la plus
large synthèse et de les faire valoir l'une par Fautre. Là mente où on
pourra différer d'avis ou de sentiment avec l'auteur (et ce sera sur-
tout le cas pour telle ou telle des questions délicates touchées par lui
dans son second chapitre avec une prédilection peut-être excessive et
une sympathie non dissimulée pour certaines façons de voir), on pro-
fitera de sa science, unie en lui, nous le savons, à une conscience pro-
fondément chrétienne, et on goûtera son talent de mise en œuvre. Nous
ne croyons pas céder à l'entraînement d'une vieille amitié, mais ex-
primer une impression juste, en disant que, considéré dans son en-
semble, son livre est de ceux qui honorent le plus la science française.
M. S.
— 152 -
Une B"rj>vinrc mous Liouis XIV. Ij'AtliniiiisIratioii des
- inlSBidauls «l'Orléans €le fl6»S» à 391», par Charlhs db
Bkaucohps. OrledUi, Marron, 1911, iu-s de xviii-ilO p., avec portrait. —
Prix : 1 tv. 50.
L'organisation administrative de l'ancien régime est peu connue
dans son fonctionnement journalier. On sait que, tout en étant assez
minutieuse, eUe profitait d'une bien plus large décentralisation que
celle dont nous a gratifié un système électif poussé à l'excès et engen-
drant forcément le despotisme intolérable des incompétents. Du
moins, les fonctionnaires de l'ancien régime se montraient capables,
indépendants, très préparés à leurs fonctions, et nous leur devons la
plupart des progrès acquis aux xvii^ et xviii^ siècles. M. Ch. de Beau-
corps, ancien élève de l'Ecole des chartes, a étudié et analysé toutes
les pièces qui demeurent sur le gouvernement de l'Orléanais sous
trois intendants distingués, Jean de Creil, André de Bouville et Yves
de la Bourdonnaye à la fin du règne de Louis XIV.
On trouvera des détails intéressants sur leur vie, on lira surtout
avec intérêt le résumé très exact des divers points sur lesquels
s'exerçait leur contrôle : impositions, comprenant la taille, la capita-
tion, le dixième, les aides et les gabelles; l'administration commu-
nale; lestravauxpublics, ponts, levées, canaux; les affaires militaires,
ban et arrière-ban de la noblesse, milices provinciales; la justice et la
police; les affaires religieuses, clergé régulier et séculier, instruction
publique,assistance et travaux de charité; le commerce et les disettes.
On voit que bien des questions sont abordées dans ce mémoire pré-
senté à la Société archéologique et historique de l'Orléanais, mais qui,
par certains côtés, présente un intérêt général et peut servir de
point de comparaison. Le tout est très clairement exposé et appuyé
sur des documents nombreux, parmi lesquels il n'était pas facile da
faire im choix judicieux. G. B. de P.
lia Conspiration et la fin de Jean^ baron de Batz (t 993-
18SÎÎ;, par le barou de Batz. Paris, Gaimaun-Levy, s. d., ia-8 de o33 p.
— Prix : 3 fr. 53.
Sur ce second et dernier volume de l'histoire agitée et romanes-
que par excellence du baron de Batz, nous maintenons nécessaire-
ment les réserves que nous avons cru devoir présenter à l'examen
àxipvem\eT{Polybiblion de septembre 1908, t. CXIII, p. 256-257)
et que divers ouvrages parus depuis n'ont fait que confirmer ;
mais nous continuons aussi à lire avec un vif intérêt les aventures
de ce personnage toujours énigmatique, toujours agissant. Le style
môme de l'auteur, familier, abondant et ardent, fait circuler une
animation entraînante dans ses récits, et si, par là même, il ne leur
— 153 —
apporte pas toute la force de la science historique, il leur donne
l'intérêt de la passion et l'agrément du mouvement. Le « conspi-
rateur » de la Révolution ne pouvait rencontrer un historien plus
séduit par le personnage, mieux entré dans le sujet. Tout un monde
circule dans ces pages; une bonne table alphabétique facilite les
recherches, et c'est fort à propos. Le « baron » est donc représenté
comme le pivot de tout le mouvement antirévolutionnaire en France
pendant sept ou huit ans; il veut « écraser' les Girondins », puis
« avilir la Convention »; entre temps il corrompt à prix d'argent
les députés, achète les policiers, fait manœuvrer comme des pan-
tins les bourgeois de Paris, ^répand l'argent, s'échappe de prison,
se déguise, se grime, etc. Il veut arracher du Temple la Reine,
mais manque sa généreuse entreprise, s'évanouit comme une ombre
et ne recommence pas. Il apporte l'affirmation positive de la mort
du malheureux Dauphin (p. 387) et son historien partage sa ma-
nière de voir. Il est l'adversaire «personnel» de Robespierre, avec
qui il mène un « duel » dont le 9 Thermidor serait l'étape victo-
rieuse. Très calme sous le Consulat, plus calme encore pendant
l'Empire, tout occupé alors de chicanes pour défendre ses droits
de propriété sur une terre achetée sous un faux nom, en Auver-
gne, il reçoit, à la Restauration, les épaulettes de général de bri-
gade, et il meurt (10 janvier 1822) d'un coup de sang.
^.Une grande partie de ses nombreux papiers, saisis pendant la
Révolution, lui furent restitués ^ par le gouvernement royal; ces
dossiers, devenus la propriété de M. de Batz, constituent, appuyés
par la multitude de ses lectures, la trame de son récit; des Appen-
dices ajoutent des éclaircissements sur la généalogie et le décès de
ce personnage qui. demeure, pour nous du moins, toujours mysté-
rieux. G. DE G.
IiV4nib»g8ade du duc Decazes en 4ngleterre (1990-1991),
par Ernest Daudst. Paris. Plou-Nourrit, 1910, iu-3 de iN-374 p. —
Prix : 7 fr. 50.
^Nous ayant conté les actes de M. Decazes au pouvoir, dans un
premier volume, M. Daudet, qui nous décrit ici son ambassade en
Angleterre, devra ajouter une troisième étude sur M. Decazes à
la Chambre des pairs, comme grand référendaire sous la monarchie
de Juillet, s'il veut achever une histoire dont les éléments sont puisés
dans les riches archives du château de la Grave. Nous ne nous en
plaindrons pas.^M. Daudet écrit sans passion, mais non pas sans
sympathie très vive pour son « sujet ». Je lui reprocherais de ne
voir dans les adversaires de M. Decazes que de mauvais Français,
quand la proposition contraire se pourrait mieux soutenir; c'est
— 154 —
ime injustice que de nommer toujours les royalistes des « ultras »,
puisque l'auteur prend en mauvaise part ce terme qui ne doit
dcésigner qu'une fraction du parti royaliste. Lui aussi^ ce terme
d'ultra pourrait être soutenu et défendu non pour les exagérations
que l'on prête aux politiques qui le reçurent, mais pour les principes
sociaux cju'il représente. . ,, ;
Sans nous faire de grandes révélations sur les sentiments intimes
de Louis XVIII pour son favori, ce volume nous apporte les té-
moignages nouveaux de cette passion qui s'épanche en des lettres
dont les expressions côtoient le ridicule par leur vivacité. Mais aussi
le vieux Roi comprend son devoir et fait passer la tranquillité de
l'Etat avant la satisfaction de ses plaisirs personnels; ainsi ne
veut-il pas créer à ses nouveaux ministres des embarras par la pré-
sence de son ancien ami et il tient ]\L Decazes loin de Paris. Cette
volonté lui devient plus facile pfir son afl'ection nouvelle pour
M°i^ du Cayla. M. Ernest Daudet est fort sévère pour cette
dame et il fournit nombre d'arguments en faveur de son opinion.
On est surpris de la nullité politique de M. Decazes à l'ambas-
sade de Londres. Deux ou trois billets de sa femme ont autrement
de relief et de piquant que ses dépêches et ses lettres au Roi.
Sur la société anglaise nous avons cependant quelques détails cu-
rieux, surtout sur le procès de la reine Caroline qui faisait alors
scandale dans tout le royaume. Plusieurs Appendices ont leur inté-
rêt, en particulier une longue lettre adressée au duc d'Angoulême
le 2 janvier 1828 par M. Decazes. Mais il semble avéré que tout
ce que l'on sait de lui et tout ce que l'on saura lui conservera la
figure d'un personnage très « arrivis-" » et. ^u fond, fort médiocre.
G.
lit» Restauration de l'eatipire allcneand. liC Rôle de la
Baiièpe, 'par A. de Ruvillk ; trad.de rallemand par Pibrre Albin.
avec une Introduction sur les papiers de Cercay et le secret des corres-
pondances diplomatiques par Joseph Reinagh. Paris^ Alcan, 1911, in-8de
ixxu-3-27 p. — Prix : 7 fr.
Il est rare qu'un ouvrage allemssud soit elair.' Celui-ci pourtant,
malgré quelques longueurs, mérite d'être loué pcmr sa clarté et, à
vrai dire, les longueurs qu'on peut, au premier abord, lui reprocher
ne sont que rinévitaljle résultat du légitime et intéressant souci de
Tauteur de ne rien négliger dans l'exposé de négociations extrê-
mement compliquées. Mais nous aimons à trouver une explication
de cette heureuse anomalie dans ce fait que M. de Ruville est d'o-
rigine française. Son arrière-grand-père avait émigré en 1792 et
sa famille était restée fixée en AUemague.
Quand nos i)ensées sont ramenées vers le drame de 1870, nous
— 155 —
sopimes invinciblement hypnotisés par le calvaire de nos armées et
la chute de la France. Tout ce qui ne se rapporte pas direttement
aux opérations de guerre et à notre révolution politique nous paraît
chose négligeable et nous sommes peut-être trop habitués à la manière
incidente dont nos historiens traitent les événements politiques qui
concernent l'histoire intérieure de l'Allemagne, et l'évolution politique
dont l'aboutissement fut l'établissement plutôt que la restauration de
l'empire allemand. — En hsant l'ouvrage de M. de Ruville, on pénètre
les intrigues et les difficultés sans nombre au miheu desquelles le prince
de Bismarck sut se mouvoir pour arriver à ses fins. Les prétentions
des États du sud, l'eiïort sournois de l'Autriche pour reprendre pied
en Allemagne, en dépit des événements de 1866, expliquent, s'ils
ne les excusent pas, les hésitations du gouvernement français au
début de la guerre. La diplomatie de ces princes et de ces ministres
teutons y apparaît comme la plus fourbe et la plus déloyale qu'on puisse
rêver. C'est l'école à laquelle a été élevéM. deKiderlen-Waechter et le
modèle qu'il paraît vouloir imiter dans sa négociation marocaine :
donner et reprendre à chaque incident et se contredire avec cynisme,
telle* sont les maximes qui paraissent dominer cette politique. La Ba-
vière et son roi Louis II auraient voulu gardsr leur indépendance
nationale tout eij ne se mettant pas en opposition avec le sentiment
national qui poussait vers l'unité. M. de Ruville démêle le réseau touffu
des intrigues auxquelles ce doul le et contradictoire sentiment a donné
lieu. Mais surtout, et c'est là ce qui donne à son livre un intérêt de
premier ordre, il explique comment les papiers de M. Rouher, tombés
au pouvoir de M. de Bismarck à la suite de l'occupation par les troupes
allemandes du château de l'ancien ministre de Napoléon IH, lui ont
permis d'exercer un chantage politique d'une irrésistible puissance
sur les hommes d'État qui défendaient l'indépendance des États du
sud et spécialement sur le comte Bray, ministre de Bavière. Devant
la menace de la révélation des négociations qui avaient eu lieu avant
la guerre entre la France et l'Autriche d'une part, l'Autriche et la Ba-
vière d'autre part, pour éviter l'hégémonie menaçante de la Prusse,
ceux-ci ont dû cesser toute résistance. L'empire allemand a été fait
et la Bavière n'en est plus qu'une province.
Dans une Introduction très documentée et tout à fait remar(.;ua-
ble, M. Joseph Reinach cherche à dé?.ager la responsabilité de ce
secoiws inattendu arrivé entre les mains de M. de Bismarck. M. Rou-
her avait-il eu le droit de soustraire ces papiers aux Archives gouver-
nementales? Question singulièrement angoissante quand on observe
que si les traces de ces négociations ne s'étaient pas trouvées au do-
micile particulier de l'ancien ministre, elles ne seraient pas tombées
entre' les mains de notre vainqueur, qui les détient encore sans les avoir
— 156 —
«Atièreinent fait connaître et qui, grâce à elles, a pu exercer uua
pression dont le résultat pèse si lourdement sur la France.
Mais, d'un autre point de vue, il est permis de se demander, après
plus de quarante ans, si les véritables victimes de l'unité allemande
n'ont pas été (après l'Alsace-Lorraine, bien entendu), mais peut-être
autant que la France, ces États du sud, qui jadis marchaient à la
civilisation sous l'influence française qui les pénétrait et les poliçait
et qui, depuis cette époque, écrasés par la domination prussienne,
rétrogradent vers la barbarie teutonne. M. de Ruville a raison de dire,
en terminant son livre, que ce n'était pas être nécessairement un mau-
vais Allemand que de concevoir l'unité allemande autrement qu'elle
a été réalisée. Nous ajouterons que, si la Providence réserve à la France
la victoire dans la lutte prochaine, l'orgueil prussien en pâtira certai-
nement, mais l'intérêt bien compris des pays allemands y trouvera
peut-être largement son compte. Eugène Godefroy.
Femmes de Ficauce. CoUecliou publiée par la maison Lethielleux.
Série de volumes in-l^ à O fr. GO : 1 . Madstme dt- la Fayette, par G. Le-
GIGNE, lio p. — 2. Mademoiselle de Monipeiisier, par le même, 120 p.
— 3. George ISand, par le même, 126 p. — 4. Madame de Sévigné, par
le même, 116 p. — 5. Madame de Staël, par le même, 125 p. — 6. Eugénie
de Gaérin, par M. A. PraT, 124 p. — 1. Madame Octave Feuillet, par
M. DB Varbilles-SommiÈres, 128 p. — S. Madciiioîseile de &.esipinasse,
par M. A. Prat, 154 p.
L'objet et le plan de la collection Femmes de France, entreprise
par la librairie Lethielleux, nous sont indiqués en ces termes: «L'heure
est aux collections. On en fait de très sérieuses et de très frivoles, de
très savantes et de très superficielles. Celle-ci sera avant tout une ga-
lerie de portraits, presque de miniatures. Cent trente pages pour
chaque brochure, pas plus !... Des esquisses légères, rapides, bien
soignées et très vivantes, voilà ce qu'on veut faire. — L'ensemble
sera quelque chose comme le Panthéon féminin de la France, un musée
élégant et aimable où trouveront une place toutes les femmes qui se
sont fait un nom dans les lettres, dans les arts, dans le monde ou dans
l'Église, dans la paix comme dans la guerre... Le directeur de la col-
lection est M. C. Lecigne, professeur de littérature française aux Fa-
cultés libres de Lille. Il a écrit lui-même les premiers volumes de cette
bibliothèque. » — ■ Les cinq portraits dûs à la plume de M. Lecigne :
Madame de la Fayette, Mademoiselle de Montpensier, George Sand,
Madame de Sécigné et Madame de Staël, sont excellents et les deux
derniers particulièrement remarquables. Nous les avons lus avec un
très vif plaisir et ils nous ont donné une très forte idée de l'intelli-
gence et du talent de l'auteur, comnie critique et comme écrivain.
Nous sommes heureux de féliciter l'Université catholique de Lille de
_ 157 —
posséder dans son corps enseignant un homme aussi distingué. Quel-
ques remarques de détail n'enlèvent rien dans notre pensée à ce juste
et sincère éloge. C'est un gros anachronisme, à l'époque de l'anecdote
relative à La Rochefoucauld et Retz (Madame de la Fayette, p. 45),
que de conférer dès lors à ce dernier le titre de cardinal. Il y a un vé-
ritable excès dans la qualification de «livre effroyable», infligée aux
célèbres Maximes (p. 47). Écrire de l'oratorien Du Guet et de sa
pénitente (p. 97) que « le prêtre essayait de radouber la pauvre épave
et de la remettre à flot », c'est se laisser aller à une métaphore à la
fois prétentieuse et désagréable. Le goût est pire encore dans la « tar-
tine beurrée d'un rayon de soleil » ( !) que nous avons eu le regret de
rencontrer au cours de l'étude sur George Sand (p. 81). On s'étonne
de cet écart chez un écrivain élégamment classique, comme l'est en
général M. Lecigne. On se demande ce que vient faire « la banque de
France » dans une anecdote relative à Madame de Sévigné (p. 69). Du
reste, fond et forme sont d'ordinaire de bon aloi et de bon exemple
dans ces cinq volumes, tout à fait propres à bien inaugurer et à faire
valoir auprès du public la collection Femmes de France. Le sixième
volume : Eugénie de Guérin,àvi à M. A. Prat,est aussi un très bon por-
trait et il est écrit d'un style fin et distingué. Le septième : Madame
Octave Feuillet, doit moins sa valeur au sujet lui-même qu'au talent
avec lequel M. de Vareilles- Sommier es a mis en relief les circonstan-
ces et les milieux où a vécu successivement cette aimable dame de
lettres, et qui sont devenus sous la plume de son panégyriste d'agréa-
bles et vivantes peintures de mœurs. Quant au huitième. Mademoiselle
de Lespinasse, œuvre de M. Prat, non seulement il est très inférieur
à l'étude sur Eugénie de Guérin^ mais, c'est notre devoir de le dire,
malgré la juste sévérité du jugement général de l'auteur sur les fai-
blesses de son héroïne, il fait tache dans la collection, où il aurait
mieux valu s'abstenir de lui donner place. Nous y avons goûté sans
doute un fidèle et intéressant tableau des salons du xviii^ siècle, où
l'esprit français s'épanouit alors en fleurs si brillantes; nous y louons
aussi les bonnes et saines réflexions morales de l'Introduction. Mais
nous ne pouvons pas faire que les interminables citations de la corres-
pondance déclamatoire où M^i^ de Lespinasse épanche à grands flots
la fougueuse passion de son amour en partie double, ennuyeuses pour
j,es esprits mûrs, ne soient dangereuses pour la jeunesse. Nous som-
mes donc obligé d'excepter ce volume de l'cloge et de la recomman-
dation générale que mérite jusqu'à présent la collection Femmes de
France. M. S.
— 158 —
l^-.%in(' «l'un grniad caflioliqnc. E'iiit'it fie fei Ae O^oals
Veuillef. journaliste et puléiniste, d'après sa correspoii liante.
L'J/^mme vu'nic, par G. CiiuGiiAU. Pans, Lelhiolleux, s. d., 2 vol. iu-l2 de
LV-3oO eL 364 p. — Prix : 7 Ir.
Pour faire suite à son premier volume sur « l'homme intime, »
le « grand chrétiea » qu'était Louis Veuillot, M. G. Cerceau dé-
peint ici le « grand catholique » que fut aussi le directeur de
l' Univers. 11 use de sa correspondance, pour le montrer, en de larges
extraits reliés par des commentaires chronologiques. A partager
l'admiration de M. Cerceau pour Louis Veuillot, ce que je fais bien
volontiers et sans restriction aucune, j'ajouterai le désir que l'ex-
pression de ce sentiment ait été un peu pUis modérée, parce qu'il
eût été plus convaincant pour ceux qui, connaissant moins
bien le grand écrivain, conservent sur lui des préjugés qu'en bonne
justice on A^oudrait voir tomber. Et ils doivent tomber en face de
la sincérité de l'honiime, du désintéressement du catholique et des
bénédictions de l'Église dont il fut le serviteur humble et très
soumis, très avisé et très courageux. Les doctrines défendues par
Louis Veuillot avec le sens (je dirai le bon sens) de l'orthodoxie
ont été certainement bénies par le Saint-Siège; les théories, sédui-
santes ou non, de ses adversaires ont été perse véramment condam-
nées; cette double remarque, qu'aucun fait ne peut contredire,
a bien sa valeur, je crois.
L'intérêt et l'utilité du travail de M. Cerceau sont donc indé-
niables; ses trois volumes feront connaître, apprécier, respecter,
aimer Louis Veuillot en proportion même de ce qu'il a été plus
méconnu et à certains jours plus calomnié. L'agrément littéraire des
nombreuses citations de ses lettres soutient le lecteur dans des
polémiques qui sembleraient anciennes :'la hberté d'enseignement,
la question des classiques, le ralliement à l'Empire, la lutte contre
l'Empire infidèle à ses promesses catholiques, la suppression et le
rétablissement de l'Univers, la troisième République, les dernières
polémiques libérales.
A la suite de chaque volume, l'auteur a signalé « quelques pages
à relire », citées déjà dans le cours de son travail, et où le lecteur
en elïet éprouvera, sans aucun doute, le plaisir de retrouver les
meilleurs morceaux de la table ,où on l'a fait déjà s'asseoir. Un
Index des noms propres clôture ce recueil et facilite les recherche^
!'G. DE G.
lies Derniers Jours de PauI TerSatne, par F.-A. Cizii^ et
Gustave I.k Rouge. Paris, Mercure de France, 1911, in-18 de 1-270 p.,
avec nombreux documents et dessins. — Prix : 3 fr. sn.
Deux amis des derniers iours,et dont l'un au 'moins fut souvent soi
I
— 159 —
compagnon de bohème et d'hôpital ( ce qui hii a permis d« faire du
pauvre Verlaine quantité de dessins très justes exprimant bien à eux
seuls ses déchéances), ont, après quinî^e ans, pensé qu'on pouvait,
suivant le mot de M. Barrés, « jeter le manteau de Noé par la fenêtre »
et mettre à nu devant le public toute sa misère. J'aime trop la vérité
pour m'en plaindre : mais de voir ce malheureux qui était né bour-
geois, qui avait été bien élevé, fort instruit, qui avait eu le sens de
tout ce qui est noblement et délicatement beau,roulant de l'assommoir
à l'hôpital, dégoûtant par sa mendicité et ses absinthes les amitiés les
meilleures, et tombant la proie des liaisons les plus dégradantes, c'est
vraiment lamentable. Les deux apologistes ont beau essayer de trans-
figurer tout cela avec des mots, l'appeler « Messie crucifié », « un Christ
de la poésie qui s'est sacrifie pour nous offrir le meilleur et le piredelui-
même »; proclamer non seulement qu'il est « spirituel comme Voltaire,
attendri comme Rousseau, délicat comme jM"^^ de Se vigne», maisenc re
que « l'Église n'a jamais eu dans le moyen âge et n'aura sans doute
jamais plus un artiste de cette hauteur, qui célèbre les extases de la
foi avec autant de sublimité attendrie » ; ils ont beau jeter la pierre à
tous ceux que cet avilissement désolait, même à ceux, comme le bon
Coppée, qui, malgré leurs répugnances, vivant ne l'abandonnèrent
jamais tout à fait, mort, s'empressèrent de jeter le manteau sur sa fin ;
hélas ! et les faits et les vers qu'ils citent, ceux aussi qu'à cause de
leur obscénité ils n'ont, malgré tout, pas pu citer, empêchent qu'on
épouse une telle admiration, et ne suggèrent aux plus indulgents
qu'une pitié affreuse. Ils ont tort d'ailleurs de prétendre que le vice
et les maladies, qui firent de Verlaine physiologiquement une épave,
n'entamèrent pas son cerveau et son génie. On a le droit, d'après les
documents mêmes qu'ils apportent, de penser qu'il y avait des
« gommes » dans ce cerveau et dans ce talent des tares. L'intérêt prin-
cipal de leur indiscrète publication n'est-il pas môme de fournir à la
critique de l'avenir l'explication de ce qu'elle trouvera dans l'oeuvre
de trouble, de fumeux, de déliquescent?... Gabriel Audiat.
Ei'Asmenalil^e constituante. lie Pltilosepliîsme révolu -
nairc en aetion, par Gusta.vb Gautherot. Paris, Beauchesne, 1911,
petit in-6 de xv-d40 p. — Prix : 5 fr.
On sait le grand succès des conférences sur l'histoire de la Révo-
lution faites à l'Institut catholique par M. Gustave Gautherot.
Le distingué professeur les réunit aujourd'hui en volume et l'on ne
saurait trop l'en remercier ; il faut aussi lui savoir grand gré
d'avoir renoncé à son premier mode de publication qui ne pouvait
convenir qu'à un tout petit nombre de disciples fervents. En adop-
tant la forme actuelle, il centuple le nombre de ses lecteurs, et
— 160 —
cela dans l'intérêt de l'histoire et du pays. M. Gautherot rompt
carrément en visière avec les idées communément reçues sur la
Révolution et, depuis trente ans, plus propagées que jamais par
les maîtres du jour. Il proclame bien haut la faillite de la Révolution
ou plutôt la faillite de la France par la Révolution. Cette Révo-
lution, la philosophie du xviii^ siècle Ta préparée ; les sociétés se-
crètes, les Illuminés, la Franc-maçonnerie probablement, l'ont orga-
nisée et une minorité bruyante et audacieuse l'a imposée au pays.
Le savant et regretté Albert Sorel a admirablement résumé le
gouvernement de la Constituante en ces termes : « On vit le mi-
nistère dominé par l'Assemblée, l'Assemblée par les clubs, les clubs
dominés par les démagogues, les démagogues par la populace^ ar-
mée, fanatique et faméhque qu'ils croyaient entraîner à leur suite
et qui, en réalité, les chassait devant soi «. 11 est impossible de
mieux caractériser l'histoire de ces deux années et demie, de mai
1789 à septembre 1791, et M. Gautherot en apporte de nouvelles
preuves. Il a suffi de si peu de temps pour bouleverser complète-
ment la France, changer sa mentalité et faire d'une nation^catho-
lique et réglée un peuple désemparé, flottant à tous les vents de
doctrine et n'ayant plus ni foi religieuse ni foi politique. |. Les
illusions des uns, la faiblesse des autres, l'inexpérience de tous ont
laissé le champ libre à un petit nombre de meneurs qui, eux, sa-
vaient ce qu'ils voulaient, c'est-à-dire faire tablelJrase du-' passé
et établir à la place les principes néfastes que le temps devait déve-
lopper et qui nous ont amenés où nous en sommes : la centralisa-
tion à outrance par la destruction de tous les corps organisés,
l'émiettement de la France par sa division en départements et la
suppression des provinces, l'éclosion des luttes de classes et des
conflits d'ouvriers et de patrons par l'abolition des corporations,
où il y avait des améliorations à faire, mais qu'il ne fallait pas
détruire, le vieux patriotisme français remplacé par un humanita-
risme vague, l'indiscipline introduite dans l'armée par les dénoncia-
tions contre les officiers et la fréquentation autorisée des clubs,
la guerre religieuse déchaînée par la constitution civile du clergé.
Ne sont-ce pas là les maux dont nous souffrons encore — tant
l'histoire se poursuit et se répète, • — et n'avons-nous pas le droit
d'en rendre responsables les « grands ancêtres » qui ont bâti de
toutes pièces l'édifice dont tous ces maux sont sortis?
Max. de la Rocheterie.
— IGl —
lies Turcs ont passé là. Recueil de documents^ dossiers, rapports
requêtes, protestations, suppliques et enquêtes établissant la vérité sur les
massacres d'Adana en 1U09, par GEORGES BrÉzol. Paris, chez l'auteur, 66,
boulevard Ornano, 1911, in-12 de vi-400 p., illustré. — Prix : 5 fr. 50.
L'heure est-elle venue d'écrire l'histoire des événements tragiques
qui se sont déroulés tout autour du golfe d'Alexandrette en avril
1909? On peut hésiter sur la réponse. En tout cas, personne ne con-
testera l'immense intérêt du drame cilicien, où viennent en jeu, par-
fois jusqu'au paroxysme, les plus mauvaises passions individuelles,
les haines de races, les pires déviations du sentiment religieux et,
en face d'admirables dévouements, d'odieuses intrigues avec tous
genres de calculs intéressés. Comme, de plus, les multiples péripéties
de la poignante hécatombe sont en étroite relation avec l'évolution
capitale qu'a subie l'Orient dans ces dernières années, on peut pré-
dire à coup sûr qu'elles solliciteront un jour irrésistiblement l'at-
tention des historiens. Qu'il soit d'ailleurs déjà possible de préparer le
récit définitif, M. Brézal n'est pas seul à l'avoir pensé. Mais son ré-
cent travail est peut-être à cet égard le plus important de tous cqux
qu'on a jusqu'ici publiés sur le sinistre. Ce n'est pas une narration sui-
vie, encore moins un réquisitoire ou une œuvre systématique qui
donne à craindre exagération ou parti pris. C'est un pur dossier.
Mais combien éloquent et convaincant dans sa simplicité, je dirais
même dans le décousu des pièces qu'il renferme. Vraiment son au-
teur a été bien inspiré : les années vont vite; il fallait se hâter de
recueillir les témoignages des survivants, de ramasser, sans les laisser
s'éparpiller davantage, les importantes relations des témoins, les cor-
respondances de la presse du monde entier, les télégrammes officiels,
les dépêches et appels de détresse des « rescapés », les suppliques et
protestations de leurs chefs spirituels et civils, les enquêtes parle-
mentaires et gouvernementales, les rapports des cours martiales, les
déclarations ministérielles, les hommages que la reconnaissance indi-
viduelle ou l'admiration publique ont valus aux sauveteurs tant mu-
sulmans que chrétiens, en un mot, toutes les informations capables de
jeter le plein jour sur l'ensemble et les particularités de l'affreuse tra-
gédie. Voilà ce qu'a essayé M. Brézol. On trouvera dans son livre,
méthodiquement groupés, non pas certes la totalité des documents
connus — il a dû forcément se borner — mais un très grand nombre de
pièces et des plus démonstratives. Si le volume n'est pas encore une
histoire, il suffit du moins, tel qu'il est, à situer l'effroyable épisode
dans l'histoire générale contemporaine, à montrer la vraie signifi-
cation des faits et à fixer les responsabilités. L'auteur ne prétend rien
de trop quand il affirme en tête de son œuvre qu'elle établit la vérité
sur les massacres d'Adana. J. Delarue.
FàvAiBR 1912. T. CXXIV. 11.
— 162 —
liibrary of ( oiigrc'<>x. jiiuericaii and Fuglifili Généalogies
in llie liibrary ol Coiegress. Pre'im'.nary CxiaLojH" coiupiied
uiider the direction of ihe chief of the Catalogue Division. Washington,
Government piinting office, 1910, in 8 de 805 p.
On sait que les études généalogiques jouissent, actuellement d'une
' grande vogue en Amérique. D'importantes revues paraissent, aux
États-Unis, qui sont entièrement consacrées à la publication des
généalogies. Les monographies de famille forment à la Bibliothèque
du Congrès une série fort nombreuse; le Catalogue, qui vient de pa-
raître, ne comprend pas moins de 3.750 articles.
Les ouvrages que ce répertoire nous indique se rapportent, pour
la très grande majorité, à des familles anglo-américaines. Quelques-
uns, cependant, ont trait à des maisons c[ui ne se sont pas trans-
portées au-delà de l'Océan, ainsi, aux dynasties royales d'Angleterre
et d'Ecosse. Un bon nombre de généalogies intéressent à la fois l'Eu-
rope et l'Amérique; ce sont celles de certaines races d'immigrés dont
la filiation est déduite à partir d'une époque antérieure à leur éta-
blissement dans le Nouveau Monde.
On est surpris de l'antiquité que quelques monographies attribuent
aux familles dont elles font connaître l'histoire. A en croire les titres
relevés dans le Catalogue, la généalogie des Sanborn remonte à
1194, celle des Hayford à 1100, celle des Morgan à 1089, celle des
Van Doom à 1088, celle des Davenport à 1086, celle des Heam et,
celle des Townsend à la conquête de l'Angleterre par les Normands,
ceUe des Hammond à l'an mille, celle des Hubbard à 866, celle des
Greene à 861, celle des Riddle à £60. Ce n'est rien encore, 11 paraît 'que
les ancêtres de George Washington sont connus depuis l'an 70, et
ceux des Tirre'l, depuis 443... avant Jésus-Christ.
MAX'^PRI^ET.
La ISibiio1li«-qiic |ii(1)lr<jue de Carca!»!»onne, par Jean^ Amiel
Paris, Le Soudier, 1911,Jm-8 de vni-i87. — Prix : 3 fr.
Comme beaucoup de nos bibliothèques françaises, c'est à la Révo-
lution que la bibliothèque de Carcassonne doit son existence. Son
premier fonds provient des livres pris par l'Etat aux établissements
religieux supprimés ou aux émigrés dont les biens furent confisqués.
Quelques dons importants : ceux de Cornet-Peyrusse et du baron
Guillaume Peyrusse, de Mahul, de Gabriel de Chénier, de Ccstc-Re-
boulh, de Jourdanne, sont venus, au cours du xix« siècle et du xx^,
accroître ses collections. Le budget des acquisitions (et du njatériel) a
été longtemps fort maigre et irrégulier; actuellement, il est d'un mil-
lier de francs. A un moment la ville a songé à supprimer son biblio-
thécaire, trouvant que la maison rendait peu de services. Au jour-
— 163 —
d'hui encore le nombre des lecteurs est peu considérable; des statisti-
ques et des explications produites par M. Amiel, il semble qu'il ne
dépasse pas une moyenne de quinze par jour (prêt sur place ou à do-
micile). La faute en est peut-être au peu de commodité des heures
d'ouverture. Les efforts faits pour obtenir de l'adminis-
tration municipale une ouverture plus large et plus facile n'ont pas
abouti jusqu'ici. Peut-être ce livre de M. iVmiel contribuera- 1- il à
obtenir un meilleur résultat.
Bibliothécaire adjoint de la bibliothèque municipale, il a voulu
connaître et faire connaître la maison à laquelle il donne son temps et
son dévouement. De là est né le petit volume que nous annonçons et
qui contient l'histoire de l'établissement, divisée en trois périodes
dont la première (1803-1830) est caractérisée comme une époque de
stagnation; la deuxième (1831-1887) comme une ère de prospérité
sur laquelle se contente de vivre la dernière période (1868-1911),
période du statu quo.
Des notes sur les bienfaiteurs, sur les conservateurs qui se sont suc-
cédé à la tête de rétablissement,sur les budgets, les catalogues, quel-
ques mots — un peu trop brefs — sur les autographes et les manuscrits
complètent cet essai, que M. Amiel pourra reprendre quelque jour en
le développant et en précisant certains points demeurés vagues. L'on
ne serait pas fâché d'être renseigné d'une manière plus précise sur
la composition de la Bibliothèque, sur les principes qui guident les
acquisitions, sur les moyens qu'elle possède de répondre aux besoins
tant des chercheurs et des érudits que des lecteurs ordinaires et du
public ouvrier, industriel et commercial; sur le genre d'ouvrages qui
sont le plus souvent demandés, etc. E.-G. Ledos.
CORRESPONDANCE
M. Seymour de Ricci nous adresse la lettre suivante :
Monsieur,
Dans un article très flatteur que consacre votre collaborateur M.
E.-G. Ledos à mon Catalogue raisonné des premières impressions de
Mayence (Polyhihlion, janvier 1912) je découpe le passage suivant :
« Peut-être pourrait-on relever de ci de là quelques traces de légè-
reté, nous n'en citerons qu'un exemple : à propos de la Bible de 36 L,
M. Seymour de Ricci écrit (p. 16, n^ 14) : « Selon M. Léopold Delisle
(Journal des savants, 1893, p. 216), un exemplaire aurait été offert
vers 1890 pour 150, 000 fr. par un libraire de Munich »; dans la
phrase visée et que voici, il n'est question ni de 1890, ni de Munich r
« Un libraire n'a pas craint dans ces derniers temps de demander
— 1G4 —
150.090 francs d'un exemplaire de la Bible imprimée à Baniberg par
Albrecht Pfister ». Quant au doute que M. de Ricci se permet d'émet-
tre sur cette assertion, tous ceux qui connaissent le soin scrupuleux de
M. Delisle dans tous ses travaux ne s'y arrêteront pas. »
Il y a dans mon travail, je le sais mieux que personne, plus d'une
trace de légèreté; mais c'est à tort que votre collaborateur incrimine
le passage par lui cité. Si j'ai parlé de Munich et de 1890 c'est que,
devant le laconisme de la phrase publiée par Léopold Delisle, j'avais
été demander à M. Delisle lui-même quelques indications complé-
mentaires, que celui-ci me fournit aussitôt avec sa bonne grâce ha-
bituelle, m'indiquant même le nom du libraire qui avait fait cette
offre. [^
Je suSjd'autre part, qu'un bibliographe anglais avait recherché cet
exemplaire, sans trouver d'autre trace de son existence; le libraire-de
Munich m'a déclaré ne se souvenir de rien et n'avoir jamais possédé
la Bible de 36 lignes. Une personne fort au courant de l'histoire de la
librairie allemande m'a assuré que le libraire en question s'était borné
à offrir pour 150.000 francs la Bible en question : si un acheteur sé-
rieux s'était présenté, il aurait essayé d'acquérir un des exemplaires
appartenant à des bibliothèques universitaires allemandes.
.'nQuoi qu'il en soit, et j'en fais juge vos lecteurs, j'étais parfaitement
en droit, après mon enquête, de commenter la phrase de M. Delisle
dans les termes suivants, que seul M. Ledos a estimés tendancieux :
« J'ai peine à croire que cette offre, dont il m'a été impossible de pré-
ciser les circonstances, concernât véritablement un exemplaire de
cette Bible appartenant à ce libraire. »
Veuillez agréer, etc. Seymour de Ricci.
; Et voici la réponse de M. Ledos :
Même après les explications que nous fournit M. Seymour de
Ricci et que je me félicite d'avoir provoquées, la phrase que j'ai citée
demeure malheureuse et inexacte, puisqu'elle se réfère à un texte qui
ne répond pas à l'énoncé qu'elle en donne et que rien ne laisse soup-
çonner au lecteur les motifs que M. Seymour de Ricci a eus de le
compléter comme il fait. Il aurait pu, sans allonger beaucoup son
texte, fournir au lecteur, d'une manière sommaire, les précisions qu'il
apporte ici et qui justifient le vague, très certainement voulu, de
l'indication donnée par M. Delisle. E.-G. L.
— 1G5 —
BÏJLLETIN
Kl Convite dei tilviiio «moi-, por JosÉ Frassinetti ; trad. del ilaliano
por José Pérez IIervâs. Barcelona, Siibirana, 1911, petit in-16 de xvi-
163 p. — Prix : 1 fr. 50.
Frasî'inetti a publié, il y a qiulque trente ans, divers opuscules qui ont
tous pour but d'exciter les fidèles à la réception fréquente du sacrement
de l'Eucharistie. Celui que vient de traduire en espagnol Don José Pérez
Hervâs est a,ssurément le plus doctrinal et en mênnie temps le plus pra-
tique. Il est divisé en cinq chapitres : 1° le Banquet de l'Amour; 2° les
faveurs qu'on y reçoit; 3*^ les dispositions pour s'tn approcher; 4° la fré-
quente communion; 5° le zèle qu'on doit apporter à propager cette pra-
tique. Ce livre de piété s'ajoute à tous ceux qui ont été publiés depuis le
décret de la S. Cong-régation du concile du 16 déc(mbre 19C5, tt ne sera
pas le moins utile aux prêtres et aux f:dèles qui ont à cœur de développer
le culte eucharistique et la fréquente communion. G. Bernard.
L.a Fôrmuli» «oclal crUtlana, por UBALDO ROMBRO QUINONES. Guadala-
jarn, Minguijon, 1910, in-16 de 614 p. — Prix : 2 fr. 50.
Moins que jamais la religion catholique ne peut se désintéresser de ]a
question sociale. Elle le peut d'autant moins que la politique, au lieu d'apla-
nir les difficultés, ne fait qu'en retarder la solution, par suite de? compé-
titions, des luttes personnelles et de l'instabilité du régime. L'auteur du
li\Te que nous venons de lire a cherché à fc mener à la catégorie de principes
scientifiques les vérités capitales de la théologie chrétienne, à renouer
l'harmonie entre le vieux christianisme et la civilisation moderne, à re-
mettre en honneur les notions traditionnelles de la famille, du mariage,
de la propriété, du droit et de la liberté. Ce n'est pas du socialisme chré-
tien, mais la théorie chrétienne exposée, suivant le dogme et l'Évangile,
pour éclairer les masses et diriger les efforts de ceux qui veulent de bonne
foi résoudre. le terrible problème actuel. Les éternelles vérités que rapp'^Ue
M. Quinones ne doivent être oubliées de personne; le progrès des sciences
ne les a point affaiblies, et tout travail est condamné à rester stérile, si l'on
fait abstraction des devoirs qui nous lient à Dieu et à son Église, sous le
spécieux prétexte de faire prévaloir des droits contestés, sinon contestables.
G. Bernard.
■utei-nacloiia matematikal lexiko en Ido, germsinn, ungla, fi-anoa
e iialiana, par Louis Couturat. léna, Fischer, 1910, iu-4 de ii-36 pages. —
Prix : 1 fr. 80.
Ce dictionna,ire contient environ 1200 termes usités en mathématique.
Dans une première partie, disposée» en cinq colonnes par page, les mots
classés par ordre alphabétique en ido sont accompagnés de leur t ^aduction
en allemand, anglais, français et italien. Pour la formation des mots en
ido, I\L Couturat a pris l'avis de tous les pontifes de cette nouvelle langue;
pour le choix des mots et pour leur équivalence franco-all*^mand<^ il a eu
recours à l'excellent lexique de Félix Mùller; pour les traductions anglaises
et italiennes, il s'est adressé à des spécialistes dont la compétence est
indiscutable. Dans une seconde partie, les mots des quatre langues vi—
— 166 —
vantes considérées sont claasés par ordre alphabétique, sans distinction de
langue; toutefois, les mots qui ne diflennt d"; F i do que par la terminaison
grammaticale ont été intentioruxt^lL-ment omis. Espérantiste peu pratiquant
et pas du tout militant, ni.us ne pavLrons pas d î l'influence que peut avoir
ce lexique pour la propagation d? l'Ido. Mtis, par contn-, nous insisterons
sur les immenses services qu'il peut rcnd't'e aux mathématiciens d'une
des quatre langues vivant^^s d'>nt il donn? les équivalents. Ce volume
remplace doiize kxiques différents et, grâce à son heureuse disposition, il
permet d> trouver rapidement la tr?dj'ctif>n d'un mot d'une des langues
dans une quiconque d^s trois autres. Nous souhaitons donc un très vif
succès à cet ouvrage; nous voudrions qu'il soit tel qu^, prochainement, une
édition plus complète paraisse; nous préférerions la voir publier dans un
format plus commode : \m manuel dans le genre des VHustrierte tecknische
W ôrter bûcher i>nïy\iés par von Oldenbourg (Munich) serait la perfection.
E. Chaii.an.
On ttaa Hfstory of the Ballads ( 1 1 OO-l STOU), by W. P. Kbb. London^
Troude, s. d., in-8 de 26 p. — Prix : 1 fr. 8o.
« Poème à la fois lyrique et narratif, d'origine populaira ou coulé d.tns le
moule de la poésie populaire, fait de plus pour circuler moralement parm
tout un groupe d'hommss, « c'est ainsi que M. Ker définit la ballade par
oppo'^ition au conte populaire d'une part, à la poésie purement lyrique, de
l'autre. La ballade ainsi comprise forme un genre littéraire qui fut long-
temps florissant, mai? dont l'histoire est ob.cure. Voici les principales
questions relatives à ce genre que touche M. Ker dans le court mémoire
qu'il a lu à l'Académi? britannique.
1° Domaine (dans les pays de langue romane ou germanique, les seuls
dont s'occupe l'auteur). La ballade se trouve partout, sauf dans l'Italie au
sud des Apennins ; en Castille, les romances sont uae producMon particu-
lière et distincte. 2^ Parenté entre les ballades des dii'férents pays : la
France du nord, le Languedoc, le Piémont, la Catalogne, auxquels peuvent
se rattacher encore le Portugal et, en partie seulement, l'Espagne; dans
les pays germaniques, trois groupes, anglai;, danois (qui comprer d les au-
tres pays Scandinaves), allemand ; le group3 danois trahit une influence
française. 3° Date : sauf de rares exceptions, nos textes ne remontent qu'au
xv^ ou même au xvi^ siècle; une antiquité bien plus grande se laisse supposer
par des vestiges de rédaction antérieures ou par le lien apparent entre
certaines bal'ades et tel ou tel événement historique; la démonstration de
cette antiquité, très difficile à faire, paraît suffisante pour certaines balla-
des danoises ; les premières ballades dïîivent appartenir à la fin du xi^ siè-
cle et au commenC'^ment du xii^ ;leur forme métrique n'est certainement
pas antérieure, au moins dans Ir-s pays de langue germanique, mais certains
thèmes ou motifs proviennent d'une littérature ou d'une tradition plus
anciennes. 4° Origine : les ballades, au moins dans les pays Scandinaves et
en Espagne, ne sont pas nées dans les classes tout à fait illettrées, mais ont
été compo-ées pour des gens d'une certaine culture; elles ne semblent pas,
sauf en Espagne, dériver d'une poésie épique ou narrative plus ancienne
dont elles seraient pour ainsi dire des fragments; elles constituent une forme
poétique particulière qui se distingue par le mélange de narration et de
lyrisme, par la concision, par l'unité d'intérêt, par la note ordinairement
tragique. A travers ce résumé, on apercevra peut-être tout ce qu'en vingt-
six pages a su condenser de matière l'un des hommes d'Europe qui connais-
sent le mieuK la littérature du moyen âge. A. B.vubea.u.
— 167 — ,
•^.'Italie dailâ qnclques ;,pnblleatlon!» da Jésuites rruiiçal», par
Gabr[Bl Mauqain. Paris, Champion, 1910, gr. iu-8de62 p.— Prix: 1 f;. 50.
Cette brochure e?t con>acré3 aux doctrin3î littéraires de Rapin et Bon-
heurs, à leurs appréciations sévèt'es sur les hommas et les choses d'Italie,
au Journal de Trévoux et à ses jugements malveillants sur tout ce qui
touche à la péninsule, — le Vatican et les jésuites exceptés. M. Maugain a
rattaché ce sujet, d'intérêt médiocre, à l'histoire littéraire générale, en y
voyant un épisode de la revirade qui se produit en France entre la géné-
ration italophile de Ménage, Chapelain, La Fontaine, M"»^^ de Sévigné et
de La P"'ayett3 et la génération plus exclusivement française de Boileau,
Adrien Baillet, ttc : chose bizarre, cet éloignement de l'italianisme se produit
au fort de la querelle des anciens et des modernes; ce sont les jésuites qui,
au milieu des horreurs de la Bulle, comme dira Voltaire, se déchaînent
contre les ultramontains. On ne voit pas que M, Maugain ait essayé d'ex-
pliquer ce qu'il y a au premier abord de déconcertant dans ces anachronis-
mes ; il montre que les attaques contre l'Italie furent si vives dans ce petit
clan qu'elles provoquèrent une renaissance de la critique en Italie, par la
création d'une gazette de défense fondée à Venise par Apostolo Zeno,
Scipion Maffei, Vallisnieri, le Giomale de' Letterati d Ilalla : peut-être au-
rait-il pu insister davantage sur les circonstances de cette fondation et
le caractère national du giomale, un des premiers et lointains précurseurs,
presque insconscients du reste, de l'esprit patriotique et unitaire. L'auteur
essaye de montrer les causes de cette autorité accordée par les Italiens du
Settecento à ces deux grammairien-, si parfaitement oubliés de nos jour=, et
montre que les Italiens ont eu raison de voir en eux des adversaires bien
armés et puissants de leur influence littéraire. L'épisode n'a d'ailleurs, en
somme, qu'une bien minime importance. L'étude est soigneusement faite,
méthodique, patiente, bien documentée. L.-G. Pélissibh.
tJne) I»ériotlo électorale ù. ï^oîtiers en 1 rSO, par H. COUTURIBR,
Poitiers, imp. Biais et Roy, 1911, in-8 fie 101 p. — Prix : 1 fr. 25. ._
C'est ajout:T un chapitre nouveau à l'histoire qu'avait écrite, il y a
deux ans, l'auteur sur la Préparation des Etats généraux de 1789 en Poitou,
que de nous donner des détails relatifs à ce qui s'est passé à Poitiers même
pour les élections dans l'hiver d? 1789, quand deux mille électeurs
se pressèrent d-ius la ville pendant deux mois. Il est curisuxde voir la diffé-
rence d'esprit d'^s trois ordres : intransigeante sur ses prérogatives hono-
rifique •■■, la noblesse se prête à des sacrifices pécuniaires en faveur de l'État,
et s'occupe volonti?r3 du sort du peuple; dans le clergé, autour des dsux
évêques de Poitiers et de Luçon, les membres les plus respectables par-
tagent ces sentiments avec la crainte des nouveauté^; une minorité do
jeunes prêtres turbulents ou de petits curés de paroisses rurales étalent
sans vergogne leur ambition toute personnelle et de la façon la plus irres-
pectueuse poui" les autorités ecclé.-iastiqu?s. Dans le tin's état, les ma-
giitrats et avocats de Poitiers veulent conserver les coutumes et éviter
des bouleversements soc'aux que réclament au contraire avec beaucoup
de véhémence et d'impmdence la grande majorité des membres du tiers.
Ces derniers semblent bi^n satisfaire leurs jalousies sociales sous
prétexte du bien général. Dans tout cela, il règne beaucoup de désordre
et de passion.
M. Couturier laisse parler les faits qu'il recueille et expose sans commen-
— 168 —
taire; le tabloau n'en est que plus frappant et cette histoire poitevine a dû
être celle de la plupart de nos provinces au dékut de la Révolution. G.
Soiivonlrci, lnipr'<>sslc ns et réflexions cL'iid vlenx l>onapai>tl»te,
exlr;iits des Mémoires iifdils d'un paysan, par Arsène Thkvenot. Arcis-
sur-Aube, Gradassi-Royer, s. d., in-16 de 69 p. — Prix : 0 fr. 50.
L'auteur a été f.ous l'Empire inï^titutcur puis vérificateur d'^s poids et
mesures dans l'Aube. En 1870, il a vaillamment combattu comme franc-
tireur et, après une injuste révocation, il s'est fait journaliste et son dernier
emploi en cette qualité a été celui de directeur du Vosgien, journal conser-
vateur et catholique d'Épinal. C'est un bonapartiste d'une fidélité tou-
chante et noblement désintéressée. Cet opuscul<- contient quelques souvenirs
personnels, des louanges et une justification plus sentimentale que
documentée de Napoléon III et de sa politique, enfin quelques pièces de
vers dont la dernière est un épithalame r,ur le mariage du prince Victor
Napoléon avec la princesse Clémentine de Belgique. La conclusion que le
lecteur en tirera est que l'auteur est un vieillard ardemment patriote et
extrêmement sympathique. Mais il ne us pei'mettra d'ajouter que ses
déductions politiques n'ont rien de rigoureux. Eugène Godefroy.
KIsâssisclie %'ei-ras8un^e-und Vei-AvultuiigSwunsclic Im lS.Iahr>
bandent, les Pieux Désirs d'un Alsacien, publié par ErnST HaUVIL-
LHR. Metz, Scriba, 1911, in-8 de 71 p/'-
Voilà une brochure qui fit à son apparition un certain bruit en Alsace-
Lorraine. C'est un mémoire dû à un auteur anonyme du xviii® siècle, reven-
diquant pour l'Alsace une nouvelle constitution afin qu'elle ne soit plus
traitée en province réputée étrangère. Trouvé aux Archives nationales à
Paris, par le directeur des archives de la Lorraine,]M. Hauvill r, ce document
fut publié par lui er 1910 dans le Bulletin de la Société lorraine d'histoire
et d'archéologie de Metz. 11 fut présenté à l'empereur Guillaume II qui le
trouva très intéressant, ordonna sa publication en tiré à part et recommanda
de le répandre à profusion. C'est que le mémoi^'e en question était d'une
haute actualité, au moment où l'on discutait la nouvelle constitution
d'Alsace-Lorraine. 11 est curieux de constater combien cette nouvelle
constitution se rapproche de celle que demandait l'anonyme auteur du
mémoire, au xviii.e siècle. C'est dire combien le régime nouveau, par lequel
l'Alsace-Lorraine va être gouvernée, répond peu aux idées modernes. La
lecture du mémoire publié par M. Hauviller est donc d'un grand intérêt,
mais le commentaire de 27 pages dont il a cru devoir le faire précéder
montre comment on peut faire dire à "un document tout autre chose que
ce qu'il exprime. \. G^
Ames inconnues, par JEAN DE LA Brète. Paris, Plon-Nourrit, in-16 de
Ln-120 p. — Prix : 1 fr. 50.
Ce petit volume du délicat auteur qu'est l'auteur de Mon Oncle et mon
curé, fait honneur à son talent et à son cœur. Avec les Notes intimes d'un
séminariste, l'auteur a, non pas conté la vie humble et cachée d'un sémi-
nariste qu'une mort prématurée n'a pas permis de se faire connaître au
monde, mais il nous découvre le fond de son âme, une âme qui n'a fait
que grandir d'année en année, jusqu'au moment où Dieu est venu la
— 169 ~
cueillir pour son paradis. Auguste Merlet était né en 1887, il est mort en
mars 1909, avant d'avoir accompli sa vingt-troisième année, et son
Journal intime laisse l'impression d'un esprit distingué mais plus encore d'une
très belle âme, parvenue de bonne heure à la maturité, et que le milieu
chrétien où il a passé toute sa vie si courte n'a connue que pour deviner
les espérances qui se pouvaient fonder sur elle. Belle fleur, qui n'a pu
donner ses fruits, et qui est allée s'épanouir au ciel, dans toute sa fraîcheur
et son éclat. Livre à proposer aux méditations des jeunes chrétiens, prin-
cipalement à C9UX qui s^^ préparent à l'honneur et aux labeurs du sacer-
doce. Ils y trouveront profit pour leur âme, rien n'étant contagieux comme
le voisinf.go de si rares et si hautes vertus. Quant à ceux qui ne connaissent
pas le prêtre, je voudrais qu'ils lussent aussi ce livre pou se rendre compta
de la vigilance éclairée qui préside ri la préparation des âmes sacerdotales
et de.*^ admirables vertus int:ïllectuelles et morales que l'éducation cléri-
cale sait faire fleurir dans les âmes. Ils n'y trouveraient pas la foi peut-
être, qui est un fruit de la grâce, mais ils sentiraient naître dans leur âme,
pour ces frères inconnus, une estime intellectuelle et morale préparatoire
de jug3ments plus équitables et des pacifications récefsaires de l'avenir.
Je rec(jmmande chaudement ce petit livre, qui présente vraiment un très
grand intérêt. P. Ta «.on. 5,^^
CHRONIQUE
Nécrologie. — Le docteur Paul Topinard, l'illustre anthropologiste,
est mort à Paris, le 20 décemb-'e, à 82 ans. Né à l'Isle-Adam (Seine-et-
Oise), le 4 novembre 1880, il alla passer les premières années de sa jeu-
nesse en pleine nature sauvage aux États-Unis, où son père s'était fait
pionnier dans le Delaware. Après avoir fait ses premières études à la Nou-
velle-Orléans, il revint en France pour suivre les cours de médecine. Reçu
interne des hôpitaux puis docteur en 1869, il se fixa à Paris où il exerça
jusqu'en 1871. Mais à cette date, sous l'influence de son maître Broca, il
renonça à la médecine pour se livrer à l'étid-:^ de l'anthropologie. Grâce
à ce dernier, il fut nommé conservateur d' s collections de la Société d'an-
thropologi , puis directeur adjoint du laboratoire de l'École des hautes
études. En 1876, il devint professeur à l'École d'anthropologie qui venait
d'être fondée et, en 1880, à la mort de Broca, il le remplaça comme secré-
taire général de la Société d'anthropologie et il prit en même temps la
direction de la, Revue d'anthropologie. On ne doit au D' Topinard que deux
ouvrages de médecine : Aperçu sur la chirurgie anglaise (Paris, 1860, in-8)
et De VAtaxie locomotrice progressive (Paris, U65, in-8), volume couronné
par l'Académie de médecine. Mais ses travaux relatifs à l'ethnographie
et àl'anthoropologie sont nombreux et des plus importants. Le- principaux
publiés en volumes, sont : Études sur les races indigènes de V Australie
(Paris, 1872, in-8); — U Anthropologie (Paris, 1876, in-8, ouvrage cou-
ronné par l'Académie de «médecine et par l'Institut et qui, devenu clas-
sique, a été traduit dens plusieurs langues; — Étude sur la taille considérée
suivant Vâge, le sexe, l'individu, les milieux et les races (Paris, 1865, in-8); — ■
Des Anomalies de nombre de la colonne vertébrale chez Vhomme (Pai'is, 1877,
in-8); — Éléments d'anthropologie générale (Paris, 1885, gT. in-8), ouvrage
également récompensé par l'Institut; — L'Homme dans Za namre (Paris,)
1891, in-8);- — Science et foi. L'Anthropologie et la science sociale (Paris, 1900,
in-8).
— 170 —
— Le docteur Manuel Leven, dont la ca^'rière scientifique a été des
plus brillantes, est mort à Paris au commencement de janvier, à 81 ans.
iS'é en 1831, il était entré àTIn-stitut agronomiqu,^ dt Versailles. Mais, lorsque
•cet établi '.sèment fut supprimé en 1852, il sotourni du côté do la médecine.
Interne d:>s hôpitaux en 1856, il fut successivement médecin do la Com-
pagni ? du chemin de fer du Nord, puis médecin en chef de l'hôpital Roth-
schild. C'est dans ce dernier établissement qu'il se livra à ces recherches
sur bs maladies de l'estomac qui ont établi sa réputation sci':'ntifiqur'. Les
principaux ouvrages qu'il a composé>'. sont : Traité des maladies de V esto-
mac (Paris, 1879, in-8); — Estomac et cerveau (Paria, 1884, in-8); • — La
Névrose (Paris, 1887, in-8); — Système nerveux et maladies fPa^is, 1893,
in-8); — La Vie, Vâme et la m.aladie (Paris, 1903, in-8); — Mémoire sur le
cervelet (Paris, 1904, in-8), avec Luys et Ollivier; — Traité de philoso-
phie médicale, œuvre restée inachevée.
— M. Alexandre-Charles- Auguste Bisson, l'auteur dramatique si sou-
vent applaudi, est mort à Paris, le 27 janvier, à l'âge d^ 63 ans. Né à Briouze
(Orne), le 9 août 1848, il vint à Paris en 1869 et entra comme rédacteur
au ministère de l'instruction publique; mais il ne tarda pas à donner sa
■démission pour se consacrer entièrement à la carrière dramatique et à la
littérature musicale. Depuis lors, il fit'représenter sur diverses scènes toute
une série de vaudevilles, opérettes et comédies, dont plusieurs obtinrent
un vif succès, entre autres : Quatre coups de canif (Folies-Marigny, 1873);
— Le Chevalier Baptiste (Gymnase, 1872), avec André Sylvane; — Le
Vignoble de M^^e pichois (Théâtre Scribe, 1874), avec le même; — Un
Voyage d'agrément (Vaudeville, 1881), avec M. Gondinet; — Un Lycée de
jeunes filles (Théâtre Cluny, 1881); — 115, rue Pigalle{C\nny, 1882); —
Ninette (Renaissance, 1882), avec Alfred Hennequin; - — Le Député de
Bombignac (Théâtre-Français, 1884);- — LeCupidon (Palais-Royal, 1884);
— Le Moûtier de Saint- Guignolet (Galeries Saint-Hubert, à Bruxelles,
1885); — Une Mission délicate (R.ona';;sance, 1886); — Un Conseil judi-
ciaire (Vaudeville, 1882); — Ma Gouvernante (Renaissance, 1887); — Le
Boi Koko (Renaissance, 1887); — Les Surprises du divorce (Vaudeville,
1888), avec Antonv Mars, une des meilleures pièces de l'auteur; — Feu
Toupinel (Vaudeville, 1890); — Le Sanglier (1890); — Les Joies de la
paternité (Paris, 1891, in-12); — La Terre-Neuve (Paris, 4897, in-12); —
Le Contrôleur des wagons-lits (Pari",, 1898, in-12); — Le Bon Juge (Paria,
1901, in-12); — Les Apaches (Paris, 1904, in-12); — Les Trois Anabap-
tistes (Paris, i904, in-i2). Très au courant de la théorie musicale, M. Ale-
xandre Bisson a collaboré en outre aux ouvrages siuivants de M. Théo-
dore de Lajarte : Grammaire de la musique (Paris, 1879, m-8); — Petit
Traité de composition musicale (Paris, 1881, in-8); — Petite Encyclopédie
musicale (Pari:, 1881-1883, 2 vol. in-8).
— L'archéologie a fait une perte son .ible en la personne d ^ M. Anthyme
Saint-Pal L, un de ces infatigables travailleurs di la province dont les
travaux honorent tant l'érudition française. Né à Montre jeau (Haute-
Garonn-), il est mort en novembre, à 69 an>. En outre d-s nombreux
articles qu'il a d'innés à diverses revues savantes telles que le Bulletin
monumental et la Revue de l'art chrétien, M. Anthyme Saint-Paul a publié
les ouvrag.-s suivants fort estimé; : Le Présent et l'avenir de Varchitecture
chrétienne (Paris, 1876, in-8); — De la Position et de la forme des clocliers
(Arras, 1878,1882, 2 brcKïh. in-8); — L'Année archéologique. Calendrier
archéologique. Centenaires (Paris, 1880, in-8); — Annuaire de l'archéoogue
jrançais (Paris, 1877-1879, 3 années seules parues); — Viollet-lc-Duc, ses
— 171 —
travaux d'art et son système archéologique (Paris, 1881, iB-8); — Le Cas de
la cathédrale de Reims (TOTU'S, 1881, gr. in-8) ; — Notes sur V architecture dans
le Comminges du iii^ au xv^ siècle (Paris, 1887, in-8); — Du Célibat au^
mariage. Lettre à M. Vabhé Bolo, auteur du livre intitulé « Du Mariage et
du dii'orce )y (Paris, 1891, in-12); — L'Archéologie du moyen âge et ses mé-
thodes (Paris, 1904, in-5); — Architecture et catholicisme. La Puissance
créatrice du génie français et chrétien dans- la formation des styles au moyen
âge (Paris, 1905, in-1 6) ; — Histoire monumentale de la Franc? (Paris, 1911,
gr. in-8).
• — Le Dr. Félix Dahn, jtirist \ historien, romancier et dramaturge alle-
mand, qui jouissait d'une grande notoriété au-d 'là du Rhin, est mort à
Breslau, le 3 janvier, à 78 ans. Né à Hambourg le 9 février 1884, il fit ses
étrdîS à Munich et s\iivit ensuite î^s cours d^ droit à Berlin. Nommé pro-
fesseur à rUnivur;-.ité de Wurt>bourg en 1863, il fut chargé, en 1872, d'en-
seigner le droit ail 'mand et la philosophie du droit à l'Université de Kœ-
nigsborg et, un peu plus tard, il alla occuper une chaire semblable à l'Uni-
versité de Breslau. L'œuvre d^ M. Dahn est considérable et surtout fort
variée. Au domaine du droit et d:) l'histoire apparti- nn^ nt les volumes
suivants : Die Kœnige der Gcrmanen (Wurtzbourg, 1^61-1871, 6 vol. in-8);
— Procopius von Caesarea (Berlin, 1865, in-8); — Westgotische Studien
(Wurtzbourg, 1874, in-8); — Handelsrechtlige Vortraege (Leipzig, 1875,
in-8);] — Das deutsche bûrgerliche Recht der Gegenwart (Nœii'dling?n, 1876,
in-8); — Grundriss des deutschen Privatrechts (Leipzig, 1878, in-8); — Lon-
gobardische Studien, Paulus Diaconus, etc. (Leipzig, 1876, in-8); — • Die
Vernunft im Recht (Berlin, 1879, in-8); • — • Rechtsphilosophische Studien
(Berlin, 1883, in-8); — IJrgeschichte der germaniscken und rnmanischen
Voelker (Berlin, 1881-1883, 3 vol. in-8), etc. Mais la g/ande réputatio'n
•d'écrivain que M. Félix Dahn s'et'.t acquise, il la doit phn encore à s. s ouvrages
•d'imagination, surtout à ses romans historiques, qui ont bcai.e >up contri-
bué au développement du roman moderne. Pa;rmi ces travaux littéraires
nous citerons : Harald und Theano (Berlin, 1856, in-8); — Gerfsc/ue (Berlin,
1857, et Stuttgart, 1872, in-8); — Zwodf Balladen (Leipzig, 1874, in-8) ;
- — • Ein Kampf um Rom (Leipzig, 1876, in-8), plusieurs fois réimprimé ; —
Odhins Trost (Leipzig, 1880, in-8), etc. Enfin, comme auteur dramatique,
;1 a donné un certain nombre de tragédies et de comédies, notamment :
Der King Roderich (1874 et 1876) ; — Deutsche Treue (1875) ; — Staatskunst
der Frauen (iSTJ); — SUhne (Leipzig, 1880), etc. Enfin il est l'auteur
des libretti de quelques opéras, tels que : Armin;' Der Schmied von Gretna
Green; Der Fremde, etc.
— M. Hi'go LuBLiNER, l'auteur dramatique allemand bien connu, qui
est mort à Berlin, le 19 décembre à 66 ans, était né à Breslau, le 22 avril
1846. Après avoir fsit ses études à l'École des arts et méti -rs de Berlin,
il divint le directeur d'vn) manufacture d? ti.sus. Mai'isesaptit- d spour
la littérature théâtrale le poussèrent bi jntôt à renoncer à l'industrie, et,
après quelques essais qui passèrent inaperçus, il attira sur lui l'attention
par Isa comédi • Frauenadvocat (1873). Dès lors, '1 d')r.n\ un certain nombre
de d''ameo, d congédies et d^ tragédies, soit sous son nom, soit soiis le pseu-
den me d^^ H go Burg^r, tantôt seul, tantôt en collaboration, entre centres :
Gabrielle (1878); —Die Frau ohne Geist (1879); — Gold und Eisen (1881);
— • Frau Suzanne (1885); — Armen Reichen 1886); — Die Frau von neun-
zehn Jahren (1887); — Der Name (1888); — Im S pie gel (1890); — Der
Kommende Tag (1891). M. Lubliner a publié également quelques ouvrages
sur d s sujets divers ainsi que d s romans, entre autres : Berlin im Kai-
— 172 —
serreich (Berlin, 18cS6, 2 vol. in-8) et Frau Schubds Tochter (Berlin, 1905,
in-8).
• — L'Italie vient de perdre un de ses poètes les plus tn vue. M. Mario Rapi-
SARDi, professeur do littérature italienne à l'Université do Catane (Sicile),
est mort au commencement de janvier, à 68 ans, dans cette ville, où il était
né le 65 fé\'ri3r 1832. Partisan enthousiaste d'un humanitarisme basé
sur des aspirations n'ayant ri n d ; commun avec l'idéal chréti. n, M. Rapi-
sardi avait consacré aux revendications sociales de notre époque tout son
taknt, servi par un style passionné, parfois exagéré et violent. Il a
abordé avec vne égale habileté l'élégie, la satire, le drame et l'épopée
sociale. Cette œuvre nous montre le poète passant par toutes les phases
de l'emportement pour arriver finalement aux derniers jours de sa vie à
une sorte d; calme bovddhique, produit de la désillusion et de rêves non
réalisés. Voici la liste de ses principales publications : Canti (1863); —
Per il centenario di Dante (1865); — Ricordanze (1872); — Lucifero : poema
(1877);— Al Re : ode (1879); — // nuevo Concetto scienUfico (1879);)— La
Natura, libro VI di Lucrezio (1879); — // Marzo : ode (1882); — Giusti-
zia : versi (1883) ; — Giobbe : trilogia (1884) ; — Poésie religiose (1889-1895) ;
— Versi scelti e riveduti (1888); — La Poésie di Catullo interamente tra-
dotte (1889) ; — Elégie (1889) ; — Per Nino Rixio, ode (1890) ; — Empedocle
ed altri versi (1892); — // Prometeo di ShelUy tradotto (1892); — U Atlan-
tide, poema (1894); — Le Odi di Orazio, tradotte (1897); — Un Santuario
domestico., comedia (1897); — VAsceta ed altri versi (i9(i2].
— M. Gustave de Molinari, le célèbre économiste belge, est mort le
28 janvier à la Parme, petite ville du littoral de la Belgique, à l'âge de
93 ans. Fils du baron Philippe de Molinari, ancien officier de l'Empire,
il naquit à Liège, le 3 mars 1819. 11 se fixa d'abord à Bruxelles où il exerça
la mideeine homœopathique et composa quelques traités relatifs à son
art; mais pci d ■ temps après il vint à Paris où il écrivit dans divers jour-
aux de l'opposition. Obligé de rentrer .n Belgique au coup d'État du
2 d'ic-mbre, il fut nommé professeur d'économie politique au Musée de
l'ind istrie à Bruxelles et devint directeur de l' Economiste belge. Là, comme,
(n France, il se fit une réputation d'économiste d s plus remarquables.
Le 28 mars 1874, il fut élu membre corre.spondanl d^ l'Académie des sciences
morales et politiques. M. Gustave de Molinari a été un zélé collaborateur
non seulement de V Économiste belge et de la Bourse du travail , journaux
belges qu'il avait fondés avec son frère M. Eugène de Molinai'i, avocats
mais encore des périodiques français la Patrie, le Libre- échange, le Courrier
français, la Revue nouvelle, le Commerce, le Journal des économistes, le.
Débats, etc. Parmi les nombreux ouvrages qu'il a publiés, nous citerons :
Des Moyens d'améliorer le sort des classes laborieuses (Paris, 1844); —
Etudes économiques (1846, in-16); — Histoire du tarif, les fers et les houilles,
les céréales (Paris, 1847, in-8) ; — Les Soirées de la rue Saint-Lazare (Paris,
1849, :n-8); — Les Révolutions et le despotisme [Bru^ellefi, 1852); — Cours
d'économie politique: De la Production et de la distribution des richesses
(Paris, 1855, et 1864); — Conversations familières sur le commerce des grains
(Paris, 18.^6 et 2^ édit. 1886, in-l6); — J5e l'Enseignement obligatoire (Paris,
1859); — Lettres sur la Russie (Paris, 1S61 et 2^ tdit. 1877, in-18); —
Napoléon III publiciste (Paris, 1861, in-18); — Questions d'économie poli-
tique et de droit public (Paris, 1861, 2 vol. in-8); — Le Congrès européen.
(Paris, 1864, in-8); — Galerie des financiers belges (1866, in-18); — Les
Clubs rouges pendant le st^ge (Paris, 1871, in-18); — Le Mouvement socia-
liste avant la révolution du 4 septembre 1870 (Paris, 1871, in-18); — La
— 173 —
République tempérée (Paris, 1873, in-8); — Lettres sur les Etats-Unis et
le Canada (Paî'is, 1876, in-18); — La Rue des Nations à V Exposition uni-
verselle de 1878 (Pa^is, 1878, in-18); — U É^'olution économique au xix®-
siècle (Paris, 1880, in-3); — U Irlande, le Canada, Jersey (Pavis, 1881,
in-18); — L' Éi'olution politique et la Révolution (Pari?, 1884, in-8); — Au
Canada et aux Montagnes-Rocheuses, en Russie, en Corse et à l'Exposition
universelle d'Anvers (1885, in-18); — Les Lois naturelles de l'économie poli-
tique (Paî'is, 1887, in-18); — A Panama, l'Isthme, la Martinique, Haïti
(Paris, 1887, in-18); — La Morale économique (Pa^is, 1888, in-8); — No-
tions fondamentales d'économie politique et programme économique (Paris,
1891, in-8), etc. M. do Molinari a donné en outre une nouvelb édition de
VEssai sur le principe de la population, de Malthus (Pavi-;, 1889, in-8).
— On annonce encore la mort d ' MM. : Le D"" Joaquin Albarran, d'ori-
gine cubaine, chirurgien d > l'hôpital Necker, professeur de clinique uro-
logiquc à la Faculté d méd ;cine de Paris, mort au comm nomment de
janvier, lequel est l'auteur de travaux fort estimés relatifs surtout à l'uro-
logie et à la médecin^ opératoire tels que : Étude sur le rein des urinaires
(Paris,''l{^89, in-8), thèse; Les Tumeurs de la vessie (Paris, 1892, gr. in-8);
Les Tumeurs du rein (Paris, 1903, g.', in-8) et Exploration des jonctions
rénales, Etude médico-chirurgicale (Paris, 1905, gi". in-8) ; — Albert Blass,
poète, collaborateur du journal les Gaudes, de Besançon, qui laisse un
important ouvTage : Les Oiseaux du chasseur (2 vol. in-8), mort à Ray
(Haute-Saône), le 2 jan\'ier, à l'âge de 6'* ans; — le chanoine Bonnaure,
supérieur du grand séminaire du diocèse de Viviers, mort au milieu de jan-
vier, à 55 ans; — Stéphane Borel, poète chansonnier lyonnais, auteur
d'un grand nombre d'œuvTes populaires, telles que La Voix des chênes, le
Credo du paysan, etc., mort au milieu de janvier; — le comte Bernard-
Hippolyte-Marie d'Harcourt, le distingué diplomate, mort au com-
mencement de janvier, à 90 ans, lequel avait joué un rôle très important
comme ambassadeur à Mad"id, à Rome et à Londres et à qui l'on doit un
ouvrage estimé : Diplomatie et diplomates. Les quatre Ministères de M.
Drouyn de Lhuys (Paris, 1882, in-S); — A. Hougueret, professeur hono-
raire au lycée Condorcet et à l'Ecole normale supérieure, mort à Paris,
au commencement de janvier, à 66 ans; — Victor Lecoffre, l'éditeur
parisien si avantageusement connu, mort le 28 janvier, à 78 ans; — l'abbé
MusTEL, ancien directeur d^ la Revue catholique, mort d 'rnièrement à
Avranches, à 77 ans; — • Paul Pattinger, qui a publié dans le journal la
Dépêche, d^ Besançon, di erses nouvelles et des étud.s sur l'Allemagne
du sud, a donné aussi, sous le pseudonyme d? Pierre Damour, plusieurs
contes intéressants, dans la revue les Gaudes, et s'est occupé de recherches
sur les patois d) Franche- Comté, mort à Belfort, le 23 décembre dernier,
dans sa 44^ année; — Léon Quid'beuf, directeur de l'École libre Notre-
Dame de Sainte-Croix au Mans, lequel avait débuté dans le journalisme
sous la direction de Louis Veuillot, mort au Mans, au commencement de
janvier, à 78 ans; — Rodolphe Radau, physicien et astronome, membre
de l'Institut, ancien .secrétaire de la rédaction de la Revue des Deux Mon-
des, mort à Paris, à la fin de décembre, lequel a écrit de nombreux
ouvrages de vulgavisation, notamment : L' Acoustique, ou les phénomènes du
son (Paris, 1867, \n-i2); Les Derniers Progrès de la science (Pai*is, 1868,
in-12) et le Magnétisme (Paris, 1875, in-12); — Reynaud, ancien professeur
de littérature latine à la Faculté des lettres de Montpellier et ancien
professeur de rhétorique supérieure au lycée Michelet à Paris, mort au
au commencement de janvier ; — le comte Louis de Romain, com-
— 174 —
posiU-ur ot critique musical, fondateur d'S concerts populaires d' Angers,,
mort à l'Vibourg (Suisse), à la fin d-^ janvier; — Alphonse Serré-Guino,
ancien examinateur d'admission à l'École militaire de. Saint-Cyr, pro-
fesseur honoraire à l'École normale sui>éricure de Sèvres, mort au milieu
d^^ janvier; — Léon Tendron, architecte, qui, ayant collaboré au journal
l'Expert, a écrit des études comparées sur la Jurisprudence de V architecture
et a publié un ouvrage estimé : De la Situation de l'architecture en province,
mort à Angers, le 15 novembre 1911, à l'âge de 64 ans; — Just Tripard,
auteur d* divers travaux historiques dont le plus important a pour titre :
Notices sur la ville et des communes du canton de Salins, suivies de biogra-
phies saiinoises (Besançon et Salins, 1881, in-8), mort à Besançon, lo 15
février.
— A l'étranger on annonce la mort d^ MM. : Baruete, le célèbre
peintre et critique d'art espagnol, historiographe de Velasquez, mort der-
nièrement;— Samuel Bieler. directeur d,^ l'Institut agvicole de Lausanne,
de 1887 à 1903, foudatour d3 la Chronique agricole, où il a publié de nom-
breux articles très appréciés, mort à Laxisann^, le 5 octobre dv-rnivr, à l'âge
de 85 ans; — D'' Heinrich Billeteti, professeur de thérapeutique den-
taire à l'Université suisse de Zurich, mort en cette ville, en janvier, à
78 ans; — Edoardo Calendra, peintre, romancier et" auteur drama-
tiqu<ntali:n, qui a publié, entre autres ouvrages, l'Ouragan (1898), Punition
(1899), diverses comédies et, en collaboration avec l'ingénieur Claudio
Calandra, une étude archéologique sur Une Nécropole barbaresque découverte
à Testofia (1890), mort à Turin le 29 octobre dernier, à l'âge de 70 ans; —
Arthur DE Claparède, géographe et historien suisse, mort à Genève, en
décembre; ■ — Dr. Max Conrat, ancien professeur de droit romain à l'Univer-
sité néei-land ise d'Amsterdam, mort à H(id Iberg (Allemagne), le 12
décembre, à 63 ans; — M™<^ Blacda Coron y, femme d' lettres allemande,
auteur de divers romans, morte en décembre, à Halle-sur-la-Saale, à 70 ans;
— le R. P. François-Xavier Durazzo, de la Compagnie dcJéius, mort
à Gên 'S, sa ville natal'\ à la fin de décembre, à 80 an"-, lequel s'est distin-
gué d .ns la presse catholique d? son pays comme une brillant polémiste
par d;' nombreux articles donnés à VEco d'Italia, au Caltolico militante et
au Cittadino, d' Gênes; — Théophile Durand, directeur du Jardin bota-
nique d^ l'État belge, membre de l'Académie royde de Belgique, mort
le 12 janvier, à l'âge de 56 ans; — le Rev. James Oswald Dykes, ministre
anglican, mort à Edimbourg au commencement de janvier, lequel s'était
fait connaître comme prédicateur éloquent et comme écrivain distingué
ayant publié : On the written Word (1868); Béatitudes of the Kingdom
(iSl 2); Abraham the Friend of God [iSll ) ; Laws of the Ten Words [188^),
etc.; — Francis Espinasse, écrivain anglais, mort à Londres en janvier,
à 89 ans, qui laisse, enti'e autres ouvrages : Life and Tune of François-^
Marie Arouet, calling himself Voltaire (Lond''es, 1866, in-8) et Lancashire
Worthies (Lond'es, 1877, in-8); — Hermann Friedrichs, poète alle-
mand, mort le 4 décembre, à Saint-Goar, à 58 ans; — John S. Gibb, écri-
,vain écossais, aiuteiu" d- : Notes on « Helenore )> by Alexander Ross, School-
master, Lochlee, 1699-1784, mort au milieu dj janvier; — Dr, Johannes
Hartmann, chanoine de la cathédrale d; Munster (Westphalic), profes-
seur d"; droit ecclésiastique-, mort tn décembre, à 83 ans; — Henri IIy-
mans, membre de l'Académie royale de Belgique, membre correspon-
dant d) l'Institut d ; France, conservateur en chff honoraire d; la Biblio-
thèque royale et profes-seur à l'Académie d'Anvers, mort à Bruxelles, en
féxTier; — Dr. Emil Joxas, éci'ivain allemand, passé au service du gou-
^ 175 —
vernim'-nt dmois, mort à Berlin, rn janvier, à 87 am, lequel a contribué^
largom' nt, par d^ nombreuses traductions, à faire connaître aux Alle-
mand-; la littérature d'S pays Scandinaves et a publié en outre divers
ouvrages ;;ur la Suèdi et la Norvège, notamment : Schweden und seine
Entwickelung in volkswirthschajtlichen und geistlichen Beziehung wâhrend
des letzten Jahrzents (Berlin, 1875, in-8); Reise und Skizzenbuch fUr Schwc'
den (Berlin, 1875, in-8); Illustrirtes Reise und Skizzenbuch fur Norwegen
(Berlin, 1876, in-8); — Thomas Knorr, éditeur allemand, mort le 13
décembre à Munich, à 60 ans; — Dr. Jean Kowalczyk, astronome polo-
nais, mort tn décembre, à Varsovie, à 78 ans; — Henry Labouchêre,
journaliste et écrivain anglais, fondateur du périodique Trwi/?, auteur de
Letters of a Besieged Résident (1870), mort à Flortnce, au milieu de jan-
vier, à 80 ans; — Dr. Otto Lies m an n, professeur de philosophie à l'Uni-
versité allemande d'Iéna, mort en cette ville, le 14 janvier, à 72 ans; — •
Dr. Wini List, bibliothécaire en chef de l'Université et d»^ la ville de Stras-
bourg, mort en cette ville, le 8 juin, à 56 ans; — Dr. Wilhelm Franz Loe-
BiscH, professeur de chimie médicinale à l'Université d'innsbruck (Tyrol),
mort en cette ville, le 9 janvier, à 72 ans; - — Sir Frederick Maurice, major-
général de l'armée anglaise, soldat accompli et écrivain militaire très estimé,
mort au milieu de janvier à 71 ans, auquel on doit : Popular History of
the Ashanti Carnpaign (Londres, 1874); Hostilities without Déclaration of
War, The Officiai History of the 1882 Carnpaign, The Officiai History of the
Boer War, etc; — Dr.Josef Ladi lav Pic, archéologue et slaviste tchèque,mort
à Prague, le 19 d3cembre; — Alexander Riach, journaliste écossais, qui,
après avoir appartenu à la rédaction du Scotsman d'abord, puis du Daily
Telegraph, fut pendant vingt-trois ans le directeur de Edinhurgh Eve-
ning Despatch, mort le 29 décembre, à Holytown, près de Glasgow; —
Dr. Gustav Salchow, professeur d3 droit romain et de droit civil à l'Uni-
versité allemande de Halle, mort en cette vill^, le 11 décembre, à 42 ans;
— • Dr. Bernhard Schuchardt, écrivain allemand, mort le 9 décembre,
à Gotha, à 88 ans; — Fri.drich ThEiL, philologue allemand, mort le
7 janvier, à Roirdi (Saxe), à 77 ans; — Ludwig Voltz', peintre et dessina-
teur bavarois, qui avait fourni les illustrations d'un certain nonibre
d'ouvrag''S, mort dîvnièrement à Munich, à 87 ans; - — M"*^ Rosamund
Marriott Watson, femme de lettres anglaise,- morte à la fin de décembre,
laquelle laisse plusieurs volumes d'^ poésies, d^s articles de critique artis-
tique insérés dans VAcademy, et quelqu.es ouvrages sur des questions d'art,
tels que: The Art of the House et The Connaisseur o'cr ces; — LvdA^igW'ECHS
ler, écrivain hongrois, mort à Bidapest en janvier, à 51 ans; — Herber-
Ed.vin Clarke, poète anglais, mort à L( ndres, au milieu de janvier, dont
les œuvres, notamment : Songs in Exile and olher Poents (L( nd'es, 1879,
in-8) et Storm Drift : Poems and Sonnets (Londres, 1882, in-8) (nt obtenu
un légitime succès; — le comte Albrecht von Wickenburg, écrivain
autrichien, mort à Yicnn?, le 17 décembre, .à 73 ans, lequel est l'auteur
d; : Eigenes und Fremdes. Gedichte (Vienne, 1874, in-16); Ollanta. Per-
uanisches Original Drama aus der Inca-Zeit (Vienne, 1876, in-8, etc.; —
Dr. Fran^- von Winckel, professeur d? gynécologie et d'accouchement
à l'Université allemande de Munich, mort en cette ville, lel*^"^ janvier, à
75 ans; — N. N. Zlatovratsky, romancier russe, mort le 23 décembre,
dont les romans fort bien écrits : La Vie de tous les fours au village; Cœurs
d'or ; Fondations, etc., s'adressaient surtout aux paysans et avaient pour
but dî les moraliser.
— 176 —
Lectures faites a l'Académie des inscriptions -et belles-lettres.
— Le 5 janvier, le P. Scheil décrit les formules dont se servaient les Baby-
loniens poxir désigner les années sans le concours de l'arithmétique, et il
parle de la série qui correspond au roi Hammurabi. — M. HoUeaux com-
mente une inscription trouvée à Délos contenant les imprécations des
prêtres contre les malfaiteurs. — Le 12, M. Clcrmont-Ganneau lit une
lettre de M. l'abbé Hyvornat sur des manuscrits copies de la collection
Pierpont Morgan. — M. le comte Durrieu étudie une page de missel ita-
lien du xiye siècle qu'il attribue, sauf réserves, à Michelino da Besozzo.
• — M. Gagnât décrit le système d3s fortifications élevées par les Romains en
Tunisie pour protéger leur conquête. — M. HoUeaux indique l'état d'avan-
cement des fouilles entreprises à Délos aux frais de M. le duc de Loubat et
signale la variété et l'importance des objets remis au jour. — Le 19, M.
Gagnât termine la lecture de son travail sur la défense de la Tripolitaine
romaine. — M. Prou présente et explique les photographies do dalles
existantes dans l'église de Schoennis, canton de Saint-Gall (Suisse), dalles
qu'il croit pouvoir dater du ix" siècle. — Le 26, M. Loth démontre que le
roman de Tristan et Yseult a dû être composé dans un pays où l'on parlait
l'anglais, le français et le celtique, probablement dans le pays de Galles.
— M. JuUian commimique une figure en relief découverte auprès des
Eysies par M. G. Lalanne, sans doute la plus ancienne sculpture connue.
— M. le D"^ Capitan parle des caractéristiques de l'architecture maya (mo-
numents élevés sur les hauteurs, reproduisant des constructions en bois).
Lectures faites a l'Académie des sciences morales et politiques. -^
Le 5 janvier, M. Xénopol lit une étude sur le postulat psychologique.
— Le 13, MM. H. Joly et Passy prennent part à une discussion au sujet
du mémoire de M. Aubert sur la dépopulation de la France. — Le 18, M. Ed.
Seligman commence la lecture d'un travail qui concerne les massacres
de Septembre dont il attribue à Marat la responsabilité principale. —
Le 27, il continue la lecture de ce mémoire et fixe d'une façon précise la
part prise par Danton dans l'organisation des massacres. Danton les
arrêta le 3, lorsqu'il vit que les girondins et ses amis allaient être compris
dans les exécutions.
Prix. — L'Académie des sciences a décerné les prix suivants dans sa
séance du 27 novembre 1911 :
'^Chimie. — PrixjCahours (3 000 fr.), partagé entre M. Louis Hackspill
et M. Richard.
r-'- Prix Berthelot (500 fr.). — A M. André Wahl : Recherches de synthèse
chimique. ■ ■' ''Vi
Médecine et chirurgie. — Prix'Montyon (3 prix de 2 500 francs chacun)
à : MM. L. Testut et O. Jacob : Traité d'anatomie topo graphique; — M. Ale-
xandre Besredka, pour l'ensemble de ses travaux sur V Anaphylaxie; —
M. E. Cassact, pour son mémoire : Du Diagnostic de la péricardie posté-
rieure.
■ 3 mentions de 1 500 fr. chacune, à : M. Pierre Nolf : La Coagulation
du sang; — M. Emile Feuille : Leucopaties métastases ; — M. E. Sacquépée :
Les Infections paratyphoïdes.
Mentions à : MM. héopolà Lévï et H. d^. Roih-ichild: Études sur la phy-
siopathologie du corps thyroïde et des autres glandes endocrines; — M. S.
Mercadé : La Période post-opératoire : soins, suites, accidents; — • M. G.
Faroy : Le Pancréas et la parotide dans Vhérédo-syphilis du fœtus et du
nouveau-né; — M. L. Pariset, pour l'ensemble de ses recherches sur la
— 177 —
Vaginalile du cobaye mâle provoquée par le bacille de la morve et par divers
microbes.
Prix Barbier (2 000 fr.^. — A M. H. Guilleminot : RadiomHrie floros-
co pique.
Prix Bréant (100 000 îr.). — Ce prix, destiné à récompenser celuii qui
aura trouvé le moyen do guérir le « choléra asiatique », n'est pas attri-
bué. L'Académie décerne sur Les arrérages de la fondation : 2 000 fr. à
MM. Audair et Louis Pa^is : La Constitution chimique du bacille de Kock
et les poisons du bacille tuberculeux humain; — 2 000 fr. à M. Dopter :
Éludes sur la méningite cérébro-spinale et sérothérapie antimnénigococci-
que; — 1 000 fr. à M. Duvoir : Étude sur la vario-vaccine.
Prix Godanl (1 000 fr.). — A M. J.-L. Chirié : L'Évolution de la graisse
dans le rein de la chienne, etc.
Prix du baron Larrey (750 fr.). — A MM. Henri Coullaud et Etienne
Ginestons : La Vision des tireurs et recherches nouvelles sur la physiologie
du tir; — mention très honorable à M. Maurice Boigey : Ateliers de travaux
publics et détenus militaires.
Prix Bellion (1 400 fr.). — Partagé entre M. et Mn^e Henri : L'Action
stérilisante des rayons ultra-violets, d'une part, et MM. Courmont et Nogier,
d'autre part : La Stérilisation de Veau potable par les rayons ultra- violets.
Prix Mège (10 000 fr.). — Le prix n'est pas décerné. 300 fr. à MM. P,
Nobécourt et Prosper Mercklen : Bilans nutritifs de la rougeole et de la
scarlatine chez l'enfant. " ■'-'L^î ■^■•''■'*^ V^'^-V*"^ '^>''^-t'^î|i«^^ jti Q
Prix Chaussier (10 000 fr.). — A. M. a'. Inibert: Le Travail profes-
sionnel.
Physiologie. — Prix Monthyon (Physiologie expérimentale), ■ — • Le
prix, d'ime valeur de 750 îr., a été porté pour cette année à 1 000 fr. Il est
partagé entre M. Marage : Petit Manuel de physiologie de la voix, à l'usage
des chanteurs et orateurs; et M. Raoul Combes : i° La Détermination des
intensités lumineuses optima pour les végétaux aux divers états de leur déve-
loppement; 2° La Formation des pigments anthocyaniques.
Prix Philippeaux (900 fr.). — Prix partagé entre M^^e z. Gruzewska:
pour l'ensemble de ses travaux de physiologie, et M. Maurice Piettre :
Recherches sur la bile.
Prix Lallemand (1 800 fr.). — A M. Henri Piéron : Élude expérimen-
tale de la mémoire; — mention très honorable à M. Maurice Brissot :
L'Aphasie dans ses rapports avec la démence et la vésanie; — mention hono-
rable à M. J. Lévy-Valensi : Le Corps calleux : étude anatomique, phy-
siologique et clinique.
Prix généraux. — Médaille Berthelot. — MM. Darzens, Tifîeneau, Tis-
sot, André Wahl, Louis Hackspiîl, Richard.
Prix Gegner. ■ — G? prix, d'une valeur de 3.800 fr., est porté peur cette
année à 4 000 fr. Attribué à M. J.-H. Fabre.
Prix Trémont (1 100 iiW. — M. Charles Frémont.
Prix Wilde (4 000 fr.). — Prix de 2 000 fr., M. Stefanik, pour ses
travaux d'astronomie; prix de 2.000 fr.,M. A. Trillat, pour son œuvre
scientifique et plus particulièrement pour ses travaux sur l'Aldéhyde for-
mique.
Prix Saintour (3 000 fr.). — M, Jules Drach : Les Groupes de rationa-
lité des équations différentielles. «
Prix Fanny Emden (3 000 fr.). — Le prix n'est pas décerné, mais un
encouragement, avec allocation de 2 000 fr., est accordé à M. Emile
FÉVRIER 1912. T. GXXIV. 12.
— 178 —
Boirac : La Physiologie inconnue; — Encouragement, avec allocation de
1 000 fr. à M. J. Ochorowicz : Hypnotisme, niesinérisT?ie et suggestion
mentale.
Prix Serres (7 500 fr.). — M. L. Vialleton : Travaux r'?latifs à l'cm-
briologîe.
Index. — Un décret de l'Index du 24 janvier 1912, condamne les
ouvrages suivants : Mgr L. Duchesne, Histoire ancienne de V Église, Pa-
ris (sans distinction d'éditions). — Ahhé d'Olonn^ Le Clergé contemporain
et le cilibat, Paris. • — Lhouilly, Cornet du petit citoyen. Ivésumés d'ins-
truction morale et civique. Cours moytn et supérieur. Verdun, 1910. —
M"'' Giacometti, Adveniat regnum tuum. Letture e preghiere cristiane.
Rituale de! cristiano. L'Anno cristiano. F orna, 1904. — Tommaso Gal-
larati Scotti, Storia delV amore sacro e delV amore profana, Milano, 1911.
. Venancio Gonzalez y Sanz, Bancarrotta del protestantismo, Madrid,
1540. — Letters to His Holiness Pope Pius X, by a niodernist, Chicago, 1910. —
The priest, a taie of modernism in New En gland, by tho auth,or of Let-
ters to His Holiness, Boston, 1911.— Le décret annonce la soumission des
auteurs suivants : i^inguste Humbort, Zcnner , Wiesmann, Koch <-t We-
chtr Prolias?ka, frappés par ks décrets des 8 mai et 5 juin 1911. — Un
décret de l'Index du 1'' février 1912 prohibe le roman moderniste de
Mario Palmarini, Quando non morremo. Milan, 1912. — Mgr Duchesne
s'est soumis immédiatement au décret de l'Index qui vient de le frapper.
Paris. - — Dans une substantielle brochure : La Famille dans V anti-
quité (Paris et Lyon ,Yitte, in-18 de 73 p.), M. E. Léotard résume fort
exactement ce que nous savons sur la famille en Grèce et à Rome. Il met
en relief ce fait intéressant que, dans la loi grecque, la notion du devoir
domine celle du droit, et il montre quels étaient ces devoirs. 11 trace, d'aprè?
les Économiques, le portrait de la femme grecr^ue idéale et indique les
limites de la liberté dentelle jouissait, plus larges qu'on ne le croit commu-
nément, et le régime légal qui la concernait. Puis, arrivant à Rome, il
passe en revue les diverses formes de mariage et ses cérémonies, et
décrit la patria potestas, la condition légale de la femme et celle que lui
font les mœurs. La femme romaine est bien supérieure à l'athénienne par
ses vertus et par son influence.
. Le 45e fascicule du Dictionnaire des antiquités, ele MINI. Daremberg et
Saglio (Paris, Hachette, 1910, in-4, p. 1457-1601, avec 146 grav.), com-
prend les principaux articles suivants: Stamnum d'étain) par M. Besnier;
Statua par M. C Picard; Statuaria ars, par M. Deonna; Statio,-paT M. Lécri-
vain; Stips, par M. Toutain; Substitutio, par M. Beauchet; Sumptuariae
leges, par M. Lécrivain; Suouetaurilia, par M. Saglio; Supplicatio, par
M. Toutain; Dca Syria, par M. Cumont; Syssitia, par M. Saglio. Autres
articles de MM. Humbert, V. Chapot, André Baudrillart, Navarre, Albert
Martin, Pottier, Colin, Lafaye, J.-A. Hild, Cagnat, Maynial, etc.
— C'est un document intéressant, plus encore par la richesse de l'anno-
tation que par le texte, que ce i> récit catholique des trois premières guerres
de religion », publié sous le titre à'Acta tumultuum Gallicorum par
M. Henri Hauser, très au courant de toutes les sources historiques du
XVI® siècle (Paris, extrait de la Bei^ue historique, in-8 ele 71 p.). On n'en
connaissait e^ue trois exemplaires et on en trouve un dans un recueil imprimé
à Munich e-n 1573, quelques années seulement après les événements qu'il
raconte, et composé avant la Saint-Barthélémy, dont il ne fait pas mention.
L'auteur est un catholique assurément très exalté; car, s'il i?ttaque viclem-
— 179 —
ment Coudé i-t Coligny et les horrenda Hugunotorum srelera, commis sous
leur patronage, il ne ménage pas Catherine do Médicis ni même le conné-
table do Montmorency, qu'il accus;^ d'une singulière indulgence en.-trs
les protestants, « qu'il eût été facile d'écraser après leurs défaites, au lieu
de leur accord r d s édits asse^, favorables à leur cause)). Il est assez singu-
lier que le chânccli' r di l'Hôpital ait trouvé presque grâce devant ce
« gui.;ard >'. Comment s'app' lait-il? C'est assez difTicile à d -viner.Pourtant
M. Hauser propose timidement d'attribuer cei:Acta au jésuite asstz« espa-
gnoli^.é « le P. Emond Auger, que tous les écivain^ contemporains appellent
d'ordinaire le P. Aymon. Ce qui pourrait faire douter, c'est que ce jésuite
était assf z bien avec la Cour. En]tous cas, cette réponse aux nombreux pam-
phlets protestants de l'époque méritait d'être mise en lumière; et on y
trouve quelques mentions iitile'.
— Israël Bernard de Valabrcgje (1714-1779), interprète attaché à la
Bibliothèque du Roi pour les langues orientales, en même temps que
marchand mercier à Paris, n'est guère connu, bien qu'il ait tenu au
xviii*' ^.iècle une place assez importante dans la communauté juive pari-
sienne. Dans un article du Bulletin du bibliophile, qui a pour principal
objet de nous faire connaître i'inventaire, dressé après décès, de la Biblio-
thèque de Bernard de Valahri gue (Tiré à part. Paris, Henri Leckrc, 1910,
in-8 de 16 p.), M. Paul Hildenfinger nous donne quelques renseignements
curieux et précis sur son activité à la Bibliothèque, sur son rôle parmi
ses cor.'ligionnaires et sur l'idée que l'on peut se faire des goûts littéraires
du personnage par cet inventaire, malheureusement fort sommaire, dans
lequel ces livres sont estimés par lots, avec l'indication pour chaque lot
d'un seul des ouvrages qui le composent. ■ g*
— En l'appelant t; une œuvre d'actualité », M. le chanoine 'F. Béré-
ziat a voulu prouver la nécessité et la possibilité do l'organisation de
la Confrérie du Saint-S acrement à notre époque (Lyon et Paris, Vitte,
1911, in-8 de 74 p., avec 2 portraits). Il en expose le but, les pratiques,
les avantages. Historiquement il rappelle la féconde existence dans le
passé de la Compagnie du Saint- Sacrement (qui n'était pas une « con-
frérie »), en s'appuyant sur l'étude si complète que M. Geoffroy de Grand-
maison a donnée dans le Correspondant du 25 mars 1911.
— M. Henri Guérin, bibliothécaire à la Bibliothèque nationale, vient
de donner Hans le t. IV de V Année linguistique un travail d'ensemble sur
l'Étude des langues égyptiennes et copte, particulièrement de 1890 à 1910.
(Tiré à part. Paris, C. Klincksieck, 1911, in-16 de 48 p.). Si M. Guérin s'est
occupé principalement de la période qui comprend ces vingt dernières
années, il n'a pas cru inutile cependant de nous tracer une esquisse rapide
des grands travaux des fondateurs de l'égyptologie et des illustres savants
qui, après eux, ont assis cette science sur des bases solides. Depuis 1890,
les travaux tant sur les vieilles langues égyptiennes que sur le copte qui
en est dérivé se sont multipliés; aux découvertes nouvelles s'est ajoutée
la mise en œuvre des travaux antérieurs; l'on a pu se faire une idée plus
précise, plus exacte, sinon définitive, du caractère de la langue qui se
rattache aux idiomes sémitiques, mais en partie aussi aux idiomes africains.
La lecture de ce travail n'intéressera pas seulement les égyptologues et
les coptisants.
— On pourra juger des services rendus à la philologie française par un
érudit enlevé pi ématurément en juillet dernier, M. Gaston Raynaud (18ro-
1911), en lisant le discours prononcé à ses obsèques au nomde la Société
— 180 -
de l'École des chartes par M. Eugène Lelong (Nogent-le-Rotrou, imp.
Daupeley-Gauvernour, 4911, in-8 de 10 p. Extrait de la Bibliothèque
de VEcole des chartes, i. LXXII). M. Lelong a joint à son discours l'énu-
mération m quarante-trois articles des publications faites par Gaston
Ra\ naud.
— Nous avons annoncé déjà (t. CXXII, p. 181 1 l'appel lancé par
M. Adolphe Adirer pour la fondation d'une société d.'S Amis de la langue,
française. La Société s'est constituée définitivement et vient de lancer
son premier bulk-tin pour janvier 1912 (Paris, 9, villa Saïd, in-8 de 20 p.).
Le titre même d) la Société, « Société nationale pour la défense du génie
français et la protection de la langue française contre les mots étrangers,
les néologismes inutiles et toutes les déformations qui la menacent », dit
assez clairement 1;; but qu'elle se propos.:». Et nous ne pouvons que renou-
veler l'invitation à nos lecteurs d'aid r au développement de cette oeuvre
utile soit en se faisant inscrire comme membre actif (5 fr. par an) ou à
vie (100 fr.), soit au moins en s'abonnant au Bullrtin (i fr. par an)..
— On a dernièrement publié un élégant volume sous le titre de : Le Ju-
bilé des lycées et collèges de jeunes filles et de V École normale de Sèvres (Paris,
Alcan, s. d., gr. in-8 cartonné de ix-135 p. ^ — Prix : 6 fr.). On y trouve
un Avant-propos de M. Lucien Poincaré, une Préface de M. Berthclot, un
historique qui va de 1880 à 1907, signé de M. Eugène Blum; un compte
rendu du 25'^ anniversaire de la création des lycées de jeunes filles, sigaé
d'une simple initiale; un compte rendu de la journée de Sèvres, signé
Marguerite Aron, et puis des discour-^., et puis des toast j, et des programmes
de concerts, et le menu du banquet, et la liste de toutes le? anciennes élèves
de Sèvres présentes à la fête. Comme il fallait s'y attendre, on rencontre
là beaucoup de noms et de signatures de protestants et de juifs,qui donnent
le caractère de ces institutions de combat. Enfin il y a une quantité d'ima-
ges et de portraits. Bref , l'apologie est complète autant que peu mesurée;
mais c'est une apologie systématique, et personne d'impartial ne pourra la
considérer comme une justification. Car on ne peut vraiment justifier, en
France du moins, une entreprise de déchristianisation de la femme fran-
çaise.
— Nos lecteurs se souviennent sans doute de l'annonce qui a été faite
ici même (t. CXIX, p. 185) d'xm Répertoire d'art et d'archéojogie,. fondé
par la généreuse initiative du îMécène intelligent auquel on doit déjà la
Bibliothèque d'art et d'archéologie (19, rue Spontini), si accueillante et si
précieuse à quiconque travaille sur l'histoire de l'ai't. Avec l'année 1911,
le Répertoire, qui jusqu'alors offrait à ses lecteurs le dépouillement des
articles de périodiques tant français qu'étrangers relatifs à l'histoire de
l'art, a joint la bibliographie des catalogues d^ ventes publiques faites en
France et à l'étrang^^-r, qui achève d; faire di Répertoire un instrument
d'information et d' travail absolum nt indispensable. M. Jacques Mayer,
à qui incomb''' la charge spéciale de cette partie du recueil, classe les ventes
par pays, par vill -s, et dans chaque ville par ordre chronologique. Il ne se
contente pas de donner la date delà vente, les noms du collectionneur, du
commissaire priseur et de l'expert, il précise tn quelques mots le contenu de
la collection, indique les figures et planches que contient le catalogue. Ajou-
tons qu'un ind 'X annuel r< ndra facile l^ manien;ent de ce très utile recueil.
Puisque nous i n avons l'occasion, disons aussi que l'index qui termine le Ré-
pertoire, pour être sommaire, n'en est pas moins fort clair et commode. Il
comprend en une seule série alphabétique: les noms d:* personnes (auteurs
— 181 —
amateurs ou artistes) en petites capitales; les noms des lieux en italiques;
les mots d^ matières (académies, affiches, albâtre) en égyptiennes;
chaque article du répertoire étant numéroté : c'est à ces numéros et non
aux pag s que le renvoi est fait, ce qui en ai giuente naturellement la
précision. Peut-être pourrait-on, par un artifice typographique, distinguer
des artistes les auteurs et les collectionneurs ou autres personnages cités.
— L'an dTnier (février-mars 1911, t. CXXI, p. 229-230), le Polyblblion
a annoncé la première édition de V Annuaire de la curiosité et des beaux-
arts. Voici la deuxième (Paris, 90, rue Saint-Lazare, IX^ arr., 1912, in-
8 de 467 p. — Prix : 8 fr.). Le prix de cet annuaire a dû être relevé de 2 fr.
en raison do son importance plus grande : il renferme, en effet, une nouvelle
division ou partie (la 3^), composée d'une liste alphabétique des amateurs
collectionneurs de Paris, avec dvS indications sur le genre de leurs collec-
tions (p. 285-325). Tout le reste du volume a été d'ailleurs remanié, mis
à jour (sauf d- s omissions toujours inévitables) et avgmenté sensible-
ment. Comme celui de 1911, l'Annuaire de 1912 donne, dans sa première
partie, des renseignements pratiques et l'elate sommairement les évé-
nements artistiques de l'année écoulée ainsi que la législation relative aux
choses de l'art. Vitnncnt ensuite (2^ partie) les adresses commerciales
françaises et étrangères, d sposées par o'de alphabétique d; professions.
Quant à la quatrième partie, elle est formée de listes dos ai'tistes en tous
genres résid mt en France, avec mention de leurs titres et récompenses
aux expositions. Publication do' la plus réelle utilité qui, nous n'en dou-
ton"> pas, sera bien accueillie partout.
— Dix-huit années d'existence prouvent surabondamment que V Agenda
du photographe répond à un besoin et qu'il est bi^n accueilli par les in-
téressés (Paris, (harks-Mtndl, gv. in-8 de 184-95 p., avec de nombreuses
g^i'avures dans le texte, et 4 belles gi'avures hors texte. — Prix: 1 fr.).
Pour 1912, cet agvnd\ contient, comme les précédents, des renseignements
teehniques, d s articles d' vulgarisation, un formulaire, etc. Il y a aussi
un répertoire pour le classement d'S cliehés et des pages spécialement
préparées pour les n-ites à prendre. Vient ensuite le Tout Photo formé de
quatre listes alphabétiques d'amateurs choisis parmi les habiles (Paris
et département de la Seine; Départements; Algérie, Tunisie et colonies;
Étranger). Ces listes, mises à jour, comprennent environ 10.000 noms.
Angoumois. • — Le tome I" de la VIII® série des Bulletins et Mémoires de
la Société archéologique et historique de la Charente [année 1910) vient de
nous parvenir (Angoulême, Constantin, 1911, in-8 de CLxxx-230p., avec
8 planches et de nombreuses figures dans le texts). Constatons d'abord
qu'à la suite de chaejue compte rendu des séances de la Société sont impri-
mées des Annexes de 3 à 8 pag s dont la plupart méritent d'être men-
tionnées ici : G. Papillaid : Syndics perpétuels; — J. de. la Martinière :
Mandement du comte de Jarnac interdisant à deux gentilshommes de se
battre en duel; — D. Touzaud : L'Affranchissement des serfs et l'arrêt du
président Nesmond; — J. de la Martinière : L'Erreur historique de M. de
Nesmond; — D. Touzaud : La Vieille Charente; ■ — A propos de la villa
saintongeaise d'Ausone; — G. Chauvct : La Sculpture de V Eglise de
Ruffec; ■ — D. Touzaud : Les Communautés taisibles en Angoumois autre-
fois et aujourd'hui; — A. Favraud : Une Noi^velle Sépulture de V époque
de la Tène aux Planes, commune de Saint- Yriex; — P. Mourier : Anciens
Vases à bec; — H. de Montégut : Lettre du chevalier de Plamont à son père
racontant le duel entre le comte de Boffignac et le baron de Montalembert
— 1F2 —
(1777); — E. Biais : Lettre du comte Jean (d'Angoulème) à ses conseillers
des finances (1453); lettre de Mer guérite de Valois à son chancelier; lettre
du duc d'Éperaon au Roi (1600); ■ — M'* de Brém<»nd d'Ars-Mig/é : Lettre
inédite de Philippe de Volvire, baron de Ruffec, à Charles de Brémond, baron
d'Ars, 12 septembre 1582; — Abbé Legi'and : Règlement de Mgr de Péri-
gueux pour les droits curiaux de notre diocèse (1715); — D'' GaiUardon :
Acte capitulaire des habitants de la ville d^ Aubeterre contre le sieur de La-
qui, le juge sénéchal d' Aubeterre , concernant le feu de joye quy se fit en
réjouissance de la convalescence du Roy du 30 octobre 1744. ■ — Pages
CLXXii-CLXxxx on trouve une Chronique bibliographique de la Charente
eni:egistrant les livres, brochures et articles insérés dans divers pério-
diques, concernant la région. — Les Mémoires ne sont pas nombreux :
trois seulement. Le premier, de beaucoup le plus important, a pour
auteur M. Gustave Chauvet et pour titre : Os, ivoires et bois de renne ouvrés
de la Charente. Hypothèses palethno^raphiques (p. 1-184, avec 6 planches
et 122 fig.)- Outre une table des matières, ce travail contient une table
des noms do personnes, un index géographique et un index archéologique.
— Le deuxième mémoire, de M. Daniel Touzaud, concerne Z)eaa; Cloches
gothiques exhumées d'une cachette à Ebréon [Charente) (p. 185-203, avec
2 pi. et 2 fig.). — Le volume se termine par une étude do MM. A. et H. R.
du Vignaud sur les Anciennes Franchises de la paroisse de Benest [Cha-
rente] (p. 204-223, avec 1 fig.).
Anjou. — Sous ce titre : Saint-Quentin-en-Mauges (Angers, imp-
Paré, 1911, gr. in-8 de 84 p.), M. le docteur D. Coufïon publie une
brochure où il reproduit à peu près tout ce que les gi'andes publications
locales avaient su dire de cette petite commune angevine : il y a ajouté
quelques pages, les Cahiers de la paroisse, en 1789, la vente des biens
nationaux, djs particularités, les noms dos habitants, et un tableau mon-
trant qu'en 20 ans les mutualistes, en cette population de 980 habitants —
168 de moins qu'en 1894 — se sont élevés de 10 à 55. Nous n'oserions
dire que les étymologies hébraïques, celtiques, etc., dos noms de la pa-
roisse soient indiscutables. Mais l'auteur, qui, pour la période révolution-
naire, ne semble pas bien concevoir l'hostilité des Vendéens contre les
prêtres assermentés qu'on voulait, malgré tout, imposer à leur religion,
fait visiblement eiïort pour ne pas bl;sser les pieuses populations qui
l'entourent. Ainsi se plait-il à reconnaître que, dans ce qui forme aujour-
d'hui l'arrondissement, il y avait, dès le xvi^ siècle, deux écoles gra-
tuites de paroisse, (pour être tout à fait dans la vérité, il conviendrait de
dire qu'il y en avait au moins doux connues et qu'on les devait au clergé),
11 au xvii«^ siècle, 17 au xyiii^ siècle. Et il tût pu ajouter que, ruinées
pendant la Révolution, ces petites écoles, ainsi que M. Couffon le con'rtate,
n'étaient pas plus nombreuses en 1830. Le folk-lore trouvera de curieuses
traditions et superstitions dans ctt écrit ; il est vrai qu'elles iront pres-
que toutes extraites du Glossaire de MM. Verrier et Onillon, comme la
partie topog.-aphique est extraite du Dictionnaire de C. Port : l'auteur no'
pouvait puiser à de meilleures sources.
1» — 11 y a trente ans, le marquis do Ségur publiait, avec l'oraison funèbre
(due à son successeur, en 1879) d'un prêtre, qui a laissé une grande répu-
tation do courage et de sainteté, en Anjou, l'abbj Pinot, guillotiné à
Angors, pour sa fidélité à la religion. Dès 1864, Mgr Ang ^bault avait
nommé M. Brouillet pour procéder à une enquête canonique sur la vie et
l;s vertus do cet ecclésiastique et Mgr Rumeau décida d- promouvoir à la
~ 183 —
cause de béatification de ce sénateur da Dieu. ^I. l'abbé Uzureau ne pou-
vait entreprendre une œuvre plus opportune et plus intéressante que de
recueillir sur place, dans les divers dépôts d'archives, tout ce qui con-
cerne cette victime do la constitution civile di clergé : il le suit, avec
abond'ince de documents, avant la Révolution, dans son ministère, puis
dans ses luttes contre les oppresseurs de sa conscience, lors de son arres-
tation, de sa première condamnation, enfm, jusqu'au jour où on l'obligea
à gravir l'échafaud, revêtu de ses habits sacerdotaux. Ce travail, fort
utile à la cause du pieux martyr, extrait des Mémoires de la Société
nationale d'agriculture, sciences et arts (V Angers, a été tiré à part sous le
titre de : Noël Pinot, curé du Louroux-Béconnais, guillotiné à Angers, le
21 février 1794 (Angers, Grassin, I9l2, in-8 de 9i p.). ,^ ^ Je Jf ^ ii^Aé
Bourgogne. — Ce qui retiendra le plus particulièrement l'attention
dans le tome XX XVI du Bulletin de la Société des sciences historiques et
naturelles de Seniur-en-Auxois, que nous avons reçu tout récemment
(Années 1908-1909. Semur-en-Auxois, imp. Bordot, 1910, in-8 de
ccxL-500 p., avec 26 planches et fig.), ce sont les rapports concernant
les fouilles d'Alesia. Mais ce gros volume renferme aussi diverses études,
telles que : La Propriété paysanne dans les haillages de Semur-en-Auxois,
Saulieu, Arnay-le-Duc, à la fin de V ancien régime (17.50-1790), par M. Eu-
gène Patoz (p. 1-133); — Notice sur Antoine Wechte, graveur, né à Mai-
son-Dieu (Côte-d'Or), mort à Avallon (1800-1868), par M. Hippolyte Mar-
lot (p. 134-146); — Le Statuaire Pierre Travaux, 1822-1889, par M. l'abbé
Eugène Barbier (p. 147-220); — La Fête du 10 août 1793 à Epoisses, par
M. Georges Gallois (p. 221-228); — A propos des tumulus. Simple note sur
leur origine religieuse et leur destination familiale primitive, par M. Charles
Boyard (p. 229-234); — Notes généalogiques sur la famille Potot, par M.
Charles Sartorio (p. 235-245); — Généalogie de M. Gaspard Pontus mar-
quis de Thyard, par M. Alfred de Vaulabelle (p. 246-252). — Nous arrivons
ensuite aux choses se rapportant à Alesia. Trois rapports, appuyés de
26 planches, sont à mentionner : Les Fouilles d'Alesia en 1907, par M. le
commandant Espérandieu (p. 253-352); — Fouilles du Mont Auxois. Rap-
port sur les fouilles exécutées en 1908 par la Société des sciemces historiques
et naturelhs de Semur, présenté au nom de la Commission des fouilles
d'Alesia par M. le D"" Adrien Simon, présid mt d- ladite Commission
(p. 353-384) ; — Fouilles de la Société des sciences sur h Mont- Auxois. Cam-
pagne de 1908. Journal des fouilles, par M. V. Pernet (p. 385-464). Tout
cela est fort intéressant et nous ne pouvons que regretter notamment de
n'avoir pas été mis à même de signaler aux archéologues et aux érudits
les rapports précédents sur les fouilles pratiquées sur le Mont Auxois. —
On remarquera que les procès- verbaux de la Société pour ces deux années
1908-1903 occupent un tiers du volume environ, et ce n'est pas trop;
car leur lecture est intéressante à beaucoup de titres. .^ *j^î,y,,;
Champagne. — Enregistrons le tomo I^' de l'année 1910-1911 des
Travaux de V Académie nationale de Reims, qui forme le 121^ volume de
la collection (Pieims, Michaud, 1911, in-8 de 365 p., avec 4 pi. — Prix :
7 fr.) et contient les mémoires ou études ci-après : L' Amélioration du
logement ouvrier à Reims, par M. Paul Rozey (p. 1-22); — Compte-rendu
des travaux de V Académie pendant Vannée 1910-1911, par M. Henri Jadart
(p. 23-33); — Trois rapports sur les Concours : d'histoire et d archéologie,
par M. Albert Cans; — de photographie, par M. le D' Bagneris, et de
poésie, par M. le D"^ Henri Lardennois; — Supplément au Guide de Reùns
— 184 —1
pubiié pour le Congrès arch'-ologique de 1911, par M. Henri Jadart (p. 127-
147); — Le Parler populaire t^es Canadiens français, par M. le Dr Bagne-
ris (d'après le Lexique de M. d^' Dionne (p-. 149-153); — Saint Jérôme et
Vim-ention des lunettes, par M. le D"" A. Bourgeois (p. 155-165); — Les
Aspects du vieux Reims. La Ville à Varrivce des Romains, par Î\I. Ernest
Kalas (p. 167-203); — Une Maison romaine à Jonchery-sur-Suippe
(Marne), par M. Henry (p. 205-218, avec 3 pi.); — Résultat des recherches
faites sur le plateau de Nandin près Château- Porcien depuis 1906, par
M. E. Bosse (p. 219-226); — - Documents sur Beine, publiés avec une Intro-
duction par M. Gaston Robert (p. 227-275); — Le Mémoire de Finten-
dnnt de Champagne en 1665, par M. A. Cans (p. 277-295); — Notes généa-
logiques tirées des registres paroissiaux du canton de Verzy, pa^ M. le D'
Pol Gk>sset (p. 297-318); — Les Tapisseries de Saint- Jacques, par M.
l'abbé E. Legras (p. 351-362, avec 1 planche).
Dauphiné. — Bien peu de sociétés savantes françaises peuvent riva"
lis-^r avec la Société des touristes du Dauphiné sous le rapport du luxe de^
pixblications. Il suffît, pour s'en convaincre, de parcourir la collection d®
recueils qui paraissant sous le titre, dont nous avons déjà critiqué la trop
grande modestie : Annuaire de la. Société des touristes du Dauphiné. Voici
le 36? volume relatif à l'année 1910 (2^ série, tome XVI. Grenoble, imp.
Allier, 1911, in-8 de 361 p., avec 13 planches et 2 croquis). Il débute paf
une allocution du président, M. Flusin, où l'esprit et le sens pratique se
rencontrent à dose à peu près égale -(p. 34-45). Cette allocution est suivie
d'un rapport du secrétaire général, M. Beudant, sur les travaux de la
Société d' puis rassemblé? générale du 1^'' féxTier 1910 (p. 46-72). — A
nottr ensuite la nomenclature précise des Courses et ascensions au-dessus
de 3.000 mètrts, qui constituent la Chronique alpine de 1910 (p. 81-97),'
et aussi les Excursions collectives de la S. T. D. en 1910, dont leS compteS-
rcndus sont présentés par des sociétaires n'ayant signé que de simples
initiales (p. 99-126, avec 2 pi.). — Suivent des relations et des études que
nous allons mentionner : Le Glacier de Gébroulaz et les crêtes environ-
nantes, par M. Aimé Coutagne (p. 127-163, avec 2 planches et 1 plan); —
Le Tour du Mdnt-Blanc, par M.Henri Ferrand (p.165-185, avec 2 pi.); —
Traversée des arêtes des Grandes- Rousses de VÉtendard au pic Bayh, paï*
M. C. Salesse (p. 187-194, avec 1 pi.); — - De Galgary à Vancouver, à tra-
vtrs les Rocheuses canadiennes' (journal de route), par M. Jean Vallès (p.
195-207, avec 2 pi.); — Les Torrents et leur correction, par M. V. Hulin
(p. 209-240, avec 3 pl.); - — Notice au sujet des tables d'orientation et de la
manière de les dessiner, par M. le capitaine du génie H. Mei nier (p. 241-
273, avex; 1 pl. et des fig.); • — Le Tour du Pelvoux, impressions d'automo-
bile, par M. H. Ferrand (p. 275-288, avec 1 pl.). Une intéressante « Biblio-
graphie alpine » termine ce beau \o\v.me.%^^^i:^.p.^:/i-,_ p:'->^
Franche-Comté. — Sous le titre : Un Coin de la bataille d'Héricourt.
Le Détachcmejn Degenjeld à Chenebier (Paris, Charles-Lavauzelle, ». d.,
petit in-8 de 123 p., avec 3 croquis dans le texte et une ca^te hors texte.
— prix: 2 fr. 50)., M. le capitaine L. Chanson nous donne un "chapitré
intéressant de l'histoire de la dernière période de la guerre franco-alle-
mand ■ connue sous le nom de campagne de l'Est. On a ici l'exposé d'opé-
rations militaires déterminées, allant du 13 janvier 1871 an 17, date à
laquelle commença cette désastr. use retraite qu'en Franche-Comté on
appelle comminémcnt- encore « la déroute de Bourbaki ». « Nous confi-
nant sur le teirain de Ckenebitr, et prenant pour ainsi dire par la main
— 185 —
les deux bataillons badois chargés de sa défense, nous avons, dit l'auttur
essayé do reproduire une photographie aussi exacte que possible de la
mentalité des adAX'rsaires en prés* nce et de ses conséquences au combat.
Avec un intérêt d'autant plus grand que, plusieurs fois déjà, nous avons
manœuvré sur ce terrain, à proximité relative de notre gavnison, nous
avons cherché à revix-re les houi'es tragiques de janvier 1871, à survre,
minute par minute, défenseurs et assaillants, à toucher du doigt leurs
espérances et leurs faiblesses .et, enfin, à exposer sans prétention
quelques réflexions suggérées par les événements. » Ces quelques lignes,
empruntées à l'Avant-propos de ce petit volume, en résument bien le
sujet, qui a été traité avec calme, sans verbiage inutile et d'une façon par-
faitement claire. -«( - ..s;;.
— Un chercheur avisé, doublé d'un érudit très connu en Franche-
Comté, et duquel neus avons ici mentionné nombre d'études diverses,.
M. Julien Feuvrier, a découvert récemment sur les gardes d'un volume
de la bibliothèque de Dole des notes manuscrites qu'il a publiées dans le n° 14
du Bulletin de la Société grayloise d'émulation sous le titre : Un Livre de
raison de la famille Bresson, de Jonvelle (Tirage à part. Gray, imp. Roux,
1911, in-8 de 11 p.). Ce document n'embrasse qu'une période de qua-
rante ans (1580-1621). Après nous avoir présenté assez brièvement cette
famille Bresson, M. Feu\Tier reproduit le texte du li\Te de raison où l'on
trouve « une pièce farcie dans le goût du temps )>. Elle est intitulée : Agi-
mus tibi gratias. '<^ A la lecture, on voit qu'elle fut composée pour être dite
à la fin d'un banquet, où elle devait tenir lieu de l'action de grâces ». On
peut aussi s'égayer d'une « recepte pour la fiebre » qui, certes, n'est pas
ordinaire,..
— Depuis 1899, les sociétés savantes de Franche-Comté se sont réunieii
onze fois en congrès. Et, si les dix premiers congrès ont été aussi fructueux
que le onzième, en vérité ! elles n'ont point perdu leur temps. Nous n'en
pouvons juger, cependant, car le compte-rendu du Onzième Congrès de
V Association franc-comtoise tenu à Poligny le 1^"^ août 1911 (Lons-le-Sau-
nier, imp. Declume, 1911, in-81 de 43 p.) est le premier qui nous soit par-
venu. Les assistants, très nombreux, se sont répartis en quatre sections :
Histoire, Archéologie, Sciences naturelles et Sciences physiques, et, dans
chacune de ces sections, les principaux congi'essistes ont lu des travaux
sommairement analysés dans la présente brochure, mais dont nous espé-
rons pouvoir prendre connaissance in extenso dans les recueils d'^s diverses
sociétés savantes de la région. Si les lettres, les arts et les sciences ont été
célébrés congmment, il convient de remarquer aussi que l'on a allègre-
ment banqueté et spirituellement toasté. La seule allocution reproduite
ici en son entier est celle du présid nt, M. Julien Feu-vrier : on ne nous
dit pas si elle a été couverte d'applaudissements, mais c'est bien inutile;
car la finesse et l'humour de l'orat'ur ont dû être savourées à l'égal des
vieux vins du cru, dont la réputation n'est plus à faire.
— Le cinquième volume de la 8^ séi'ie des Mémoires de la Société d^ému-
lation du Jura qui vient d'être distribué (Lons-le-Saunier, imp. Declume,
1911, in-8 de xx-355 p.) se recommande à l'attention des érudits, beau-
coup plus par la qualité des travaux qu'il renferme que par leiu' quantité.
Nous avons d'abord à mentionner le rapport Sur Ze Mi7/pnai>e de Cluuy,
présenté à la Société par M. Emile Monot (p. 3-26). Nous noterons ensuite :
Histoire de la seigneurie de Marigna, par l'instituteur de cette localité,.
M. Hugun (p. 47-197). Très bonne monographie qui mériterait un tirage
— 186 —
à paH avec table des cliapilres et table onomastique. Ajoutons que le volume
gagnerait alors b.>aucoup à être illustré d?s principaux dessins et photo-
graphies que possède l'auteur et qui n'ont pu trouver ici leurpla,ce; —
Essai sur l^s principes de la culture traditiouriells de la vigne dans le Jura,
dû à M. Louis Joly, ingénieur agi"icole à Montmirey-la-Ville (p. 199-257),
étude d'un> haute utilité pratique, qui, elle aussi, par un tirage à part,
ptiurrait mieux atteindre les intéressés ; — Monographie sur Saint-Lau-
rcnt-la- Roche, par M. Gaillard (p. 259-310), qui emprunte surtout son
intérêt à ce fait que Lacuzon, le fameux chef de partisans comtois pendant
l 'S guerres du xvii^ siècle, en fut le gouverneur après en avoir fait prisonnière
la garnison française qui l'occupait. Le volume se termine par une série
d} poé'.ies écrites par M. P. Guichard sous le titre général prêtant au
calembour : Petites Peintures sur vers (p. 311-341). Une seule est relative
à la région, et c'est, à nos yeux, la plus intéressante; elle est intitulée :
L-? Haut Jura (p. 329-331)1
Provence. — Le volume le plus récemment paru des Mémoires de
V Académie des sciences, lettres et bsaux-arts de Marseille porte les dates
1908-1911 (Marseille, imp. Barlatier, 1911, in-8 de 525 pages, avec 3
planches). Il convient de remarquer, tout d'abord, qu'il y a là plusieurs
discours de réception qui eussent gagné à préciser leur objet par un titre.
Sans insister autrement sur ce point, nous allons énumérer les trav^aux
que l'on trouve dans ce volume : Discours de réception de M. Victor Jamet
(sur la culture scientifique) (p. 1-13); ■ — Réponse de M. de Montricher à
ce discours (p. 15-21); — Discours de réception de M. Jules Goudai^eau (sur
la musique) (p. 23-36); — Réponse de M. de Montricher (p. 37-45); —
Un Hommage tardif, par M. de Marin de Carranrais (à propos d'une sei-
gneurie, après le 4 août 1789) (p. 55-63); ■ — • Etude sur Lazare de Cordier,
poète marseillais du xvii^ siècl', par M. dî Marin de Carranrais (p. 74-
113); — Éloge d'Ernest Reyer, par Charles Vincens (p. 115-138); — Pages
ferventes et patriotiques. Jeanne d'Arc, par M. Prou-Gaillard (p. 145-157);
— La Technique de iouèon, par M. Ferdinand Servian (p. 159-168) ; ^ — Dis-
cours de réception de M. Laurent (sur la paléobotanique) (p. 175-190);
— Réponse de M. Heckel (p. 191-196); — Le Rôh de la femme en agricul-
ture, par M. H. de Montricher (p. 197-207); — Vieil Intérieur de Provence,
par M. Jules Goudareau (p. 209-217); — Une Promenade dans la région
forestière des Cévennes, pa^* ^L Louis Laurent (p. 219-224); — Le Triomphe
du jeune Horace, d'ame tn un acte, en vers, par M. V. Jamet (p. 227-
241); — Discours de réception d^ M. G. Derepas (sur César Franck) (p.
243-258); — Réponse de M. F. Servian (p. 259-271); — Discours de récep-
tion d; M. José Silbert (sur le peintre H >neré Boze) (p. 273-284); — Ré-
ponse dî M. Servian (p. 285-298); ■ — • D'Avignon à Rome. Itinéraire de
Grégoire XI (1376-1377), par M. Emile Perrier (p. 337-392); — Les Trou-
badours ds Marseilk (1809), par M. Louis Br-ès (p. 399-413); — Au Pays
de Mistral, par M. le chanoine S Gamber (p. 415-422); — Xavier de
Maistre, artiste {documents inédits], par M. Ferdinand Servian (p. 423-
435); — Le Tombeau de Raphaël {document inédit), par le même (p. 437-
442, avec 1 pi.); — Discours de réception de M. Paul Barlatier (sur le
théâtre de plein air) (p. 443-459); — Réponse de M. L. Perdrix (p. 461-
479); — Les Jardins de la Mortola et de Monte-Carlo, par M. L. Laurent
(p. 481-487, avec 2 pi.); — La Fontaine de Jules Cantini, monographie
du monument, paT M. Ferdinand Servian (p. 490-495); — Un Pèlerinage
à la tombe de Chateaubriand, par M. Louis Brès (p. 497-503); — Quelques
— 187 —
Considérations sur la loi des retraites ouvrières et paysannes, par iM. Charles
Vincons (p. 505-516). — Pour n? rien omettre, nous dirons que ce vo-
kime renferme une certaine quantité de poésies dues à MM. le chanoine
S. Gambjr, Louis Brès et Victor Jamet.
Alsace-Lorraine. — La direction d' la luxueuse Reçue alsacienne,
qui se publie à Strasbourg et d'>nt notre Partie technique insère régulière-
ment les sommaires, nous adresse un intéressant prospectus duquel nous
extrayons les principaux passages : « La Reçue alsacienne vient d'être
soumise à une importante transformation. Nous en avons détaché la
Chronique d'Alsace- Lorraine qui, .'ous une forme nouvelle, mènera désor-
mais une existence indépendante et se nommera Cahiers alsaciens ...
Les Alsacims dévoués à leur pays natal voient se dresser aujourd'hui des
obligations qui ne s'imposaient pas à leur conscience il y a quelque dix
ains. Dans le domaine des idées, des luttes passionnées se li\Tent, dont
quelques-uns de nos biens moraux les plus précieux sont l'enjeu. L'héri-
tage de nos pères, il nous faut le conquérir sans trêve pour le posséder. Le
temps n'est plus aux résignations muettes, aux renoncements mornes. Ce
qui est défendu avec fermeté et. constance ne saurait périr... Nous avons
toujours proclamé combien importent à notre caractère la langue et la
« culture » française. Aussi, le droit et le devoir de les maintenir et de les
cultiver à côté de l'idiome offiji i et de la pensée allemande ne cesseront-
ils de trouver en nous des champions résolus... Ces principes, que nous
professons depuis bien des années, trouveront dans les Cahiers alsaciens
une expression plus vivante et plus précise que naguère. Nous donnerons
des articles de fond plus nombreux et plus variés. Nous ferons plus substan-
tielle la chronique alsacienne diS hommes et des œuvres. Un format plus
petit, une impression plus grande en faciliteront le maniement et la lecture.
Les Cahiers alsaciens paraîtront, en fascicules in-8, au moins six fois l'an. »
Le siège du nouveau périodique est à Strasbourg, rue Brûlée, 2. — Prix
de l'abonnement annuel: Strasbourg, 4 marcs; Alsace-Lorraine et États
confédéré?, 5 marcs 50; France, Étranger, 7 fr. 50.
Allemagne. — Nous avons annoncé il y a déjà plusieurs mois la publi-
cation entreprise à Paris par l'initiative notan^ment de M. Béduchaud,
8:^, rue des Saints- Pérès, sou; le titre d-i Fiche bibliographique. Yoïci que
d'Allemagne nous arrive l'annonce d'une publication du même genre, que
M. Chr. G. Hottinger, bibliothécaire à Berlin (adresse: Sud nde. Berlin),
lance à son tour dans la circulation : Ein Riicher-Zettel-Katalog und ein
bio-ikono-biblio^raphisches Sammelwerk (Sûdende. Berlin, l'auteur, 1911,
in-8 de 4 p.). Chaque fiche qui a 12,5 cm. sur 7,5 contient au recto le nom
de l'auteur, son prénom, sa date de naissance et, le cas échéant, de mort,
l'indication de ce qu'il est (professeur, médecin, etc.); le titre de l'ouvrage,
annoncé avec les indications bibliographiques nécessaires (en mai'go : une
reproduction réduite du titre), puis une notice sur le contenu de l'ouvrage;
au vurso, on trouvera une courte note biographique (autobiographique,
si possible) sur l'auteur, la liste de ses principaux ouvrages, son portrait
et im autographe. M. Hottinger annonce en même temps la préparation
d'un ! encyclopédie en 40 volumes Das grosse Lexikon, qui contiendra notaïu-
m ont la reproduction photographique d s lois les plus importantes. ./%W^
^Espagne. — Dans notre livraison d'avril 1911 (t. CXXI, p. 378), nous
avons annoncé à cette même place les débuts d'une publication artistique
•espagnol' qui vient d'achever son premier volume et aussi la première
— 188 ^
année de son existence : Muséum, revista rnensual de arte espafiol antiguo
y moderno y de la l'ida artistica contemporanea (Barcolona, callj INIallorca,
291. in-folio de 120-480 p., plus7p.de tables. Espagn\20 fr. ; étranger,
25 fr.). No\is devons rappeler que le texte espagnol tst complété par une
traduction française très claire, très nette, laquelle est toujours placée
en tête de chaque livraison. L'illustration phototypique est soignée et
généralement très réussie; quelques reproductions cependant sent un
peu iniprécises; quant aux planchoscn couKairs et en noir, elles séduiront
les amat< urs. La presse nationale et la presse étrangère ont ménagé un
accueil d s plus favorables à cette riche publication; aussi ne doutons-
nous pas que sa direction n"" s'efïorce de l'améliorer encore. Il ne nous
paraît guère possible, toutefois, que le nombre d' s reproductions soit
augmenté, car, pour 1911, nous en comptons près de 500 ! — Nous vou-
drions pouvoir citer ici tous les articles qui le méritent, mais comme
cela nous conduirait trop hàn, nous nous bornerons à faire un choix, plu-
tôt arbitraire, mais qui donn* ra une idée de l'intérêt qui se dégage du
Muséum : La Collection Chauchard au Louvre, par S. T. — Antoine Moro,
par Miguel Utrillo. — V Art -flamand à Valence, un tableau sur bois inédit.
du XV*" siècle, par J. Tramoyeres Blasco. — > Souvenirs de la Seville romaine,
par J. Gestoso Pérez. ■ — Statuaire romaine au musée de Tarragone, par
Emile Morera. — VI^ Exposition internationale d^art. Barcelone. — Société
des artistes français. Art décoratif, par Georges Caudel. — une Exposition
rétrospective de peinture espagnole à Munich, par Aiguste-L. Mayer. —
Le Collège de Saint- Grégoire de Vclladolid, par Jean Agapito y Revilla.
— Valdes Leal, tableaux et dessins inédits de ce peintre, par Enrique Ro-
rtiero d^ Torr.s. — La Joconde, par Manuel Rodriguez Codolâ. — Clochers
hispano-arabes, par Anselmo Gascon de Gotor. ■ — Les Arts musulmans
d'Espagne à V Exposition de Munich, par Ernest Kûhnel. — Vettore Zanetti,
par :\Iario Bcrardi. — André Méthty, par Georges Caudel. Le « Muséum,
ii.oons-nous dans un charmant pror.p ctus qui accompagn?* la 12« li^'raison,
a recu'ilii tout ce qui s'est fait et nous est paï'venu auréolé de la sanction
séculaire, et tout ce qui se fait et vient s'ajouter à la production des an-
cêtres, reflétant le sentiment et la pensée de la vie actuelle. C'est ce qu'il
(-orvtinuera do faire à l'avenir, car son désir est que, plus tard, quand on
leuilk-tcra ses pages, on puisse y voir les différentes tendances qui luttent
à présent sur le champ de l'art. » La publication barcelonaise figurera
^.vantageusement dans les plus importantes bibliothèques publiques des
d ux mondes et aussi dans les établissements artistiques de quelque valeur.
Hongrie. — Notre distingué collaborateur M. Emile Horft a pu lié dans
la livraison de juillet 1911 des Mémoires de la Société des ingénieur.-, civils
de France une Notice nécrologique sur S. E. Charles de Hieronymi, - u'il a
ensuite fait tirer à part (Paris, 19, rue Blanche, 1911, in-P de 6 p.). Né en
1836, à Buda, ]\I. de Hieronymi, ingénieur de haut mérite, auteur 1 ou-
vrages estimés sur les voies de communication, a rendu des services de
plus d'une sorte à son pays. De 1893 à 1895, ministre hongro|s de l'inté-
rieur, il a été, à deux reprises, chargé du ministère du commerce de la
Hongrie. Il est mort l'an dernier, laissant les plus vifs regrets non seule-
ment chez ses compatriotes, mais aussi en France, où il s'était acquis de
nombreuses sympathies, principalem'^'nt parmi les membres d^ la Société
des ingénieurs civils à laquelle il appartenait depuis 1883. En ces quelques
pages précises, M. Horn a très bien résumé cette existence 'consacrée en-
tièrement à laxhose publique.
— 189 —
Italie. — L'^ Calendario délia basilica ponlificia del sfanlissimn rnsario
in Valle di Pompei est venu, avec son habituelle fidélité, apporter aux
Ijienfaiteurs et aux amis de l'œux-re fondée et :'ntre.tenue avec un si beau zèle
par M. le Comm. Bartolo Longo en favem* d s orphelins «t des enfants de
condamnés d 'S nouv lies d':'S progrès accomplis et du bien opéré da»3
l'année qui vient d^ s'écouler (Valle di Pompei, scuola tipografica pontificia
pei figli di carcerati, 1912, in-32 de 272-112 p.). Des notices sur l'orphe-
linat féminin avec des photogi'aphics de gi'oupes d'enfants (17 nouvelles
orphelines ont été reçues en 1911, 10 ont été placées, 1 est morte), stries
nouvelles con-truction". de cet orphelinat (grand réfectoire), sur l'hospice
pour les enfants des prisonniers (11 reçus en 1911, 6 placés), aussi avec des
photographies de groupe?; sur les œuvres diverses pour ces deux sections
de l'oeuvre (oratoires, cercles, fanfare, ouvroir, écoles, etc.); puis quelques-
unes de ces biographies d'enfants toujours si touchantes, auxquelles se
mêlent aujourd'hui quelques pages da journal d'un jeune garçon hospita-
lisé (récit d'une visite à son père dans la colonie pénale agricole de Pia-
nosa^ forment la partie neuve de l'annuaire de 1912. Rappelons à nos
lecteurs que les offrandes les plus mod-'stes peuvent être adressées au
Comm. Bartolo Longo, à Valle di Pompei (province de Naples).
— Une tradition populaire italienne veut que Marion Delorme, immor-
talisée par Victor Hugo, ait séjourné au Pasquier de Gïaveno, sur la rive
gauche de l'Ola'-io. M. Charles Thuriet a recueilli cette tradition et nous en
fait part en une jolie plaquette extraite du journal Piemonte, qui paraît à
Turin, et qu'il a intitulée : La Tour Marion Delorme au Pasquier de Gia-
veno (Torino, Ofiicina poligrafica éditrice subalpina, 1911, in-18 de 32 p.).
Richelieu, voulant éloigner Marion di Paris et même de la France, afin
■de l'empêcher d'intriguer en faveur de Cinq-Mars dont les jours sont
comptée, s'entend avec un compère, Maurizio de Savoie, pour décider la
charmeuse à passer quelque temps à Giaveno, où le Palazzo Alto serait
mis à sa disposition. Marion Delorme ayant donné dans le piège, Riche-
lieu peut ain-i, sans courir le risque d'être contrarié, faire exécuter Cinq-
Mars et de Thou. Après quoi, IMarion, rendue à la liberté, rentre en France :
elle n'est plus dangereuse. On s'est souvenu dans le pays d'un acte de géné-
rosité accompli par la belle Française au moment de son départ, et c'est
pourquoi l'on a donné son nom à la tour restant encore debout du Palazzo
Alto. Le principal mérite de cette tradition condste en la manière gra-
cieusement littéraire dont elle vient d'être fixée par M. C. Thuriet.
Maroc. — M. Rouard de Card, qui devient de plus en plus, au point de vue
du droit international, un spécialiste d ;s questions marocaines, a récem-
ment publié deux petites brochures d'une valeur inégale. La première est
le catalogue des livres des xvii^ et xviii^ siècles relatifs aux États barba-
resques, faisant partie de sa bibliothèque; la seconde étudie cette célèbre
négociation franco-espagnole de 1902, dont on a tant parlé durant les der-
niers mois. Nous n'insisterons pas sur la première de ces plaquettes, pu-
bliée avec grand soin, mais dont l'intérêt est assez restreint, M. Rouard
de Card n'ayant pas donné d-^s livres qu'il possède une description biblio-
graphique suffisamment précise et n'ayant pas non plus entouré chacun
de ces ouvrages de l'étude critique qui, seule, eût donné un véritable prix
à son travail, beaucoup trop bref et trop superficiel [Livres français des
xvii^ et XYiii^ siècles concernant les États barbaresques : Régences d'Alger,
de Tunis^ de Tripoli et empire du Maroc. Paris, Pedone ; Gamber, 1911,
in-8 de 37 p.). — Par contre, nous ne pouvons que louer absolument
— 190 —
l'excellente étude do M. Roua^'d de Gard sur la Question marocaine
et la ncgociation frajico-espagnolc de 1902 (Paris, Ptdone; Gamber,
4912, in-8 de 37 p., avec 1 carte). L'auteur se retrouve là sur un terrain où
il est accoutumé d^ manœuvrer et qui est le sien propre; il montre fort
bien les défauts de l'arrang^-ment ébauché en 1902 et fait parfaitement
comprendre comment cet arrangement exerça une fâcheuse répercussion
sur les négociations postérieures. A signaler comme présentant un vif
intérêt la lettre de M. Silvela au duc d'Almodovar del Rio dont la bro-
chure de M. Rovard de Gard contient une traduction intégrale extrême-
ment exacte aux pageî 15-24.
Publications nouvelles. — Bell armin et la Bible sixto- clémentine, étude
et documents inédits, par le R. P. X. M. Le Bachelot (in-8, Beauchesne). —
La Messe, ^étude doctrinale, historique et liturgique, par P.-E. Bourceau
(in-16, Beauchfsnek — Nomendator literarius theologiae catholicae, edi-
dit et commentariis auxit H. Hurter. T. V. Theologiae catholicae. Acta
recens. Pars 1. Seculum tertium post celebratum concilium Tridentinum.
Ab anno 1764-1869 (in-8, Oeniponte, lib. academica Wagneriana). —
Opéra moralia sancti Alphonsi Mariae de Ligorio, Doctoris ecclesiae. Theo-
logia moralis, editio nova cum antiquis editionihus diligenter collata in sin-
gulis auctorum allegationibus recognita notisque criticis et commentariis
illustrata, cura et studio P. Leonardi Gaudé (Romae, ex typ. vaticana,
4 vol. gr. in-8). ■ — Manuel de théologie mystique, ou les Grâces extraordi-
naires de la vie surnaturelle expliquées, par le R. P. A. Devine ; trad. de
l'anglais par l'abbé C. Maillet (in-8, Avignon, Ai banel). — Vade-Mecum des
prédicateurs, par deux Mi.ssionnaires (in- 18, Téqui). — Les Sacrements,
conférences aux étudiants, par L. Boucard (in-16, Beauchesne). ■ — Discours
eucharistiques, 2^ série (in-18, Lethielltux). — Leçons et lectures d^apolo-
gétique. La Vraie Beligion, par E. Roupain (in-8, Tournai et Paris, Gas-
terman). — En Lui ! portrait de Vâme dévouée au Sacré-Cœur, par F. Ani-
zan (in-12, Lethielleux). ■ — L'Autre Vie, par L'gt' E. Méric (2 vol. in-18,
Téqui >. ■ — L'Esprit de sainte Claire, par le R. P. Exupère (in-12, Paris et
Tournai, Gasterman). • — Pages de Lourdes, par A. Mailles (in-12, Paris
et Tournai, Gesterman). — Traité de droit civil comparé, par E. Roguin.
Les Successions. III. La Succession testamentaire (in-8. Librairie générale
de droit et de jurisprudence). • — Traité de droit maritime, par D. Danjon.
T. II (in-8, Librairie générale de droit et de jurisprudence). — Études de
philosophie ancienne et de philosophie moderne, par V. Brochard (in-8,
Alcan). — L'Action criminelle, étude de philosophie pratique, par H. Urtin
(in-8, Alcan). — Aile jonti délia vita prolcgomeni di scienza e d'arte per una
filosofia dclla natura, da D"" W. Mackenzie (gr. in-8, Genova, Formiggini).
— Le Sejis et la valeur de la vie, par R. Euchen; trad. par M.-A. HuUet et
A. Leicht (in-16, Alcan). — Morale et moralité, essai sur l'intuition morale,
par P. Sellier (in-16, Alcan). — La Morale par l'État, par A. Marceron
(in-8, Alcan). — Pour former le caractère, par F.-W. Fœrster; trad. par
C. Thirion et M. Paris (in-18, Fischbacher). — L' Internationalisme scien-
tifique {sciences pures et lettres), par P. H. Eijkman (in-8, La Haye, Van
Stockum). — La Passivité économique. Premiers Principes d'une théorie
sociologique de la population économiquement passive, par M.-A. d'Am-
brosio (in-8, Giard et Brière). — La Hiérarchie des principes et des pro-
blèmes sociaux, par F. Roussel-Despierres (in-8, Alcan). — L'Œuvre so-
ciale de la III^ Bépublique, pa^ Godart, Astier, Groussier, Breton, F.
Buisson, Bonnevay, Borrel, Aubriot, Lemire (in-8, Giard). — Les Grèves
— 191 —
et leur réglementation, par F. Latour (in- 12, Édition du « Bulletin de la
semaine »). — La Révolution sociale, par K. Kautsky (in-16, Marcel Rivière).
■ — ■ Le Médecin, son rôle dans la famille et la société, par le D'' J. Vincent
(in-16 carré, Beauchcsne). — V Architecture religieuse en France à Vépoque
romane, par R. de Lasteyrie (gr. in-8, A. Picard et fils). — La Société du
xvni<^ siècle et ses peintres, par L. Vaillat (petit in-8, Perrin). ■ — Le Lan-
gage musical, étude médico-psychologique, par E. Dupré et M. Natham (in-8,
Alcan). — Histoire de la langue musicale, par M. Emmanuel (2 vol. gr.
in-8, Laurens). — ■ Introduction à la vie tnusicale, par P. Lacome (in-18,
D(lagrave). — Notes brèves, par C. Bellaigue (in-18, Delagrave). — W.A.-
Mozart, sa vie musicale et son œuvre, de l'enfance à la pleine maturité, par
T. de Wyzewa et G. de Saint-Foix (2 vol. in-8, Perrin). ■ — Georges Bizet
et son œuvre, par C. Pigot (in-18, Delagrave). — Linguae hebraicae gram-
maticae institutio quam in usum discipulorum suorum, scripsit P. F. Va-
lante (in-8, S. Juliani ad. Veronam, typ. Camilliana). — En Montagne
bourbonnaise. Mœurs et coutumes, superstitions et sorciers, parle D'' Bris-
s(in (in-16, Roanne, imp. Souchier). — Œuvres de Auguste Brizeux^ nou-
velle éd. revue, corrigée et augmentée, précédée d'une notice biographique
sur l'auteur et suivie de notes par A. Dorchain (3 vol. in-18, Garnier). —
Le Front voilé, par M. L. Dromart (in-16, Jouve). — Sous les pins, par M.
Desbruyères (in-16, Jouve). ■ — Le Poème du silence, par la comtesse J.
d'Avancourt (in-16, Jouve). — La Pluie au printemps, par Albert- Jean
(in-16, Crès). ■ — Laudes, poèmes, par C. de Saint-Cyr (in-18, Rivière). — •
Le Théâtre d^ Ibsen, par W. Berteval (in-16, Perrin). — Les Courtagré, Tpax
P. Gourdon (in-18, Calmann-Lévy). — La Neige sur les pas, par H. Bor-
deaux (in-16, Plon-Nourrit). — Sœur Anne, par O. Aubry (in-16, Plon-
Nourrit). ■ — Un Prêtre, par L. Cathlin (in-18, Grasset). — Raffles, cambrio-
leur pour le bon motif, par E.-W. Hornimg; trad. par H. Evie (in-16. Ha-
chette). — Sans lumière, par J. Pravieux (in-12, Lethielleux). — La
Métairie de Las Ramadas, parla comtesse de Massacré (tetitin-8 carré,
Gaillard). — Un Poète protecteur des lettres au xvii^ siècle. Jean Chape-
lain (1595-1674), étude historique et littéraire d'après des documents iné-
dits, par G. Collas (in-8, Perrin). — Voiture et les années de gloire de T hôtel
de Rambouillet, 1635-1648, par E. Magne (in-18. Mercure de France). —
Nouvelles Etudes sur Chateaubriand, essais d'histoire morale et littéraire,
par V. Giraud (in-16. Hachette). — Le Réalisjne du romantisme, par G.
Pellissier (in-16, Hachette). — Pages choisies, par le v**^ E.-M. de Vogué
(in-16, Plon-Nourrit). — Louis Mercier, par A. de Bersaucourt (in-16,
Jouve). — Charles Guérin, par A. de Bersaucourt (in-16, Gaillard). —
Voyage à l'île Majorque, par J. Leclercq (in-16, Plon-Nourrit). — Les
Epistratèges, contribution à l'étude des institutions de l'Egypte gréco-ro-
maine, par V. Martin (in-8, Genève, Georg). — Le Jeune ur de Notre-
Dame, par A. L'Esprit (in-8, Ghampion). • — Les Lettres de Jehanne d'Arc
et la prétendue abjuration de Saint-Ouen, par le comte C. de Maleissye
(in-16, Maison de la Bonne- Presse). — « Les Saints ». Saint Charles Bor-
romée (1538-1584), par L. Gelier (in-12, LecofTre, Gabalda). — Une Héroïne
de la Renaissance italienne. Catherine Sforza (1465-1509), par P.-D. Paso-
lini; texte français et Introduction de M. Hélys (petit in-8, Perrin). —
La Curie et les bénéficiers consistoriaux, étude sur les communs et menus
services (1300-1600), par A. Clergeac (gr. in-8; A. Picard et fils). — Le
Gouvernement du maréchal de Matignon en Guyenne pendant les premières
années du règne de Henri IV, par F. Geslin (in-8, Bordeaux, Mounastre-
— 192 —
Picamilh,. — Une Province sous Louis XIV. L'Administration des inten-
dants d'Orléans de 1686 à 1713. Jean deCreil, André Jnbert, de Bouville,
Yves de la Bourdonnaye,pAr C. d? Baaucorps (iii-8, Orléans, Marron). —
« Les Saints ». La Bienheureuse Marguerite- Marie (1647-1690), par Mgr
Demimuid (in-! 2, Lecoffre, Gabalda). ■ — La Mère Marceline de Chamer-
lat, S*' supérieure générale de la Miséricorde de Billom (1786-1867), par J.-B.
Couderc (in-8, Téqui). — La Haute- Auvergne à la fin de l'ancien régime,
notes de géographie économique, par G. Esquer (in-8, Champion). — Au
temps des volontaires, 1792. Lettres d'un volontaire de 1792, par G. Noël
(in-16, Plon-Nourrit). ■ — - Histoire de la Révolution dans les ports de guerre,
par O. Havard. T. I. Toulon (in-12, Nomvlle Librairie nationale). — Les
Brûlots anglais en rade de l'île d'Aix (1809), par J. Silvestre (in-8, Savaète).
■ — Histoire de V Angleterre depuis 1815 jusqu'à l'avènement de Georges V
(1910), par A. Regnard (petit in-16, Alcan). — Histoire de l'Italie depuis
1815 jusqu^au cinquantenaire de l'unité italienne (1911), par F. Henne-
guy (petit in-16, Alcan). — • Lamennais et ses correspondants inconnus
par A. Roussel (in-12, Téqui). — 1870. Sedan, par E. Picard (2 vol. in-16,
Plon-Nourrit). — Récits de guerre, par le général Pruneau (in-18, Cal-
mann-Lévy). — L' Alsace- Lorraine de Bismarck devant l'histoire et la diplo-
matie, par E. Bonnal (in-8, Savaète). ■ — ■ Madame la duchesse d'Alençon
intime, par Gouraud d'Ablanourt (in-12, Librairie des Saints-Pères). — ■
Une Ame bénédictine. Dom Pie de Hemptinne, moine de l'abbaye de Mared-
sous (1880-1907), (in-12, Lethielleux). — Les Manœuvres impériales alleman-
des en 1911, par le colonel Repington ; trad. de l'anglais par R. Kann
(in-8, Berger- Levrault.) — Corne vive il popolo a Roma, saggio demogra-
fico sul quartiere Testaccio, da D. Orano (in-8, Pescara, Ci'oce). — Combats
d'hier et d'aujourd'hui, par le comte A de Mun. 3« série, 1908 (petit
in-8, Lethielleux). — Études de critique et d'histoire religieuse, par E. Va-
candard (in-12, Lecoffre, Gabalda). — Ames d'aujourd'hui. Essais sur
Vidée religieuse dans la littérature contemporaine, par F. Vincent (petit
in-8, Beauchesne). — En feuilletant de vieux papiers, par E. Welvert (in-18,
Calmann-Lévy). — Les Livres qui s'imposent. Vie chrétienne, vie sociale,
vie civique, par F. Duval (in-8, Beauchesne). — ^ Bibliographie napoUon-
nienne française, par G. Davois. T. III (in-8, l'Édition bibliographique),
— Catalogue des incunables de la Bibliothèque publique d'Aututi, par C.
Boëll et A. Gillot (in-8, Autun, imp. Dejussieu et Demasy). Visenot.
Le Gérant : CHAPUIS.
Imprimerie polyglotte !•>. Simon, Rennes— Paris.
POLYBIBLION
REVUE BIRLIOGRAPIIIQUE UNIVERSELLE
PUBLICATIONS RÉGENTES SUR L'ÉCRITURE SAINTE
ET LA LITTÉRATURE ORIENTALE
1. Rudim?nta linguae hehraicae scholis publicis et àoineslicae discipli.nae brevissime
accomodata Fcripserunt D'' C.-H. Vosen et D' F. Kaulen. Nova editio quam
recognovit et auxit pro^ J.Schumacher. Friburgi Brisgoviae, Herder, 1911, in-
8 de xî-171 p., 3 fr. 10. — "'. Grammaire du grec du Nouveau Testament, paP
A.-T. Robertson; trad. sur la 20 édition par E. Montet. Pari«, Geutluier, !911,
in-8 de xvi-298 p., 7 fr. 50. — 3. Les Mœurs des Israélites, par Fleury. Extraits
précédés d'une notice par Albert Chérel (Collection Science et Religion). Paris
iiloud, 1912, in-16 de 6i p., 0 fr. 60. — - 4 Bible et Science. Terre et Ciel, par Gh.
DE KiRWAN (Collection Science et Religion). Paris, Bloud, 1911, in-12 de 64 p.,
0 fr. 60. — 5. Der Kanon des Allen Testaments zur Zeit des Ben-Sira. Auf. Grund
der Beziehungen des Sirabuches zu den Schriften des A. T. dargestellt von D'' A.
Eberiiarïhr ( Alttestamenlliche Abhandlungen,t. ÏII, fasc. 3). Mlinster iiu V\'est-
phalien, Aschendori'f, 1911, in-8 de n-77 p., 2 fr. 60. — 6. É'udes bibliques. De
l'authenticité des livres d'Esther et de Judith, par le vicomte E, de Marsay.
Paris, Geuthner, 1911, in-8 de 41 p., 1 fr. 60. — 7. Bellarmin et la Bible sixto-clé-
inentine. Étude et documents inédits, par le R. P. Xavier-Marie Lé Ëachelet.
Paris, Beauchesne, 1911, in-8 de yi-210 p., 5~ l'r. 50. — ■ 8. NcVum Tcstamentum
latine secundum editionem sancti H ieronijmi ad codiciini nianuscriptoruin idenï
recensueriint J. Wordsworth et H.-J. Whit.e. ''^ditio nainor curante H. J. WhiTe^
Oxonii, typ. Clarendoniaao, 1911, in-16 de xx-620 p. — • 9. Die Altsyrisrhen Evan.
gelien in ihrem Verhà'tnis zu Talians Diatessaron untersucht von Di". H.-J. Vo-
GELS (Biblisrhe Studien, t. XVI, fa,so. 5). Fi'eiburg im Breisgan, Herder, 1911,
in-8 de xi-158 p., 6 fr. 25. — 10. £es ^am^s^tangiVe-;. Traduction nouvelle d'après
la Vulgate, précédée d'une Introduction historique et accompagnée de nombreuses
notes explicatives avec cartes et plans, par J.-B. Chabot. Tours, Mame, s. d.
(1911), in-12 de x-98-480 p. — ■ 11. Les Étapes du rationalisme dans ses attaquer
contre les Évangiles et la vie de Notre- Seigneur Jésus-Christ, exposition historique et
critique, par L.-Cl. Fill'on. Paris, Lethielleux, s. d. (1911), in-8 de vi-364 p.^
3 fr. 50. — 12. Jésus-Christ et l'étude comparée des religions. Conférences données
aux Facultés catholiques de Lyon par Albert Valexsin. Paris, Lecoffre, Gabalda,
1912, in-12 de ii-232 p., 3 fr. — ■ 13. Die Niederfahrt Christi in die Unterwelt.
EinBeitragzur Exégèse des Neuen Testamentes und zur Geschichte desTaufsym-
hols von D'' Karl Gschvvind ( Neutestamentliche Abhandlungen, t. I., fasc. 3-5).
Munster im Westphalien, Aschendorff, 191.1, in-8 de xvi-255 p., 8 fr, 50. — •
14. Catalogue des cylindres orientaux de la collection Louis Cugnin, par Léon
Legrain. Paris, champion, 1911, in-4 de n-54 p., avec 6 planches, 10 fr.
1. — L'explication scientifique de l'Écriture exige la connaissance
des langues sacrées. Cette connaissance nécessaire exige elle-même
des instruments d'étude : grammaires, dictionnaires et éditions des
textes originaux. Nous annonçons aujourd'hui deux grammaires :
une grammaire élémentaire de la langue hébraïque, une autre, plus
savante, du grec néo-testamentaire. Les Riidimenta linguae hebraicae
du D^ Vosen ont fait leurs preuves. Composés depuis cinquante ans,
ils ont été améliorés d'édition en édition. Les améliorations ont été
introduites par le Dr. Kaulen, à partir de la sixième édition. La neu-
Mars 1912. T. GXXIV. 13.
— 194 —
"A-ièmc vient d'ÎUo pn'pan'o par le proiesseur Sohi mâcher, de Cologne.-
11 a conservé à l'ouvrage sa disposilitn et sa mitht de et il n'y a ap-
porté que des modifications de-détail. .Apits de ceints piclégcmcnes
sur les langues sémitiques en général et la lûrigi:e hdjiaïqi.e en paiti-
culier, vient un premier livie, la gun niaiie pi( pi(nient dite, divisée
en trois parties : les éléments de la langue (écriture, sors et syllabes),
les formes des mots (ici, le nouvel éditeur a placé les pronoms avant
les verbes tant réguliers qu'irréguliers, le nom et les particules), la
syntaxe des noms, des verbes et des particules. Les notions et les rè-
gles données sont simples et claires. On est surpris de l'emploi de
quelques caractères grecs au milieu des caractères romains pour la
transcription des consonnes hébraïques. Le second livre, entière-
ment consacré à l'étude pratique, est foit bien conçu. Après les para-
digmes ordinaires, au nombre de treize, que les élèves doivent ap-
prendre par cœur, on donr.e une série développée d'exercices gradués
de lecture, d'étude de mots et de traduction. Enfin, on trouve une
liste de mots à retenir et le lexique des termes qui se rencontrent
dans les exercices. Cette grammaire peut servir à l'ttude personnelle
de l'hébreu aussi bien qu'à la classe élémentaire. Elle est bien im-
primée, et d'un prix abordable.
2. — La Grammaire du grec du Nouveau Testament est la traduc-
tion fiançaise, faite par M. Montet, sur la seconde édition de A short
gramma'' of the Greek New Testament du professeur américain Ro-
bfrtson. 11 y en a déjà des versions en italien et en allemand. Pour
bien apprécier cet ouvrage, il est nécessaire de connaître le but de
l'auteur. Il n'a pas voulu faire une grammaire élémentaire à l'usage
des commençants ni une grammaire développée et savante
à l'instar de celles de "Winer, Blass et Moultcn. La sicr.ne est d'un
type intermédiaire : brève sans être un abc'cédaire, de caractère assez
scientifique pour instruire davantage les étudiants déjà avancés des
séminaires américains ou les jeunes pasteurs, qui veulent faire l'exé-
gèse grammaticale du texte du Nouveau Teste ment. Elle s'adresse
donc à ceux qui savent la grammaire grecque et mime les éléments
du grec néo-testamentaire. On n'y trouvera par suite aucun paradig-
me de déclinaison ou de conjugaison. C'est une initiation aune étude
plus approfondie et plus positive de cette langue spéciale, qui n'est
pas un grec de synagogue, comme on disait autrefois, mais bien le
grec vulgaire du i''^ siècle de notre ère, le grec populaire des inscrip-
tions et des papyrus de l'époque. Cette grtmmaiie ccmpiend trois
parties d'inégale étendue. La première, qui est très courte, sert d'In-
troduction et renseigne sur les méthodes lirguistiques mrdeines et
sur la nature du grec néo-testementaiie. I a seconde partie, intitulée :
Formes, expose, en sept chaj)itrcs, leut ce qui ecrcerne cette langue
^ _ 195 —
et les particularitts des substantifs, des adjectifs et des verbes. La
troisième partie, la plus longue, traite de la syntaxe en 25 chapitres.
Tous ces chapitres n'ont rien de ce q|ii constitue .un traité ^>ienima-
tical. C'est un exposé de vues personnelles, d'observations multiples,
d'aperçus sur le développement de toutes les parties de la langue
grecque et de comparaisons avec les autres langues indo-europcennes.
Ces rapprochements, aussi bien que le développement historique de
la langue, font trop souvent perdre de vue le grec néo -testamentaire.
Il eût été plus intéressant pour les' lecteurs, qui ne savent pas
le sanscrit auquel on nous reporte souvent, de connaître les exemples
analogues de la langue des inscriptions et des papyrus. Il y a
aussi des répétitions qu'on aurait pu éviter. Malgré ces défauts de
méthode, la nouvelle grammaire sera utile aux élèves qui ne sont plus
à leurs débuts dans l'étude du grec; ils y trouveront nombre d'obser-
vations judicieuses, beaucoup d'exemples que l'index final des passa-
ges du Nouveau Testament permettra de retrouver facilement. Le
traducteur français a serré le texte anglais d'aussi près que possible
et il a employé des néologismes, que tout le monde comprendra à la
lecture. 11 a aussi ajouté quelques notes pour faire ressortir les res-
semblances du grec néo-testamentaire avec la langue Ijébraïque. 1
3. — M. Albert Chérel a découvert l'originalité de la conception
moderne de l'histoire dans les Mœurs des Israélites que Claude Fleury
publia en 1682. Au lieu de traiter des faits, Fleury a décrit les mœurs ;
il voit dans les Juifs non des ancêtres, mais des étrangers; il aime
les anciens, Juifs, Grecs et Romains, sans les admirer en tout ni les
déprécier; il explique leurs mérites et leurs imperfections; il les juge
non d'après les idées du xvii^ siècle, mais d'après leur milieu et leur
temps. Il s'occupe des costumes et des meubles autant que des mœurs.
Il relève la simplicité des mœurs pastorales des Israélites qu'il
oppose maintes fois aux mœurs et aux préjugés sociaux de son épo-
que. Comme sa satire est sociale et non politique ou personnelle,
comme il ne fait pas de portraits, comme il ne pose pas de modèles,
comme il manque d'imagination, son livre n'a pas fait scan-
dale. Selon M. Chérel, il marque une date importante dans la
conception de l'histoire et il donne, en somme, de la personnalité de
Fleury, une idée assez avantageuse. C'est pourquoi M. Chérel en a
publié d'assez larges extraits dans une brochure de la collection
Science et Religion. L'éditeur pense même que le livre de Fleury
peut « conserver quelque éclat » de notre temps. Si Fleury a fait
faire un progrès aux études historiques, il est bien dépassé. Ses com-
paraisons constantes des Israélites avec les Grecs et les Romains sont
démodées. Pour connaître les mœurs des anciens Israélites, nous
étudions maintenant les mœurs des Arabes, des Bédouins de nos
— 190 — .
jours, l.a brochure de M. Chérel, si elle est une révélation pour le
point de départ de cette conception historique, ne peut servir à nos
•contemporains que par contraste; elle fera ressortir nos progrès
dans 1 étude de la société israélite.
4. — La brochure de M. de Kirwan, qui fait partie de la même
collection, traite deux questions qu'indique le titre complet : Bible
et Science. Terre et Ciel. La première concerne le prétendu conflit
entre les sciences de la nature et les textes sacrés. L'auteur rappelle
que ce conflit est d'origine récente; il expose les premiers essais de
conciliation, qui ont été remplacés par le concordisme, lequel a
eu grande vogue pendant un certain temps. 11 mentionne ensuite le
véritable principe de solution qui a été officiellement reconnu par
Léon XIII dans l'encyclique Providentissiinus Deus et qui consiste à
distinguer les buts si différents de la Bible et de la science. Mais,
au lieu d'en faire la stricte application avec beaucoup dexégètes
récents, qui sont revenus à l'interprétation littérale des jours de 24
heures dans le chapitre I^^ de la Genèse, et de s'arrêter à la théorie
des « emprunts scientifiques » ou du langage populaire conforme aux
apparences, il y greffe un concordisme accessoire et hypothétique,
qui n'est qu'un retour déguisé à l'ancien concordisme. M. de Kirwan
n'a pas oublié les vues anciennes de Jean d'Estienne. La seconde
question, relative à l'anthropocentrisme, est mieux traitée. L'auteur
montre très bien que, malgré la pluralité des mondes ultra- solaires,
dont on ne peut dire avec certitude qu'aucun soit habité, l'homme,
qui a été le but de la création, reste moralement le centre du monde.
S'il opère timidement au sujet de l'existence d'hommes étrangers à
notre race, mais sauvés par les mérites infinis de Jésus-Christ, il a
tort d"appuyer son hypothèse sur des textes bibliques. Ceux qu'il
cite sont ou bien de brillantes métaphores qui prédisent le règne
messianique, ou bien des prophéties sur la fin du monde actuel et le
sort futur des élus.
5. — L'étude de M. Eberharter, intitulée : Der Kanon des Alten
Testaments zur Zeit des Ben Sira, comprend trois chapitres d'inégale
étendue et d'inégale valeur. Le premier, de trois pages et demie
seulement, réunit les données bibliques sur le recueil des livres
inspirés. L'auteur en conclut que le canon des protocanoniques de
l'Ancien Testament était clos à l'époque d'Esdras et de Néhémie. Il a
donné trop d'autorité au passage du deuxième livre des Machabées,
II, 13, et il l'a expliqué avec une précision qu'il n'a pas. Sa conclu-
sion n'est pas prouvée; mais ce n'est vraiment qu'une Introduction,
qui ne peut nuire à son travail personnel. Celui-ci est principalement
dans le chapitre II, où M. Eberharter étudie en détail les relations
de l'Ecclésiastique avec les autres^ livres de l'Ancien Testament. Sur
— 107 —
le Pentateuque, les prophètes antrricuis et pcfctnitiis, les higio-
graphes et les deutéroca:ioniques, il a réuni une triple série de passages-
de l'Eccksiastique, d'après le texte hébreu récemment retrouvé,
qui sont ou bien des allusions, ou bien des citations, ou bien des com-
binaisons de différents passages. Une attention spéciale a été donnée
aux ressemblances de l'Ecclésiaste et de l'Ecclésiastique en vue
d'établir lequel des deux livres est le plus ancien. L'auteur a discuté
les arguments pour lesquels M. Peters avait admis l'antériorité de
l'Ecclésiastique et il a conclu avec raison, semble-t-il, à sa posté-
riorité. Les résultats définitifs paraissent certains. Ben-Sira s'est
servi de la plupart des livres protocanoniques de l'Ancien Testament
et il ne reste de doute que pour le Cantique, Esther et Daniel. Il n'y
a aucun indice de l'emploi de Ruth. Quant aux deutérocanoniques^
il aurait eu sous les yeux Tobie et le livre de la Sagesse, peut-être
aussi Baruch. Dans le chapitre III, l'auteur se demande si tous ces^
livres étaient considérés par Bcn-Sira comme des livres canoni-
ques et il répond affirmativement. Il cherche même à montrer que
le sacerdoce juif avait l'autorité nécessaire pour établir la canonicité
des livres inspirés. Il prouve surabondamment (ce que personne ne
nie) que les prêtres juifs avaient la charge d'enseigner la Loi au
peuple. Mais c'est par un abus visible du raisonnement et sans pouvoir
en fournir aucune preuve directe que, selon lui, la Loi doit s'entendre
detousles livres de l'Ancien Testament. Il n'en fournit que des raisons.
de convenance, celle-ci entre autres : Dieu ne pouvait laisser le cha-
risme de l'inspiration privé de tout organe de constatation. Je le
concéderai, mais avec le Père Knabenbauer, dont le sentiment n'est
pas mentionné, je dirai que cet organe de constatation était, non pas
le sacerdoce juif, mais l'autorité d'un prophète. Il n'y a pas de Biblio-
graphie, et des Français, qui ont écrit sur le canon biblique, l'abbé
Trochon est seul cité.
6. • — M. le vicomte de Marsay a écrit quelques pages sur V Authen-
ticité des livres d' Esther et de Judith. Il s'occupe surtout du premier;
il n'est question du second que dans une sorte d'appendice. Au sujet
d'Esther, il résout d'abord les principales difficultés contre l'his-
toricité par la différence des textes qui nous sont parvenus avec des,
remaniements, et il reconnaît que la conspiration des eunuques
Tharès et Bighta est le nœud du drame. Sur cette base, il reconstitue
ce drame de harem. Il ne recherche que la probabilité, la logique
et l'intérêt, c'est dire qu'il l'arrange à sa façon. Il explique le ncm de
la fête des Purim par un mot persan, qui signifie firman; c'est la fête
du firman d'Assuérus, obtenu par Esther. Enfin, il justifie son senti-
ment par des raisons historiques, qui me paraissent justes, et philo-
logiques, dont je ne puis apprécier la valeur, vu mon ignorance du
^ ^ - 1118 -
persan. A propos do Jiulitli, on nous apprenti qu'Holopherne était
un Mèdo, que les faits se seraient passés à l'époque des Juges d'Is-
raël, à laquelle nous ramèneraient les détails historiques et géogra-
phiques du livre. Ces conclusions sont bien différentes de celles qui
ont cours. La campagne d'Holopherne est présentée comme « une
sorte de raid effectué par un chef de partisans. » De nombreuses fautes
d'impression déparent cette brochure.
7. — Chacun sait la part considérable que Bellarmin a eue à la
revision sixto-clémentine de la Vulgate latine. Son attitude à l'é-
gard de l'édition de Sixte-Quint a retardé deux fois le procès d' sa
béatification. Le Père Le Bachelet a découvert des documents nou-
veaux : lettres, dissertations, recueils de variantes, qui projettent
quelque lumière sur l'histoire de notre Bible officielle. Il les a pu-
bliés au nombre de vingt-cinq : Bellarmin et la Bible sixto-clémentine.
II les a fait précéder d'une étude en quatre chapitres, qui les com-
mente en les replaçant dans leur milieu et eh les harmonisant avec
les documents déjà connus. Après la Bibliographie, l'Introduction
nous apprend les antécédents de Bellarmin et la pensée du professeur
de Louvain et de Rome sur la Vulgate. Le chapitre I^^' traite de la
Dissertation sur la Vulgate, ébauchée en 1586, achevée en 1591 et
publiée seulement en 1749; il analyse son contenu, parle de la con-
troverse sur son authenticité, prouve cette authenticité et détermine
l'époque de sa composition. Dans le chapitre II, on voit les travaux
de Bellarmin dans la congrégation grégorio-clémentine en 1591 et
1592, sa critique de la Bible sixtine, ses avis sur la correction à
en faire et sa rédaction de la pré face mi se en tête de la Bible clémentine.
Le chapitre III raconte les faits qui suivirent la publication de cette
Bible, 1592-1621 : le rachat des bibles de Sixte-Quint, un propos de
Bellarmin sur ces bibles et l'infaillibilité pontificale, le sentiment
du même cardinal sur la bulle /Eternus ille, sur la préface de la Bible
clémentine et son autorité, enfin sur la valeur de cette édition. Le
chapitre IV contient l'apologie du cardinal jésuite et répond aux
trois attaques portées contre lui à l'occasion de la Bible sixto-clé-
mentine : 10 Quel genre d'erreurs prête-t-il à Sixte-Quint? 2° La
bulle /FAernus ille a-t-elle été promulguée? 3° Sixte-Quint conçut-il
le dessein de remettre sa Bible sur le métier? Bien que le P. Le
Bachelet apporte des détails nouveaux, il n'a pas réussi à disculper
entièrement Bellarmin des deux dernières accusations. Peu après la
publication de son livre, paraissait en Allemagne un ouvrage dans
lequel Mgr Baumgarten soutient que Sixte-Quint tenait son œuvre
comme définitive et que la bulle, qui l'autorisait, a été promulguée
dans les formes. Prétendre que la souscription des cursores n'a été
qu'une anticipation serait, selon lui, une altération d'un écrit apos-
— 199 —
tolique qui tomberait sous le. coup de rexcomraunication. Le P. Le-
Bachelet n'a pas répondu aux arguments de Mgr Baumgarten, qu'il
ne connaissait que partiellement, et son apologie de Bellarmin n'est
pas décisive. Toutefois il a apporté beaucoup de pièces inédites et il
a éclairci plusieurs points de cette histoire, qui jusqu'ici étaient de-
meurés obscurs.
8. — Ava2it que le cardinal Rampolla n'ait chargé l'ordre bénédic-
tin de préparer les matériaux d'une revision nouvelle de la même
Vulgate latine, John Wordsvvorth, qui vient de mourir évêque an-
glican de Salisbury, avait ojitrepris, avec la collaboration de M.
White, d'éditer le Nouveau Testament latin de saint Jérôme d'après
les manuscrits. Les deux éditeurs ont déjà publié en grand format
et avec un apparat critique développé les Evangiles et les Actes des
apôtres. L'Épître aux Romains paraîtra bientôt. Or, voici que M.
White nous donne en petit format et avec un choix de variantes le
texte 'entier du Nouveau Testament latin, Noviirn Testamentum
latine secimdiim edilionem sancti Hieronymi. Le texte de la grande
édition est reproduit avec des différences de disposition : il n'est
plus divisé en cola et cotnniata, mais il est continu; les noms propres
commencent par une majuscule;la séparationdes mots est conforme
au codex Amiatinus; les paragraphes sont ceux de la version an-
glaise révisée de 1881 ; l'orthographe est régularisée ; enfin lés fautes
d'impression sont corrigées (voir, par exemple, Act.,vi, 13, qui
dicerent au lieu de dicentes). Les sections eusébiennes sont marquées
à la liv. -ge intérieure, et les passages parallèles à la marge exté-
rieure. Les variantes sont placées au bas des pages, sous le texte.
Elles sont tirées de sept manuscrits pour tout le Nouveau Testa-
ment et de deux autres pour les Evangiles et aussi des deux Bibles
sixtine et clémentine; elles indiquent les additions, les omissions et
les transpop'tions. Quant au texte lui-même, il diffère de notre
Vulgaleacittile non seulement par l'orthographe des noms propres
et d'un certain nombre de formes latines, par la division de quelques
adverbes et conjonctions, mais "aussi parles leçons adoptées. Les plus
importantes sont les omissions. Elles portent sur des versets entiers,
Matth., XXIII, 14; Joa., v, 4: Act.,viii, 37; xv,34; xviii,4; xxviii, 29;
I Joa., V, 7 : rai sur quelques mots en particulier, par exemple, in
somnis, Matth., i, 20; tuam, Matth., ix, 18; aiidiendi, Matth., xiii,
43; ut, A( t., in, 20. Les, additions sont plus rares et ont moins d'im-
portance, par exemple, id, Matth., i, 22; m, Act., xx, 7; xxi, 8;
Rom., V, 17; die, Act., xx, 15; hic, Act., xxv, 24; bis, 11 Cor.,
xiii, 2. Les modifications ou les transpositions sont plus fréquentes,
par exemple, erg^o pour itaque; aulem. pour ergo; quia pour quod,\ recessit
pour secessii; futura pour Ventura; pane solo pour solo pane; démoli-
-^ 200 —
u?Unr^ pour exterminant] aUatum est au lieu d'attulit, etc. Parfois, la
coupe du verset est différente; ai!nsi Joa., i, 3. La phrase d'ÎIeb.,
X, 2, est interrogative. L'impression est très soignée. Nous avons là
un excellent travail qui laissera peu à faire aux futurs rcviseuis ro-
mains du Nouveau Testament. En attendant l'édition officielle, qui
tardera beaucoup encore vraisemblablement, les critiques catholi-
ques se serviront utilement de l'édition de Wordsworth et de "V\hite.
Ces Messieurs ont bien mérité de l'Église catholique.
9. ■ — Dans un précédent travail, M. Vogels avait démontré par les
traces d'harmonistique qu'il remarquait dans le codex Bezae que ce
célèbre manuscrit bilingue avait subi dans les Évangiles l'influence
du Diatessaron de Tatien sous une double forme : le texte grec a
été modifié d'après le Diatessaron grec et le texte latin d'après un
Diatessaron latin. Dans un fascicule des Biblische Studien, il vient
de faire la même démonstration pour les anciennes versions syria-
ques des Évangiles, Die Altsyrischen Evangelien in ihrem Verhùltnis
zu Tatians Diatessaron. Une courte Introduction résume les opinions
des critiques sur les rapports des deux traductions syriaques des
Évangiles séparés, la curetonienne et la sinaïtique ou lewi sienne,
avec les quatre Évangiles harmonisés en un seul récit par Tatien dans
son Diatessaron grec ou syrien. M. Vogels croit à l'antériorité du
Diatessaron que Tatien aurait rédigé en grec et traduit peut-être lui-
même en syriaque. 11 trouve, en effet, dans les deux an-
ciennes versions syriaques des Évangiles séparés des traces
de l'influence du Diatessaron, et tout son travail consiste à les
relever et à les grouper. Il suit la même marche que dans son
Harmonistique du codex Bezae, et il constate dans la cureto-
nienne et la sinaïtique les mêmes marques d'harmonisation que
dans le manuscrit bilingue de Cambridge. 1° Les récits parallèles des
Évangiles séparés ont subi des retouches dans les passages où ils
présentaient des divergences réelles. 2° Leurs transitions ont été
harmonisées. 3° Ils ont les mêmes écarts relativement au texte grec.
4° Ils offrent des variantes harmonisantes. Les preuves de ces quatre
affirmations sont multipliées. Ainsi la quatrième liste contient 1605
passages. M. Vogels tire de là deux conclusions importantes : 1»
La vieille version syriaque des Évangiles est postérieure au Diates-
saron de Tatien, dont elle a subi l'iniluence. 2° La version sinaï-
tique est postérieure à la curetonienne, car cette dernière a plus de
tatianismes que la sinaïtique. Ces deux textes ne sont pas toutefois
deux traductions indépendantes; ils sont plutôt deux recensions
d'une même version faites dans des milieux différents, selon des
principes différents et sans influence de l'une sur l'autre. La- Pes-
chito, qui est une revision, faite au iv^ siècle, de l'ancienne version
— 201 —
syriaque, en a fait disparaître la plus grande partie des leçons har-
monistiques, a supprimé les additions et suppléé les omissions d'après
le texte grec. L'ancienne version syriaque des Évangiles est donc
apparentée au Codex Bezae, quoiqu'elle ait subi l'influence du Dia-
tessaron syriaque plus profondément que le texte grec de ce manus-
crit n'a subi celle du Diatessaron grec.
10. — De la fin du ii'^ siècle nous passons au xx® avec une nouvelle
version française des Saints Éi>angiles, ïsiite parM. l'abbé J.-B. Chabot.
Elle est précédée d'une Introduction historique et accompagnée de
nombreuses notes explicatives avec cartes et plans. L'Introduction
fournit auxjecteurs des notions historiques, géographiques et archéo-
logiques, nécessaires à l'intelligence du texte évangélique. L'auteur a
résumé brièvement l'enseignement actuel des commentateurs catho-
liques Sur l'origine, le but, la composition, la date et les auteurs des
Évangiles. Cet exposé succinct est généralement exact tt fort ins-
tructif. Signalons cependant quelques inexactitudes. Au commence-
menfdu xviii*^ siècle, Mill avait déjà relevé 30.000 variantes du texte
grec du Nouveau Testament; depuis lors, on en a constaté d'autres
dans de nouveaux ma.oiiscrits. La Galilée n'a pas reçu son nom de la
présence de colons idolâtres transportés de l'Assyrie (p. 24). Son
nom signifie « cercle » et, si elle est appelée « cercle des païens »,
c'est qu'elle a toujours compté parmi ses habitants des Chananéens,
descendants des anciens maîtres du pays. Le naziréen n'était pas
seulement un enfant voué par ses parents au nazirtat (p. 40); c'était
n'importe quel Israélite à tous les âges de la vie. 11 y a (p. 41 et
107, note) confusion entre les phylactères, bandes de parchemin
attachées au front et aux bras par des courroies, et la mezouza,
morceau de parchemin, placé dans un étui aux portes des maisons.
Les Évangiles ne nous disent pas que Notre-Seigneur ait rempli-
« plusieurs fois » l'office de lecteur à la synagogue (p. 42) ; saint
Luc seul parle de deux lectures. Si la Pâque durait sept jours,
elle se célébrait du 15 au 21 nisan et non du 14 au 21 (p. 50*);
le 14 était seulement le jour des préparatifs. Les coupes, d'après la
Mischna, n'étaient pas distribuées, mais chaque convive buvait à
son verre. Quelques points de la cène évangélique, reconstituée (p.
52*), sont controversés. Voir p. 440. Si on compte les jours à la
manière juive, du soir au soir, l'eucharistie a été instituée le même
jour que Jésus est mort. On discute si ces deux faits ont eu lieu le 14
ou le 15 nisan. Il est donc inexact de fixer l'institution de l'eucharistie
au 14 et la crucifixion au 15 (p. 82*). L'Introduction se termine par
un tableau chronologique des événements, par la liste des principaux
miracles, paraboles et discours de Notre-Seigneur, par une table
alphabétique des noms de lieux et par la table des Évangiles des
— 202 —
dimanches et fêtes de l'aiiiue liturgique. La \'ersion est une traduc-
tion nouvelle, faite sur la vuli^ate latine, saj.s recours au texte grec,
même quand la leçon latine est fautive, la faute est indiquée seu-
lement en note. Si la phrase exige quelques mots d'explication, ils
sont mis entre crochets. M. Chabot a visé à l'exactitude scrupuleuse»
et n'a apporté au texte aucune modification. 11 a fait une traduction
aussi littéral»' que possible, afin de montrer comment les évangélistes
parlaient en grec. 11 n'a pas toutefois méconnu les règles de la syn-
taxe française. Ce souci de littéralisme donne à sa traduction un
cachet particulier. Quelques formules différentes de celles de Sacy,
auxquelles nos oreilles sont habituées, n'étonneront quje les per-
sonnes qui sont plus attachées aux usages reçus qu'au scrupule de
la fidélité à la Vulgate. L'ancienne coupe de la phrase a été resti-
tuée, Joa., I, 3, 4. Les notes tendent aussi à mettre en évidence
le sens littéral du texte. Elles contiennent cependant parfois des
explications morales ou allégoriques, empruntées aux Pères
de l'Eglise. Quelques-unes répètent des détails qui ont été dbnnés
déjà dans l'Introduction. Elles établissent aussi la concordance
entre les récits parallèles. L'ouvrage est imprimé sur un papier
solide et léger; il fait honneur aux presses de Marne. Je n'ai remar-
qué qu'une seule faute d'impression. La traduction nouvelle des
Évangiles destinée aux classes instruites de la société chrétienn
est de nature à faire aimer et goûter la saveur native de nos Évan-
giles. Nous la recommandons chaudement.
11. — Avec une érudition exceptionnelle et au prix d'immenses
lectures, M. Fillion retrace les Étapes du rationalisme dans ses atta-
ques contre les Évangiles et la vie de Notre- Seigneur Jésus-Christ.
Elles sont au nombre de six qui s'échelonnent depuis le milieu du
xviii^ siècle jusqu'à nos jours. Les quatre premières partent d'un
nom célèbre, de Reimarus, de Paulus, de Strauss et de Baur. Elles
sont plus connues en France, et M. Fillion s'étend moins sur elles.
Il se borne à exposer les idées de leurs chefs, à les critiquer et il
indique les réfutations qu'on en a faites aussi bien que les disciples
qui se sont groupés autour des premiers maîtres des écoles rationa-
liste, naturaliste, mythique ou tendancieuse. Les deux autres étapes
embrassent des théories plus flottantes et plus générales; M. Fillion
les nomme l'étape de l'éclectisme et l'étape du syncrétisme ou de
l'évolutionisme. Le nom d'éclectisme convient surtout aux débuts de
cette cinquième étape. La pleine floraison de l'éclectisme aurait pu
être mieux caractérisée soit en elle-même soit dans ses subdivisions.
M. Fillion a été, me semble-t-il, mal dirigé par une phrase de Weinel
(p. 1.35) et il aurait pu distinguer cette époque de la critique par les
principes suivis plutôt que par les tâches abordées. J'y distinguerais
— 203 —
■deux périodes : celle où prédomine la critique littéraire des sources
et celle où prédomine la critique historique des événements évangé-
liques ou de la vie de Notre-Seigneur. En outre, suivant le plan de
M. Bousset, indiqué à la page 300, j'aurais fait rentrer l'étude du
judaïsme contemporain du Sauveur dans le stade iniiial de la sixième
étape, le syncrétisme, lorsqu'on replace le christianisme primitif
dans son milieu juif. Enfin, pour achever mes critiques, l'ordre chro-
nologique n'est pas toujours suivi dans ces deux dernières étapes et
la marche ascendante de certaines théories n'est pas mai que e. Mais
j'insiste trop sur ces défauts de plan et je semble perdre de vue la
masse énorme de renseignements biographiques, bibliographiques et
critiques, que contient ce livre de mon ancien collègue. Je ne saurais
trop l'admirer et le louer. Dans un dernier chapitre, qui sert d'épi-
logue, M. Fillion retrace avec la même érudition la triste lutte pour
l'existence de Jésus, qui se poursuit en Allemagne depuis 1909. La
conclusion relève avec raison les consolations qu'apporte à un cœur
chrétien la constatation de tant d'efforts inutiles contre les Évangiles
et la divinité de Notre-Seigneur qui demeurent inébranlables malgré
les assauts réitérés qu'ils ont subis. Un Index alphabétique permet de
retrouver vite dans le volume toutes les pages où il est parlé du
même personnage.
12. — Pendant l'hiver de 1911, M. Albert Valensin a donné, aux
Facultés catholiques de Lyon, cinq conférences publiées sous ce titre:
Jésus-Christ et l'étude comparée des religions. La première envisage
une question de méthode : comment se pose le problème christolo-
gique devant la science comparée des religions et comment un catho-
lique peut et doit l'aborder. Il est résolument abordé et traité dans
les quatre conférences suivantes. La seconde place les Christs my-
thiques, c'est-à-dire ceux du pan-bouddhisme et du pan-babylo-
nisme, en face du Christ de l'histoire, dont l'image n'a emprunté
aucun trait ni à la vie légendaire de Bouddha ni aux mythes baby-
loniens.'La troisième étudie l'image du Christ devant le syncrétisme
gréco-romain ; elle discute les analogies qu'on a prétendu trouver •
dans la vie de Jésus avec le dieu persan, Mithra, et elle exclut le Christ
du panthéon romain. La quatrième établit les rapports réels que
Jésus, Messie d'Israël, a eus avec les espérances justes ou vaines du
peuple juif, et elle montre comment le Sauveur a réalisé les unes et
déçu les autres. La cinquième nous présente Jésus comme la voie,
la vérité et la vie, et sa religion comme- satisfaisant toutes les aspi-
rations religieuses des âmes et comme surpassant de très haut toutes
les autres religions. M. Valensin touche, dans ces conférences, à beau-
coup d'idées répandues dans le public par l'étude comparée des reli-
gions; il n'a pas le temps de les approfondir; il ne les met pas même
— 204 —
toujours au point, notamment au sujet du syncrc'titmo gre'co-rtmain,
où il ne s'occupe guère que du mithriacisme et où il ne dit pas un
mot du système préconisé par M. Reitzenstein. D'autre part, il a
donné à ses conférences une allure oratoire qui ne sallie pas à la
précision scientifique. Ce sont de hautes envolées et des généralités.
Les notes finales n'ajoutent pas grand'chose au corps du volume. Les
tables facilitent les recherches.
13. — Les Neulestamentliche Ahhandhut^en de M. Meinertz viennent
de publier une longue monographie sur la descente de Jésus aux
enfers : Die Niederfahrt Christi in die U nterwelt . C'est la première
partie d'une thèse présentée à la Faculté de théologie de l'Université
de Fribourg (Suisse) pour le doctorat. L'auteur, M. G schwind, connaît
aussi bien la littérature française que la littérature allemande du
sujet: ce qui est rare dans les livres qui nous viennent d'Allemagne,
mais ce qui n'étonne pas d'un élève de l'Université de Fribourg. La
monographie se divise en trois sections d'étendue très inégale. La
première, qui n'occupe que treize pages, signale et critique l'aspect
que prend la descente de Jésus aux enfers aux yeux des partisans
de l'étude comparée des religions. La seconde, qui compte cent trente
pages, est consacrée à l'examen de deux passages de la première
Épître de saint Pierre, m, 19, et iv, 6, dans lesquels quelques
exégètes trouvent l'affirmation du fait de la descente de Jésus aux
enfers. L'auteur expose d'abord les diverses explications qui ont été
données jusqu'ici de ces deux versets; il en montre ensuite l'insuf-
fisance. 11 étudie en premier lieu le second passage, dont le sens sert
à déterminer la signification du premier. Les inteiprétations variées
qu'on en a données montrent son cbscurité et sa difficulté. L'ejpli-
cation qui lui paraît la plus naturelle consiste à reconnaître dans les
morts, dont il est parlé aux versets 5 et 6, non pas les défunts, mais
les hommes morts au point de vue spirituel. C'est à ce sens qu'il
ramène la formule du verset 5 : juger les vivants et les morts, et
la prédication faite aux impies qu'ils seront jugés d'après leurs œu-
vres charnelles pour les amener à vivre selon Dieu spirituellement.
Il n'y est donc pas question de la descente de Jésus aux enfers. Le
premier passage, qui est plus difficile encore, est plus longuement
traité. Le texte a d'abord besoin d'être établi critiquement avant
d'être interprété, parce qu'il a été diversement remanié dès la plus
haute antiquité chrétienne. Son authenticité et son intégrité admises,
surgissent des explications très variées. M. Gschwind combat celles
qui y voient une prédication du Christ aux âmes des contemporains
de Noé, soit qu'elles aient eu avant leur mort le regret de leurs
fautes, comme le pensait Bellarmin, soit que le Christ les ait conver-
ties dans les enfers, comme si la conversion après la mort était pos-
sible, ou comme s'il s'agissait des anges déchus et gardés en prison
- 205 —
dans l'enfer. 11 rejette l'explication de saint Augustin, qui croyait que
Noé avait prêché à ses contemporains le Christ préexistant. Suit un
long essai d'explication nouvelle du verset. La marche en est enche-
vêtrée. Je me borne à en indiquer les résultats. La suite des idées est
celle-ci : Il vaut mieux être bon et souffrir si Dieu le veut, que d'être
mauvais (verset 17), et ce principe est illustré par deux exemples, celui
du Christ, qui est mort pour nos péchés (verset 18), celui des esprits
mauvais, gardés ouréservés pour le jugement dernier, à quile Christ,
en remontant au ciel, a annoncé le jugement qui les attend, un juge-
ment pareil à celui qui a frappé les hommes incrédules au temps de
Noé. 11 n'est donc pas question non plus dans ce passage de la descente
aux enfers. Ces deux preuves écartées, l'auteur, dans la troisième sec-
tion, en cent pages, expose le fondement, l'attestation et le sens pri-
mitif du Desccnsiis Cltristi ad inferos. Le fait est conforme aux idées
juives sur la mort et l'enfer à l'époque néo-testamentaire; c'est un
postulat des doctrines juives sur le sort des âmes séparées après la
mort et avant la résurrection. Il est attesté dans le Nouveau Testa-
ment par le signe de Jonas, Matth., xii, 40, dans le discours de
saint Pierre, le jour de la Pentecôte, Act.,ii, 23-31, par les affirmations
de saint Paul, Rom., x, 6; Eph., iv, 8-10. La doctrine du Messie
souffraftt et mourant est enfin un fondement, secondaire de la des-
cente du Christ aux enfers. Quant à la signification du fait, elle est
double : elle montre le Christ portant aux âmes détenues dans les
enfers l'annonce du salut qu'il leur a mérité par sa mort, et rempor-
tant la victoire sur les puissances infernales et sur la mort elle-même
par sa résurrection. Deux tables, indiquant l'une les passages bibli-
ques cités et formant l'autre le registre des noms propres, permettent
àe se retrouver dans ce travail touffu, mais très important.
14. ■ — • Le Père Scheil a confié à M. l'abbé Legrain le soin de dresser
le Catalogue des cylindres orientaux de la collection Louis Cugnin, et
il a revu le travail de son élève. Ces cylindres sont au nombre de
71 et ils reproduisent des cachets de toutes les époques depuis les
origines de la civilisation sumérienne (vers 3000 avant J.-C), dans
les plaines du Bas-Euphrate, jusqu'au temps de la domination perse.
L'auteur en a donné une description complète et technique; il les a
rapprochés d'autres cylindres déjà publiés en vue de faciliter et de
confirmer leur interprétation. Il a ainsi fourni aux spécialistes des
renseignements nouveaux pour l'étude des dieux, des pratiques reli-
gieuses, des idées, des mœurs et de l'art de ces anciennes populations.
La reproduction phototypique des 71 cachets permet de contrôler
la description faite, et des tables bien dressées groupent les principaux
1 enseignements produits. C'est un travail de bon augure pour de
plus importantes publications. E. Mangenot.
— 206 —
BEAUX-ARTS
{Suite.)
OrvRAGKS GÏ'.xP'K \r >:. — !?!. Histoire df fart depuis les premiers temps chrétiens-
jusqu'à nos jours, publiée sous la dii'crtion do Aivcrk Micjiei,. T. IV, La fienais-
sance. seconde partie. Paris, ("olin, 191 1, in-4 de 512 p., avec 325 grav. et 5 plan-
ches hors texte, 15 fr. — 22. Manuels d'histoire de l'art. L' Architecture. Antiquité,
par François Penoit. Paris, Laurens, 191!, in-8 de vi!-575 p.. :'.vec 351 grav.,
10 'r. — 23. Manuels d'histoire de l'art. Les Arts de la terr", crramique, verrerie,
émaillerie, moscîfue, vitrail, par René Jean. Paris, Laurens, 1911, in-8 de 480 p.,
avec 198 grav. et 3 cartes. 10 fr. — 2'». Graphique d'histoire de Fart, par Joiseph
G.\iTTHiER. Paris, Plon-Nourrit, 1911, in-8 de vii-224 p., avec fi65 fig., 3 fr, 50.
— 25. Traité de composition décorative, par Joseph ClAUTHiEuet l-ouiS.CArELT.E.
Paris, Plon-Nourrit, 1911, in-8 de v-398 p., avec 53 pi. et 865 fig., 5 fr. — 26.
L'Art de reconnat're les styles. Architecture. Ameublement, par Émiie-Bayard.
Paris, Garnier, s. d., in- 12 de 459 p., avec 280 grav., 4 fr. — 27. L'Art de reron-
nnîre les styles. Le Style Louis XVI, par Émile-Rayard. Paris, Garnier, s. d.,
in- 12 de 288 p., avec 160 grav.. 4 fr.
Musées, collections. — 28. Musées et collections de France. Le Musée de Tours,
par Pail Vitry. Paris, Laurens, 1911, in-8 de lxviii p., avec 122 grav., 10 fr.
— 29. Les Richesses d'art de la ville de Paris. Les Jardins et les squares, par Ro-
bert Hénard. Paris, Laurens, 1911, in-8 de 276 p., avec 64 pi. hors texte,
8 fr. — 30. Les Richesses d'art de la ville de Paris. Les Musées municipaux, pa r
Maurice Quentin-Bauchart. Paris, Laurens, 1912, in-8 de 198 p., avec 64 pi.
hors texte, 8 fr.
Biographies et écrits d'artistes. — 31. Les Grands Artistes. Les Primitifs fran-
çais, par Louis Dimier. Paris, Laurens, s. d,, in-8 de 128 p., avec 24 grav.,
2 fr. 50. — 32. Les Grands Artistes. Mantegna, par Anprf Blkm. Paris, Laurens,
s. d., in-8 de 128 p., avec 24 grav., 2 fr. 50. — 33. Les Grands Artistes. Renve-
nuto Cellini. par Henri Focillon. Paris, Laurens, s. d., in-8 de 128 p., avec 24
grav., 2 fr. 50. — 34. Les Maîtres de l'art. Giovan- Antonio Razzi, dit le Sodoma,
par L. GiELLY. Paris, Plon-Nourrit, s. d., petit in-8 de 187 p., avec 24 grav.,
3 !'r. 50. — 35. L'Art de notre temps. Daumier, par Léon Rosfnthal. Paris,
Librairie centrale des beaux-arts, s. d., petit in-4 de 114 p., avec 48 photo-
gravures, 3 fr. 50. — 36. Grèce, ou le Secret de Tolède, par Maurice Barrés.
Paris, Émi!e-Paul, 1912, in-18 de 189 p., avec 24 illustrations, 3 fr. 50. — 37.
Gérard Dou, sa vie et son œuvre, par W. Martin; trad. du hollandais par Loi/is
DiMiER. Paris, Jouve, 1911, in-8 de 229 p., avec 16 pi. hors texte, cartonné, 12fr. —
38. Traité de la peinture de Léonard de Vinci, trad. intégralement et accompagné
de commsntnires par PÉLADAN. Paris, Delagrave, s. d., in-8 de 247 p., avec '40
grav., 7 fr. 50. — 39. L'Œuvre littéraire de Michel- Ange, n' après les archive^
Ruonaroti, etc., trad. par Boyer d'AcEN. Paris, Delagrave, s. d., in-8 de 19ii p.,
avec 26 pi. hors texte, 7 fr. 50. — 40. Quatre Dialogues sur la peinture de Francisco
de Hollanda, Portugais, mis en français par Léo Rouanet. Paris, Champion,
1911, in- 12 de xxxiii-239 p., avec 2 grav., 5 fr. — 41. Écrits d'amateurs et d'ar-
tistes. Paul Huet d'après ses notes, sa correspondance, ses contemporains. Documents
recueillis et précédés d'une notice biographique par son fils René-Paul Huet.
Paris, Laurens. 1911, in-8 de vi-543 p., avec 17 pi. hors texte, 15 fr. — 42.
Les Membres de l'Académie des beaux-arts depuis la fondation de l'Institut, par
Albert Souries. Troisième série, 1852-1876. Paris, Flammarion, 1911, in-8 de
314 p., 6 fr. — 43. Causeries, réflexions et souvenirs sur la peinture, par J.-F.-C,
Clère. 2«éd., Paris, Henry Paulin, s. d., petit in-8 de vii-446 p., 4 fr, 50.
Voyages d'art. — 44. En flânant. A travers la France. Autour de Paris, par An-
dré Hallays. Paris, Perrin, 1910, petit in-8 de iii-313 p., avec 32 grav., 5 fp,
— - 45. En flânant. A travers l' Alsace, par André Hallays. Paris, Perrin, 1911, petit
in-8 de iii-342 p., avec 36 grav., 5 fr. — 46, En flânant. A travers la France.
Provence, par André Hallays. Paris, Perrin, 1912, in-8 de 1-367 p., avec 28
grav., 5 fr. — 47. Italica. Impressions et .souvenirs, par Joseph L'Hôpital.
— 207 —
Parisi, Pei'riii, î909, in-!6 de xv-2:;9 p., 3 fr. 50. — 48. Toscane et Ombrie., par
(Jaston GrSxdgeorge. Paris, PJon-Nourrit, s. d., in-16 de ii-29i p., 3 fr. 50.
— '(9. Terres antiques. La Sicile, par Achille Segaiu). Paris, Plon-Nourrit, 1909.
i(i-l6 de 1-330 p., 3 fr. 50. — 50. Quinze Jturs à Naples, par André Maukel.
Paris, Hachette, s. d. (1912), iii-I6 de 211 p., avec 124 grav. et 16 plans, cart.
toile, 7 fr. 50. — 51. Les Villes d'art célèbres. Naples et son golfe, par Eunest
LÉMONON. Paris, Laureiis. 1911, in-8 de 172 p., avec 121 grav., 4 fr. — 52.
Les Villas d'art célèbres. Dresde, Freiberg et Meissen. par Georges Serviéres.
Paris, Lauren"^, 1911, in-8 de 164 p., avec 119 gr.iv. , 4 ''r.
Ouvrages généraux. — 21. — La grande Histoire de l'art que
dirig'i M. André Michel est parvenue au milieu de son cours : des seize
volumes qu'elle doit comprendre, le huititme vient d'êtie achevé. Il
continue l'étude de la llenaissance, dont il nous montre l'épanoiiisse-
ment en France, en Espagne et au Portugal. La tâche a été répartie,
pour la France, de la façon suivante : M. Paul Vitiy s'est chargé de
l'architecture, M. André Michel de la sculpture, M. Jean de Foville
des médailles et monnaies, M. le. comte Durrieu de la peinture, M.
Emile Mâle du vitrail. 11 était impossible de choisir des collabora-
teurs mieux préparés; il eût été difficile d'en trouver d'autres. Ja-
mais encore cette période assez obscure de l'art français, période de
transition, qui commence par le plus délicat mélange des influences
du Nord et du Midi pour s'acheminer peu à peu vers une servilité
extrême aux suggestions de l'Italie, n'avait été débrouillée aussi
patiemment, ni analysée avec cette ampleur. Et le grand chapitre
par lequel se termine le volime, l'étude de la Renaissance en Espa-
gne et en Portugal, entièrement neuf pour des lecteurs français, nous
apporte, groupées, ccmplétées, animées par le beau talent de M. Emile
Bertaux, et enrichies par ses soins d'illustrations inédites irfir ment
précieuses, les découvertes les plus récentes de l'érudition d'outre-
Pyrénées.
22. — C'est un livre d'une originalité forte et austère que le tome
l^ï", consacré à Y Antiquité ^ du grand Mauuel de V Architecture donné à
la librairie Laurens par M. François l'enoit, le brillant professeur
d'histoire de l'art à la Faculté des lettres de Lille. Égalant presque
par son ampleur les magnifiques monographies de M. Choisy, il les
dépasse par sa portée; on y voit l'analyse s'acheminer parmi les civi-
lisations méditerranéennes, et s'associer, en même temps qu'à l'his-
toire générale, aux sciences géographiques, géologiques, et même à
la mécanique; partout l'enquête minutieuse se subordonne aux con-
ditions naturelles et humaines, et se laisse diriger par une logique
intime. Le commentaire graphique du texte, vraiment perpétuel,
prend la forme de dessins schématisés où apparaissent tous les types
de constructions et de décors, dans leur développement successif ou
simultané. L'érudition s'y fait abordable à tous les lecteurs; nulle
part elle ne se hérisse de termes spéciaux redoutables auX: profanes,
— 208 —
ou, s'il lui faut les employer, elle les accompagne de leurs équivalents
les plus clairs, elle les vulgarise. Des notes historiques, une biblio-
graphie considérable, un bon index ajoutent aux services que ne peut
manquer de rendre un ouvrage aussi bien adapté aux besoins de l'en-
seignement.
23. — Pourquoi M. ]\ené Jean n"a-t-il pas donné à son excellent
manuel un titre plus large : Les Arts de la terre — et du feu ? Car
enfin s 'il s'agitdel'émailjdu vitrail ou de la mosaïque, c'est l'œuvredu
feu avant tout que nous admirons; mais il est vrai de dire que leur
origine commune est la terre. Ce manuel se compose de plusieurs
parties adroitement soudées. La première, qui tient exactement la
moitié du volume, sous une rubrique générale : L'Argile, comprend
une histoire forcément sommaire par endroits, mais très élégamment
conduite, de la céramique depuis l'antiquité jusqu'à nos jours; les
quatre autres parties, la verrerie, l'émaillerie, la mosaïque et le vitrail,
mettent en œuvre, avec un goût des plus délicats, tous les renseigne-
ments essentiels et les dernières recherches de l'érudition. Le très
aimable et actif conservateur de la Bibliothèque Doucet est installé,
par ses fonctions mêmes, au centre des informations les plus abon-
dantes et les plus sûres ; et il sait nous en faire profiter. L'illustration
de son livre, exécutée avec grand soin, présente, surtout pour la céra-
mique, un choix suffisamment varié des pièces les plus remarqua-
bles.
24, 25. — Le Graphique d'histoire de l'art de M. Joseph Gauthier,
professeur à l'École des beaux-arts de Nantes, est un sommaire très
pratique, par tableaux bien groupés, des différentes phases et des
différentes formes de l'art à travers les âges et les peuples. De petites
figures, schématiques pour la plupart, en général fort bien choisies,
aident à l'intelligence d'un texte ingénieusement distribué, qui ren-
dra d'utiles services aux débutants. — Le Traité de composition
décorative, où le même auteur a eu pour collaborateur un architecte,
M. Louis Capelle, également professeur à Nantes, est une véritable
encyclopédie où de l'étude successive des éléments géométriques et
des éléments naturels se dégagent les lois nettes et rigoureuses de
la stylisation et du décor. Cet ouvrage contient, notamment dans les
chapitres consacrés à la flore et à la faune ornementales, les observa-
tions les plus justes et les plus sages, que les jeunes élèves des écoles
de dessin auront tout profit à méditer; toutefois l'illustration, d'un
goût très personnel, s'écarte parfois trop volontiers des modèles clas-
siques, et les auteurs sont portés à confondre la stylisation avec \e
style. . -.
26, 27. — M. Emile Bayard, qui porte le nom d'un dessinateur
spiritud et charmant, cher aux jeunes lecteurs de la Bibliothèque
— 209 —
rose et des romans de M"^*^ de Ségur, a entrepris sous ce titre : L' Art
de reconnaîre les styles, une série de manuels pratiques, remplis
d'observations judicieuses, et très abondamment illustrés. Le
premier est une sorte d'Introduction générale, causerie agréable et
sans prétentions, qui va des puissantes œuvres des arts anciens jus-
qu'aux derniers raffinements de l'incohérence moderne, cataloguant
parfois, appréciant toujours avec un goût avisé et sûr. Le second,
qui étudip spécialement le Style Louis XVI, nous fait connaître par
ses descriptions, par son illustration surtout, les minutieux détails
d'un luxe qui atteignit peut-être, dans l'ameublement tout au moins,
la plus délicieuse perfection, à la veille du jour où la Révolution,
interrompant brusquement toute une longue et savante tradition,
allait obliger l'art français à se refaire, sans principes assurés, une
éducation nouvelle et singulièrement appauvrie.
Musées, collections. — 28. — Bien des trésors, que l'on ne
soupçonne guère, ont un abri dans nos musées de province, et c'est
faire œuvre utile que d'en répandre la connaissance. Après le Musée
de Grenoble, voici que la librairie Laurens nous présente le Musée de
Tours, dont toutes les œuvres d'art, soigneusement reproduites, for-
ment un bel album d'une centaine de planches. Il y a là des peintures
italiennes célèbres, les deux fragments de la prédelle du Mantegna de
Vérone, dont le panneau central est au Louvre, des Rubens, et sur-
tout des toiles intéressantes de l'école française du xvii*^ et du xviii^
siècle, parmi lesquelles des Le Sueur, plusieurs Boucher, un Perroneau^
et nombre d'œuvres nullement négligeables de maîtres secondaires;
parmi les modernes, un beau Delacroix occupe le premier rang, et le
portrait de Balzac, par Louis Boulanger, tout frémissant de vie et
d'ardeur, est un admirable document pour l'iconographie du grand
omancier. Des sculptures, des tapisseries, des meubles complètent
ce bel ensemble maintenant installé dans l'ancien palais des arche-
vêques. Le catalogue a été dressé très soigneusement par M. Paul
Vitry, conservateur au Musce du Louvre, à qui l'on doit déjà un ex-
cellent volume sur Tours, publié par la même librairie dans sa collec-
tion des « Villes d'art célèbres ».
29, 30. — La jolie et utile collection des Richesses d'art de la ville
de Paris comprend déjà six volumes. Des deux derniers, l'un, dû à
l'érudition et au goût très sûrs de M. Robert Hénard, conservateur-
adjoint du Petit Palais des Champs Elysées, nous décrit l s Jardins
et les squans. On y trouvera les plus précieux renseignements sur
tous ces coins fleuris et verts, parfois terriblement exigus, où respire
et se repose la grande ville; c'est toute une histoire, continuée d'âge
en âge, de Paris vu par le dehors. Mais, s'il s'agit des grands jar-
dins qui sont le luxe en même temps que la santé de Paris, de Vin-
Mars 11>12. t. CXXIV. 14.
— 210 -
cennes à Boulogne, de. Montsouris et du Luxembourg à Monceau et
aux Buttes-Chauniont, le livre de M. Robert llénard nous apporte
un ensemble de monographies, dont le texte fort attachant est encore
embelli par un choix judicieux d'illustrations aussi agn'ables que
variées. — Le second volume, qui traite des Must'es municipaux, est
dû au regretté Maurice Quentin-Bauchart ; un peu rapide, un peu
sommaire peut-être sur quelques points, c'est un exposé agréable et
brillant des richesses réparties en cinq principaux édifices, le Petit
Palais, l'hôtel Carnavalet, la maison de Victor Hugo, les Musées Gal-
liera et Cernuschi; descriptions et anecdotes s'y encadrent de gra-
vures où sont reproduits avec grand soin les meilleurs objets d'art.
Biographies et écrits d'artistes. — 31 à 33. — Trois nouveaux
volumes ont paru dans la collection des Grands artistes de la librairie
Laurens. Le premier est de la plus haute importance par les graves
et nombreuses questions que l'on y trouve agitées en peu de pages.
Il traite des Primitifs français, et a pour auteur notre collaborateur
et ami M. Louis Dimier, spécialiste en la matière. Reprenant avec
une érudition patiente les vives polémiques dont l'Exposition orga-
nisée en 1904 par le regretté Bouchot fut la première occasion, M. Di-
mier s'attache à établir non pas l'existence, mais plutôt l'incohérence
des efforts de l'art français, avant que l'Italie, au xvi^ siècle, lui
ait ouvert sa véritable voie. 11 passe en revue les œuvres de pein-
ture qui nous sont parvenues, à l'exception des miniatures, étudiées
en un autre volume de la même collection, et il n'a pas de peine
à nous montrer le petit nombre de celles dont on peut garantir l'ori-
gine française. Ne va-t-il pas un peu loin dans les conclusions de sa
plaidoirie? Je le croirais volontiers, et surtout je ne le suivrai point
dans son apologie de l'art franco-italien de la Renaissance; mais
son livre, même en l'absence de notes, que n'admet malheureusement
pas le plan de la collection, sera lu et discuté, comme il a été écrit,
avec passion. — M. André Blum a résumé en un travail nettement
et sagement distribué tout ce que l'on sait delà vie et de l'œuvre de
Mantegna. — M. Henri Focillon a étudié et jugé avec enthousiasme
le génie riche, exubérant, excessif et inégal de Benvenuto Cellini;
ses pages fortement documentées vibrent d'un bout à l'autre d'une
sympathie qui surprend parfois, mais qui sait se communiquer.
34. — Dans la collection des Maîtres de l'art, M. Gielly a donné une
intéressante étude sur le Sodoma, peintre puissant et voluptueux,
tenu jusqu'en ces dernières années pour un des meilleurs élèves du
Vinci. L'érudition italienne et anglaise a fait justice de cette légende,
et montré dans le Piémont les origines d'un art d'ailleurs très person-
nel, mais qui ne va pas sans une pointe de sensualité morbide.
L'analyse des œuvres, tableaux et fresques, dont un catalogue très
— 211 —
complet termine le volume, est faite avec un sentiment
généralement fort juste, une critique attentive à séparer le
bon et l'exquis de l'ordinaire et du médiocre, trop fré-
quents chez ce grand artiste inégal, dont l'illustration même
du livre suffit à faire apprécier, auprès de trouvailles de génie,
l'excessive et molle facilité.
35. — 11 serait vain de louer longuement la récente collection de
biographies d'artistes modernes, intitulée : « L'Art de notre temps r,
qui vient de changer d'éditeur, mais sans changer d'aspect; la fa-
veur publique lui a fait un succès mérité. La nouveauté de ces jolis
volumes, c'est d'être avant tout des albums; l'image y tient la pre-
mière place. Nulle part mieux que dans un livre sur Daumier, il
n'était nécessaire de donner de parfaites reproductions : dans ces
photogravures pourtant bien réduites, le blanc et le noir des litho-
graphies originales ont gardé toute leur valeur; on s'attardera avec
un vif plaisir à en admirer la puissante ironie, et on ne lira pas avec
un moindre intérêt les commentaires ingénieux et vivants et la no-
tice où M. Léon Rosenthal, excellent historien de la peinture rcman-
tique, a su dégager l'originalité de l'admirable peintre trop longtemps
méconnu.
36. ■ — Voici encore un petit livre où il y a des images, bien choisies,
parfaitement exécutées, etïort propres à donner l'idée du peintre dont
elles accompagnent la biographie; n\ais il £e trouve que ce peintre
est Greco, et que son biographe est M. Maurice Barrés, qui a décou-
vert, en étudiant Greco, le Secret de Tolède. Alors, qu'est-ce que
nos pauvres images? il y en a bien d'autres, et qui vont se fixer au
plus profond de l'âme, se levant brusquement du milieu de ces lignes
amères et disciplinées comme les bosquets de buis d'un Versailles où
l'on entendrait par moments les échos des violons romantiques. Pour
une fois que M. Barrés s'est amusé à la critique d'art, il nous a
donné le vrai modèle d'un jeu de l'intelligence, dont les érudits le plus
souvent ne font qu'un lourd casse-tête; il a ressuscité l'âme d'un
peintre, pour l'incorporer à une ville. A quoi bon franchir les Pyré-
nées maintenant? J'ai vu, je connais Tolède.
37. — Nou-. devons être reconnaissants à M. Louis Dirnier^ déjn
loué plus haut, qui nous apporte une excellente biographie d'un des-
plus célèbres parmi les petits maîtres hollandais, Gérai d Dou. C'est
la traduction, élégante et précise, d'un livre du savant directeur du
Musée royal de La Haye, M. \^'. Martin, livre dont le mérite n'est
pas seulement de nous raconter par le menu la vie et les travaux de
l'artiste, mais aussi, et surtout peut-être, de nous présenter un ta-
bleau des plus pittoresques et des plus exacts des mœurs et des habi-
tudes des peintres de ce temps. Le commerce des arts, les relations
avec les amateurs, les goûts et les amusements de toute une société
nous apparaissent ici dans la lumière de documents nombreux et
habilement interprétés; le chapitre sur « Un Atelier de peintre au
xvii^' siècle » est une des plus parfaites et délicates reconstructions
que l'on puisse souhaiter du vieil édifice de la peinture hollandaise.
Le catalogue raisonné des œuvres de Gérard Dou, qui termine le vo-
lume, tel que M. Dimier l'a conçu, c'est-à-dire corrigé et complété
d'après le texte de M. Martin, est appelé à rendre aux historiens d'art
les plus signalés services. Enfin, l'éditeur a enrichi ce volume très soi-
gneusement imprimé d'un choix de bonnes planches photographi-
ques, qui donnent une idée suffisante de tableaux de genre dont le
fini et le poli sont poussés jusqu'aux extrêmes limites.
38. — D'admirables publications, poursuivies avec un zèle patient
et désintéressé par de récents éditeurs, ont enfin rendu accessibles à
l'étude les nombreux manuscrits de Léonard de Vinci; ce n'est pas
à dire que l'on puisse aisément s'y diriger; et d'ailleurs le prix exces-
sivement élevé de ces facsimilés superbes leur défend de se caser ail-
leurs qu'aux bibliothèques publiques. La France, où cependant fut
imprimé pour la première fois, en 1651 et 1652, le Traité de la pein-
ture, ne possédait aucune édition moderne de ce bréviaire des artistes,
où le peintre philosophe a lentement rassemblé le trésor de ses obser-
vations, l'expérience de sa vie entière. M. Péladan, depuis longtemps
préparé à ce travail par ses études d'esthétique, vient de traduire
intégralement le texte de Léonard, tel que l'éditeur allemand Ludwig
l'avait mis au jour d'après le manuscrit du Vatican. Sa traduction est
classée dans un ordre logique, complétée par de nombreux fragments
tirés des autres manuscrits du maître, enfin commentée avec le goût
le plus délicat et le plus sûr. Bien que ce livre, par son prix fort mo-
dique, ait un caractère nettement populaire, il n'en faut pas moins
remercier l'éditeur de l'avoir enrichi d'une abondante illustration, qui
se compose d'abord de réductions des figures démonstratives des
éditions du xvii^ siècle, ensuite et surtout de reproductions photogra-
phiques d'après les plus beaux dessins de Paris, de Florence et de
Milan; toutes simples et ordinaires que soient ces reproductions en
noir, elles laissent transparaître un peu de l'âme profonde que nous
devinons au travers des lignes trop serrées et touffues du texte.
39. — L'Œiwre littéraire de Michel-Ange diffère absolument de
celle de Léonard de Vinci; elle se réduit à unrecueilde poésies souvent
grandioses, et à une correspondance assez abondante, qui nous a été
heureusement conservée. M. Boyer d'Agen, à qui nous devons déjà
tant d'excellentes publications sur l'Italie des papes et des arts, a
composé avec amour, à la gloire du peintre de la Sixtine, un recueil de
traductions pour la première fois complètes, et qui comprennent,
— 213 —
outre les lettres et les poésies, la vie du maître, rédigée par son dis-
ciple Ascanio Condivi. H y avait là les ékments suffisants d'un beau
livre, dont la librairie Delagrave a voulu faire l'exact pendant du
Traité de Léonard, précédemment publié; des planches hors texte,
exécutées avec grand soin, y ont été insérées, qui réunissent quelques-
ilns des plus nobles dessins conservés au Louvre, au British Muséum,
aux Offices et au Musée Buonarroti de Florence.
40. — Un comph'ment indispensable et très inattendu des études
sur Michel-Ange se trouve dans les Quatre Dialogues sur la peinture
du Portugais Francisco de Hollanda, œuvre presque inconnue jus-
qu'à ces dernières années, que le regretté Léo Rouanet a traduite et
publiée avec le plus grand soin. Ce sont des bavardages un peu longs,
mêlés d'interviews, si l'on peut dire; mais ces bavardages d'un hon-
nête peintre portugais se font tout bonnement dans le salon de la
marquise Vittoria Colonna, et dans l'atelier de Michel-Ange; ces
dialogues sans apprêt ont pouf interlocuteurs le plus grand des sculp-
teurs et la poétesse illustre qui fut son amie. Quelle surprise ! imaginez
notre Puvis de Chavarmes chez la princesse Cantacuzène, et transpor-
tez le dialogue à trois cents ans de distance !
41. — Le noble monument élevé à la mémoire et à la gloire de Paul
Huet par la piété de son fils, une biographie dont les matériaux sont
les notes et la correspondance du maître, jointes aux lettres, aux arti-
cles, aux souvenirs de ses contemporains, nous rend enfin tout en-
tière cette belle figure d'artiste que sa modestie avait trop long-
temps renfermée dans l'ombre. Dans le splendide essor de la peinture
du xix^ siècle, Paul Huet fut le rénovateur de l'art du paysage, « le
compagnon d'armes, à lavant-garde romantique, d'Eugène Dela-
croix, et de Victor Hugo, l'annonciateur et le préparateur de Jules
Dupré, de Théodore Rousseau, de Millet. » C'est M. Georges Lafenestre
qui nous le dit, dans une Préface charmante qui annonce et qui ex-
plique ce riche et généreux dossier. Désormais on ne pourra plus
étudier l'histoyre du paysage en France sans avoir consulté le livre
de M. René- Paul Huet; on y apprendra à connaître l'homme aussi
bien que l'artiste, le puissant aitiste que l'exposition organisée l'an
dernier aux salles de l'École des beaux-arts nous a montré si vivant
, encore, et si proche de nous. D'ailleurs les belles reproductions hors
texte dont l'ouvrage est illustré peuvent suffire à nous rappeler les
morceaux essentiels de l'exposition, les parties les plus durables de
l'œuvre. Rattachées aux grands Hollandais, mais surtout aux An-
glais, à Constable dont la découverte fut une date dans notre art, ces
peintures ont déjà l'accent personnel, profond, dramatique, que l'on
admirera bientôt sans réserves dans l'école de Barbizon. Il était temps
de rendre justice au grand initiateur.
- 214 -
42. — Le très utile et consciencieux travail de M. Albert Soubies
sur les Membres de l' Académie des beaux-arts depuis la fondation de
V Institut en est à son troisième volume. La période que l'on y trou-
vera étudiée est ce quart de siècle qui englobe le second Empire et
les premières années de la troisième République; période heureuse et
féconde en noms illustres : parmi les peintres, Flandrin, Delacroix,
Meissonier, Cabanel, Gérôme, Baudry, Hébert; parmi les sculpteurs,
Jouffroy, Guillaume, Bonnassieux, Barye; parmi les architectes,
Visconti, Duban, Baltard, Lefuel, \'audoyer, Labrouste, Abadie,
Garnier; parmi les musiciens, Berlioz, Gounod, Félicien David, Vic-
tor Massé; voilà plus de gloire qu'il n'en faut pour suffire à l'intérêt
et au charme d'un livre. De ce livre, comme des précédents, on goû-
tera le ton déférent et respectueux, la recherche du détail pittores-
que et vivant, de l'anecdote qui précise et fait voir le portrait; les
nomenclatures méthodiques de M. Soubies et ses petites biographies
si bien classées épargneront de longues recherches aux futurs histo-
riens.
43. — Les Causeries, réflexions et souvenirs sur la peinture, que
M. Clère dédie à ses petits-enfants, résument familièrement et agréa-
blement, un peu longuement aussi peut-être, toute une esthétique
et toute une morale, ou, si l'on veut, l'expérience de toute une vie
d'artiste probe et consciencieux. Je m'empresse de dire que j'en ai
lu avec un vif plaisir la dernière partie, les Souvenirs d'Italie où l'au-
teur raconte avec une charmante bonhomie les années passées à
Rome, dans le bon vieux temps — c'était avant 1860 — au temps où
vivaient là-bas beaucoup de nos grands artistes, Baudry, Henner,
Hébert, Delaunay, Gustave Moreau, Carpeaux, Falguière, Paul Du-
bois; heureux temps de la Rome de Pie IX! Ces histoires de jadis,
« racontées âmes petits-enfants », sont le véritable attrait et la plus
jolie parure de ce volume tout empli de sages conseils.
\^OYAGEs d'art. ■ — 44 à 46. — Les délicieuses et si instructives
flâneries de M. André Hallays, recueillies et classée's méthodique-
ment et fort bien illustrées, formeront dans quelques années le plus
précieux des recueils où l'on puisse retrouver vivante encore et bien
S'^î'duisante la physionomie de la France d'autrefois. Chaque jour,
hélas! les reliques du passé disparaissent; la cupidité conspire
avec la sottise à en diminuer le trésor; la basse politique, les passions
sectaires s'acharnent impitoyablement contre des beautés qui sont
une part de l'âme nationale; la haine de toute discipline et de toute
tradition, la cruauté aveugle de l'industrie, la hideur du luxe bruyant
s'associent pour lacérer les nobles vêtements de notre France. Remer-
cions, honorons le bon Français qui lutte pour nous conserver notre
patrimoine; qui, depuis tant d'années, au rez-de-chaussée du môme
— 215 - •
journal, et sous un titre aussi modeste que spirituel, fait, sans ja-
mais se lasser, la guerre à tous les vandalismes. La belle édition com-
mencée en 1910 sous ce titre général : En flânant, comprend déjà trois
volumes. M. André Hallays nous y conduit A travers la France^ Au-
tour de Paris et En Provence, et A travers l'Alsace. Ce sont les illus-
tres souvenirs de Maintenon, de la Ferté-Milon, de Meaux et de Ger-
migny, de Maisons, les splendeurs architecturales de Senlis et de
Noyon, les origines de ces splendeurs à Morienval, à Saint-Leu d'Es-
serent, à Vétheuil, à Saint-Jean des Vignes qui nous sont présentés
au premier volume, au milieu de causeries qui évoquent, avec un
charme infini, la figure de nos grands écrivains. En Provence, le voya-
geur ne s'attarde pas longtemps aux villes et aux sites les plus célè-
bres; il nous a donné d'ailleurs, il y a peu de temps {Polyhiblion de juin
1910, t. cxviii, p. 502) un livre qui est unpetit chef-d'œuvre sur Avi-
gnon et le Comtat Venaissin; mais il descend avec nous la vallée du
Rhône, pour s'arrêter à Orange, à Aix, à Arles, il remonte la vallée de
la Durance pour visiter Riez et Digne, il flâne dans les montagnes des
Maures et le long de la côte enchanteresse, de Valbelle et de Brignoles
au Thoronet, à Fréjus, à Grasse et à Vence; et voici que toute une
histoire pittoresque se compose à nos yeux; nous apprenons com-
ment s'éparpille le pompeux monument de Valbelle et comment ee
transforme la Vénus d'Arles; nous évoquons le fantôme des plus par-
faites peintures de Fragonard. L'Alsace enfin nous est décrite avec
une émotion communicative, une piété simple et familière, un senti-
ment aussi juste que délicat des liens qui l'attachent indissoluble-
ment à la patrie mutilée; ce beau livre d'intimité sera cher aux
Alsaciens et à nous, comme l'ont été, comme le demeurent les romans
de René Bazin et de Maurice Barrés. ,^
47 à 49. — Il n'est point d'année où l'Italie n'inspire à quelque
amoureux voyageur l'aveu d'une passion toujours la même et tou-
jours nouvelle; et comment ne pas accueillir d'une main empressée
ces récits d'excursions qui ressemblent, très souvent, aux plus ingé-
nues des confidences? Les chefs-d'œuvre de Taine et de Paul Bour-
get ne doivent décourager personne; peut-être, il est vrai, ont-ils
suscité trop d'imitations. Voici trois livres fort divers de pèlerinages
à la terre de beauté. Les impressions de M. Joseph L'Hôpital, ItaUca,
sont d'un écrivain spirituel qui, délaissant pour une fois sa. chère
Normandie, regardant Milan, Venise, Bologne et Florence d'un œil
attentif, les a décrites avec autant de verve que de bon sens, et, ce
qui ne gâte rien, un sentiment très sincère, très délicat, de la tradi-
tion chrétienne; c'est, parmi tant de pagèS' d'un jour, un livre à
conserver. — Celui de M. Gaston Gr^udgeorge, Toscane et Ombrie,
ne prétend à d'autre ambition que de fixer pour d'aimables compa-
— 210 —
gnons de route — les enfants de l'auteur ■ — des souvenirs heureux
et modérôs, qui gagneraient peut-être à ne point mder un pu-
blie indilTérent à des joies de famille. — - M. Achille Segard est
un poète, un musicien, un peintre. La Sicile lui a fourni le thème de
compositions ardentes, un peu juvéniles parlois dans leur
couleur très vive, un peu païennes aussi; mais tout ce beau pays,.
qu'esit-il donc, sinon une Grèce plus païenne que l'autre? On en
trouvera la sensation forte et insistante dans ces pages nombreuses,,
nourries d'histoire et d'art, et inlassablement vibrantes d'enthou-
siasme.
50. — A la veille des vacances de Pâques, pour encourager et pré-
ciser nos désirs de voyage, la librairie Hachette nous envoie, sous un
séduisant cartonnage blond rehaussé d'or, un de ces livres pittores-
ques, vivants, colorés, où M. André Maurel rassemble, avec d'excel-
lentes informations puisées aux meilleures sources, une curiosité
ardente, un sentiment également vif, et fortement païen, des paysa-
ges et de 1 histoire, et une bonne humeur qui s'exprime toujours de
façon personnelle et primesautière. Ses Quinze Jours à N a pies îoni le
pendant cVC^n Mois à Rome, qu'il nous donnait il y a deux ans;
on glissera le petit livre dans la poche profonde où se cache l'indispen-
sable Baedeker. Comme dans Baedeker, on y trouvera des plans très
sommaires et commodes; mais on y trouvera en plus de charmantes
illustrations où la ville, son rivage, son volcan, ses églises, ses palais,
ses ruines, ses statues antiques et modernes, ses gamins en haillons
sent royalement vêtus de la douce lumière de la Méditerranée.
51, 52. — Mieux encore que les meilleures relations de voyages, les
Villes d'art célèbres de l'éditeur Laurens sauront instruire' et distraire
le touriste en quête de nouveauté, soit qu'il prépare une expédition
vers des rives lointaines, soit qu'il se contente, peut-être à regre,t,
d'un voyage autour de sa chambre. Les illustrations dont foisonne
le beau livre de M. Ernest Lémonon : Naples et son golfe, suffiraient
à remplir des heures délicieuses, alors même qu'elles ne. seraient point
commentées par un texte aussi élégant que foncièrement érudit.
L'antiquité, le moyen âge et surtout l'époque si féconde du baroque
à Naples nous sont présentés avec une abondance de renseignements
précieux, et les quelques pages données au golfe nous rendent des
tableaux tout pénétrés de joie et de lumière. — Le livre de M. Geor-
ges Servière sur Dresde, Freiberg d Meissen fixe pour un t'.mpç les
traits d'une ville jadis charmante, que la mégalomanie de l'Alle-
magrie moderne transforme et enlaidit rapidement. On sait quels
trésors renferme le Musée de Dresde : Raphaël, Titien, Corrège, Véro-
nèse, Holbein, Rembrandt y ont des chefs-d'œuvre; mais les mo-
numents de la Renaissance, le xvii^ et surtout le xviii^ siècle, qui
— 217 -
font à Dresde une physionomie si vivante encore et précise, ne méri-
tent pas moins d'être connus, de même que ceux du moyen âge qui à
Freiberg et à M' issen complètent si heureusement l'étude des diverses
périodes de la civilisation et de l'art au royaume de Saxe.
(A suivre.) André Pératé.
OUVRAGES RELATIFS A L'HISTOIRE DU THÉÂTRE
1. uexcJiichtP. des neuere.n Dramas, von Wiliielm Creizenacii. ErsterBand. Mittel-
nlh-r und Fiuhrenaissance. Z.weite, vermehrte und verhesserte Auflage. Halle a.
S., Mux Nieiueyer, 1911, in-8.de xv-628 p. — 2. The Harrowing of Hell, ])y
Karl You.ng. Reprinted fniiii Volume XV!, Part II, o' the Transactions of the
Wisconain Acade.my oj S'^ience.s, Arts and Lettp.rs. Issued september, 1909, in-8 de
^9 p. >-t3. ^ Liturgkal play of Joseph and his brethren, hy Karl Young. Balti-
more, the Johns Hopkins Press. Reprinted from Modem Lan guage Notes, Fe-
bruary, 191^. in-4 de 5 p. — 'i. Philippe de M-zières Dramatic Office for the Présen-
tation of th' Virgin, by Karl Young. Reprinted irom the Publications ofthe Mo-
dem Language Association of America, XXVi, 1, 19il, in-8 de 54 p.— 5. Cu-
riosii(s bibliographiques relatives au drame chrétien, par Louis Duval. Evreux,
imp, de l'Eure. 1911, in-8 de 16 p. — fi. La Psychologie dramatique du mystère
de la Passion à Oberammergau, par Maurice Blondel. Paris, Bloud, 1910, in-
12 de 64 p. et une fig. (Collection Science et Religion), 0 fr. 60. — 7. hahelais et
le Thi'âtre,pa.r Gustave (ohen. Paris, Champion, 1911, in-8 de 74 p. et 8 pi.
{Extrpjt de hi Pe(up des Eudes tabelaisiennes, t. IX). —8. L'Évolution de la mise
en scène dans le théâtre français, par- le même. Lille, imp. Lefebvre-Ducrocq,
19)0, gr. i'^-8 de 18 p. et 4 pi. — 9. De Jj délie à Molière. Tragédie, comédie.,
tragi comédie, par Eugène Rigal. Paris, Hachette, 1911, in-16 de viii- 303 p.,
3 fr. 'iO. — • 10. LeCid espagnol et leCid français. Essai de critique et d'analyse
littéraire, par l'abbé G. Bernard. Lille, 19i0, in-18 de 29 p. — 11. Gauhier-
Garguille, com.' dien de VHôlel de Bourgogne. Notice d'après des documents inédits,
par E^i'i-j; MAGNE;^suivie des Chansons de Gaultier- Gargid'le et de la Farce de
Perrine, avec la musitjue retrouvée de 6 chansons et 3i3 illustrations concernant
le Théâtre de l'Hôtel de Bourgogne. Par's, Louis-Michaud, s. d., mi de 192 p.,
2 fr. 5((. — 12. Le Théâtre et la Révolution. Histoire anccdotique des spectacles,
de leurs comédiens et.de leur public par rapport à la Révolution française, par
EuNEST Lu.\el. Paris, Daragon, s. d., in-8 de 161 p., 6 fr. — 13. Paris sous
Napoléon. Le Théâtre- Français, par L. de Lanzac de Laborie. Paris, Ploa-
Nouvrit, 19 ' ' , in-8 de iv-33 i p , .5 fr. — 14, Histoire générale du théâtre en France.
V. La Coiu-'die de la Révolution au second Empire, par Eugène Linttlhac. Paris,
Flammnrion, s. d., ^n-î6 de 532 p., 3 fr. 50.— 15. Les Matinées-Conférences
du jeudi à l'Ôdéon. Notice historique et bibliographique, par Roger Semichon.
Paris, Jor.M, 19 '0, gr. in-8 de 38 p. — !fi. Le Théâtre à Montréal. Propos d'un
Huron canadien, p.ir Marcel IIfnry. Paris, F;biue, 19îi, in .'6 de ti-'i'ip.. 3fr.
1. — La réputation du bel ouvfage de M. Wiltelm Cieizfnach :
Histoire du drame moderne est. bien établie dans l'érudition euro-
péenne. 11 serait à souhaiter que les tcrivains qui s'cccvpen' chez
nous du théâtre, et Ditu sait s'ils sont, ncnibi eux ! connussent l'exis-
tence et la valeur de pareils livres. Cela les mettrait en garde contre
les énormités qu'ils commettent trop souvent très à la légère, aussitôt
qu'ils essaient de remonter un peu haut, par exemple dans leurs
Introductions ou leurs premiers chapitres, le cours de l'histoire du
— 218 —
genre dont ils traitent. Le succès du livre de M. Creizenach est attesté
par la seconde édition, revue, augmentée et améliorée, du premier
volume, qui a récemment vu le jour. « Dans cette nouvelle édition,
nous dit l'auteur, mon principal effort devait être de mettre à pro-
fit, dans le cours de l'exposé, les matériaux exceptionnellement
riches qui ont été mis en lumière depuis la première publication (1893).
Outre les recherches d'histoire littéraire et les textes publiés depuis
lors, j'ai tenu compte des rectifications de détail qui m'ont été four-
nies par les recensions de Cloetta et de Kœlbing. Toutefois, les grandes
lignes du développement historique, telles que je les avais marquées
dans la première édition, ont pu être conservées dans ce qu'elles ont
d'essentiel. » Nous rappelons que ce premier volume a pour sujet
le Moyen âge et la première Renaissance et qu'il est partagé en huit
livres intitulés : I. La Continuation du drame antique au moyen âge.
IL Les Commencements du drame sacré en langue latine. II I. Les
Commencements du drame sacré dans les langues populaires. I"V.
Les Drames sacrés de la fin du moyen âge. V. Ébauches d'un drame
sérieux profane. VL Le Drame comique du moyen âge. 'VIL Les
Moralités. VIII. Les Premiers Essais dramatiques des humanistes.
Parmi les améliorations apportées à cette édition nouvelle, il faut
mentionner en particulier la table alphabétique qui le termine et qui
est due à M. Wolfram Suchier, de Halle.
2, 3 et 4. — Les origines, non seulement religieuses, mais liturgi-
ques, du drame moderne, étudiées avec tant de soin par M. Wilhelm.
Creizenach, sont maintenant, dans presque tous les pays chrétiens,
l'objet de recherches minutieuses et approfondies. Nous n'avons pas
renoncé nous-mêmo à reprendre quelque jour tel ou tel point de ce
sujet qui a été l'une des occupations favorites de notre jeunesse. Nous
n'en sommes que mieux préparé à comprendre et à louer les remar-
quables essais en ce genre d'un jeune érudit américain, M. Karl
Young. Les trois études de lui que nous avons sous les yeux lui font
grand honneur. Dans l'une : La Descente aux Enfers dans le drame
liturgique, il a recueilli de multiples et curieux exemples de l'un des
rites de Raques, se rapportant de façon plus ou moins directe, plus ou
moins précise, et sous une forme plus ou moins dramatique, à ce mo-
tif, à cette scène qui tient une place importante dans les Mystères en
langue vulgaire. Une autre ; Un Drame liturgique de Joseph et de ses
frères, enrichit d'un texte curieux et nouveau le théâtre latin scolaire
du moyen âge et ce vaste cycle des Prophètes du Christ, d.yiii nous
avons essayé naguère de retracer la genèse et la de';Lince (Biblio-
thèque de l'Ecole des chartes, années 1867, 1868 et 1877; tirage à
part épuisé, Paris, Didier, 1878, in-8). Enfin àa publication intitu-
lée : L'Office dramatique de la Présentation de la Vierge par Philippe
— 219 -^
de Mézières met à notre disposition, avec des renseignements et des
précisions très utiles, un document fort original, intéressant à la fois
pour l'histoire de la liturgie, pour l'histoire du théâtre et pour l'his-
toire des mœurs.
5. ■ — Les Curiosités bibliographiques relatives au drame chrétien, de
M. Louis Duval, archiviste honoraire de l'Orne, n'ont que peu trait
au moyen âge. Elles s'appliquent surtout au drame religieux detl'âge
postérieur, c'est-à-dire aux pièces sur des sujets sacrés composées
durant la période de la Renaissance et de l'ère classique, et dont le
plus grand nombre ont revêtu la forme de la tragédie. Ce n'en est pas
moins, à plusieurs égards, un prolongement des mystères, et nous
voyons, par exemple, la représentation de la Passion se continuer
bien au-delà de ce que l'on pourrait croire d'abord. On remarque en
particulier les curieux détails donnés par M. Duval sur la composition
« de François Chevillard, prêtre d'Orléans, qui, en 1649, fit paraître
chez Hotot, imprimeur à Orléans, la Mort de Théandre ou la san-
glante tragédie de la mort et passion de Notre- Seigneur Jésus-Christ,
dédiée aux âmes fidèles, in-12. Bien que composée sans aucun souci
des règles étroites imposées par Aristote à l'art dramatique, cette
pièce devait survivre au jugement sévère du janséniste Boileau sur la
grossière ignorance de nos dévots aïeux et sur la trop naïve impru-
dence
Qui sottement zélée en sa simplicité
Joua les Saints, la Vierge et Dieu par piété.
Ecrite pour le peuple, souvent représentée en province et réimprimée
plusieurs fois à Orléans, à Rouen, à Caen, son succès se soutint jus-
qu'à la Révolution. On la jouait encore en Bretagne en 1789. » Comme
il est naturel, les Curiosités de M. Duval se rapportent surtout à la
Normandie.
6. — La célèbre représentation d'Oberammergau en Haute-Ba-
vière est assurément l'un des plus beaux et plus imposants rejetons de
la tradition dramatique du moyen âge. M. Maurice Blondel, dans son
écrit : La Psychologie dramatique du mystère de la Passion à Oberam-
mer^^i^au, remarquable comme tout ce qui sort de sa plume, s'( st moins
occupé d'histoire littéraire que de philosophie et de haute esthétique.
Sans partager toujours toutes ses façons devoir, on goûte l'élévation
et la profondeur, un peu obscure parfois, de ses observations et de ses
aperçus. On ne peut qu'admirer les belles pages si chrétiennes (p. 38,
39), qui commencent ainsi : « Que faudra-t-il dire maintenant du
personnage incomparable qui, par hypothèse, subit et sent en homme
toute la succession douloureuse du sacrifice, mais qui en même temps
connaît et veut en Dieu cett agonie et cette mort dont la claire
vision perpétue les douleurs?... »
— 220 —
7 et 8. — Combien la tradition, religieuse et ccnvique, du théâtre
antérieur à la Renaissance était puissante encore durant cette Renais-
sance même, c'est ce qui ressort clairement des rcclierches très bien
conduites et très bien présentées par M. Gustave Cohen dans son
écrit : Rabelais et Je Théâtre^ où il a relevé, groupé, crmmeuté toutes
les allusions ou indications relatives à la littérature et à l'ait duma-
tique^ contenues dans l'œuvre touffue de l'auteur de Gargantua et
de Pantagruel. « L'époque (nous dit-il, et il le prouve) où Rabelais
conçut et publia son œuvre n'est pas l'âge de la tragédie et de la
comédie, c'est encore celui du mystère et de la farce. Le moyen âge
ne finit ni en 1453, avec la prise de Constantinople, ni même en
1500, avec la naissance de Charles-Quint; sur bien des points, par des
filons profonds et tenaces, '1 se prolonge très avant dans le xvi^ siè-
cle. Si l'architecture, dès le début du siècle, est en pleine révolution,
si Chenonceaux, Chambord, Blois sont déjà bâtis, la littérature est
plus lente à évoluer, et surtout la littérature dramatique. « — La
persistance de cette même tradition est encore bien mise en lumière,
en ce qui concerne les procédés techniques des représentations théâ-
trales, dans le très clair et très agréable opuscule du même érudit :
L' Evolution de la mise en scène dans le théâtre français.
9. — Cette même question de la mise en scène est traitée d'une
façon détaillée, pour le xvi^ et le xvii^ siècles, dans plusieurs des mor-
ceaux recueillis par M. Eugène Rigal en son volume : De Jodelle à
Molière. Tragédie, comédie, tragi-comédie, dont H définit ainsi le ca-
ractère : « Sans former un tout régulier, les essais que je réunis ici
ont cependant un lien commun entre eux et avec d'autres études que
j'ai précédemment publiées. — Les trois premiers (1. Les Personnages
conventionnels dans les comédies du xvi^ siècle. — 2. La Mise en scène
dans les tragédies du xvi^ siècle. — 3. Les Trois éditions de la Sopho-
nisbe de Montchrestien et la question de la mise en scène dans les
trag'dies du xvi^ siècle) complètent ou corrigent ce que j'ai dit de la
comédie et de la tragédie dans le Théâtre de la Renaissance, ■ — le
Théôire au xvii^ siècle avant Corneille, ■ — et le Théâtre français avant
la période classique. — Le quatrième (4. Corneille et l'évolution de
la tragédie) dessine, en la prolongeant bien au-delà de la date où
s'étaient arrêtées ces études, la courbe par laquelle se caractérise l'évo-
lution de notre tragédie; elle marqije aussi le rôle joué dans cette
évolution par Pierre Corneille. ■ — Tout en précisant ce dernier point,
les numéros 5, 6 et 7 (5. Le Cid et la formation de la tra^'cdie idéa-
liste. 6. Polyeucte et l'achèvement de la tragédie cornélienne. 7.
Don Sanche d'Aragon. Un letour offensif de la tragi-comédie), s'effor-
cent de définir les rapports entre la tragi-comédie et la tragédie dans
la première moitié du xvn^ siècle. — Le numéro 8, enfin (8. L' Étourdi
~ 221 -^
•de Molière et le Parasite de Tristan THermite), en (tudiant une
source de Molière, le rapproche de ses devanciers et ftume une sorte
d'appendice à mon livre sur le grand comique. — A chaque article,
j'ai conservé sa date, qui, dans certains cas, peut lui servir de jiisti-
.fication. » — Tous ces morceaux ont le mérite de la précision dans le
fond, de la clarté et de l'élégance dans la forme, qu'on est habitué
à rencontrer dans les travaux de M. Eugène Rigal. Nous avons parti-
culièrement remarqué et goûté la discussion de la théorie de l'évolu-
tion des genres de Brunetière (p. 157 et suiv.). Les thèses littéraires
du célèbre et regretté critique, excellentes parfois, mais pas toujours
aussi solides que l'a fait croire le ton décisif et dictatorial de cet
«sprit éminent, mais absolu et paradoxal, ont besoin d'être revisées,
discutées, même contredites. Il ne faut pas notamment que l'évolu-
tion philosophique et religieuse, si hautement louable, de cet esprit
et les services si noblement rendus par lui, à la fin de sa carrière, à
la grande et sainte cause de l'orthodoxie catholique, canonisent,
pour ainsi dire, tout ce qu'il a pensé, tout ce qu'il a soutenu en toutes
matières à des époques fort différentes de sa vie intellectuelle, et alors
qu'il était parfois sous l'influence d'erreurs manifestes. Des contra-
dictions telles que celle de M. Rigal pourront préserver de cet excès
la naïveté de certaines admirations, de certains enthousiasmes en
bloc. Le culte des justes renommées ne doit pas dégénérer enun
snobisme idolâtre, au détriment ou au péril de la vérité historique ou
littéraire et peut-être de l'équité. M. Rigal, nous en sommes sûr,
admet pour lui-même la contradiction qu'il pratique librement à l'é-
gard de ses devanciers. « On a souvent dit, remarque-t-il (p. 234), que
Polyeucte se rattache aux anciens mystères, et l'on a eu tort, notre
anci nne littérature dramatique étant sans doute ignorée de Cor-
neille. )) Cette assertion est contestable. IL semble résulter de V Exa-
men même de Polyeucte par son auteur que Corneille a recueilli dans
les pièces sacrées des humaiiistes de la Renaissance, lesquelles se
rattachent en bonne partie à la tradition des mystères, au moins
l'écho indirect de cette tradition.
10. — Parmi les sujets abordés dans le volume de M. Rigal figure
(p. 204 et suiv.) une comparaison détaillée, faite avec beaucoup de
soin et de critique, du Ciel de Corneille avec son devancier et modèle
espagnol. La même question a été traitée, à un point de vue un peu
différent, plus favorable au système dramatique d'Espagne, issu di-
rectement de la tradition du moyen âge, par notre très distingué
collaborateur M. l'abbé G. Bernard, dans son opuscule : Le Cid espa-
gnol et le Cid français. Essai de critique et d'analyse littéraire, lequel
inaugure une série d'études intitulées : L'Imitation espagnole en
France. L'impression que laisse à l'esprit la lecture de cet intéres-
— 222 --
sant travail, c'est que, s'il n'avait subi l'influtnce du systtme pseudo-
classique promulgué par l'abbé d'Aubignac, Corneille, émondant,
resstrrant, fortifiant la pièce de Guillen de Castro, écartant les dé-
fauts de ce poète, mais gardant et développant plus qu'il ne l'a
fait toutes ses qualités, aurait produit un Cid supérieur encore au
chef-d'œuvre qu'il nous a donné.
11. — C'est une contribution à l'histoire de notre théâtre pendant
la période qui a précédé immédiatement l'âge classique, dont M. Emile
Magne a cherché à nous enrichir dans son étude, agréablement et
utilement illustrée de gravures empruntées aux peintures ou estampes
contemporaines : Gaulthier-Garguille, comédien de V Hôtel de Bour-
gogne. Infiniment supérieur au travail sur le même sujet de M. Gas-
ton Sansrefus, dont le Polybihlion a rendu compte, appuyé d'une
riche et solide érudition bibliographique, portant la marque d'une
critique encore incomplète, mais en éveil, cet ouvrage est, par mal-
heur, gâté par un triple et grave défaut : une forfanterie d'esprit- fort
qui va jusqu'à l'inconvenance (p. 7); une licence morale qui ne se
refuse aucun manque de retenue et oublie à fond que « le lecteur
français veut être respecté » (p. 12, 24, 25, 44 et passim); enfin un
style détestable, où sont poussées à bout les extravagances préten-
tieuses et antifrançaises de ce qu'on appelle « l'écriture artiste ». ^'"^
12. — Dans les premières pages de son volume : Le Théâtre et la
Révolution. Histoire anecdotique des spectacles, de leurs comédiens' et
de leur public par rapport à la Révolution française, M. Ernest Lunel
a voulu faire l'effet d'un hcmme au courant de l'histoiie du genre
dramatique. Mais précisément ces pages intitulées : Le Théâtre et
l'Église montrent au contraire qu'il n'y entend rien du tout. Au
reste, le corps même de l'ouvrage nous a laissé l'impression d'une
compilation incohérente ,et confuse,- d'un amas d'anecdotes et de
faits divers comprenant quantité de choses étrangères au sujet, d'un
livre, en un mot, qui n'a été ni médité, ni composé, ni écri\..
13. — Quel contraste entre cette négligence inconsciente, cette
étourderie de laisser- aller et le soin consciencieux et réfléchi avec
lequel M. de Lanzac de Laborie, en un sujet analogue, a recherché
et disposé les matériaux, également anecdctiques, de la huitième série
de sa vaste enquête : Paris sous Napoléon, laquelle a sa place dans
le présent article, parce qu'elle a pour sujet !e Théâtre-Français.
« Mon intention primitive, nous dit l'auteur, était de consacrer ce
volume à l'ensemble des spectacles parisiens pendant l'ère napoléo-
nienne. L'abondance des renseignements, l'attrait de documents en
partie nouveaux, peut-être aussi la sçduction plus ou moins incons-
ciente que les choses du théâtre e: ercent chez nous sur tous les es-
prits, m'ont conduit à élargir mon plan et à ne traiter ici quedu
- 223 —
Théâtre-Français, de beaucoup le plus important et à peu près le seul
littéraire, en y joignant le théâtre de picard ou Tht âtre de l'Impcra-
trice, qui peut en êtie considéré comme lannexe. A l'étudedu Théâtre-
Français, j'ai rattaché les géntralitts communes à tous les spectacles,
et aussi quelques données sur lalittérature dramatique du temps, don-
nées que j'ai présentées le plus brièvement possible, mais sans lesquel-
les il m'a paru quemon récit serait incomplet et presque inintelligible. »
Le volume est partagé en sept chapitres : 1. Installation matérielle
et régime administratif. II. La Troupe. III. Le Répertoire. IV. Les
pièces nouvelles. V. Le Public et la Critique. VI. Les Comédiens ordi-
naires de l'Empereur. Vil. Théâtre de l'Impératrice (Louvois, Odéon).
Nous noterons une fois de plus, sans qu'il soit nécesaire d'y ir sister,
le talent d'exposition de M. de Lanzac de Laborie, sa langue de
bonne qualité^ son style net, sobre, ferme, distingué avec naturel.
L'ouvrage est un tissu d'anecdotes (c'est la mode du jour) mais si
bien groupées et si bien contées ! L'auteur ne néglige pas d'ailleurs
d'en faire ressortir, quand il y a lieu, la signification historique ou
littéraire et, pour ainsi dire, l'idte générale. Son goût en littérature
est fin, large et renseigné. Nous avons particulièrement goûté les pa-
ges (p. 182-184) où l'auteur explique les fâcheux préjugés qui faisaient
encore obstacle sous l'Empire à « l'introduction du moyen âge chré-
tien sur la scène »; celles qui se rapportent aux principales « tragédies
nouvelles représentées au début du siècle dernier » (p. 186 et suiv.);
celles où sont examinés le caractère, le rôle, le talent du célèbre cri-
tique Geoffroy, pour lequel nous trouvons M. de Laborie trop sévère
(p. 261 et suiv.). Nous ne partageons pas non plus tout à fait son avis
sur « la comédie en vers » (p. 222-224) et nous contestons surtout que
l'origine de cet usage doive être rapporté à l'imitation de la comédie
antique. Notre comédie nationale du moyen âge, moralité, farce ou
sotie, a toujours été en vers. C'est de l'Italie que nous est venue
l'habitude contraire, très louable d'ailleurs à beaucoup d'égards,
de la comédie en prose. Il va sans dire que Napoléon n'est pas absent
de ce volume qui porte son nom. On sait qu'il pensait à tout et
touchait à tout. M. de Laborie a extrait pour nous deà Souvenirs
du comte de Mérode-Westerloo une curieuse peinture de l'attitude de
l'Empereur à une représentation de gala : « Ce n'était depuis l'or-
chestre jusqu'à la porte du parterre que broderies d'or et de soie;
toutes les loges étaient pleines de dames du nouveau régime, parmi
lesquelles on en remarquait quelques-unes de l'ancien... Napoléon
seul, dans la loge impériale, était étendu tout de son long, dans un
fauteuil de velours cramoisi galonné d'or, les bras et les jambe»
croisés... Derrière son fauteuil se tenaient debout le grand maître
des cérémonies, comte de Ségur, le grand chambellan,, comte de
— 224 —
Montesquiou, tous deux eh uniforme rouge et or. Napoléon, tirant
fréquemment de sa poche une tabatière, prenait une quantité de
tabac, et adressait de temps en temps, d'un air de hauteur, quel-
ques paroles à ces deux messieurs; sa figure exprimait, ce jour-là,
l'humeur et l'agitation... On juge bien que je m'occupais fort peu du
spectacle, et que mes yeux furent constamment portés sur Napoléon,
dont les attitudes et le jeu de physionomie sont toujours présents à
ma mémoire. » (P. 288). Le grand parvenu est saisi là sur le vif.
14. — La persévérance dans une entreprise difficile et de longue
haleine est une marque de vigueur d'esprit. Comme dans le Paris
sous Napoléon de M. de Lanzac de Laborie, nous sommes heureux
de la reconnaître et de la louer dans l'Histoire générale du théâtre en
France de M. Eugène Lintilhac. Le tome V de ce grand ouvrage a
pour sujet la Comédie de la Révolution au second Empire, c'est-à-dire
« l'évolution des genres purement comiques, de Beaumarchais à
Augier et à Dumas fils... Nous aurons ainsi, ajoute l'auteur, conduit
à son terme classique l'histoire de la comédie en France. » — Rappe-
lons ici son dessein pour la suite du livre : « La seconde partie
exposera d'abord l'évolution du genre tragique et des genres mixtes
tels que la tragi-comédie, la pastorale dramatique, la comédie lar-
moyante, la tragédie bourgeoise, le drame et le mélodrame depuis la
Renaissance jusqu'au milieu du dernier siècle. — Alors tous les gen-
res dramatiques auront été étudiés par nous, depuis leurs plus
lointaines origines en France, et définis par l'analyseet lacritiquedes
œuvres les plus caractéristiques de chacun d'eux. — Il nous restera
enfin à exposer et à expliquer leurs métamorphoses au courant du der-
nier demi-siècle. » — On voit l'importance attribuée par M. Lintilhac à
« l'évolution des genres », et c'est à bon droit. Le reproche que lui
a fait à cet égard un critique d'ailleurs très distingué, plein d'esprit,
de trop d'esprit peut-être (Henry Bidou, Journal des Débats du lundi
21 août 1911) ne nous paraît pas fondé. Autre chose est de vouloir
de vive force, comme l'a tenté Brunetière, « étendre la domination
des hypothèses de Lamarck, de Darwin et d'Hseckel jusque sur la
critique » et l'histoire littéraire (Rigal, ouvrage cité, p. 157), autre
chose d'appliquer, comme l'a fait M. Lintilhac et comme nous l'avons
fait autrefois nous-même, une méthode intrinsèque d'investigation
exacte à la genèse, à la généalogie et à l'influence l'une sur l'autre
des œuvres littéraires de l'esprit humain, c'est-à-dire à l'évolution
de cet esprit même en matière de littérature et d'art par l'effet iné-
vitable de la Cause exemplaire. Nier l'intérêt et l'utilité de cette
méthode, c'est peut-être se ranger de gaieté de cœur parmi les adeptes
de ce que M. Lintilhac appelle en un endroit « cette critique hau-
taine et simpliste à la fois » (p. 22) et en un autre endroit « une cri-
— 225 i^
tique plus paresseuse que judicieuse » (p. 25). — La méthode qu'il
a suivie dans ce volume comme dans les précédents et que, loin de la
relâcher, il aurait peut-être dû, sur quelques points, serrer davan-
tage, n'a rien enlevé à l'intérêt de l'exposé de M. Lintilhac, nourri
de faits et de détails solidement ou ingénieusement groupés, et où le
lecteur apprend beaucoup. Le nombre d'œuvres aujourd'hui oubliées,
mais importantes à leur date et par leur influence, qu'il nous fait
connaître par des citations bien choisies, souvent agréables et même
amusantes, est considérable. Ses appréciations sont toujours d'un
homme de goût, nourri de la forte culture classique, et qui, tout en
ouvrant son esprit aux nouveautés utiles, ne répudie jamais les
règles essentielles. Nous avons noté et loué déjà sa réserve morale
et son souci de ne pas mêler à tout propos, comme d'autres l'auraient
fait à sa place, la controverse et la passion politiques à ses juge-
ments littéraires. Il va sans dire néanmoins que sur tel et tel point
notre façon de voir n'aurait pas été la sienne. Nous aurions été
sévère, alors qu'il est indulgent et même favorable à tel proverbe de
Théodore Leclereq ou à telle fantaisie d'Alfred de Musset. Mais,
jugé pour l'ensemble, étant donné le public auquel il s'adresse, c'est
un travail vraiment neuf et intéressant dans les diverses parties dont
il se compose, à savoir : Introduction. Les Théâtres et la loi depuis
la Ilbvolution : scènes, genres et troupes. Chapitre 1. La Comédie
de mœurs dans le théâtre de la Révolution, il. La Comédie
de mœurs de Picard à Etienne. III. La Comédie de mœurs
d'Etienne à Scribe. IV. La Comédie de genre de Collin d'Har-
leville à Octave Feuillet. V. La Comédie-proverbe : Théodore
Leclercq et ses émules; Alfred de Musset. VI. La Comédie d'intrigue
après Beaumarchais et le vaudeville avant Scribe. VIL Scribe et la
comédie- vaudeville. VII I. La Comédie de mœurs de Scribe à Au-
gier. • — Conclusion. Selon sa bonne habitude, l'auteur termine le
volume par une Bibliographie, ainsi divisée : 1. Editions. — 2.
Ouvrages de critique et d'histoire.
15. — Nous trouvons à plusieurs reprises le nom de M. Lintilhac
dans les tableaux qui forment une partie considérable de l'intéressant
opuscule de M. Roger Scmichon : Les Matinées- Conférences du jeudi
à l'Odéon. Notice historique et bibliographique. « L'intérêt qui s'at-
tache aux matinées-conférences de l'Odéon est double, nous dit
l'auteur. D'une part, ce genre de spectacle a tenu une large place
dans l'histoire du second Théâtre- Français; m outre, les conféren-
ciers ayant, depuis 1887, parlé de toutes les pièces importantes ou
.curieuses de notre littérature dramatique, se trouvent avoir fait une
sorte d'histoire du théâtre en France, où abondent les aperçus ingé-
nieux et les développements brillants. » La Notice historique s'ap-
Mars 1912. T. CXXIV. 15.
:— 226 -- 1.
pliquo aux directions successives de MM. Porel, Marck et Desbeaux,
Ginisty, /Vntoine. La Notice bibliographique comprend, du 27 octobre
1887 au 26 mai 1910, le tableau des conférences, dressé par saison
théâtrale. Ce tableau, ou plutôt chacun de ces tableaux renferme la
date de la conférence, le noni du conférencier, le sujet traité et,
s"il y a lieu, l'indication de l'endroit où est imprimé le texte de la
conférence. On sait combien, depuis quelque temps, s'est développée
la vogue des conférences de toute espèce. Les dames surtout les goû-
tent extrêmement. C'est pour elles, disent les mauvaises langues, une
occasion plus intellectuelle que d'autres d'exhiber les modes nou-
velles.
16. — ■ L'influence (pas toujours heureuse) de nos modes et de notre
théâtre s'étend sur tout le monde civilisé. 11 est naturel qu'on la
subisse tout particulièrement sur mie terre autrefois française et où
l'ancienne patrie n'est pas oubliée. C'est ce dont témoigne le volume
de M. Marcel Henry : Le ThAire à Montréal. Propos d'un Huron
canadien. « Au Canada, nous dit l'auteur, un jeune honmie, le théâtre
français, quand il est dirigé par des hommes de goût, entretient une
sorte de culture latine et la gloire du verbe (sic) français retentit avec
bonheur sur ces rives qui n'ont pas désappris à aimer la France
et à la servir dans la constance immuable des âmes qui se souvien-
nent et lui veulent des destins supérieurs au temps. De la sortt, les
roses de France fleurissent chez nous, même sous la neige qu'appor-
tent les vents du Nord. La petite flamme allumée par les créateurs
du sol canadien, brille toujours; elle éclaire nos montagnes et nos
vallées d'une lueur qui magnifie les choses, héroïse les sentiments.
Cette « marche » d'Amérique compose à elle seule tout un poème d'a-
mour et de fidélité. Et sa persistance à durer et à se définir est un
hommage à la vitalité de l'âme française. ■ — Nous avons griffonné,
en marge des drames qui nous furent donnés à Montréal, nos impres-
sions semaine par semaine. Les Français qui nous feront l'honneur
de nous lire voudront-ils discerner à travers ces bégaiements de
jeune critique et ces notions chétives, une façon de penser et de
sentir qui, pour leur être devenue probablement étrangère, repré-
sente quelque chose de leur passé avec le frémissement juvénile
d'une âme amoureusement soumise à sa terre et à ses morts. » — A
l'analyse et à l'appréciation d'une vingtaine de pièces de notre théâ-
tre contemporain, représentées à Montréal, l'auteur a joint sous
ce titre : Notes et impressions, quelques souvenirs de voyage. — 11
serait désastreux que la façon de penser et de sentir de M. Marcel
Henry fût devenue étrangère aux Français de France, car elle est non
seulement profondément hoimête, mais profondément chrétienne et
catholique, avec un souci déclaré sans respect humain, mais dont
—.227 —
l'expression n'est pas toujours aussi chaste que la pensée, pour ]a
moralité au théâtre et dans la vie. Ce que M. Henry aurait besoin,
un urgent besoin de réformer, c'est son style, où s'étale avec can-
deur, dans toute son extravagance prétentieuse, la mode qui, Dieu
merci, commence à décliner chez nous, de l'absurde « écriture ar-
tiste )). 11 écrit sans sourciller : « L'entrevue est mousseuse d'observa-
tion subtile, réglée par un maître «. (P. 171). Il nous parle d' « un
frigide frisson » (p. 203) et de « petits glaciers nains qui se pendent
aux jupes de leurs mères « (p. 206-207). Le jargon de Cathos et de
Madelon devient auprès de cela un chef d'œuvre de naturel. Bref,
M. Marcel Henry écrit mal, horriblement mal. Mais, au travers de
son « écriture » saugrenue, on distingue des qualités natives, et en
particulier une délicatesse de cœur, d'esprit et de sentiment et une
fraîcheur d'imagination qui n'attendent, pour s'épanouir, qu'un
meilleur langage. Il suffirait à M. Henry, pour l'acquérir, de renoncer
à l'imitation des sottises en faveur dans certains petits cénacles de
Paris, mais que l'on devrait dédaigner à Montréal, et de revenir à
l'étude des grands, des impérissables modèles de notre littérature.
Pour bien, très bien écrire, il n'a qu'à le vouloir. Qu'il le veuille !
Marius Sepet.
THÉOLOGIE
JLnchiridio» «yinboloi'tim, definitionum et declaratio
num de rcbue lidei «A ■noriim, auctore il. Dbnzinoëh. Ediiio XI,
quam paravit Cl. Bannwart. Friburgi Brisgoviae, Herder, 1911, in-8 de
xxvu-592 p. — Prix : 6 fr. 25.
Cette nouvelle édition, devenue si tôt nécessaire, dit assez l'utilité
de l'ouvrage et le prix qu'on attache à la refonte opérée par le R. P.
Cl. Bannwart. Outre la correction de quelques erreurs signalées dans
la précédente, voici les améliorations introduites dans celle-ci : addi-
tion des décisions de la Commission biblique depuis 1907 (sur S. Jean,
Isaïe, la Genèse, les Psaumes), du décret Quam singulari (sur la
communion des enfants), du serment antimoderniste et de quelques
documents antérieurs (spécialement sur le célibat des clercs (Con-
cile d'Elvire) et le primat romain (lettres de Jules II, texte du Con-
cile de Sardique, lettre de Clément VI). La table de concordance
entre les numéros des éditions antérieures et des éditions nouvelles
a été très heureusement augmentée. On souhaiterait encore que cha-
que numéro du texte actuel portât entre parenthèses, aussi souvent
que possible, le numéro correspondant d'autrefois : ce serait plus
commode et plus simple. G. Grs.
. — 228 ~
lia ^Vocati»n Jau sacerdoce, par F. J. Hurtaud. Paris, Lecoffre,
(iabalda, 1911, in-li! de '')53 p. — Prix : 4 fr.
Ce livre, écrit à l'occasion et à l'encontre de la thèse de M. Lahit-
ton, est l'truvre d'un théologien averti et compétent. La plupart des
questions soulevées par le professeur d'Aire y reçoivent une solution
pleinement satisfaisante, appuyée sur des raisons théologiques pé-
remptoires et sur la doctrine constante de l'Église. Certains chapi-
tres, ceux par exemple où M. Hurtaud fait la synth se des troisvoca-
tions (vocation à la vie chrétienne, vocation à la vie religieuse, voca-
tion au sacerdoce) ou encore ceux où il analyse l'attrait-intention
droite assureront à son livre un' valeur durable.
On souhaiterait que, dans une nouvelle édition, l'auteur donne
une part plus grande à la documentation et qu'il adoucisse parfois
le ton un peu rude de cette controverse. On comprend la colère du
théologien sincère, blessé par les accusations peu réfléchies et par la
méthode très peu scientifique de l'écrivain qu'il réfute. Dégagée de
quelques vivacités, sa réfutation n'en sera pas moins forte • t se
fera goûter davantage. H. Grs.
JURISPRUDENCE
JFarisprsidence générale et législation de la médecine-
liharinaeie, publiée par Phily, Hknri Petkl, F. Izouard, A. Crinon ,
aIakcel Petii' et P. Bogelot. Paris, Larose et Te nui ; Admiaislraiiou
du Recueil des Sommaires de la jurisprudence française. 1911, iu-8 de Xlli-
959 p. — Prix : 20 fr.
Ce volume est le recueil le plus complet qu'on puisse trouver sur
une matière qui intéresse tout le monde et qui donne lieu aux ques-
tions contentieuses les plus variées. Le livre premier est consacré à
la jurisprudence. 11 embrasse une période de quinze années et cer-
taines décisions publiées remontent même jusqu'à 1892. On peut
dire qu'il contient la solution de presque toutes les espèces qui peu-
vent se présenter; mais ce n'est pas un ouvrage de doctrine. Les au-
teurs se sont interdit toute opinion personnelle et n'ont eu d'autre
but que de renseigner leurs lecteurs sur la façon dont les tribunaux
ont résolu les questions qui leur ont été posées. C'est un ouvrage
essentiellement documentaire, dont la valeur scientifique réside dans
le classement méthodique des solutions publiées, à la manière de
la publication bien connue du Recueil des Sommaires dont il est
issu. Le livru premier est divisé en trois titres ayant respecti-
vement pour objet : 1" la médecine et la chirurgie ; 2^ la phar-
macie ; 3° les autres professions concernant l'art de guérir (den-
tistes, sages-femmes, vétérinaires, herboristes). Le livre second est
— 229 — "
consacré à la législation. Il contient d'abord les articles des codes
applicables à la matière, puis le texte de 265 lois, décrets, arrêtés,
(circulaires, qui, depuis l'arrêt du règlement du Parlement de Paris
du 23 juillet 1748 jusqu'au décret du 18 juillet 1910, la réglementent
à l'heure actuelle. L'impression est excellente; les références sont très
clairement indiquées. On ne saurait mieux atteindre le but utilitaire
que se sont proposé les auteurs. E. G.
SCIENCES ET ARTS
Pagejii scolaireii. Récits, fiouvenira, polémiques, par A. Va-
ouBTTE. Paris, Bloivi, 1910, in-16 de 179 p. —Prix : 2 fr.
Sous C(^ titre modeste, ce livre est un livre de combat. C'est la
dt'>fonse de l'enseignement chrétien sur tons les terrains où se sont
livrées les dernières batailles qui ont laissé tant de ruines derrière
elles, tant de blessés aussi et un grand nombre de morts tombés vic-
times de la misère, de la proscription et de l'exil. En faveur de ces
vaillants, le volume de M. Vaquette, un vaillant lui-même, apporte
un éloquent témoignage qui plaidera leur cause devant l'avenir et
préparera les revanches nécessaires. Trois parties, consacrées aux
trois ordres d'enseignement, l'enseignement primaire, l'enseignement
secondaire et l'enseignement supérieur.
Sous ces trois titres, nous trouvons une grande variété de ques-
tions, toutes d'ailleurs étroitement unies au sujet : la question du
monopole, la question des écoles d'Orient, la question du latin et des
humanités classiques, la question de l'éducation des filles, la ques-
tion des hautes études universitaires, toutes éclairées par des exem-
ples qui augmentent le caractère pratique de ces leçons d'histoire,
de pédagogie et de droit. L'épilogue, c'est la parole des évêques, qui
est venue donner sa sanction aux revendications ^de l'auteur qui'se
déclare heureux, ce sont ses dernières paroles, « de terminer avec
nos évêques, en s'agenouillant sous cette crosse qui se lève et pour
frapper et pour bénir, »
Ce livre d'un vaillant est un très bon ouvrage : il'porte le témoi-
gnage qu' « il n'aura cessé d'être un militant que lorsque la parole
se sera éteinte sur ses lèvres et que la plume sera tombée de sa main
glacée. » Nous espérons qu'il pourra longtemps encore livrer de bril-
lants combats pour la justice et la liberté. P. Talon.
lie Daupliin, par Gustave Bord. Montligeon, Impr. de Moniiigeon ;
Pans, l'duteur, 90, avenue Niel, 1911, in-12 de 179 p., flg. dans le texte
et 12 gravures hors texte. — Prix : 10 fr.
M. Gustave Bord, l'éminent publiciste, auquel on doit des études
— 230 —
historiques si remarquables, a occupé pendant quelques années
(1895-1899) ses loisirs deVacances à chasser le marsouin; il y a mis
le bol entrain et l'ardeur '''qu'il apporte à tout ce qu'irontreprend;
la curiosité de" son*^ esprit l'a conduit à faire, au cours de ces longs
mois, mainte observation'^précise, qu'il a pris soin de noter au jour le
jour. C'est de ces observations qu'il a lire la principale matière de ce
petit volume, édité avec luxe, tiré à petit nombre et df dié u aux amis
qui lui ont fait l'honneur et le plaisir de venir à bord de la
« Lola », à ceux qui s'en souviennent et... aux autres. »
Il y étudie en dix chapitres : l'origine du ncm du dauphin' ; la
légende antique; les légendes modernes; le dauphin et la science;
les mœurs des dauphins; les dauphins et la navigation sous-marine;
les sens du dauphin; le dauphin et l'industrie; la chasse au dauphin;
les harponneurs du dauphin.
Ce ne sont pas les seuls amateurs de ce sport qui prendront plaisir
et profit à ce petit volume; on y remarquera les enseignements que
M. Bord demande aux « cochons de mer» pour la navigation sous-
marine et les indications relatives au bénéfice que l'industrie peut
tirer de cette chasse seront peut-être de nature à la rendre plus
populaire.
'^De jolies illustrations (médailles, vignettes, photographies), parmi
lesquelles un beau et vivant portrait de l'auteur, achèvent de donner
à ce volume un caractère d'élégance et de luxe, qui le fera rechercher
des amateurs. E.-G. L.
Annuaire pour l'an 1919, publié par le Bureau ries longiludfs.
Paris, Gauthier-Villars, in-lG de vi-692. a. 47, b. 34, G. 43 — v[-81^ p. —
Prix : 1 fr. 50.
On sait que, depuis 1904,1e Bureau des longitudes ne publie plus en
quelque sorte qu'un demi-annuaire chaque année. Demi est toutefois
un terme quelque peu restrictif, attendu qu'il y a des parties ou su-
jet s^fixes ' qui sont maintenus sans interruption, tels le calen-
drier et à peu près toute la partie astronomique. Cependant, l'on ne
trouvera pas, dans l'Annuaire de 1912, le calcul des altitudes par le
baromètre, non plus que les parallaxes steDaires, la spectroscopie des
étoiles et leurs mouvements propres, les étoiles doubles : ces données
seront sans doute fournies derechef en 1913. Des renseignements
nouveaux figurent sur la sismologie (M. Bigourdan), sur la
physique solaire (M. Deslandres), et sur celle de la lune (M. Puiseux).
La partie géographique et de statistique, ainsi que celle des mon-
naies, poids et mesures, étant afférente aux années impaires, no fi-
gure pas dans l'Annuaire de 1912,
On 'sait que, do par la loi du 9 mars 1911, ce n'est plus à partir du
— 231 —
méridien de Paris que Ton compte les longitudes, mais biv.ix d'après ce-
lui de la ville anglaise de Greenwich. Pourquoi ne pas l'avouer ? Pour-
. quoi employer une périphrase et dire que les heures sont exprimées
« en temps moyenne Paris diminué de neuf minutes vingt et une se-
condes » ? Sans doute, ce changement constitue un certain échec à
notre amour-propre national ; mais s'il n'y avait que'celui-là !...
Les Notices, cette année, sont au nombre de deux. Dans la notice
A, sur « la température moyenne des diverses parties de la France, »
M.'Bigourdan donne, pour chaque mois de l'année, le tableau des
lignes isothermiques sur toute l'étendue du pays, le résumé de leurs
moyennes pour les trois mois d'hiver et les trois mois d'été, puis un
autre tableau ou carte donnant les isothermiques moyennes de toute
l'année. Des tableaux ou cartes analogues indiquent les variations de
température, en mer, à Clermont-Ferrand, au sommet de la tour
Eiffel, au parc Saint-Maur, sur l'ensemble de la France pour l'an-
née entière.
La très savante notice B, due à M. P. Hatt,' indique une applica-
tion de la méthode algébrique d^s moindres carres .à la trigonomé-
trie, pourarriver'à'Ia'^plus grande exactilude possible dans les cal-
culs'^de" triangulation. "C. de Kirwan.
LITTÉRATURE
B^e IVIoyeii l«ie «lanfs la « liôsenilc des siècles » et les
Squ'-ccs «le Victor Ifii(|o, par Paul'Brrret. Paris, H. Paulin, s. d.,
çrr. in-8 (\p l'.'î n — Prix : 10 fr.
lift Pliilnsopliie de V. flufio (as51-t959) et deux llythes
de la « lié fende des siëeles r, par le même. Pari», H. Paulin,
1910, gr. in-S de Ui y». — Prix : 5 fr.
M. Paul Berret a écrit pour thèses de doctorat deux livres bien amu-
sants et bien instructifs. On sentait, on savait m^me déjà, par quel-
ques illustres exemples, que V. Hugo avait, du droit de fcn génie, pris
son bien partout où il l'avait trouvé. Mais qu'importe,, penFait-on,
que le grand fleuve charrie dars sa nappe immense les gouttes d'eau
de quelques ruisseaux obscur?? Il n'en vient pas moins de là-haut,
d*^ la cime vierge et du nuage déchiré par l'éclair. Et nous voyions
tous, plus ou moinp, 1^^ poète dans cette pose romantique de prophète
inspiré, de vastes en délire, de Moïse parlant sur la montagne avec
Dieu face à ^ace, pose dans laquelle il fe drapa pontificalement jus-
qu'à la fin... Eh! non, ce prophète n'était bien qu'un « faiseur. »
Quand à Guernesey il s'enfermait dans son Jook-out, de six heures
du matin à onze heures, faisant croire qu'il y écoutait son démon,
ou quand il feignait, avec ou ?anB tables tournantes, de recueillir ce
que dit « la bouche d'ombre », en réalité dérobant à tous eon labeur
— 232 —
sans probité, sps démarquages, ses plagiats, il compulsait des dio-
tionuaires et dos manuels d'histoire, il pillait des idées, des images,
des mots même, des brassées de mots sonores, et, jetant le tout
dans son vers qui savait tout porter, il en tirait un amalgame baro-
que, une vraie cuisine de sorcières, dont l'étrangeté souvent faisait
à nos yeux de badauds la seule grandeur...
M. Betret a pu connaître à Guernesey certains des livres et jour-
naux qu'il utilisait; non pas tous, sans doute — et il reste à ce paon
bien des plumes d'emprunt à lui arracher ! ^ — Il a, à la Biblio-
thèque nationale, méthodiquement, minutieusement étudié ses brouil-
lons, les notes, les bouts de vers qu'il jetait en marge d'une revue,
sur une facture, au dos d'une lettre. Il a pu ainsi retrouver les points
de départ, surprendre maint flagrant délit, démêler mainte « conta-
mination, « Suivre en ses manipulations l'alchimiste sans foi ni loi qui
mutile, dénature tout ce qu'il touche, qui prend ou reprend un
thème déjà mis en œuvre, une image qui a de l'éclat, un reste
inutilisé, les fait passer d'uii sujet à un autre, sans respect aucun
des époques, des noms historiques, de la vérité morale, ou même de la
couleur locale, comme qui mettrait, pour être original et écarter tout
soupçon de vol, un trait de Néron dans l'histoire de saint Louis, ou
des détails de mœurs tartares dans la peinture de la cour de Napo-
léon III ! Et les dictionnaires, avec le pêle-mêle qu'ils apportent de
noms, de faits, de récits de toute provenance, de toute époque et
de tout paJ^s, sont à qui procède ainsi des « fournisseurs « très
Commodes et inépuisables. Aussi V. Hugo, M. Berret suit le pillard à
la trace, compilait, compilait Moréri. On n'imagine pas tout ce qu'il
y a de Moréri dans la Légende des siècles !
Il avait commencé en 1846 par le Journal du Dimanche et les
extraits de Chansons de geste d'Achille Jubinal. Voici, aux marges
du numéro du 1^^ novembre, quelques vers de premier jet qui annon-
cent le Mariage de Roland. Et les erreurs matérielles de l'un copiées
par l'autre (le géant Sinnagog au lieu de Sinugos, et le héros Closa-
mond pris par contre-sens pour une épée) seraient suffisamment
révélatrices, si la comparaison des deux textes ne montrait que V.
Hugo n'a rien fait que versifier brillamment le récit qu'il avait sous
les yeux, en mettant toutefois un panache blanc au casque de Ro-
land (oh! l'amour du panache !)•, en le fai-sant, sur un souvenir de
l'Arioste, traduit sous ses yeux en 1811 par Barjaud, se battre avec
un chêne pour arme — ce qui est une autre fausseté; — en sup-
primant, pour rendre le trait de la fin plus gros — et un peu stupide
— l'amour déjà né au cœur de la belle Aude et l'intervention de
l'ange entre les deux héros...
Âymerillot vient de la même source, avec des ressouvenirs des
Burgraves encore très proches.
- 233 —
Dans V Aigle du casque, il y a comme «noyau primitif »Ia poursuite
d'Ernaut par Raoul de Cambrai, prise à la vieille chanson de geste,
adaptée par Leglay et Jubinal, avec le trait des mains coupées, et
l'épisode de l'intervention des nonnes. Walter Scott, que le poète a
beaucoup pratiqué, lui a fourni le cadre écossais où ce drame né
français a été transporté; et de la description du tournoi empruntée
à la Jolie fille de Perth est venue l'idée de changer Ernaut, chevalier
très viril, en un éphèbe blond et rose qui, pris de peur soudain, fuit
éperdument devant son rival. Le Debretl's peerage qui lui avait déjà
fourni pour l'Homme qui rit la liste des pairs d'Angleterre et de leurs
demeures, lui a encore donné, concurremment d'ailleurs avec le fidèle
Moréri, les noms propres dont il aime la sonorité exotique, Angus,
Argyll, Athol, Stirling, Fergus, Balial, etc.; ainsi que la collection
des armoiries et cimiers à oiseaux, où il a puisé pour les uns le héron,
la chouette, et pour Tiphaine l'aigle, qui dans sa première idée
avait ét('' une cigogne. Le faucon menaçant dressé par Walter Scott
sur le casque de Marmion, ou, dans Içanhoé, le corbeau tenant un
crâne dans ses serres, et ceux qui, dans le Rhin de Schreiber (un
recueil qu'il a beaucoup dévalisé pour ses propres lettres du HJiin,
pour Eviradnus et maint autre poème), arrachent les yeux et boi-
vent le sang d'un chevalier persécuteur d'une jeune fille, se sont sans
doute amalgamés sur sa rétine avec l'aigle royal qui, après avoir
trempé son aile dans le sang de Conradin, s'envole, terrible, au-des-
sus de l'échafaud... Et cette gravure il la voyait dans les affreux
volumes d'un certain La Vicoraterie : Cr/mes- (ie5 Pape^, Crme.s des
Empereurs, qui étaient parmi ses répertoires ordinaires de visions
horrifiques pour son moyen âge de la Légende comme pour ses Châ-
timents. Car l'inspiration des deux livres est souvent la même et
TFe//, rastellati d'Oshor, le mangeur de rois, résistant dans son burg à
toutes les sollicitations des princes qui veulent l'entraîner dans leurs
fêtes, et n'abaissant son pont-levis que devant une petite mendiante,
est si exactement la figure de V. Hugo en personne, qu'en écrivant
la pièce le 14 juillet 1869, il mit d'abord en oeuvre la charmante lettre
en vers par laquelle Marie-Lœtitia Ratazzi, cousine de Napoléon III,
venait d'essayer de le séduire, la poétique réponse par laquelle il
s'était refusé : « La France m'est fermée », puis la vision que lui.
donnaient de lui-même les dessins des journaux anglais le représen-
tant, patriarche charitable, au Dîner des enfants pauvres de Guer-
nesey; tout en utilisant, suivant la coutume, et Schreiber, et Moréri,
pour y prendre noms et détails historiques, décor médiéval, fracas
d'armures et fracas de mots...
Et, lorsque ont été ainsi ain?i\y?>ésr Eviradnus , et Kanul, et le
Romancero, et le Petit Roi de Galice, et le comte Félihien et le
— 234 —
Sultan Mourad, la conclusion de M. Paul BeiTet s'impose que
\'. Hu.£:o fut dans la Légende des sèches un « maître menuisier
de la poésie, » entendez surtout un compilateur brillant et habile
dont la documentation et les perpétuels larcins sont masqués par
l'incohérence de sa méthode de recherches, et par l'emploi étrange —
et malhonnête — qu'il a fait de ses sources.
— Naturellement, c'ost la même chose pour sa " philrrcplie. «
Erreur naïve que d'essayer d'en dégager une de l'ensemble de son
œuvre ! « Mis comme un écho sonore » en face de toutes les folies dii
siècle, il en avait une difféiente — vme philosophie, une folie • — à
chaque époque de sa vie. De 1854 à 1859, ce fut la phase apoca-
lyptique d'où sont sortis tant de pathos, répandus, quand l'avisé
Hetzel eut évité un recueil d'Apocalypses, dans les Contemplations,
la Légende des siècles, Dieu, la Fin de Satan, Toute la lyre, etc. Par
le même procédé dont il s'est servi pour les poèmes épiques, M. Ber-
ret a mis au creuset deux mythes: Le Satyre, et Pleine Mer, Plein Ciel,
et il en a « isolé » les éléments divers : la philosophie du moment,
amalgame de Pierre Leroux, Vacquerie, Jean Reynaud, Alexandre
Weill, Boucher de Perthes, et des livres de spiritisme en usage à
Guernesey; — de la mythologie bouffonne, inspirée par les parodies
à la mode d'Offenbach et Crémieux; — des réminiscences de Virgi-
le, d'André Chénier, de Diderot, de Shelley, du Lamartine de la Chute
d'un ange qui lui fut un grand pourvoyeur d'idées; — et des emprunts
très directs à un journaliste, ami de la maison, Barrillot, poète ori-
ginal et de peu de succès, donc pillable à merci, et dont les épopées
sur le progrès et les cantates sur la navigation aérienne étaient illus-
trées aux yeux du visionnaire et grand descriptif par un recueil de
gravures sur les ballons de l'avenir... Et tout cela, je le répète, est
de bon travail, de bonne justice — et de joyeuse hygiène.
Gabriel Audiat.
Ii« Iiittératur« patriotique en Allemagne, l$iOO-f9l5,
par G. Gkomaire. Paris, Colin, 1911, in-18 de vii-30o p. — Prix : 3 fr. 50.
M. Gromaire vient d'étudier un mouvement littéraire qui déter-
mina la politique et jusqu'à un certain point les destinées de l'Al-
lemagne moderne, je veux dire la littérature patriotique qui suscita
et accompagna le relèvement du peuple allemand au commencement
de ce siècle de 1800 à 1815. L'auteur montre d'abord que ce mou-
vement n'est pas né précisément à l'aurore du xix^ sifcîe:une période
littéraire ne naît pas tout équipée, elle a d'obscurs avant-coureurs
qui préparent le chemin. C'est ainsi qu'au xviii^ siècle déjà, les
Gleira,les Kleist,^Klopstock surtout,^cn célébrant l'ancienne Ger-
manie, contribuent à faire naître le sentiment patriotique. Lessing,
— 235 —
en déclarant une guerre acharnée au goût français, fut un des
éducateurs de ce sentiment, bien qu'un jour il ait écrit : « Je n'ai
aucune idée de ce que peut être l'amour de" la patrie. » Gœthe,
rOlympien, qui se trouvait très bien dans son pâté de Weimar, à
part certain jour, où son duc était menacé,'' pratiquait une hau-
taine indifférence. Scliiller, l'exalté, veut au contraire le triomphe
politique de son pays par la grandeur littéraire, et parle avec mépris
« des trésors sans vie de la Grande-Bretagne et du clinquant de la
Gaule. « Ainsi le xviii^ siècle léguait au xix^ l'orgueil de la culture
allemande. Le romantisme avec les Schlegel, les i\rnim, les Brentano
et les Gorres, joint au patriotisme littéraire le patriotisme politique.
On a senti dès lors que la personnalité intellectuelle était liée au
maintien de l'indépendance et la guerre devient inévitable contre
l'étranger, contre l'envahisseur. Après Téna, le cri de guerre est poussé
par un philosophe; on sait, en effet, quel retentisfement eurent les
discours de Fichte à la nation allemande, prononcés en 1808, d'une
éloquence parfois brillante, mais souvent fumeuse et obscure. A la
voix de Fichte surgirent les poètes soldats : Amdt, Lamotte-Fou-
qué, Kleist, Max Schenkendorf, K orner et Riickert: avec eux, la poésie
patriotique prend une allure guerrière et rappelle les strophes enflam-
mées des Callinos et des Tyrtée. M. Gromaire, dans quelques chapi-
tres vivement écrits et mêlés de citations caractéristiques, retrace
le tableau de cette poésie forte, enthousiaste et souvent haineuse.
Il s'arrête en 1815, mais reconnaît que cette étude pourrait être
poursuivie avec intérêt jusqu'en 1870, et même jusqu'à nos jours, et
nous espérons bien qu'il l'achèvera lui-même dans un second volume.
S'il m'était permis d'exprimer un désir personnel, je souhaiterais
que l'auteur donnât en note le texte allemand de ses plus belles cita-
tions; au risque de grossir un peu son volume : ce serait pour nos élè-
ves un recueil nouveau et intéressant, une sorte de complément de
sa Deutsche Lyrik. Oserai-je signaler à M. Gromaire un léger oubli?
A la page 46, le texte porte : « als wir Husaren im Feld ». la traduc-
tion donne : « que nous autres, hussards, dans les champs » : n'est-ce
pas plutôt « hussards en campagne » qu'il faudrait lire ?
L. Mensch.
©«•Ifroy CTliancer [Les Grands Écrivains étrangers], par EmiLB LbgoUIS.
Paris, Bloud, 1910, in..l6 de vii-261 p. — Prix : 2 fr. 50.
Après avoir dirigé et enrichi d'une bonne Préface la récente tra-
duction collective des Contes de Cantorbéry, M. Legouis nous donne
aujourd'hui sur le célèbre auteur de ces contes'"un volume substan-
tiel et très neuf. A'^nos^maigres' et'incertaines connaissances''sur la
vie du~poète, au relevé des sources de ses ouvrages,''!! lui était im-
— 236 —
possible ou du moins fort difficile d'ajouter beaucoup; ce sont là
matière d'explorations très spéciales et trop souvent infructueuses;
mais des documents et des faits connus est tiré ici un très vivant
portrait de Ghaucer, portrait assurément conjectural en partie, mais
où toutes les conjectures sont d'un esprit sagace et présentent le
plus haut dei^ré de vraisemblance. L'étude littéraire fait, du reste, le
principal du livre, étude d'abord de la formation poétique de Chaucer,
laquelle apparaît plus française encore qu'on ne l'a montrée jusqu'ici :
«Chaucer n'a pas eu, comme on dit, une période française. Ilest français
toujours... C'est son esprit même qui est français comme son nom.
Il descend en droite ligne de nos trouvères et il a tout d'eux, sauf la
langue. » Démonstration abondante est fournie de cette opi-.i.ion et
l'on ne pourra plus désormais accepter que fort amendée la théorie
courante des trois périodes successives (française, italienne, anglaise)
du génie de Chaucer. Œuvres lyriques, œuvres allégoriques sont en-
suite passées en revue par M. I^egouis, qui s'étend davantage sur
Troïlns et Criseyde, poème qu'il étudie de très près et sur lequel il
fait un peu plus de réserves que n'en avait fait M. Jusserand
dans un chapitre bien connu de son Histoire littéraire du peuple
anglais. Anx Contes de Caniorbén/ est enfin consacrée toute une moitié
du volume et la proportion n'est que juste. Une analyse détaillée de
ces contes paraissant nécessaire, la difficulté était d'échapper à la
sécheresse ordinaire des résumés, mais cette difficulté a^été fort
habilement vaincue : ces abrégés, coupés d'extraits, sont souvent
presque aussi vivants et aussi pittoresques que le sont les pièces de
Shakespeare abrégées par Lamb. Successivement, nous sont donc
narrées dans leur apparent et savant désordre ces deux douzaines
d'histoires chevaleresques ou satiriques, dévotes ou bouffonne*,
morales ou licencieuses (licencieuses assez souvent, car les théories et
l'esprit en sont en somme d'ordinaire ceux de nos fabliaux; et M. Le-
gouis, exhibant son auteur tel qu'il est, ne l'a expurgé ni dansl'analyse
qu'il en fait, ni dans les spécimens qu'il en donne). De nombreux mor-
ceaux sont traduits en vers français, et ces traductions, de tout point
excellentes, valent par la souplesse alerte autant que par l'exactitude.
Enfin, Chaucer ayant été apprécié comme portraitiste, comme metteur
en scène de ses personnages, comme narrateur, comme écrivain, la
conclusion fait ressortir ce qui fait, avec le génie poétique, aa grande
originahté* parmi les auteurs de son temps : curiosité et observation
sympathique des gens et des choses, goût et faculté de voir ce qui
est et de le peindre tel qu'il est. Aussi agréable de forme que solide
de fond, ce petit volume est sans doute ce qui s'est écrit jusqu'ici de
plus pénétrant, et, dans sa brièveté relative, de plus complet sur
l'homme qu'on appelle, non sans raison, le père de la poésie an-
glaise, A. Barbeau.
— 237 —
IVlichel louriévitch Ijermontoir. S>a Wie et ses oeiiYreis,
par E. DuGHESNB. Paris, Plon-Nuurrit, lyio, in-8 de ni-378 p. — Prix:
7 fr. 50.
Ce livre est une thèse de doctorat et serait pour détourner de ce
genre de littér .turc si beaucoup de thèses ressemblent h celle-là.
Aucun amour, aucun autre sentiment marqué, aucune vue person-
nelle à exprimer n'a apparemment déterminé l'auteur à s'occuper de
Lermontov. Dans la" nécessité où il était d'écrire une « thèse », il
semble n'avoir choisi cet admirable poète que pour profiter d'un
« sujet » qui s'offrait ou qu'on lui indiquait. Ajoutez qu'appliqué
sans doute à se mettre à l'abri des objections de ses examinateurs,
le « candidat » ne s'est jamais aventuré à exprimer sans restrictions
une opinion qui soit à lui. 11 n'exprime, avec une extrême prudence,
que des demi-opinions. Soigneusement informé comme il convenait
de tout (ou de presque tout) ce qu'on écrivit avant lui sur Lermon-
tov, ]\L Duchesne s'en est souvenu de façon excessive. Sa marche
en a été appesantie et est devenue pénible. L'auteur paraît ne faiie
aucun pas sans béquilles, s'appuyant à droite sur un critique russe,
et à gauche sur un autre critique. Vraiment on n'aperçoit, dans
toute cette étude, rien qui appartienne en propre à notre compa-
triote qu'environ six pages; elles se trouvent dans un des chapitres,
très développés, qui ont trait aux influences, plus ou moins avérées,
subies par le poète russe. Par quelques rapprochements l'auteur
établit que Lermontov connaissait Victor Hugo mieux qu'on ne s'en
était avisé. Il avait retenu quelques images des Orientales et quelque
chose du romantisme de Han d' Islande et de Notre-Dame de Paris.
A côté des grandes influences de Byron, d'Auguste Barbier, de. Pouch-
kine, c'est un nom à ajouter à tous ceux que M. Duchesne fait
défiler sous les yeux de ses lecteurs, de Gœthe à H. Heine, de Sha-
kespeare à Ossian et à W. Scott, et de Chateaubriand à Alfred de
Musset. Une critique grave à adresser à M. Duchesne est la façon
dont sont traduits les passages qu'il cite dans ses analyses, presque
interminables, des diver.'^^es œuvres de Lermontov. L'auteur, par un
procédé discutable et peut-être illicite, prend tout simplement des
traductions publiées et y introduit, sans les indiquer par aucune
disposition typographique, les changements qu'il juge nécessaires.
Il fallait se donner la peine de traduire soi-même (et comni' nt ne
pas en avoir le désir?) d'autant plus que les traductions qu'emploie
M. Duchesne et qu'il a le tort de qualifier d' « excellentes », —
plusieurs traductions, notamment de M. Louis Léger, à qui la thèse
est dédiée, • — d'autant plus, dis-je, que ces traductions sont extrê-
mement faibles. Elles sont gauches, si veules et si plates, que souvent
on se demande malgré soi, avec colère, si le traducteur auquel recourt
.^ 238 — ;
cumiilaisanuncjit M. Duchesne a compris, non point les mots, mais
les sentiments du poète. Nous ne pouvons malheureusement pas insis-
ter; une citation donnera idée du galimatias double auquel arrivent, en
s'unissant, le professeur et l'élève : « Et notre poussière, appréciée
avec la sévérité d'un juge et d'un citoyen, sera flétrie par la postérité
d'un vers méprisant, avec l'ironie amère d'un fils déçu qui accuse un
père prodigue. » (p. 63). Cette phraséologie gélatineuse doit corres-
pondre, le croira- t-on, à une fin de poème pleine de force et de
feu ! Que pensera-t-on aussi de cette petite phrase : « Je bourrai à
fond ma cartouche » (p. 101), quand on apprendra qu'il s'agit, en
l'espèce, non point d'un chasseur préparant des munitions, mais d'un
artilleur de 1812 qui charge son canon pendant le combat ! Nous
aurions du reste beaucoup à dire sur l'écriture de M. Duchesne
lorsqu'il exprime quelque chose de son crû. Nos critiques, que nous
arrêtons, ne doivent pas nous empêcher de rendre hemmage à son
effort. Son livre est le premier travail d'ensemble fait sur Lermontov;
à ce titre, il sera pris t n considération, et sans doute par les Russes
eux-mêmes. C'est avec une satisfaction très réelle que l'on voit des
Français aborder l'étude de la littérature russe; le temps approche
enfin, croyons-nous, où nos compatriotes nous fourniront eux mêmes
les renseignements de tout ordre dont nous avons besoin sur la Rus-
sie, pourrons-nous bien ne plus être tributaires en cela des Polonais,
— qui voient les choses russes avec une partialité nationale, et avec
des yeux qui ont à s'instruire comme les nôtres, — ou des Russes,
soit authentiques soit peu orthodoxes, qui nous content ce qu'ils
croient juste... ou ce qu'ils veulent ! Denis Roche.
HISTOIRE
Mizraïm. Souvenirs d'Itgypte, par Godkfroid Kurth. Bruxelles,
Dewil, 1912, iii-18 de 378-ii p. — Prix : i l'r. 50.
Après tant d'œuvres remarquables consacrées au moyen âge, le
grand historien belge a voulu, à son tour, étudier sur place la plus
ancieime civilisation, celle d'où sont sorties toutes nos conceptions
morales et religieuses. Son livre pourrait s'appeler « Pèlerinage d'un
chrétien au pays d'Osiris. » Partout et toujours, ce sont les hautes
pensées de la religion chrétienne qui le dominent en cours de route :
en Italie et en mer, comme sur la terre des Pharaons. A la lecture
des conseils pratiques et terre à terre de Phtahotep à son fils, ceux
de saint Louis à sa fille Isabelle de Franco chantent dans sa mé-
moire. Je crains même que la comparaison avec les progrès moraux
accomplis depuis la venue du Clirist ne l'aient rendu injuste pour
ceux que les Grecs et les Juifs eux-mêmes appelaient : les sages
— 239 —
d'Egypte. S'ils ont divinisé des animaux, si ces grands édifices ont
été construits au prix d'innombrables vies humaines, ces hommes
ont les premiers conçu l'immortalité de l'âme, la justice divine s' exer-
çant sur elle, et rédigé cette admirable confession du mort devant les
quarante-deux dieux juges : « Je n'ai pts tourmenté la veuve, je n'ai
pas desservi l'esclave auprès de son maitic, je n'ai pas affamé; je
n'ai pas fait pleurer. » La pensée éiyptiennc était presque chrétienne
avant le Christ; aussi l'Egypte chrétienne avec les saints de la Thé-
baïde, ses moines innombrables, fils et successeurs des reclus du
Sérapéum, ses grands docteurs, Clémtnt d'Alexandrie, Origène,
Athanase, a-t-elle été le plus beau fleuron de l'Eglise universelle.
Tout cela ne doit-il pas nous porter à l'indulgence? Si l'auteur éprouve
d'involontaires mouvements de révolte dès qu'il entre en contact avec
l'islam, s'il se sent des sentiments de fils des croisés en face des fils des
Sarrasins, il est définitivement conquis dès qu'il arrive vers Thébes;
il ne dissimule pas l'émotion profonde qu'il éprouve devant l'immen-
sité de Karnak, surtout ayant pour guide notre si aimable et si
savant compatriote, Georges Legrain. F. de Villenoisy.
Iloinmes et cltoses tSe l'ancienne Rome, par R. Pighon. Paris,
Fonlemoiu^, 1911, in-16 de vu- 357 p. — Prix : S fr. 50.
t
C'est un recueil de six études parues dans la Revue des Deux Mon-
des et le Journal des savants ou données en conférences au MuKce
Guimet que nous offre sous ce titie le distingué latiniste. On les lira,
ou on les relira avec plaisir sous ce nouvel aspect. Touchant à toutes
les époques de l'histoire romaine, depuis la légende d'Hercule et de
ses bœufs dérobés par Cacus, jusqu'aux polémiques de saint Jé-
rôme, en passant par Sénèque et Néron, à peine avons-nous besoin
de dire qu'on y trouvera quantité de vues ingénieuses, d'idées renou-
velées, rajeunies ou modifiées, soit par des études nouvelles, soit par
les récentes théories sur les religions anciennes. Nous signalerons
tout particulièrement les excellentes pages consacrées par M. Pichon
à ce maître auquel il fait si grand honneur, M. Gaston Boissier, et
de l'œuvre de qui il est aujourd'hui l'un des meilleurs continua-
teurs. A. B.
La H\e privée au temps^ des premiers Capétiens, par Alfkbd
Franklin. 1" éd. Pans, Émile-Paul, 1911, 2 vol. petit iu-8 de xxxii-34'< et
xv-392 p. - Prix : 10 fr.
Faire connaître par le menu la vie de nos ancêtres est une
œuvre nécessitant de longues et patientes recherches. Dans les
chroniques, nous trouvons la suite des principaux événements qui
- 240
agitèrent le monde; mais rarement elles nous apprennent comment
vivaient les contemporains de ces événements. 11 est donc nécessaire
(le s'adresser souvent à d'autres sources qu'aux chroniques pour
nous faire une idée de cett-e vie. Les comptes, les inventaires, les sta-
tuts des métiers, les poèmes satiriques, les œuvres des moralistes,
les traités de médecine, etc., voilà les principaux travaux auxquels
puisa M. Franklin pour composer ces deux volumes dont il donne
aujourd'hui une seconde édition. 'Ces volumes seront intéressants à
consulter non seulement pour les érudits qui y trouveront beau-
coup de renseignements utiles à glaner, mais aussi pour toute
personne instruite qui voudra connaître la société et les usages
du moyen âge. Tout en effet est passé en revue dans ces volumes :
l'Église avec ses fêtes, ses cérémonies et son influence morale et
charitable; le Roi, la Reine avec leur entourage, leur cour, leur person-
nel. On apprend dans les chapitres qui leur sont consacrés comment
vivaient nos premiers rois, comment ils étaient servis, comment ils
moururent et les cérémonies qui entourèrent leurs funérailles.
Après s'être occupé des rois et des reines, M. Franklin consacre
trois chapitres aux femmes, à leur coquetterie, à leurs costumes, à
leur vie, nous faisant connaître leurs bijoux, les étoffes dont elles se
revêtaient, leurs chapeaux, leurs fourrures, les menus objets dont
elles aimaient à s'entourer. L'éducation donnée aux enfants, les soins
qu'on leur prodiguait, leurs jouets et leurs j^ ux ne sont pas non plus
omis. On se figure souvent les siècles du moyen âge comme des
siècles d'ignorance et de superstition. Qu'on parcoure les chapitres
relatifs aux lettres, sciences et arts, et on se rendra compte que, si
les siècles passent, les charlatans restent et que le moyen âge connut,
comme notre siècle, de vrais savants, des artistes de premier ordre
et des professeurs qui savaient foimer et élever la jeunesse d'alors.
Après les chapitres consacrés à la médecine et à l'hygiène, M. Fran-
klin nous parle des repas, de la cuisine, des marchés, des épices, des
vins, puis de la domesticité, des meubles, des jeux des animaux que
l'on aimait avoir autour de soi, de la ménagerie du Roi, des co pora-
tions, des ateliers, ^es confréries, du commerce, des impôts, des
monnaies, etc. En somme, comme nous le disions au début de cet-
article, toutes les catégories de lecteurs parcourront ces deux volumes
avec intérêt et souvent avec grand profit. J. ^'IAKD.
lifs H auite et Bas«e Forestz <1e Ciiinon, des origine.«i au
XV1« 8i«cle, par Eugène Pépin. Pari-, Laveur, 1911, gr. in-8 de
233-xxv p. — Prix : 3 fr.
Ce livre, luxueusement édité, est une ceuvre de haute érudition.
C'est une « Étude de législation et d'histoire forestières, » mais spé-
— 241 —
ciale aux deux massifs boisés dont s'est composée (et se compose
encore aujourd'hui) la forêt de Chinon, du xii^ siècle au commence-
ment du XVII®. Antérieurement à une vieille charte de 1190, relevée
dans un cartulaire de l'archevêché de Tours, les textes font défaut.
Mais, à partir de cette date, M. Pépin a pu les retrouver en nombre,
les ayant pourchassés dans toutes les archives publiques ou privées
de la Touraine, dans' les bibliothèques, dans les ouvrages anciens
ou relativement récents, à toutes les sources enfin.
De la Haute Forêt, la plus considérable puisqu'elle est indiquée
comme ayant contenu 8.160 arpents, la Basse Forêt n'en ayant com-
pris que 1.760, l'histoire est assez compliquée. Elle a toujours été,
jusqu'à la Révolution, indivise entre l'archevêque de Tours, d'une
part, et, d'autre part, le roi d'Angleterre, en sa qualité de comte
d'Anjou vassal du roi de France, et ensuite le roi de France lui-
même, après la réunion du comté d'Anjou à la Couronne. Elle a
subi, durant cette longue période, en tant que propriété, les vicissi-
tudes les plus diverses dans son mode de jouissance. La Basse Forêt,
n'ayant jamais eu qu'un seul propriétaire — le comte de Chinon d'a-
bord et ensuite le roi de France — d'ailleurs « (compagnon de pariage »
de l'archevêque de Tours, a toujours été soumise au même régime.
L'exposé des procédés d'administration auxquels la forêt de Chinon
fut soumise offre un intérêt d'autant plus grand, que cette adminis-
tration et l'organisation de son personnel se rattachent à celles dos
autres forêts du royaume, variables, il est vrai, suivant chaque pro-
vince, mais ayant de nombreux points communs.
La vente et l'exploitation des coupes de bois, surtout l'exercice de
la chasse, la répression des délits, et les nombreuses questions qui
se rattachent à la jouissance, ne sont pas le résultat le moins inté-
ressant de la mise en œuvre des documents recueillis par l'auteur.
Un non moindre intérêt s'attache à la vaste et complexe questioji
des droits d'usage étudiée dans ses origines et dans l'évolution qu'ils
ont subie, dans les diverses catégories d'usagers, le tout suivi d'une
carte à grande échelle de la forêt, dressée en 1673. Ainsi se clôt la
quatrième et dernière partie de l'ouvrage.
Trois annexes le suivent, donnant ; (I). Les listes des « officiers des
eaux et forêts de Chinon et de Touraine »; (II). La bibliographie
d'histoire et de législation en matière forestière; (111). La biblio-
graphie spéciale à l'histoire de la forêt de Chinon. C. de Kirwan.
Hiatoire sociale des relîgioMS, par Maurice Vernes. I. Les Reli-
gions occidentales dans leur rapport cvtc le progrès politique et social. P&ris,
Giard et Brière, 1911, in-8 de 539 p. — Prix : 10 fr.
L'auteur a fait des efforts visibles pour être impartial, et je crois
Mars 1912. T. GXXlV. 16.
— 242 i—
qu'il l'a souvent été, dans cette longue enquête à travers l'histoire
des religions et des peuples de l'Occident. 11 se place fréquemment
à un point de vue rationaliste qui ne saurait être le nôtre; du moins
n'est-il pas du nombre de ceux, tels que Renan et son école, qu'il fus-
tige vigoureusrment au passage, qui, pour satisfaire leur rage de sec-
taires, non seulement sollicitent les textes, mais les mettent à la tor-
ture et les dénaturent à plaisir. M. Vernes, sauf erreur, appartient, de
naissance du moins, à la religion réformée, de là une préférence très
naturelle pour celle-ci, bien qu'il ne déguise nullement les abus d'au-
torité et autres fautes que l'on est en droit de reprocher aux Luther
et aux Calvin, sans parler des Henri VllI. Tout en faisant au chris-
tianisme, en général, sa part, sa large part dans l'amélioration mo-
rale des nations, il aurait pu insister davantage sur les institutions
hautement civilisatrices du catholicisme, au lieu d'appuyer sur des
excès commis en son nom, mais réprouvés par lui. Si les guerres de
religion qui ensanglantèrent l'Europe au xvi<^ siècle furent trop sou-
vent atroces, je ne sache pas que le protestantisme, sous ce rapport
du moins, ait quelque chose à envier au catholicisme. En tei minant
ces lignes, qui sont moins un compte rendu qu'une appréciation som-
maire, je tiens à dire que le lecteur trouvera dans cet ouvrage,
fortement documenté, plus d'une indication utile et plus d'une judi-
cieuse observation. A. Roussel.
Ijcs PhilOBoplsc« et In Société française au 1L¥1I1« fliéele,
par M. RùUsTAN. Paris, Ilachelte, 1911, in-16 de xi-391 p. — Prix : 3fr. 10.
La Révolution française est-elle l'œuvre des philosophes du
xviii^ siècle? L'esprit philosophique a-t-il créé l'esprit révolution-
naire? Nûn, disent certains auteurs comme M. Rocquain et M. Au-
bertin; il y avait un esprit révolutionnaire, alors que les philoso-
phes avaient à peine commencé à vivre et, en 1753, la Révolution
fut sur le point d'éclater. Oui, disent les autres, et la preuve, c'est
que la Révolution ne s'est pas faite en 1753, a éclaté en 1789,
après que les philosophes eurent pubhé leurs ouvrages; ce sont
eux qui, s'ils n'ont pas créé l'esprit révolutionnaire, l'ont déve-
loppé et ont amené l'explosion. M. Roustan qui, à l'inverse de
M. Faguet, partage cette dernière opinion, a examiné quelle a
été l'influence des philosophes sur les diiTérentes classes et les divers
organes de la société, sur la royauté, sur les favorites, sur la
noblesse, sur les magistrats, sur les financiers, sur les salons,
sur la liourgeoisie, sur le peuple. Louis XV n'aimait pas beaucoup
les philosophes, mais il les a servis par les scandales qu'il a donnés
et l'avilissement qu'il a infligé à la Royauté. Les -favorites —
jyjme de Pompadour notamment — protégeaient les philosophes, et les
.- 243 —
philosophes s'accommodaient fort bien d'abus où ils trouvaient leur
compte. La noblesse, la noblesse de cour surtout, se jeta à corps
perdu dans les nouvelles doctrines; la noblesse de province s'en
méfiait; mais elle était pauvre et avait peu d'influence. M. Rous-
tan — et nous ne saurions partager son avis — prétend que la
noblesse française, à l'inverse de la noblesse anglaise, était un
corps fermé; c'est une erreur, suivant nous : sans parler des fa-
miEes anoblies pour d'insignes services, comme les Colbert et les
Phélypeaux, un grand nombre de Français entraient dans la no-
blesse en achetant des charges qui la conféraient. Les magistrats
censuraient et condamnaient les philosophes en principe; mais, en
fait, ils les épargnaient et leurs grandes querelles avec le clergé
sur le jansénisme, l'expulsion des jésuites qui est leur œuvre, ont
plus que tout servi la cause philosophique. Les salons ont été les
principaux soutiens des Encyclopédistes; c'est là qu'ils ont parlé,
c'est par là que se sont propagés leurs écrits; ils y régnaient en
maîtres et c'est de là qu'ils envahissaient l'Académie. Quant au
peuple, nous ne croyons pas qu'il ait été à la fin du xviii^ siècle
aussi malheureux que le prétend l'auteur; le tableau qu'il trace
de la misère populaire, que nous ne voulons nullement nier, nous
parait poussé au noir, et l'on en trouverait la contre-partie dans
les travaux si documentés de M. Albert Babeau et de M. Arda-
scheff sur les Intendants sous le règne de Louis XVI. Mais le plus
curieux chapitre de ce volume est peut-être celui qui concerne
les rapports des philosophes avec les bourgeois; il y a là un por-
trait piquant de l'avocat Barbier, véritable type de bourgeois pari-
sien amoureux de son bien-être, passionné d'ordre matériel, dévoué
au Roi, mais un peu frondeur, un peu sceptique et adoptant, par
esprit d'opposition, des théories dont l'application emportera un
jour tout ce qu'il aime, comme ces riches capitalistes de notre temps
qui patronnent le socialisme dont ils seront les premières victimes.
Nous différerions d'opinion sur plus d'un point avec M. Roustan,
ne fût-ce que sur le zèle des philosophes et, en particuMer, de Vol-
taire pour l'instruction du peuple; mais nous reconnaissons l'inté-
rêt et le mérite de son œuvre qui révèle une étude approfondie
du sujet; l'auteur a eu le mérite et le courage bien rares de lire
ou tout au moins de parcourir les gros in-folios de l'Encyclopédie
dont il fait de fréquentes citations. Mais nous voudrions qu'il
donnât de plus nombreuses références sur ces citations en indiquant
les volumes et les pages. Nous savons que depuis quelque temps
on a abusé des notes, mais il n'y en a pas une seule dans ce livre;
c'est vraiment trop peu. Ma.x. de la. Rochkterie.
— 244 -
lies Impôts iiirerts «ous rancîeii régime, principalement
nu XVllI® siècle, -par Marcel Makion. Paris, Coraely, 1910, gr. iu-8
de m p. — Prix : 12 fr.
Le livre de M. Marion inaugure de la manière la plus heureuse la
Collection de textes sur l'histoire des institutions et des services publics
de la France moderne et contemporaine, publiée sous la direction de
M. Camille Bloch, et je m'excuse auprès des lecteurs du Polybiblion
d'avoir mis quelque retard à le leur présenter. C'est un excellent guide
qui rendra service à tous ceux qui voudront étudier le fonctionne-
ment des impôts directs à la fin de l'ancien régime, et dans lequel
on trouvera déjà tous les textes essentiels et les documents les plus
importants sur la matière. L'ouvrage comprend deux parties, d'iné-
gale étendue : d'abord une Introduction (p. 1 à 123), et ensuite le
Recueil de textes (p. 125 à 416). L'Introduction, nourrie et condensée,
expose à grands traits l'histoire des principaux impôts directs à la
fin du xvii^ et au xviii® siècle : la taille, — la capitation, — le
dixième, le cinquajitième et les vingtièmes, • — l'impôt remplaçant
la corvée. On aurait peut-être souhaité un peu moins de brièveté sur
l'histoire de la taille royale avant le dix-huitième siècle, notamment
au dix-septième; M. Marion la suppose connue et renvoie, d'ailleurs
(p. 431), à l'étude de M. Callery, qu'il trouve cependant trop opti-
miste. Peut-être encourt-il parfois lui-même le reproche opposé, en
poussant un peu trop au noir le tableau (par ex., p. 8 : « passer
pour indigent était le seul moyen de ne pas le devenir effective-
ment »). Mais ce sont là de petites chicanes, sur lesquelles il y aurait
mauvaise grâce à insister; et cette Introduction, avec ses références
aux documents publiés dans la seconde partie de l'ouvrage, constitue
un résumé clair et substantiel de l'histoire des impôts directs à partir
de Louis XIV.
Dans le Recueil de textes (p. 125 et s.) ont été réunis, sur chacun
des impôts en question, d'une part les actes du pouvoir souverain
(édits, déclarations, arrêts du Conseil), d'autre part, des extraits des
correspondances administratives auxquelles ils ont donné lieu, des
extraits des mémoires et rapports des assemblées provinciales, ainsi
que des remontrances des cours souveraines, et enfin quelques pages
d'auteurs du dix-huitième siècle. Cet ensemble de documents bien
choisis, rassemblés en un volume facile à consulter, forme déjà une
mine précieuse : plus de la moitié étaient inédits. Mais ce qui sera
peut-être encore plus précieux pour les travailleurs, c'est la bibho-
graphie qui le complète (p. 421 à 432) : ils y trouveront l'indica-
tion détaillée des fonds d'archives à consulter, et la liste des princi-
paux ouvrages imprimés, tant anciens que modernes, sur ces matières.
On voit par ce simple sommaire quels services cet ouvrage est
-- 245
appelé à rendre, et l'intérêt qu'il présente à lui seul pour le lecteur
qui s'en tiendra à son contenu. On ne pouvait, du reste, trouver de
n)eilleur guide, en pareille étude, que l'auteur de l'Impôt sur le
revenu au xyiii^ siècle; et on relèvera, dans ce nouveau volume, bien
des traits qui donnent à réfléchir. André Lemaire.
La Ciiiinde Peur de fSSO, par Edouard Forbstié. Moniauban,
Masson, l'MI, in-8 de xv-201 p. — Prix : 4 fr.
Quelques semaines après la prise de la Bastille, dans les derniers
jours de juillet ou les premiers jours d'août, une extraordinaire
panique se répandit dans toute la France. Les bruits les plus ef-
frayants et les plus étranges circulaient, variant un peu suivant les
contrées, mais annonçant un même fait et provoquant une même
terreur : le pays était envahi. Dans l'est et le nord, c'étaient
les troupes impériales; dans la Bretagne et les pays maritimes,
c'étaient les Anglais; dans le centre et le midi, c'étaient des bri-
gands, dont on ne disait pas l'origine, mais qui brûlaient les ré-
coltes, pillaient les maisons, massacraient les habitants. En quel-
ques endroits, c'était le comte d'Artois qui, à la tête de 16.000
hommes, venait opérer une sanglante contre-révolution. Des agents
mystérieux, qui apparaissaient comme un éclair et disparaissaient
comme une ombre, passaient dans tous les villages, colportant ces
nouvelles et propageant la terreur. Les femmes s'enfuyaient, emme-
nant leurs enfants ; les vieillards se cachaient ; les hommes valides
s'armaient de piques, de faux, de fusils, quand ils en trouvaient,
faisaient des patrouilles, partaient en reconnaissance, ne décou-
vraient naturellement rien puisqu'il n'y avait rien,, et, déçus, se
jetaient souvent sur les châteaux qu'ils incendiaient, et égorgeaient
les seigneurs. Partout, les autorités constituaient des comités de
vigilance et des gardes civiques pour maintenir l'ordre et se défen-
dre contre ces ennemis imaginaires. C'est ce qu'on a appelé la
«Grande Peur, ;> qui a régné d'un bout de la France à l'autre, au
même moment et dans les mêmes conditions. Un érudit de Mon-
iauban, lauréat do l'Institut, fouilleur habile, connu par nombre
de brochures et d'cuvrages, fruit de patientes et heureuses recher-
ches, a réuni dans ce volume tout ce qu'il a pu trouver dans toutes
les parties de la France, au nord, au centre, dans Test, dans
l'ouest et, plus spécialement, dans le midi, sur cet émouvant sujet,
dont le savant historien qu'est M. Funck-Brentano a pu écrire :
I' «La Grande Peur est un événement de la plus haute impor-
tance et peut-être le plus important de la Révolution ». Le conscien-
cieux travail de M. Forestié prouve la vérité de l'aphorisme de M.
V — 246 —
F'JTick-Brentano, et établit l'existence manifeste d'un complot préparé
d'avance et qui éclata tout d'un coup, sur tous les point<^ du p^ys,
avec une spontanéité et une simultanéité foudroyantes. Oa a voulu
avoir partout et en même temps une organisation révolutionnaire
qui pût contrebalancer et remplacer l'organisation régulière et of-
ficielle, substituer les gardes nationales à l'armée royale. La
prise de la Bastille avait fait éclore cette organisation dans les
villes; la grande peur la fit éclore dans les campagnes. Mais qui
lança le mot d'ordre et envoya les émissaires? Est-ce Mirabeau,
Sicyès, Talleyrand, le duc d'Orléans? On les en a tous accusés tour
à tour, et il est bien possible qu'ils aient tous leur part de respon-
sabilité dans le complot. Mais M. Forestié incrimine plus encore
la franc-maçonnerie"; il cite, à l'appui de son opinion, certain passage
d'un ouvrage publié en 1797 par un bomme très mêlé au mouve-
ment révolutionnaire du midi, Sourdac, et il faut bien avouer que
ce passage est singulièrement suggestif.
A la fin de la belle Préface qu'il a mise en tête du livre de
M. Forestié, M. le baron de Batz a exprimé le souhait que les
nombreux articles publiés par l'auteur sur les Déhuis de la Révo-
lution dans le sud-ouest de la France soient bientôt réunis en vo-
lume. Malheureusement, M. Forestié est mort tout derniè-
rement, et ce voou risque fort de n'être pas réalisé.
Max. de la Rochsterie.
Ij» Fin d'un régime. !Tlontl>^linril, Bcifort et la II»ute-
.^Isace au itéltiit delà Révolution française, 17^9-1 793,
par LÉON Sahler. Paris, Champion, 1911, in-8 de 212 p., avec 4 planches.
— Prix : 6 fr.
Quelque vingt années avant les premiers éclats de la Révolution
française était venu s'installer dans le pays de Montbéliard le prince
Frédéric-Eugène de Wurtemberg qui, moyennant finances, avait
obtenu de son frère, le duc régnant de Wurtemberg, sa nomination en
qualité de stathouder de Montbéliard. Il y menait une vie agn'abl
et facile, tout occupé à faire le bonheur de gens qu'il aimait et d'un
pays qui lui plaisait, résidant tantôt dans la petite capitale de
la principauté, tantôt dans son château d'Étupes, à peine éloi-
gné d'une lieue et construit par ses soins.
Mais bientôt les troubles que la Révolulion à ses débuts suscita
partout >n France et spécialement en Franche-Comté et en Alsace,
provinces qui encerclaient ce petit pays, eurent leur répercussion à
Montbéliard non point du fait des habitants, mais de celui des voi-
sins français. Comtois et Alsaciens. Si bien que, après avoir réclamé
beaucoup et récriminé un peu tant à Paris qu'à Belfort et à Besan-
— 247 —
çon, lo princo Frédéric-Eugène dut quitter ses chères résidences et se
retirer à Bâle.
Ces pauvres Montbéliardais, dont la destinée était liée depuis près
de quatre siècles à celle du Wurtemberg, eurent alors à supporter
les pires ennuis. Toujours menacés par la France, molestés aux fron-
tières par les autorités qui les ruinaient en entravant leur commerce
et même en l'empêchant totalement, c'est en vain qu'ils adressèrent
des plaintes de tous côtés. La surdité était générale, ou à peu près.
Puis un jour (septembre 1792), les Belfortains organisèrent contre
Monthéliard une expédition d'opéra-bouffe, qui n'en réussit pas moins :
la ville se rendit sans combat. Mais les « vainqueurs «, qui n'avaient
pas brûlé une seule cartouche, furent désavoués et durent abandonner
leur conquête. Un peu plus tard (10 avril 1793), le général Després-
Crassier, avGC 216 hommes, renouvela cet exploit; toutefois, le soir
même de son arrivée, il se retirait, laissant au château quatre gendar-
mes en guise de garnison.
JNIontbéliard ne devait rentrer sérieusement et définitivement
dans la grande unité française que le 10 octobre 1793, quand le con-
ventionnel Bernard de Saintes dit Pioche- For v:nt en prendre pos-
session « au nom de la République française une et indivisible. «
M. Léon Sabler nous raconte toute cette histoire de façon très inté-
ressante et très vivante. Son travail, qui se termine par un Index
alphabétique fort utile, est d'ailleurs appuyé d'importants docu-
ments, tels que le Journal du comte du Lau, gouverneur de Belfort
(p. 128-158), de Lettres relatives à la réunion de Mulhouse à la France
(p. 159-180) et de treize autres pièces justificatives d'envergure
moindre. Les deux portraits hors texte et les deux autres planches
typiques qui ornent cet ouvrage ont été remarquablement exécutés.
E.-A. Chapuis.
IVoiiveaux Rérite des temps révoliitioiiRairesi, â'.iprèx des
documents innlil^, par Rrnbst Daudbt. Paris, Haclielte, 1910, in-16 de
vii-273 p. — Prix : 3 fr. oO.
Ce titre est-il bien exact et convient-il de l'appliquer à des faits
qui, pour la plupart, se sont passés sous l'Empire et la Restaura-
tion? La période révolutionnaire n'était-elle pas déjà close? Non,
répond l'auteur. « Les événements tragiques qu'elle vit s'accomplir
durant les années qui suivirent la prise de la Bastille ont laissé
dans ce pays des traces si profondes; nous subissons toujours si
vivement leur influence et, enfin, ceux de nos jours, quand on en
étudie les origines, les causes, le caractère, s'y rattachent si visi-
blement qu'il n'est pas téméraire de prétendre que le cycle révolu-
tionnaire ouvert, il yT'a cent trente ans, n'est pas encore fermé ».
— 248 —
Et ce qui se passe tous les jours sous nos yeux nous démontre
trop que l'auteur a pleinement raison.
Quoi qu'il en soit, ces nouveaux récits des temps révolutionriài-
res sont, comme toutes les œuvres de M. Daudet, très intéressants
et remplis de détails inédits. Qui connaissait en France cette exquise
impératrice Elisabeth de Russie dont le grand- duc Nicolas Mikhaï-
lovitch a réuni et publié la volumineuse correspondance, femme
si charmante et si chrétienne qui, délaissée par son mari, l'empereur
Alexandre, lui resta toujours fidèle et dévouée avec des délica-
tesses de sentiments incomparables?
Quelles amusantes révélations sur les dessous du congrès d'Aix-
la-Chapelle, empruntées à des rapports d'agents secrets, attachan-
tes peintures de ces princes et de ces diplomates réunis autour
de la table du congrès, parmi lesquels se détache, avec un admira-
ble relief de désintéressement et de patriotisme, la grande figure
du duc de Richelieu! Et, avant le congrès d'Aix-la-Chapelle, voici
les grands desseins de ce vieux roi, dont la fermeté et l'autorité,
grandies par l'épreuve, sauvèrent la France du démembrement.
On conçoit qu'il ait suscité des dévouements comme celui du che-
valier de Gouault, si tragiquement fusillé à Troyes en 1814.
Mais le plus piquant peut-être de tous ces récits, en tout cas le
moins connu, c'est l'Odyssée d'une aventurière. Étrange odyssée en
effet que celle de cette Madame Riflon, fille d'un équarisseur de
Bourges, qui débarque tout d'un coup, on ne sait pourquoi, à
Madrid, trouve moyen de capter la confiance à la fois du repré-
sentant des Bourbons, le duc d'Havre, de l'ambassadeur de la Rén
publique, Pérignon, et du ministre du roi d'Espagne, le prince de
la Paix; qui reparaît ensuite en Allemagne et en Russie sous le
nom de M"^*^ de Nembaud, puis de M"^^ de Bonneuil, voit le comte
d'Avaray, le comte de Car aman, agent du comte de Provence à
Saint-Pétersbourg, le général de Beurnonville, ambassadeur de
France à Berlin, le comte Rostopchine, ministre du Czar; est bien
reçue partout et prise au sérieux par les plus grands personnages.
Seul, Louis XVIII flaire l'intrigue et refuse de recevoir l'aventu-
rière. Puis elle disparaît et l'on ne sait ce qu'elle devient. Espé-
rons que de nouvelles recherches révéleront à M. Daudet, si patient
dojns ses investigations et si heureux dans ses découvertes, la fin
véritable de l'odyssée. Max. de la. Rocheterie.
mMalre de l« y^Uerre de Vendée, par le chanoine Dsniaù, Dom
Chamard et l'abbe Uzurbau. T. V et Vi. Angers, Siraudeau, s. d.,2T0l.
gr. iQ-8 de 821 et 823 p., avec cartes. — Prix: 15 fr.
L'éditeur Siraudeau vient de donner au public les derniers rolumei
^ 249 —
de la grande Histoire de la guerre de Vendée^ de l'abbé Deniau, revisée et
mise àjourpar Dom Chamard etM. l'abbé Uzureau.C'estl'histoiredes
derniers épisodes de la Grande ("merre, on pourrait presque dire do
l'agonie de la Vendée. Quand s'ouvre le cinquième volume, deux des
glorieux chefs de la première lieure restent seuls en armes : Charetto
et StolTlet; mais ces armes, ils sont sur le point de les déposer : à bout
de forces, ils signent, avec les représentants délégués de la Conven-
tion, le traité de la Jaunaye. Y eut-il, à ce traité, des articles secrets,
stipulant la délivrance de Louis XVII et le rétablissement de la
Royauté? Au milieu de tous les témoignages contradictoires, l'auteur
semble croire qu'il y eut bien des pourparlers, aucun engagement écrit,
mais des promesses vagues, donnant, suivant îe mot de Napoléon,
« une juste idée de l'habileté des négociateurs républicains et de la
crédulité des négociateurs vendéens » et qui ne furent, bien entendu,
jamais suivies d'effet. La paix d'ailleurs ne devait et ne pouvait pas
durer longtemps.Les conflits ne tardèrent pas à se produire et la guerre
reprit pour aboutir promptement àladéroutedes Vendéens et à la mort
de Stofflet et deCharette, fusillé dans cette ville de Nantes, où il était
entré en triomphateur quelques mois auparavant. t*acifiée par Hoche,
puis par Ilédouville, la Vendée,épuisée, à laquelle on avait rendu ses
prêtres et l'exercice du culte, n'eut que quelques escarmouches par-
tielles sous le Directoire et le Consulat et resta complètement tranquille
sous l'Empire. Aux Cent Jours elle reprit les armes, à l'appel de Louis
de la Rochejacquelein; mais ce dernier fut tué au combat des Mathes et
la défaite de Napoléon à Waterloo mit fin au soulèvement. La Restau-
ration à son début ne fit pas grand'chose pouT* la Vendée. Préoccupé
de ralliera sa couronne 1 s anciens révolutionnaires convertis,
Louis XVIII oublia un peu ceux qui l'avaient fidèlement servi pen-
dant les jours d'exil. Certaines mesures, certaines nominations les
froissèrent, et lorsque, après la révolution de Juillet, la duchesse de
Berry vint chercher en Vendée des défenseurs pour le trône de son fils,
elle n'en trouva qu'un petit nombre. La prised'armes de 1 ~'32, mal orga-
nisée et insuffisamment préparée, aboutit à l'héroïque défense de la
Pénissière et à la captivité de la princesse livrée par Deutz.
Ici naturellement s'arrête l'œuvre de l'abbé Den'au, œuvre magis-
trale dont les recherches du curé de Saint-Macaire, de Dom Chamard
et de M. l'abbé Uzureau, appuyées sur des documents récents ou iné-
dits, ont fait une œuvre absolument nouvelle, enrichie de curieuses
illustrations et complétée par une carte générale du théâtre de la
guerre et des cartes des principaux champs de bataille.
Max. de la Rocheterie.
— 250 —
IVu|»oléon et rRlirn.te. Austerlitz. fja Fin «lu Saint-
Empire (t^O 1-1 1^06). par ÉDOUAKD Driault. Paris, Alcan, 1912,
in-S de 492 p. — Prix : 7 fr.
IVapoléon et l'Europe. lia B'oliticiue extérieure de ]V.<«po-
léoei I^', d'après les iravaUx récents, par le inèiiie. Paris, Leroux, 1911,
in-8 (16 44 p. (Extrait des Annales révolutio7inai7-'!s, jiiillel-soptembre 1911).
lies Itrulots aiifflaiiii en rnclo de l'île d'Aix (1)409), par
J. SiLVKSTRE. P.iris, Savaète. 1912, in-8 de xv-2o2 p. — Prix : 3 fr. 50.
IVapoléon et les Invalide»^, par le général Niox. Paris, Delagrave,
s. d., gr. in-4 de 152 p., avec iiii frontispice et 40 pi. — Prix : 30 Ir.
Kinéraire général de Napoléon I'^^ par Albert Schubrm\ns.
2' édition. Piiris, Jouve, 1911, gr. in-8 de xi-464 p. — Prit : 7 fr. 50.
IKiblio^rapliie du temps de IVapoléon, eomprenânt l'Iiis-
toire des États-Uni.^, par Frédbkic-M. Kirgheisbn. II. Première
partie. I\'apoléon et sa Famille. Mémoires, correspondances, biographies-
Paris;, Champion; Genève, Kircbeisen ; Londres, S. Low, Marstoo, l912i
gr. in-8 de 208 p. - Prix : 10 fr.
Ilîbliographle napoléonienne française jusqu'en 190S,
par Gustave Davois. T. III (N-Zi. Paris, l'Édition bibliographique. 1911,
in-8 de 249 p., avec portrait. — Prix : 30 fr.
M. Edouard Driault continue la série d'études qu'il a entreprises
sur Napoléon et l'Europe en un second volume qui a pour sujet :
Austerlitz. La^ Fin du Saint-Empire 1804-1806, et fait exactement
suite au premier, dont le Polybihlion a rendu compte : La Politique
extérieure du Premier Consul, 1800-1803. Il a exprimé ainsi lui-même
l'origine et le caractère de l'idée générale qui dirige son esprit en cette
vaste carrière : « En écrivant la Question d'Orient, il y a une douzaine
d'années, j'avais noté le rôle capital qu'y avait joué Napoléon en arrê-
tant la poussée russe sur Constantinople. J'ai voulu rechercher les
raisons de cette politique et en préciser les épisodes : l'histoire de
la Politique orientale de Napoléon (1806-1808) m'a obligé à constater
que les ambitions impériales de Napoléon étaient de nature à embras-
ser tout le domaine méditerranéen, et que par conséquent l'Italie et
Rome y avaient dû tenir la première place : je me suis confirmé dans
cette impression en écrivant Napoléon en Italie (1800-1812). Enfin
il m'a paru qu'il y avait quelque chose d'arbitraire et qu'il pouvait
y avoir quelque risque d'interprétation forcée à découper l'œuvre
extérieure de Napoléon par morceaux si importants qu'ils fussent dans
l'ensemble de sa carrière, et j'ai donc rêvé de reconstituer la pnisée
de Napoléon en matière de politique extérieure. » — Précédé d'une
Bibliographie intÛTcssante, le volume sur Austerlitz et la Fi?i du Saint-
Empire comprend trois livres et dix chapitres intitulés : Livre pre-
mier. Le Sacre (180'j). Chapitre I. Le Saint-Empire. II. Napoléon
empereur (18 mai 1804). III. Le Sacre de Notre-Dame (2 décembre
1804). — Livie II. Austerlitz (1805). Chapitre IV. Le Couronnement
de Milan (mai 1805). V. La Troisième Coalition (août 1805). \L
— 251 —
Austerlitz-Schœnbrunn ei Prcsbourg (fk'cembrc 1805). — Livre III.
L'Héritage du Saint-Empire (1806). Chapitre VII. L'Organisation
de l'Italie. VIII. La Confédération du Rhin (12 juillet 1806). IX. La
N(''gociation de 1806. X. Vers léna et Tilsit. — Ce serait de la part
do la critique une exigence trop commode pour elle et insoutenable
au fond que de demander à un auteur en pareille matière une infor-
mation complète et une exposition définitive. Il suffit que celle-là
soit ample et solide et celle-ci instructive dans son ensemble. C'est le
cas pour l'ouvrage de M. Driault, principalement fondé sur les ar-
chives de notre ministère des affaires étrangères. Il renferme, de plus, ,
sur tel et tel point des détails d'un grand intérêt, par exemple sur
l'état politique et social de l'Allemagne d'alors et même de l'Alle-
magne antérieure. Il y a lieu évidemment à discussion sur les appré-
ciations et les vues de l'auteur, en contradiction à certains égards, et,
selon nous, non sans raison, avec certaines thèses du regretté Albert
Sorel. Mais il y a lieu aussi de tenir grand compte de la plupart de
ses observations. La principale réserve à faire ici se rapporte aux
doctrines, aux tendances philosophiques et politiques de l'auteur,
dont la marque se retrouve en ce volume, quoique moins accentuée
que dajis ses précédentes études sur le même sujet. Son style mérite
de grands éloges pour son absence de recherche, pour sa netteté, sa
vigueur et sa précision.
— On prend une idée encore plus claire de l'entreprise de M. Driault
et comme une anticipation des volumes futurs où il nous en donnera
la suite et l'achèvement, dans son remarquable opuscule : Napoléon
et l'Europe. La Politique extérieure de Napoléon I^^ d'après les tra-
vaux récents. « Il m'a paru utile et intéressant, nous dit-il, de recueillir
les résultats de cette activité nouvelle de la littérature napoléonienne,
de rechercher l'orientation générale qui s'y révèle. Cette étude sera
donc, en bref, un état actuel delà connaissance historique au sujet
de la politique extérieure de Napoléon. On ne sera pas étonné d'y
trouver surtout l'interprétation personnelle que je propose de la
question, où j'admets très bien qu'il y ait encore, et pour longtemps
sans doute, matière à discussion. » Disposé, pour notre part, à tom-.
ber d'acoord avec M. Driault sur plusieurs questions touchées dans
cet opuscule, nous différerions de lui sur d'autres. Tout en reconnais-
sant, par exemple, que les pages intitulées : Napoléon et la Résolu-
tion (p. 29 et suiv.) contiennent des considérations fort intéressantes,
nous né saurions en approuver l'esprit général, non conforme, selon
nous, à la juste interprétation de l'histoire et qui procède d'une doc-
trine d'école philosophique, pour ne pas dire de secte"quasi-religieuse.
Pour les adeptes de cette doctrine, la Révolution n'est pas un ensem-
ble de phénomènes produits par des causes^puissantes et diverses,
— 252 —
mais uiio sorte d'entité métaphysique et mystique réalisée dans leur
imairination en une divinité infaillible et propice. Pure chimère ! —
Nous espérons que cette illusion a priori exercera le moins d'influence
possible sur le recueil périodique récemment fondé par M. Driault :
Revue des études napoléoniennes et dont on trouvera régulièrement
le sommaire dans la Partie technique du PolyhihUon. Le fondateur
a pris pour devise le mot célèbre de Tacite : Sine ira cl studio, et fait
appel au concoure de collaborateurs de toute origine et de toute
opinion. L'impartialité est une qualité plus aisée à proclamer en théo-
rie qu'à mettre en pratique. Puisse l'équité tout au moins être l'ins-
piratrice (le la direction donnée à la nouvelle Revue par M. Edouard
Driault '
— L'une des questions examinées avec soin par l'auteur de Napo-
léon et l'Europe est et sera naturellement le caractère de la longue
lutte soutenue par le dominateur du continent contre la maîtressa
des mers, de l'Empereur contre l'Angleterre. C'est un des épisodes
de cette guerre acharnée qu'a retracé en détail M. J. Silvestre, avec
une très curieuse étude de ses conséquences judiciaires et la produc-
tion de documents très instructifs, dans son volume intitulé : Les
Brûlots anglais en rade de l'île d'Aix (1809). L'ouvrage est de valeur
pour notre histoire maritime; il l'est aussi et peut-être plus encore
pour la connaissance de certaines parties des mœurs administratives
et judiciaires de l'Empire. Le procès des quatre capitaines de vais-
seau traduits en conseil de guerre, qui se termina par l'exécution,
vraiment unique, de l'un d'entre eux, jette une triste lumière sur ce
qui se commettait parfois alors sous le couvert de l'autorité impé-
riale, trop peu préoccupée, dans son énergie impulsive, des droits et
des garanties dûs aux justiciables dans une société chrétienne et civi-
lisée. Dans le cas présent, d'ailleurs, l'opinion de M. Silvestre est que
si « une grande iniquité a été commise à Rochefort en 1809, ... nous
devons mettre hors de cause l'empereur Napoléon » (p. 117). Il a
exposé les faits recueillis par lui avec diligence en douze chapitres :
L Événements antérieurs à 1809. I L Sollicitude de l'Empereur à
l'endroit de Rochefort. IIL Situation de la France en 1809. IV.
L'Escadre Willaumez.V. Les Flottes française et anglaise en présence.
Vl. Attaque par les brûlots. VIL Le Lendemain de l'attaque. VIIl.
Sort fait à nos vaisseaux. IX. Résultats obtenus par les Anglais. X.
Le Ministre de la marine et l'Empereur. XI. Le Procès. XIT. L'Exé-
cution. — Le volume se termine par la publication de « Documents
justificatifs » et par un « vocabulaire des expressions techniques
employées dans cet ouvrage. » — A Sainte-Hélène, Napoléon, cau-
sant avec O'Méara de l'affaire des brûlots, émit ce jugement sur les
deux chefs en présence : « L'amiral français était un imbécile, mais
le vôtre était tout aussi médiocre. » (p. 66).
— 253 —
' ' — Les^ombres qui obscurcissent la gloire de Napoléon et les bien-
faits de son régime doivent être fidèlement reproduites par le pinceau
inexorable de Thistoire. Mais les côtés épiques de cette gloire sont une
part capitale de l'honneur national et, surtout au point de vue
militaire, il est utile do les maintenir en plein relief. C'est l'objet
que s'est évidemment proposé le général Niox dans son magnifique
volume, véritable œuvre d'art : Napoléon et les Invalides. « Le livre
que nous présentons, dit-il, nu pas les prétentions do l'histoire...
Napoléon aimait à venir aux Invalides. La trace de son passage s'y
retrouve partout. C'est aux Invalides qu'il s'est essayé pour la pre-
mière fois à son rôle d'Empereur, en distribuant les dtcoiations de
l'ordre de la Légion d'honneur qu'il venait de fonder; c'est aux
Invalides qu'il repose. C'est dans les galeries de l'édiiice que se re-
cueille pieusement et se conserve une grande partie des reliques
glorieuses ou intimes de sa vie militaire et privée. Montrer ces reli-
ques, les commenter, faire revivre, par les pensées qu'elles suggèrent,
le grand homme qu'elles rappellent, tel est le but de ce livre. Il est
divisé en deux parties : L'Hôtel des Invalides. — Napoléon. La pre-
mière partie est consacrée au majestueux monument devenu la sépul-
ture de Napoléon et dans les pierres duquel sont venus successive-
ment s'enchâsser les souvenirs du législateur et de l'homme de
guerre... La deuxième partie est consacrée à l'Empereur. Il est mon-
tré législateur, chef d'État, chef de guerre. On suit les manifes-
tations de son puissant esprit dans ses actes publics, militaires et
politiques; on pénètre quelquefois dans l'intimité de -sa vie. Pour que
le portrait restât sincère, si incomplet qu'il fût, on a conservé les
ombres qui en rendent plus lumineuses les parties éclairées. » Nous
devons ajouter que ces ombres, que l'auteur est très louable de
n'avoir pas omises, sont tracées ici d'une main légère. Le portrait
que nous présente le général Niox, c'est Napoléon vu en beau. L'his-
toire proprement dite devrait être plus sévère. Nous sommes heureux,
d'ailleurs, de noter le talent de plume du général. La splendide illus-
tration qui accompagne son exposé constitue un intéressant musée
militaire et napoléonien.
— L'un des traits principaux et caractéristiques du génie et du
tempérament de Napoléon, c'est son effrayante activité d'esprit et de
corps. Elle n'éclate nulle part de plus étonnante façon que dans le
tableau, pour ainsi dire cinématographique, de sa carrière qu'offre
à nos regards cet excelLnt, ce merveilleux répertoire historique et
critique : Itinéraire général de Napoléon I^^, par M. Albert Schuer-
mans. L'éloge n'en est plus à faire. La seconde édition, augmentée
et améliorée, et pourtant réduite de prix, recevra l'accueil qui lui
est dû. L'auteur a entre tous bien mérité des études napoléoniennes.
— 254 —
— On cil peut dire autant, quoique à un degré moindre, de M. Fré-
déric JM. Kirclieisen, pour sa Bibliographie du temps de Napoléon
(Cf. Polybiblion, octobre 1909, t. CXVI, p. 332-333). La première
partie du tome II, qui vient de paraître, comprend la quatrième
section : Napoléon et sa jamille et le commencement de la cinquième :
Mémoires, correspondances , biographies.
— Entre autres avantages, la Bibliographie napoléonienne fran-
çaise jusqu'en 1908, par M. Gustave Davois, a celui d'être maintenant
achevée. Nous en avons signalé naguère les deux premiers volumes
ou fascicules (Polybiblion, avril 1911, t. CXXI, p. 300-301). Le troi-
sième et dernier va de la lettre N à la lettre Z. On y remarque
les articles consacrés à Napoléon I*^^ \\xi-\\\êm.Q, — où l'en trouve en
particulier la reproduction intégrale de la lettre à Buttafuoco et du
souper de Beaucaire; — à Napoléon III et au prince Napoléon ( Victor);
celui-ci renfermant in-extenso les allocutions, lettres et manifestes
politiques du chef actuel du parti bonapartiste. Parmi d'autres
transcriptions analogues, nous relevons celle du pamphlet bien connu :
Comme quoi Napoléon n'a jamais existé. Il en est de moins utiles,
comme celles de diverses odes sur la naissance du Roi de Rome,
ou d'une plaquette intitulée : L' Avènement de Bonaparte à la couronne,
« composition qui a mérité V Accessit au lycée de Dijon, par Auguste
Pitfond, de la même ville, âgé de 15 ans. y> Ce sont des curiosités. Il
est évident que l'ouvrage de M. Davois n'est pas un chef-d'œuvre de
méthode et de critique. On se demande ce qu'y viennent faire, par
exemple, les livres de M. Albert Soubies sur Y Histoire de la musique.
Mais cette bibliographie est le fruit d'un gros travail et elle sera fort
appréciée pour l'abondance des renseignements de toute espèce qu'elle
renferme. Marius Sepet.
Corresspondauce du conile de la Forkst, anibatiSHdeur de
France en EspAgnc (1»0^-1»I3), publiée pour la Sucielé
u'iiisioire couieinporaine par Gboffuoy de Grandmaison. T. V {(ivril-
décemhre iSH). Paris, A. Picard et tils, 1911, iii-8 de 42"? p. — Prix : 8 fr.
Nous avons rendu compte en leur temps des quatre premiers volu-
mes de cette importante et très intéressante publication. Les qua-
lités que nous avons signalées précédemment, tant dans la forme
que dans le fond de l'ouvrage de M. Geoffroy de Grandmaison, se
retrouvent également dans ce cinquième volume, qui comprend
les neuf derniers mois de l'année 1811. Joseph Bonaparte vient à
Paris pour assister au baptême du Roi de Rome, puis reprend son
poste à Madrid, tandis que continuent à se dérouler les événements
de la guerre, entre autres l'expédition de Valence. Il est impossible
d'analyser un volume plein de détails comme l'est nécessairement
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celui-ci. La Correspondance du, comte de la Forest demande à être
lue en entier, et ce ne sera pas peine perdue, je ne dis pas seule-
ment pour les historiens, mais pour tous les amateurs de lecture
sérieuse et instructive. On revit, à cent ans de distance, une période
extrêmement captivante, et Ton gagne beaucoup à connaître ce
peuple espagnol, que trop d'historiens ou de romanciers nous ont
dépeint sous un faux jour. L'Espagne n'a jamais accepté le jpug de
l'étranger, ni un gouvernement qui portait atteinte à ses traditions
essentiellement catholiques. Nous la revoyons sous Napoléon telle
qu'elle s'est montrée jadis dans ses guerres séculaires contre les
Maures : tant qu'elle n'aura pas reconquis son indépendance natio-
nale et sa liberté religieuse, elle luttera par tous les moyens et ne
se déclarera jamais domptée. Ce sont là, des enseignements de
l'histoire qu'il est précieux de recueillir. Oserons-nous faire un léger
reproche à M. Geoffroy de Grandmaison d'orthographier certains
noms propres à la façon française, tels que Santiguesa pour Santi-
giiesa,Iacca pour Jaca? Mais ce reproche est de bien minime impor-
tance, quand on considère la somme de travail consciencieux et
patient qu'a dû coûter à l'auteur la rédaction de son ouvrage monu-
mental. G. Bernard.
WjO» Anglais à Paris, 1S00-1S50, par Roger Bgutkt de Mon-
VEL. 2« eil. .Pans, Plon-Nouirit, 1911, petit iii-8 de vi[-3'/6 p. — l'rix : 5 fr.
La paix d'Amiens précipita en France une foule d'Anglais curieux
de visiter un pays récemment bouleversé par de terribles événe-
ments et qui leur était fermé depuis tantôt dix ans. « Je crois, écri-
vait l'un d'eux, qu'il n'y a jamais eu à Paris autant d'Anglais
qu'en ce moment. « Pour un assez grand nombre d'entre eux, le
séjour en France se prolongea de façon imprévue et désagréable;
déclarés prisonniers de guerre en 1803, ils durent attendre la chute
de l'Empire dans les diverses villes de province (généralement des
villes fortifiées) où on les interna. A la première et surtout à la
seconde Restauration, l'occupation de notre capitale par les troupes
britanniques s'accompagne d'une nouvelle arrivée de voyageurs an-
glais; les soldats de Wellington sont assez bien supportés par la popu-
lation; les officiers, les diplomates, les grands seigneurs et les gens
du monde se voient reçus à bras ouverts à la Cour, dans la noblesse,
dans d'autres milieux même où souvent se renouent des liens contrac-
tés pendant l'émigration. Pour toute la haute société anglaise, Paris
redevient, et à un plus haut degré que jamais, le rendez-vous à la
mode; cette société se mêle à la société française, et une partie se
plaît si fort chez nous qu'elle s'y établit à demeure. Des raisons
fort diverses grossissent la colonie d'éléments assez disparates; lieu
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do plaisirs faciles et peu mciraux pour les uns, Paris est pour les
autres un refuge eontre des eréanciers trop pressants, ou bien encore
\u) asile où l'on peut soit cacher sa ruine, soit au moins vivre plus
simplement et à meilleur compte qu'en Angleterre; certains par-
venus espèrent y frayer plus facilement qu'ailleurs avec des compa-
triotes mieux nés. Dans le monde, les iVnglais les plus distingués et
les plus brillants jouissent d'un prestige singulier, prestige qui, sur-
tout après 1830, les recommande à limitation des gens à la mode.
Alors commence ou au moins se développe l'engouement pour les
mœurs, les usages, le confort britanniques; alors naissent chez nous
les clubs à l'anglaise, s'introduisent les courses de chevaux et les
assauts de boxe; le « gentleman » devient le modèle sur lequel le
Français s'efforce d'ajuster son attitude, ses manières et ses goiits;
tout le règne de Louis-Philippe est une période d'anglomanie et l'on
Sait que depuis lors, au moins en certaines matières, Londres n'a
cessé de donner le ton à Paris. Le livre de M. Boutet de Monvel,
fondé principalement sur des correspondances et des Mémoires anglais
et français, retrace fort agréablement l'histoire des Anglais de Paris
et de leurs amis ou disciples; à la fois amusant et bien informé, il
abonde en anecdotes plaisantes et en traits curieux; il met en scène
quantité de personnages connus et aussi d'originaux. Un chapitre
intéressant est consacré au. séjour de Thackeray parmi nous et à
l'opinion qu'il s'y fit des Français, opinion, on le sait, fort dure au
point de vue moral, plus favorable à d'autres égards. Peut-être M.
Boutet de Monvel eût-il j)u faire ressortir davantage combien, eu
dépit de l'anglomanie, l'imitation de l'Angleterre est restée en somme
superficielle et extérieure, et surtout à quel point, tout en coudoyant
tant d'Anglais, les Français de ce demi-siècle ont en vérité continué
d'ignorer presque tout de l'Angleterre, de ses mœurs, de sa littérature,
de tout ce qui constitue proprement l'âme anglaise. Contact l>ien
plus que pénétration, voilà ce que furent les rapports des deux socié-
tés chez nou , mais il est vrai que le contact fut, dans certaines
régions, tout au moins très étroit, et il valait assurément la peine
d'observer la juxtaposition de deux tj'pes nationaux si différents et
les empi-unts, même légers, que l'un a faits à l'autre.
A. Barbeau.
Histoire de l'Italie moderne (t9&0-l9lO), par Pirtbo Orsi;
Irad. de Hknri Bbrgmann- Paris, Oolin, 1911, petit iu-12 de xn-448 p. —
Prix : 5 fr.
M. Orsi a réussi à donner en 450 pages une histoire sommaire et ce-
pendant vivante et intéressante de ces cent soixante années, si rem-
plies et si diverses, de la vie du peuple italien, et surtout il a rétabli
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dans son exposé ce sentiment du synchronisme dont l'excellent
Lekrbiich de Tivaroni, plus ancien d'ailleurs, est si fâcheusement [dé-
pourvu. C'est là un double mérite d'ensemble dont il faut le louer.
Il en a un autre : c'est d'avoir franchement adopté le point de vue
nationaliste italien et réduit sans ambages l'importance du Pôle
de Napoléon III. Je crois qu'il le diminue trop, mais je le félicite
de nous le montrer tel que ses compatriotes se le figurent, par
amour-propre national ou par intérêt politique de p^arti. .Constater
cette différence d'opinions permettra peut-être à quelques Français
de mieux comprendre le vrai caractère des évolutions ultérieures
de l'Italie, et de renoncer à ce ridicule reproche d'ingratitude que
la presse française lui a si souvent adressé. En somme^ le manuel
d'Orsi devra faire abandonner celui de Crozals et soutiendra hono-
rablement la comparaison avec le manuel anglais (traduit en fran-
çais) de Bolton King. On me permettra cependant de lui préférer
pour la hauteur des vues, l'ampleur des synthèses et la beauté de
la forme oratoire, les leçons sur le Risorgimento de l'éminent • Jljis-
torien Costanzo Rinaudo.
Les matières sont ici réparties en vingt chapitres, dont le pre-
mier, tableau de l'Italie pendant la seconde moitié du xviii^ siècle,
n'est à vrai dire, qu'une Introduction. Les temps de la Révolution
française, de la domination napoléonienne, qui alimentent chacun
un volume entier de la publication Vallardi, sont résumtjs icii en
deux chapitres et en trente pages. Les chapitres IV à VI (Res-
tauration — premiers mouvements -r- dix ans de réaction) embrassent
les années 1815 à 1830. Aux chap. VII et VIII apparaissent Mazzini
et la Jeune /ia/i'e, les Bandiera, Gioberti, Balbo, l'opinion publique,
l'idée unitaire et républicaine. L'époque de Charles- Albert et de
1848 occupe les chapitres IX à XI (Des réformes à la Révolution,
guerre de 1848, guerre de 1849). La plus longue période, celle des
réalisations et de la formation de l'unité monarchique, qui occupe
les vingt premières années du règne de Victor-Emmanuel II, rempHt
cent pages et cinq chapitres : l'auteur s'y niontre essentiellement
italien et adversaire déterminé des anciens gouvernements, mais
il en parle toujours avec beaucoup de modération. Il se montre
d'ailleurs très au courant des publications documentaires italiennes
et étrangères les plus récentes. Sur Cavour et Garibaldi, comjne
sur pie IX et François II, son langage est toujours impartial.
Trois chapitres résument les quarante aimées 1870-1910 et four-
nissent un précis très exact des premières épreuves de l'Italie réu-
nie, jeune nation qui a rapidement pris les tares financières et
morales des plus anciennes. Une étrange erreur a fait reléguer en
un chapitre final le tableau du développement des lettres et des
Mars 1912. T, CXXIV. 17.
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arts. Nulle